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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 19 mai 1994, n° 92-6364

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Addit (SA)

Défendeur :

Mayday Graphic (Sté), Mayday PAO (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Taze Bernard Belfayol Broquet, SCP Duboscq Pellerin

Avocats :

Mes Trouchet, Pequin.

T. com. Paris, ch. suppl., du 7 janv. 19…

7 janvier 1992

La SA Addit, entreprise de travail temporaire a diffusé aux mois de juillet et septembre 1993 des messages publicitaires sous forme d'envois en nombre (dits " mailling ") à destination de ses clients potentiels.

Le tract d'Addit était ainsi conçu :

" A lire impérativement avant de réaliser votre cocotte en papier

Pourquoi Choisir Addit plutôt que... ?

1 - parce que nos intérimaires ne sont pas " parachutés " par hasard chez vous, et qu'ils ne " planent " pas à 5000 pieds alors que vous êtes à la bourre.

2 ...

3 ...

4 ...

A présent vous pouvez réaliser votre (suit le dessin d'une cocotte en papier) "

S'estimant dénigrés par le texte de ce tract, les Stés Mayday Graphic et Mayday PAO (ci-après dénommés ensemble " les sociétés Mayday ") ont assigné Addit en concurrence déloyale,

Les 1ers juges ont condamné Addit à payer à chacune des sociétés Mayday une somme de 25000 F à titre de dommages et intérêts et de 5000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

Addit a relevé appel de ce jugement dont elle sollicite la réformation. Elle demande une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC. Elle fait valoir d'une part que le texte incriminé ne vise aucune société concurrente, et, en conséquence ne caractérise pas un dénigrement constitutif de concurrence déloyale et d'autre part qu'aucun préjudice ne peut être relevé.

Les Sociétés Mayday concluent à la confirmation du jugement. Elles sollicitent une somme de 10.000 F chacune en vertu de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

Qui pour plus ample exposé se réfère au jugement entrepris et aux écritures des parties.

Sur le dénigrement

Considérant qu'il est constant que les sociétés en cause sont des entreprises de travail temporaire, ayant leur siège à Paris et dont l'activité concerne particulièrement le graphisme, la publicité et la PAO

Qu'elles sont donc en situation de concurrence ;

Considérant que les intimées ont, pour les besoins de leur publicité, adopté, à partir du mois de mai 1990, le thème du parachutisme et notamment du saut en tandem, qui évoque, selon elles, l'entente et la coordination entre des personnes qui s'élancent ensemble et rappelle que le parachute est un mode d'intervention rapide et de sauvetage dans les circonstances les plus diverses et les plus difficiles ;

Qu'elles précisent qu'elles ont fait des investissements importants, notamment pour réaliser et diffuser la photographie d'un client et d'un intérimaire sautant ensemble en parachute, et en justifient par les pièces versées aux débats ;

Considérant que les intimées ont estimé qu'elles étaient suffisamment désignées pour être identifiables à tout le moins dans le milieu professionnel où elles exercent leur activité par la référence directe au thème du saut en parachute ;

Considérant que les auteurs du tract ont, à l'évidence, délibérément cherché à faciliter ce rapprochement en plaçant les mots " parachutés " et " planent " entre guillemets;

Que l'emploi de ce signe de ponctuation souligne, en outre, que ces termes doivent être pris dans un sens familier et imagé, mais aussi péjoratifs, le parachutage évoquant ainsi une arrivée inopinée et sans préparation et le mot " planer " un certain éloignement de la réalité et de l'action;

Considérant qu'ainsi, les intimées ont à juste titre estimé qu'elles étaient aisément reconnaissables pour la plupart des professionnels susceptibles de recourir à leur services et particulièrement pour ceux qui avaient eu connaissance de leur publicité, l'allusion à leur thème publicitaire étant suffisamment claire pour produire le même effet que leur désignation nominative;

Considérant que même si le tract incriminé adopte un ton humoristique et ne contient aucune imputation précise et de nature à être prise au sérieux, le fait de tourner en dérision le personnel des intimées auprès de leurs clients potentiels tend à discréditer le travail de celles-ci et constitue un acte de concurrence déloyale par dénigrement;

Sur le préjudice

Considérant que ces actes de concurrence déloyale ont nécessairement généré un préjudice matériel à l'encontre des intimées qui ont demandé la confirmation de la somme modérée allouée par les 1ers juges, que le montant de cette somme sera confirmé ;

Considérant qu'en équité il sera alloué aux intimées une somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, première instance et appel confondus ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré ; Y ajoutant : Condamne la Société Addit à payer à chacun des intimées la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, première instance et appel confondus ; La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du NCPC par la SCP TazeBernard Belfayol Broquet.