Livv
Décisions

Cass. com., 15 mars 1994, n° 91-13.523

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Boulogne distribution (SA)

Défendeur :

Parfums et Beauté de France et Compagnie (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat, Me Ryziger.

T. com. Nanterre, du 9 oct. 1987

9 octobre 1987

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 5 février 1991) que le 30 mai 1985, le président du tribunal de commerce de Nanterre a enjoint, sous astreinte, à la société Boulogne distribution, de cesser de mettre en vente, dans un magasin à l'enseigne Leclerc, des produits de la société Guy Laroche et de la société Lancôme, a ordonné une saisie et désigné un huissier pour rechercher d'autres points de vente ; que le 28 mai 1986, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision ; que le 11 janvier 1989, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Dijon ; que le 16 octobre 1990, la cour d'appel de Dijon a réformé l'ordonnance de référé du 30 mai 1985 en décidant qu'il ne pouvait pas être fait interdiction à la société Boulogne distribution de commercialiser les produits des sociétés Guy Laroche et Lancôme et a ordonné la mainlevée des mesures de saisie ; que cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi ; qu'entre temps, les sociétés Guy Laroche et Lancôme ont assigné la société Boulogne distribution au fond devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que l'arrêt déféré, statuant sur l'appel formé contre cette décision, après avoir énoncé que l'arrêt de la cour d'appel de Dijon avait rendu lettre morte l'interdiction de vente prononcée par le président du tribunal de commerce en référé et qu'étaient non avenus les constats d'huissier dressés en exécution de cette ordonnance et de l'arrêt qui l'avait confirmé, a réformé le jugement en ce qu'il avait liquidé l'astreinte et l'a confirmé en ce qu'il avait ordonné saisie et confiscation des produits, enjoint cessation de la vente sous astreinte et condamné la société Boulogne distribution au paiement de dommages et intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident : - Vu l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu selon ce texte que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

Attendu que, par arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation (numéro 1725), rendu le 24 novembre 1992, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 16 octobre 1990 a été cassé ; qu'en raison de cette cassation, il s'ensuit qu'en l'état, la saisie et la confiscation des produits et l'injonction de cessation de la mise en vente des produits sous astreinte ne sont pas impossibles ; que l'arrêt rendu le 5 février 1991 par la cour d'appel de Versailles se trouve donc annulé par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 16 octobre 1990 en ce qu'il a réformé le jugement qui avait prononcé la liquidation de l'astreinte, commis un huissier pour procéder à la saisie de documents et factures et ordonné publication ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches du pourvoi principal : - Attendu que la société Boulogne distribution fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné de cesser la vente des produits litigieux et d'en avoir ordonné la saisie et la confiscation alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ayant fondé sa décision sur ces motifs d'ordre général visant la licéité de principe du système de distribution sélective, sans avoir recherché en fait si les parfumeurs Lancôme et Guy Laroche avaient rapporté la preuve, qui leur incombait, de la réunion effective des conditions de licéité et d'étanchéité de leur réseau respectif, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, alors, d'autre part que, au surplus, en affirmant que le " détail de cette mise en œuvre " des principes, gouvernant la licéité et l'étanchéité d'un réseau de distribution sélective, n'aurait " pas été en cause dans le présent débat ", tandis que le distributeur non agréé avait conclu qu'il incombait aux parfumeurs d'" apporter la preuve (...) des exigences formulées dans (leurs) contrats " (et que leur système de distribution sélective) repose sur des critères objectifs de caractère qualitatif, qu'il n'introduit aucune restriction quantitative injustifiée, qu'il ne comporte pas de clauses ayant un objet ou un effet anti-concurrentiel, que les conditions qui s'appliquent à la sélection des distributeurs agréés sont appliquées de manière non discriminatoire et uniforme et qu'elle n'a pas enfin la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie des produits en cause ", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4, 5 et 7 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil ; alors, en outre que, en ayant imputé une " faute délictuelle ", après avoir postulé l'irrégularité de l'acquisition des produits litigieux par le distributeur non agréé, après avoir constaté que ce dernier s'était " gardé de fournir les factures révélant ses sources d'approvisionnement ", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin que, en ayant fondé sa décision sur ces motifs d'ordre affirmatif, sans avoir constaté en fait que les parfumeurs auraient rapporté la preuve, qui leur incombait, de l'irrégularité effective de l'acquisition des produits litigieux par le distributeur non agréé et sans laquelle ce dernier ne pouvait se voir imputer une " faute délictuelle " pour avoir revendu ces produits en marge des réseaux de distribution sélective, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, après avoir relevé que le contrat liant la société Lancôme et la société Guy Laroche aux distributeurs agréés était le contrat type approuvé après modification par la Direction générale de la Concurrence de la Commission des Communautés européennes, et que ce contrat avait pour finalité la mise en vente dans un environnement commercial mettant en valeur la qualité des produits commercialisés, a fait apparaître que la preuve avait été rapportée de la licéité du réseau de distribution sélective mis en œuvre par les sociétés Laroche et Lancôme ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté qu'il était constant que la société Boulogne distribution n'avait pas la qualité de distributeur agréé du réseau de distribution sélective et que la société Boulogne distribution avait refusé de révéler ses sources d'approvisionnement des produits commercialisés au mépris du réseau, et ayant souverainement estimé qu'il était ainsi prouvé que la société Boulogne distribution s'était approvisionnée auprès de distributeurs agréés ayant enfreint leurs obligations de membre du réseau de distribution sélective, la cour d'appel a pu décider que la mise en vente de produits obtenus dans de telles conditions était constitutive de concurrence déloyale; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi principal ; dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident.