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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 7 mars 1994, n° 1202-92

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Maggy Flore (SA)

Défendeur :

Rouhier (Epoux), Central Vidéo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Garrigue

Conseillers :

M. Courtois, Mme Munier

Avoués :

SCP Cyferman & Chardon, SCP Millot-Logier-Fontaine

Avocats :

Mes Kopf, Roy.

T. com. Epinal, du 28 avr. 1992

28 avril 1992

I - Faits, procédure, demandes et arguments des parties :

Pour ce qui concerne l'exposé des faits du litige, des éléments de preuve soumis aux premiers juges, des demandes, prétentions, argumentations et réclamations des parties et de la procédure jusqu'au jugement inclus et des énonciations dudit jugement du 28 avril 1992 du Tribunal de Commerce d'Epinal, il y a lieu de se référer à la relation qu'en ont fait les premiers juges qui est suffisante, précise et exacte.

Sur l'assignation par Maggy Flore SA des époux Rouhier Jean-Pierre et Monique née Nourdin et de la SARL Central Vidéo et sur les demandes reconventionnelles de ces derniers contre la demanderesse, le Tribunal de Commerce d'Epinal, statuant contradictoirement par le jugement précité, a joint les procédures introduites devant lui par Maggy Flore SA contre les époux Rouhier, d'une part, et la SARL Central Vidéo d'autre part, déclaré recevable la SA Maggy Flore en son action contre les époux Rouhier, débouté en conséquence ces derniers de leur demande d'irrecevabilité, de leur demande de dommages-intérêts formée à ce titre et de leur demande visant l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déclaré mal fondées les procédures diligentées par la SA Maggy Flore contre les époux Rouhier et la SARL Central Vidéo, débouté la SA Maggy Flore en toutes ses demandes, considéré que la SA Maggy Flore avait, par ses actes de dénigrement, causé un préjudice à la SARL Central Vidéo, condamné à ce titre la SA Maggy Flore à payer à la SARL Centrale Vidéo 50 000 F en réparation du préjudice subi et 2 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné la SA Maggy Flore aux dépens.

La SA Maggy Flore a relevé appel de ce jugement et les époux Rouhier et la SARL Vidéo ont constitué avoué et conclu avant l'ordonnance de clôture du 11 janvier 1994. Par appel incident, les intimés ont conclu à la fixation à 200 000 F de l'indemnité ci-dessus visée fixée à 50 000 F par le tribunal au bénéfice de la SARL Central Vidéo à l'encontre de la SA Maggy Flore.

Cet arrêt est rendu contradictoirement.

L'appelante principale, la SA Maggy Flore, demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner solidairement entre eux les époux Rouhier et la SARL Central Vidéo à lui payer 80 000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par leur publicité fausse et de nature à induire en erreur, outre 5 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile (montant abaissé dans les conclusions signifiées le 26 novembre 1992), d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans " l'Est Républicain " et la " Liberté de l'Est " par extraits dont le coût ne dépassera pas 3 000 F, solidairement entre eux aux frais des intimés, et de les condamner aux dépens de première instance et d'appel solidairement entre eux.

Les intimés, appelants incidents, demandent à la Cour de débouter l'appelante principale en son appel et ses demandes, de confirmer le jugement entrepris sauf sur l'indemnité allouée à la SARL Central Vidéo à la charge de la SA Maggy Flore, de porter cette indemnité à 200 000 F qui répareront aussi le préjudice dû à l'appel abusif de Maggy Flore SA et de condamner celle-ci à leur payer 7 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, Maggy Flore expose que les époux Rouhier ont exploité un magasin vendant des cassettes vidéo qu'ils sont inauguré le 3 novembre 1988 et ouvert au public le 5 novembre 1988 à l'enseigne " Central Vidéo " pour les locaux de vente rue de Gaulle à Le Thillot (88) et que le 3 décembre 1988 les époux Rouhier se sont substitué la SARL Central Vidéo pour l'exploitation de ce magasin, qu'ils ont courant novembre 1988 fait de la publicité par tract pour leur magasin, puis par un insert publicitaire dans le support publicitaire local " Le Présent " dans son n° 7 de décembre 1988 et par la parution dans la presse locale d'un article vantant leur commerce et que ces publicités constituaient des actes de concurrence déloyale et des publicités fausses et de nature à induire en erreur car leur magasin ne possédait pas les cassettes vidéo annoncées pour les mettre à la disposition des acheteurs et n'offrait pas un choix unique dans la région.

Maggy Flore SA expose que parmi ses diverses activités, elle exerce depuis longtemps celle de détaillant en cassettes vidéo dans son magasin " Vidéo Club " de la Galerie Marchande du Supermarché de Fresse-sur-Moselle et que les intimés ont faussement indiqué " qu'ils détiendraient toutes les nouveautés, plus de 1 000 cassettes récentes à partir de 15 F, qu'il auraient très vite un choix unique de film et très vaste avec location, aussi, de magnétoscopes, camescopes et télévisions ", alors que l'huissier requis par l'appelante a constaté les 16 et 19 novembre 1988 que les intimés n'avaient en magasin qu'un peu moins de 500 cassettes et exposaient 140 boîtiers vides et n'avaient en novembre 1988 que 6 des 49 titres qualifiables de nouveautés qu'avait Maggy Flore et en décembre 10 sur 35 et alors que l'article paru dans " l'Est Républicain " du 6 mars 1990 ne pouvait contenir que des indications fournies au journaliste par les intimés sur leur propre magasin et que l'article paru auparavant en novembre 1988 contenait aussi une publicité reprenant les affirmations fausses précitées des intimés qui ont ainsi émis des publicités fausses et de nature à induire en erreur sur l'existence des quantités des cassettes disponibles et atteint par ce moyen directement leurs concurrents, spécialement Maggy Flore SA, victime de concurrence déloyale et Maggy Flore SA expose aussi que rien dans l'article de l'Est Républicain du 6 mars 1990 ne saurait constituer un acte de dénigrement envers le commerce des intimés.

L'appelante rappelle qu'elle n'a pas de monopole local de fait dans le commerce des cassettes vidéos pour lequel elle est régulièrement inscrite et qu'elle a subi un préjudice réel économique outre son préjudice moral, ces préjudices résultant nécessairement de la concurrence déloyale établie.

Les intimés répliquent que Maggy Flore SA non inscrite pour le commerce de cassettes vidéo, n'a subi aucun préjudice et n'en prouve aucun et a tenté de maintenir son monopole à partir de la simple comparaison avec son stock de 1 409 titres de films en cassettes vidéo et en se servant de l'interprétation tendancieuse de 2 publicités et d'un article de journal alors que cet article n'est que l'œuvre du journaliste et est rédigé au futur et non au présent de l'indicatif, ce qui démontre bien l'argument toujours soutenu par les intimés que leur objectif était d'atteindre ultérieurement les niveaux prévus que, d'ailleurs, cet objectif a été depuis atteint et dépassé alors que les constats de Maggy Flore SA ont été faits une quinzaine de jours après l'ouverture du magasin des intimés seulement et que l'emploi du mot " unique " pour qualifier le choix futur et les mentions sur les " nouveautés " ne sont pas des énonciations précises de nature ni à tromper les clients, ni à nuire à la concurrence et que les intimés ont usé de procédés et de termes tout à fait usuels en pareil cas, mais que Maggy Flore a dénigré leur commerce par les indications qu'elle a fournies au journaliste pour l'article du 6 mars 1990 et en droit réparation.

II - Discussion :

A) Sur les publicités reprochées par SA Maggy Flore aux intimés :

Il est établi par les pièces produites (tract, articles de presse, invitations, etc.) et écritures concordantes des parties sur ce point que le magasin Central Vidéo fait le commerce de détail des cassettes vidéo ; qu'il a été inauguré " officiellement " le 3 novembre 1988 et ouvert au public le 5 novembre 1988 au 25 rue Charles de Gaulle à Le Thillot (88) par les époux Rouhier qui ont ensuite converti leur mode d'exploitation en SARL, la SARL Central Vidéo, à partir du 3 décembre 1988 ;

Il est constant que la SA Maggy Flore fait, dans un magasin dit " Vidéo Club " sis galerie marchande du Supermarché de Fresse-sur-Moselle (88), du commerce de détail de cassettes vidéo ;

Seule l'activité de commerce de détail de cassettes vidéo est ici en cause car aucune partie ne mentionne ni à l'encontre des autres, ni à son propre soutien, aucun élément relatif au commerce d'autres objets mobiliers ;

L'activité de la SARL Vidéo est centrée sur le son et l'image et celle de la SA Maggy Flore, plus diverses sur des types de commerces de détails variés et en divers lieux, comporte une activité " son et image " dans son magasin précité et les deux parties, dont l'appelante, ont une inscription Kbis comportant l'exercice d'une activité dans le domaine " son et image " incluant, de manière générique et usuelle normale, celle liée aux cassettes vidéo ;

Maggy Flore SA pour fonder ses reproches se base sur 3 éléments de fait :

1) Le premier est un tract diffusé sous divers formats et couleurs mais avec le même libellé dans la région de Le Thillot par les époux Rouhier qui ne le contestent pas et qui, comme Maggy Flore SA, indiquent qu'il a été distribué dans les jours qui ont précédé le 5 novembre 1988 (ouverture au public) et dans les semaines qui ont suivi cette ouverture. Ce " tract type " est produit de part et d'autre et il figure ci-après reproduit en photocopie in extenso par la Cour (il ne comporte pas de verso) à partir de l'exemplaire identique fourni de part et d'autre ;

2) Un insert publicitaire paru en haut et à gauche de la page 5 du support publicitaire périodique local " Le Présent " dans son n° 7 de décembre 1988 mis en circulation en décembre 1988 localement. Cet insert est produit de part et d'autre et il figure ci-après reproduit in extenso en photocopie (avec le bandeau de titre de première page identifiant le support) par la Cour à partir de ces productions identiques (il n'y a pas de verso) ;

3) Un article publié dans le quotidien local " La Liberté de l'Est ", produit de part et d'autre, et reproduit ci-après in extenso en photocopie à partir de ces productions (il n'y a pas de verso). Il s'agit d'un article de presse locale de début novembre 1988 que les parties attribuent parfois par erreur et que le tribunal attribue par erreur à " l'Est Républicain " mais qui est bien paru dans la " Liberté de l'Est ", selon pièces versées et indications recoupées des parties ;

La date de publication est indiquée sur la copie de l'article des intimés et dans leurs conclusions comme 9 novembre 1988 et l'appelante mentionne, elle, le 4 novembre 1988 mais son exemplaire est un original de découpage intégral dans une page du journal qui n'a pas été produite entière avec sa date imprimée ;

L'article a donc pu être publié le 4 ou le 9. Etant relevé que lorsque le 9 novembre 1988 l'appelante requiert du Président du Tribunal de pouvoir faire son constat, elle ne mentionne pas l'article du journal ce qui permet de penser qu'il est bien paru le 9 et non le 4 car on s'expliquerait mal que l'appelante, qui s'appuie tant sur cet article, ne l'ait pas mentionné dans sa requête du 9 novembre 1988 (produite) ;

Néanmoins si l'ouverture au public eut lieu le 5 novembre 1988, l'ouverture officielle " dont la presse rendit compte eut lieu le 3 novembre 1988, dates incontestées et établies, et " l'effet d'annonce " du texte de l'article a donc eu lieu après l'ouverture officielle et non avant et dans le cas de publication le 9 novembre après l'ouverture au public et non avant ;

Voici les copies annoncées du tract, de l'insert, et de l'article :

TRACT :

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INSERT EN PAGE 5 EN HAUT A GAUCHE :

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ET BANDEAU DU TITRE DU SUPPORT :

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"LA LIBERTE DE L'EST" DU 9/11/1998 (VOIR CI-DESSUS SUR LA DATE) :

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a) Sur le tract :

Les mentions litigieuses sont, selon les écritures du procès :

- un choix de cassettes à partir de 15 F,

- toutes les nouveautés en plusieurs exemplaires,

- un choix unique de films sur la Région.

(NB : le mot " exemplaires " et le mot " région ", figurent encadrés ici, mais cet encadrement ne figurait pas sur le tract mais sur les exemplaires produits de part et d'autres et sur lesquels il a été rajouté à l'encre manuelle. Le tract diffusé n'en comportait pas) ;

Ce tract a, selon les parties antagonistes, été diffusé avant et après l'ouverture du 5 novembre 1988 ;

b) Sur l'insert dans " Le Présent " :

Cette publication a été mise en circulation postérieurement à l'ouverture du 5 novembre 1988, en décembre 1988, en décembre 1988 et donc postérieurement aussi aux constats d'huissier faits pour Maggy Flore SA les 16 et 19 novembre 1988 ;

Il comporte exactement les 3 mêmes mentions que ci-dessus visées pour le tract quant à celles, relatives aux cassettes vidéo, qui sont litigieuses, et aucune autre ;

c) Sur l'article de la " Liberté de l'Est " du 9 novembre 1988 (voir ci-dessus pour la date) :

Postérieur à l'ouverture et antérieur de 7 à 15 jours aux contrats d'huissier précités, cet article se termine par les mentions " PRLE " et les mentions litigieuses qui ne concernent que les cassettes vidéo portent sur les mots " ce sera toutes les nouveautés " jusqu'à " et très vaste " sur 4 lignes dans le dernier paragraphe de l'article ;

Les mentions de cet article, son énoncé, la photographie et sa légende qui l'ornent, son titre, son encadré, son emplacement ni sa topographie ne permettent ni de dire que c'est un article de presse classique correspondant à un reportage d'un journaliste du quotidien ni (sauf à expliciter les mentions " PRLE ") de dire qu'il s'agit de " publicité rédactionnelle ", terme au surplus mal défini en l'espèce, ni qu'il s'agit d'un texte inséré dans le journal et rédigé par les intimés ;

Mais il est certes évident que, de la plume des intimés ou non, il expose ce que les intimés ont écrit ou donné au journal à écrire sur leurs prix et leurs quantités et les nouveautés et le choix ;

Il ressort de la lecture de cet article, pourtant postérieur à l'ouverture, que les mentions litigieuses sont toutes rédigées en deux phrases toutes deux employant le futur de l'indicatif et non le présent de l'indicatif ;

Cette indication, dans le contexte des reproches que les parties se font mutuellement et en fonction de plus de leurs écritures est loin d'être un " jeu sur les mots " mais fait partie de la discussion ;

1) Sur la publicité fausse ou de nature à induire en erreur :

Cette notion fondant le reproche fait par Maggy Flore SA suppose établie, par celle-ci la preuve d'une faute imputable aux époux Rouhier puis à la SARL Central Vidéo avec démonstration de la fausseté et de l'induction en erreur possible ;

2) Sur la concurrence déloyale :

Telle qu'avancée par Maggy Flore SA, cette notion correspond à une faute qu'il incombe à celle-ci de prouver comme imputable aux intimés et qui constituerait à avoir causé un tort à Maggy Flore SA par l'usage de procédés illicites ou dépourvus de loyauté et Maggy Flore SA définit ces procédés comme l'usage d'une publicité fausse ou de nature à induire le client en erreur et qui a eu pour effet de détourner une partie de la clientèle des autres détaillants dont elle-même ;

3) Il résulte de l'articulation des griefs de Maggy Flore SA que la concurrence déloyale reprochée et indépendamment de la notion du préjudice causé, de son existence, de son importance, n'existe que dans la mesure où les moyens reprochés aux intimés pour la perpétuer ont eux-mêmes existé et donc où a existé ce groupe de faits ci-dessus visés comme tenus par Maggy Flore SA comme constituants des publicités fausses ou de nature à induire en erreur. Il y a donc lieu, afin de savoir s'il y a eu faute de cette nature, d'examiner dans leur contexte les mentions litigieuses :

4) Sur les nouveautés :

Ceci concerne d'abord le tract et l'insert publicitaire :

Les indications " toutes les nouveautés en plusieurs exemplaires " ne sauraient être tenues pour être, même en l'absence de verbe dans la phrase pouvant induire un présent ou futur de l'indicatif, l'affirmation que toutes les cassettes nouvellement mises sur le marché sans exception pendant la période commençant dès l'ouverture seraient présentes en stock ; l'ensemble du catalogue possible des cassettes mises sur le marché de distribution, qui n'est d'ailleurs pas produit d'aucune part, est si considérable à la connaissance même du public non spécialiste que cette affirmation ne peut être tenue par tout lecteur que comme un effet d'appel d'autant que rien ne limite ce " toutes ", pas même la géographie et nul ne doute que l'ensemble de toutes les cassettes distribuées en France et encore moins en Europe ou dans le monde n'est nul part immédiatement disponible ;

Ceci s'applique aussi au terme " plusieurs " " exemplaires " (ce qui commence à 2) et ne saurait à fortiori s'appliquer pour tout lecteur sensé à toutes les cassettes nouvelles " sans limitation ".

Aucune personne sensée n'est susceptible d'être induite en erreur et il n'y a pas de démonstration de fausseté objective ;

5) Sur " le choix unique de film sur la région " :

Le terme litigieux est le mot " unique " car il y avait, sans contestation " choix " dans le magasin (situé par évidence dans sa " région ") ;

Cette notion, très subjective, y compris dans l'esprit d'un rédacteur comme dans celui d'un lecteur averti comme non averti, spécialiste comme non spécialiste, est susceptible d'être aussi " qualitative " que " quantitative " ou même l'un et l'autre à la fois ;

Telle qu'employée ici, elle ne saurait par nature, avec l'objectivité d'une notion " démontrable ", quantifiable par chiffres purs et simples, ni signifier une prétention d'avoir nécessairement plus de cassettes disponibles que tous les autres revendeurs de la région - là encore aucune induction possible en erreur d'une personne sensée ni aucune fausseté objective n'est démontrée ;

6) Sur ces points (4 et 5) de " nouveautés " et de " choix unique ", les constatations faites par l'huissier par Maggy Flore SA les 16 et 19 novembre 1988 ne remettent pas en question ce qui a été dit ci-dessus ;

D'une part, parce que ces constats ne permettent que des comparaisons chiffrées et donc insuffisamment pertinentes, voire inopérantes, non " qualitatives ", sur le choix " unique " et toutes relatives, de telles sorte qu'elles ne constituent pas une base objective rapportée à un catalogue commun ouvert aux deux concurrents, pour ce qui concerne au commerce en question mais aux cassettes détenues les 16 et 19 novembre 1988 par Maggy Flore SA seule. Même si, à ces dates, Maggy Flore avait plus de cassettes que les intimés, d'une part ni le tract ni l'insert ne mentionnent de nombre de cassettes en vente chez les intimées, d'autre part Maggy Flore SA ne saurait sérieusement soutenir qu'elle avait " toutes les nouveautés " en " plusieurs exemplaires " chacune (et ne le soutient d'ailleurs pas) n'étant pas elle non plus tenue à l'impossible ;

En outre, le " choix de cassettes " " à partir de 15 F " n'est pas contesté dans son existence par Maggy Flore SA ;

Le fait que l'huissier ait constaté la présence de 140 emballages vides exposés en vitrine n'est pas en soi une indication de procédé trompeur, puisqu'aussi bien, il est notoirement connu de l'ensemble du public même non averti, que les commerçants d'objets de ce genre et pas seulement de cassettes vidéo procèdent très fréquemment et très normalement ainsi pour prévenir le vol des cassettes tout en rendant accessible au public visiteur la vue de la cassette telle que conditionnée pour la vente et qui est ensuite remise lors de l'achat au client au même moment sous son propre emballage, la jaquette vide pouvant usuellement aussi servir d'annonce visuelle simple pour le produit stocké à l'abri ;

Il n'y a donc pas dans les pièces produites, pièces incriminées, constats et relevés de Maggy Flore sur ses propres stocks et achats, d'élément déterminant pour arguer de fausseté ou de nature à induire le client quel qu'il soit en erreur ni dans le tract ni dans l'insert publicitaire dans " le Présent " ;

7) En ce qui concerne les " nouveautés ", les " plus de 1 000 cassettes récentes à partir de 15 F " et " le choix unique de film et très vaste " mentionnés et reprochés, dans l'article de " La Liberté de l'Est " :

Ce qui a été dit ci-dessus sur les " nouveautés " (4 et 6) et le choix unique (5 et 6) reste applicable ici ;

Le choix " très vaste " est une notion tellement vague, qu'elle n'a aucune signification autre que d'écarter, c'est évident, un " choix limité ", ce que l'on ne conçoit guère qu'un annonceur écrive dans une publicité ni qui corresponde aux 500 cassettes que Maggy Flore " attribue " à son adversaire ;

Le prix de 15 F n'est pas dans la discussion selon les arguments échangés ;

Pour la première fois, apparaît un nombre ; plus de " 1 000 ", et Maggy Flore a produit son constat des 16 et 19 novembre 1988 (7 à 15 jours après cet articles) avec les 500 cassettes vues par l'huissier chez les intimés) ;

Mais c'est ici qu'il faut restituer aux phrases leur sens et aux mots leurs lettres car l'article énonce non seulement pour les " nouveautés " et le " choix unique " et " très vaste " mais aussi pour les " plus de 1 000 cassettes " que " ce sera ", et non pas " c'est ", alors que le magasin est ouvert depuis 1 à 4 jours ;

Ce n'est effectivement pas jouer sur les mots que de retenir comme fondée la thèse des intimés selon laquelle ils ont énoncé leur objectif et non un fait actuel et que cela a aussi été répercuté par le journal ;

Maggy Flore ne peut reprocher à ces termes de décrire une situation existant le jour de publication de l'article ni même 7 ni 15 jours plus tard (constats) car ce futur de l'indicatif n'est pas assorti d'une indication de délai ;

Il ne serait pas non plus fondé de reprocher cette absence d'indication de délai comme rendant sans valeur l'objectif énoncé car ce reproche ne pourrait s'induire ou se prouver qu'autant que plusieurs semaines ou plusieurs mois, très raisonnablement, après, les intimés n'auraient pas eu 1 000 cassettes récentes ;

Or, non seulement 1 235 films sont vantés comme disponibles, chez Central Vidéo par l'article du 6 mars 1990 de l'Est Républicain, produit, mais encore l'indication donnée par les intimés dans leurs pièces et écritures selon laquelle ils ont en effet progressivement atteint, puis même dépassé les objectifs indiqués au futur dans l'article du 9 novembre 1988 n'est utilement contestée nulle part par Maggy Flore qui n'a nullement fait constater le contraire et se borne à l'affirmer par allégation dans ces conclusions ;

Il n'existe pas dans ces conditions, et que l'article soit écrit par les intimés et publié tel quel ou écrit par un journaliste sur les données fournies par les intimés, de mentions dans ledit article de la " Liberté de l'Est " qui soit ni fausse ni de nature à induire un client quel qu'il soit en erreur ;

Il n'existe pas non plus dans ces conditions à partir de ces 3 supports litigieux d'actes constitutifs de procédés fautifs qualifiables de concurrence déloyale et, sans qu'il y ait donc lieu de discuter d'un préjudice tel qu'allégué par Maggy Flore et discuté par les intimés, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Maggy Flore SA, relatives à la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur et à la concurrence déloyale, dirigées tant contre les époux Rouhier que contre la SARL Central Vidéo ;

B) Sur le dénigrement reproché par les époux Rouhier et SARL Central Vidéo à Maggy Flore et par celle-ci au 3 premiers :

Hormis les 3 supports susanalysés, il n'en existe qu'un 4e qui soit produit et soit discuté par les parties dans leur litige et dont l'effet soit étendu à ces dénigrements mutuels ;

Il s'agit d'un article du journal l'Est Républicain du 6 mars 1900 ;

Cet article produit de part et d'autre est reproduit in extenso ci-après par la Cour en photocopie (il n'y a pas de verso). Sa publication dans ce quotidien là et à cette date là est affirmée de part et d'autre constamment sans variation ni erreur et la date imprimée apparaît sur la pièce ;

PUBLIÉ DANS "L'EST RÉPUBLICAIN"

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Ni du tract, ni l'insert, ni de l'article du 9 novembre 1988 non constitutifs par ailleurs de publicité mensongère ni de nature à induire en erreur ni de concurrence déloyale, ne résultent aucune mention fut-ce indirecte ou par allusion ou insinuation ne dénigrant Maggy Flore SA ;

Pour ce qui concerne l'article de l'Est Républicain du 6 mars 1990 publié après l'assignation par Maggy Flore aux époux Rouhier en justice (13/01/89), il ne saurait être considéré que " le vent de la concurrence acharnée " soit une énonciation de dénigrement d'autant que cette concurrence est effectivement acharnée et que, en plus, seules les parties peuvent savoir que l'une et l'autre se viseraient puisque Maggy Flore n'est jamais nommée dans l'article même lorsqu'il est fait allusion à une " affaire en cours devant le tribunal de Commerce suite à une démarche d'un commerce du même type acceptant mal la création de Central Vidéo " ;

Cette information, dont le signataire du journal n'a pas à révéler une source que personne ne lui demande et ni le journal ni l'auteur de l'article n'étant en cause, est loin d'être inexacte comme le montrent les éléments de la présente instance et ne saurait donc être reprochée ni au journal ni aux journalistes ni même aux intimés s'ils ont parlé de leur " affaire " au journaliste. En outre, on a vu que les " 1 235 films " disponibles et " l'agrandissement pour en accueillir 300 de plus " mentionnés dans cet article ne sont pas établi comme faux par quelque pièce que ce soit;

Cet article ne dénigre par Maggy Flore SA ;

Maggy Flore SA et les intimés, pour le reste, et ces derniers même au soutien d'une demande reconventionnelle en première instance et d'un appel incident devant la Cour, se bornent par écritures interposées et sans autre pièce d'aucune sorte à s'échanger des accusations qui ne sont qu'autant d'allégations sur les critiques que les uns feraient des autres mais dont on ne voit pas la trace en dehors de ce procès et de ces conclusions et sans qu'il y a lieu de discuter, notamment, de ce " monopole ", mot repris seulement dans les écritures et pas dans les pièces, et dont l'existence de concurrents, établies par pièce, sur ce marché et extérieurs aux parties et la persistance sur ce marché de Maggy Flore SA comme de Central Vidéo démontrent l'inanité ;

Ni la procédure faite par Maggy Flore SA en première instance ni en appel ni celle faite par les intimés ni en première instance ni en appel ne constituent par elles-mêmes des actes liés à un dénigrement fautif et préjudiciable et ne constituent pas, ni d'une part ni de l'autre, un usage fautivement abusif des voies judiciaires en premier ressort ni en appel et ne sauraient non plus de ce chef donner lieu à réparation de quoi que ce soit pour l'un ou l'autre contre l'un ni l'autre ;

Sur ce point, faute d'être fondée en fait, l'analyse du Tribunal, notamment sur le comportement de Maggy Flore envers les intimés, ne peut être retenue ;

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur la jonction des procédures, la recevabilité des actions de Maggy Flore SA et les dispositions corollaires ainsi que sur le rejet comme infondées des demandes de Maggy Flore contre les 3 intimés mais il y a lieu d'infirmer pour le surplus en déboutant les époux Rouhier et la SARL Central Vidéo de leur demande reconventionnelle et de leur appel incident contre Maggy Flore, infondés et en relevant que pas plus en première instance qu'en appel l'équité n'impose de faire application à l'égard de quiconque en l'espèce de l'article 700 du NCPC et que, compte tenu de ce qui est ici jugé, il y a lieu, par infirmation et addition, de dire qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui sont supportées pour une moitié par la SA Maggy Flore et l'autre par les intimés solidairement entre eux ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement : Reçoit en la forme l'appel principal relevé par la SA Maggy Flore contre le jugement du Tribunal de Commerce d'Epinal du 28 avril 1992 et l'appel incident relevé par les intimés. Au fond : Déboute la SA Maggy Flore en son appel et ses demandes infondées. Déboute les intimés de leur appel incident non fondé comme leurs autres demandes à l'exception de la confirmation partielle sollicitée. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives à la demande reconventionnelle des époux Rouhier et de SARL Central Vidéo, à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens. Infirme le jugement de ces 3 derniers chefs et, statuant à nouveau : Déboute les époux Rouhier et la SARL Central Vidéo de leur demande de dommages-intérêts contre Maggy Flore SA. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ni en première instance ni en appel et déboute les parties de leurs demandes visant ce texte. Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour une moitié par Maggy Flore SA et pour l'autre par les époux Rouhier et la SARL Central Vidéo, solidairement entre eux, et avec application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les Société Civiles Professionnelles Cyferman & Chardon et Millot-Logier-Fontaine, Avoués associés.