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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 18 mai 1994, n° 3274-92

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eppel (SARL), Futurodiff (SARL)

Défendeur :

Monseigneur (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lerner (faisant fonction)

Conseillers :

M. Andrault, Mlle Mechiche

Avoués :

SCP Paille-Thibault, SCP Musereau-Drouineau-Rosaz

Avocats :

Mes Bouvier, Reye, Cousin.

T. com. Chatellerault, du 9 sept. 1992

9 septembre 1992

Faits procédure et prétentions des parties :

La société Somfy II après avoir fusionné-absorbé la société Bipel, a introduit devant le Tribunal de Commerce de Chatellerault, une action en concurrence déloyale contre la société Futurodiff et Eppel aux fins de voir cesser et réparer leurs prétendus agissements fautifs.

Par jugement en date du 9 septembre 1992, le tribunal a fait droit aux demandes de la Somfy II en disant que la société Futurodiff a diffusé indûment une publicité et que la société Eppel a émis et diffusé indûment des tarifs reproduisant la dénomination ex Bipel.

En conséquence, la société Futurodiff et Eppel ont été condamnées à cesser leurs agissements sous astreinte de 1000 F pour chacune d'elles par infraction constatée postérieurement à la signification du jugement et a condamné Futurodiff et Eppel à payer chacune la somme forfaitaire de 20 000 F à titre de dommages et intérêts avec publication dans cinq journaux ou périodiques, outre 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société Futurodiff a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour de le réformer en déboutant la société Somfy de ses demandes, en la condamnant à payer une somme de 50 000 F pour procédure abusive, en constatant qu'il y a eu rupture des relations contractuelles préexistantes en conséquence de quoi, il est demandé condamnation à payer une somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts outre 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La Société Eppel demande réformation du jugement déféré en déboutant la société Somfy de ses demandes en la condamnant à payer une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

En réponse, la société Somfy II demande confirmation du jugement déféré outre 500 000 F à titre de dommages-intérêts à charge de la société Futurodiff pour rupture abusive des relations commerciales outre 500 000 F à charge des sociétés Futurodiff et Eppel à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés du fait de la concurrence déloyale.

Il est sollicité paiement d'une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Attendu qu'il est constant qu'au mois de novembre 1989, la société Somfy II a absorbé par fusion la société Bipel qui avait pour activité la fabrication et la vente de systèmes de motorisation de moteurs pour ouverture de portes et de portails ainsi que des systèmes d'asservissement permettant la commande à distance de ces portes et portails.

Attendu qu'il est justifié que l'acte de fusion permettait à la société Somfy II d'utiliser l'enseigne, le sigle, le nom commercial de la société absorbée ; il y avait transmission de la clientèle avec bénéfice et charges de tous les accords, traités, marchés et contrats relatifs à l'exploitation du fonds absorbé.

Il n'est pas contesté que cette fusion a fait l'objet d'une publicité régulière.

Attendu que la société Somfy II a soutenu devant les premiers juges et en cause d'appel que les sociétés Futurodiff et Eppel ont tenté de s'approprier la notoriété qu'avait acquis l'ancienne société Bipel absorbée.

Attendu qu'il faut constater que la société Eppel a un rôle de fabrication tandis que la société Futurodiff a un rôle de diffusion.

Sur le comportement de la société Futurodiff :

Attendu qu'au soutien de son appel cette société invoque des relations commerciales anciennes et continues constitutives de l'existence d'un " contrat cadre " avec toutes suites et conséquences de droit ;

Attendu que les pièces communiquées par la société Futurodiff créée en mai 1989, sont significatives de relations commerciales interrompues en novembre 1989, date de l'absorption de la société Bipel par la société Somfy II ;

Attendu qu'il est justifié par les factures produites aux débats que la société Somfy II a vendu à la société Futurodiff des moteurs et des accessoires lorsque commande il y avait ; il convient de remarquer que la société Somfy II n'a jamais vendu à la société Futurodiff des moteurs assurant l'automatisme de l'ouverture des portes et portails ;

Attendu qu'il n'est point justifié en l'espèce d'une convention valant promesse d'achat ou de vente dans un temps et un espace déterminés ;

Attendu qu'à défaut de justifier de l'existence du contrat, la société Futurodiff sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts fondée sur la rupture abusive ;

Attendu qu'il est produit aux débats un hebdomadaire gratuit en date du 20 mars 1991 faisant état d'une publicité pour des systèmes de motorisation de portails intitulée " matériel Futurodiff-Bipel " ; que cette publicité reproduit un schéma du portail électrique parfaitement semblable à ceux diffusés par la société Bipel ;

Attendu qu'il est encore justifié d'une publicité effectuée par la société Futurodiff à l'occasion de la soixante-dixième foire de Tours, et ce, dans un stand avec une pancarte indiquant le nom Bipel et représentant le schéma sus-indiqué ;

Attendu qu'il n'échappera à personne que seule la société Somfy a acheté la société Bipel et est autorisée à diffuser les produits et à utiliser le nom ;

Attendu que ces agissements sont constitutifs de concurrence déloyale permettant de faire croire à la clientèle que la société Futurodiff est le successeur de la société Bipel ;

Attendu qu'il est justifié enfin que la société Futurodiff a utilisé le logo Bipel pour sa propre publicité ;

Attendu qu'au soutien de son moyen de défense la société Futurodiff produit aux débats une attestation d'un certain Monsieur Landz ancien gérant de la société Bipel aux termes de laquelle les sociétés appelantes " pouvaient faire état dans leur support publicitaire des produits commerciaux Bipel " ;

Attendu que si, tel était le cas, avant la fusion-absorption il n'est plus possible d'agir ainsi, après ladite fusion ;

Sur le comportement de la société Bipel :

Attendu que cette société soutient être seule capable de satisfaire les besoins de la société Somfy II en ce qui concerne la fabrication des produits électroniques, et, que par voie de conséquence, le sort des deux sociétés " Somfy II et Eppel " était lié ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société Somfy II a acheté à la société Eppel la centrale électronique au moment de l'achat Bipel ; qu'il est cependant justifié qu'il y avait un autre fournisseur, la société Aita, qui a établi 11 factures courant 1989 et 1990 ; qu'il n'y avait donc point, comme il est soutenu, exclusivité de fournitures ;

Attendu qu'il convient de rappeler que la Cour n'est pas saisie d'une action en contrefaçon de marque ou en responsabilité contractuelle mais d'une action en responsabilité délictuelle pour des agissements constitutifs de concurrence déloyale ; il n'y a pas lieu de s'en tenir exclusivement à l'utilisation de la nomination " Bipel " mais à des agissements permettant d'entretenir la confusion dans l'esprit de la clientèle ;

Attendu qu'il est justifié que la société Eppel a diffusé son tarif sous l'indication suivante :

" Prix professionnels confidentiels " ex Bipel "; que sous cette dénomination ont été présentés des produits Somfy et plusieurs produits Eppel;

Attendu que s'ajoute à cette confusion, celle relative à la dénomination sociale (Eppel-Bipel) choisie intentionnellement pour la ressemblance;

Attendu que la société Somfy II produit aux débats la justification de ce que cette confusion a eu pour effet de destiner par erreur des courriers qui auraient dû parvenir à la société Eppel ;

Attendu que ladite société Eppel justifie son comportement en reconnaissant dans ses conclusions son droit à utiliser la dénomination ex-Bipel par le fait que la société Somfy II n'utilisait plus de cette dénomination ;

Attendu qu'il n'est pas inutile de rappeler que la société Somfy II a conservé à Paris la même adresse et le même numéro de téléphone que la société Bipel ; que la société Somfy II compte tenu du contrat d'absorption fusion doit assurer le service après-vente des produits Bipel et doit informer la clientèle sur le suivi des produits vendus ;

Attendu qu'il faut rapprocher le comportement de ladite société Eppel avec celui de la société Futurodiff, laquelle faut-il le rappeler a effectué une publicité mentionnant le nom de Bipel au lieu d'indiquer le nom " ex-Bipel " ;

Attendu qu'il est donc établi que du fait de leurs agissements abusifs les deux sociétés appelantes ont tenté de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle en captant la notoriété acquise par la société Somfy II et son prédécesseur la société Bipel;

Attendu qu'eu égard à la durée des agissements et à leur impact sur le chiffre d'affaire de la société Somfy II, la Cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour fixer le préjudice subi par la société Somfy II à la somme de 100 000 F ; que les sociétés Eppel et Futurodiff seront condamnées à payer solidairement ladite somme ;

Attendu que la société Futurodiff sera déboutée de sa demande reconventionnelle pour rupture des relations contractuelles, à défaut d'avoir justifié de l'existence d'un contrat ou d'un refus de vente ;

Attendu que le jugement déféré sera confirmé sur la responsabilité et sur la cessation des agissements, sur astreinte et sur la publication de la décision judiciaire ;

Attendu que la société Eppel et la société Futurodiff seront condamnées à payer à la société Somfy II la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et que la société Futurodiff sera déboutée de sa demande reconventionnelle ;

Attendu qu'eu égard à l'équité les sociétés Futurodiff et Eppel seront condamnées à payer à la société Somfy II en première instance et en appel, une somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Attendu qu'il convient de donner acte à la société Somfy II de son changement de dénomination et siège social (société anonyme Monseigneur) ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant sur l'appel principal et incident, Confirme le jugement déféré en ce qui concerne la déclaration de responsabilité, la cessation des agissements sous astreinte et la publication de la décision judiciaire, Déboute la société Futurodiff de sa demande en paiement de dommages-intérêts, Statuant à nouveau, Condamne conjointement et solidairement la société Eppel et la société Futurodiff à payer à la société Monseigneur la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, Condamne conjointement et solidairement les sociétés Futurodiff et Eppel à payer à la société Monseigneur la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et ce pour frais irrépétibles de première instance et d'appel, Condamne conjointement et solidairement les sociétés Futurodiff et Eppel aux dépens de première instance et d'appel et Autorise la SCP Musereau-Drouineau-Rosaz à recouvrer directement les frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.