CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 28 mars 1994, n° 91-18502
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Office Néerlandais des produits Laitiers
Défendeur :
Fleurs Éclairs (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carrie
Conseillers :
M. Degrandi, Mme Cordas
Avoués :
SCP Primout & Faivre, Me Giacometti
Avocats :
Mes Lombard, Deflers.
Exposé du litige
L'Office Néerlandais des Produits Laitiers (ONPL), titulaire de la marque " La Hollande, L'Autre Pays du Fromage " utilisée dans le cadre d'une campagne publicitaire destinée à promouvoir les produits fromagers de cet Etat, a interjeté appel d'un jugement du 25 octobre 1991 par lequel le tribunal de commerce d'Antibes a rejeté sa demande d'indemnisation et l'a condamné à payer à la société Fleurs Eclairs (SFE), qui avait utilisé le slogan " La Côte d'Azur, L'Autre Pays de la Tulipe ", une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Il souhaite la réformation, la condamnation de l'intimée à verser 200 000 F de dommages-intérêts ainsi que 50 000 F pour débours non remboursables.
Il expose :
- qu'il utilise régulièrement le slogan litigieux depuis 1981 pour les besoins de campagnes publicitaires dont le coût s'élève à 13 434 000 F ;
- que l'appropriation par imitation de celui-ci pour bénéficier de sa notoriété caractérise une faute dont l'auteur doit répondre ;
- que le préjudice réside dans la diminution de l'efficacité des campagnes.
SFE sollicite la confirmation, 100 000 F pour procédure abusive et 100 000 F pour frais non répétibles.
Elle soutient :
- que la protection de la marque de ONPL ne s'étend pas aux fleurs tandis que l'imitation n'emporte aucune confusion dans l'esprit du public de sorte que ni la contrefaçon, ni l'imitation illicite de marques ne sont caractérisées ;
- qu'il n'y a plus de concurrence déloyale ou de parasitisme car ONPL et SFE ne sont pas dans un rapport de concurrence ;
- que le slogan n'est pas original tandis qu'une simple idée n'est pas protégeable ;
- que le préjudice n'existe pas.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien dans les dossiers ne conduit la cour à le faire d'office.
Sur la recevabilité des écritures du 22 février 1994
ONPL a déposé des conclusions le 22 février 1994. Elle n'invoque aucune cause grave susceptible de permettre de révoquer l'ordonnance de clôture de la mise en état des causes rendue le 24 janvier 1994. Les écritures concernées sont donc irrecevables en application de l'article 783 du Nouveau code de procédure civile.
Sur la responsabilité
ONPL n'invoque ni le droit des marques, ni la législation sur les droits d'auteur, ni les règles particulières, à l'action en concurrence déloyale, mais, fondamentalement, la responsabilité délictuelle dont le régime est fixé par les articles 1382 et 1383 du Code civil.
Les considérations de SFE sur l'étendue de la protection de la marque, l'absence de contrefaçon qui en résulte, l'impossibilité de caractériser l'imitation illicite faute de conclusion dans l'esprit du public, l'inexistence d'un rapport de concurrence ou la banalité du slogan utilisé par l'appelant sont en conséquence indifférentes à la solution du litige.
La seule question qui se pose est de savoir si les conditions d'application des textes précités sont ou non réunies.
Or, il n'est pas dénié et à vrai dire établi par le dossier de presse versé aux débats que ONPL axe depuis plusieurs années les campagnes de promotion des produits fromagers hollandais autour du slogan ci-dessus invoqué.
L'imitation de celui-ci, indéniablement réalisée par la mise en œuvre du slogan " La Côte d'Azur, L'Autre Pays de la Tulipe ", qui n'est que l'adaptation du précédent aux produits commercialisés par SFE, pour les besoins d'une publicité, dans le but évident de profiter à moindre coût de l'impact des campagnes promotionnelles de ONPL, caractérise une faute au sens de l'article 1382 du code précité.
SFE doit répondre des conséquences dommageables de celle-ci.
Or, son comportement, en banalisant l'utilisation du slogan choisi par l'appelant, a pour le moins fait perdre à ce dernier une chance de maintenir l'effet escompté de ses campagnes et de rentabiliser les investissements réalisés dans le cadre de celles-ci .
Les éléments d'appréciation soumis, dont l'importance et l'ancienneté de l'emploi du slogan mais également la brièveté des agissements fautifs de SFE, permettent à la cour de fixer l'indemnité compensatrice de cette perte à la somme de 30 000 F.
Sur les demandes accessoires
Celles de l'intimée sont, compte tenu de la décision sur le principal, privées de fondement.
SFE qui succombe, doit supporter les débours non remboursables et les dépens.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Prononce d'office l'irrecevabilité des écritures déposées après clôture de la mise en état des causes par ONPL ; Réforme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Condamne SFE à payer à ONPL une indemnité de trente mille francs (30 000 F) ainsi que quinze mille francs (15 000 F) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres prétentions ; Condamne SFE aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP d'avoués Primout-Faivre au bénéfice de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.