CA Paris, 4e ch. B, 24 février 1994, n° 92-23370
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Travodiam Ile-de-France (SARL), Travodiam France (SARL), Hohweiller, Vindard, Lujan, Le Carro, Monin, Bessyre, de Vaulx
Défendeur :
Forbéton (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerrini
Conseillers :
M. Ancel, Mme Regniez
Avoués :
SCP Daniel-Lamazière Cossec, SCP Fanet, Me Kieffer Joly, SCP Mira Bettan
Avocats :
Mes Bens Billard, Boccara, Leloup, SCP Eisele Mizeahi.
La société Forbéton est spécialisée dans le percement et la découpe du béton dans les travaux publics et le bâtiment. Elle est structurée sur tout le territoire français en quinze agences régionales, chacune dirigée par un chef de centre responsable de l'aspect commercial et de l'exécution des travaux et placé sous l'autorité d'un directeur général.
Monsieur de Vaulx, directeur régional pour l'Est et M. Besseyre, chef de l'agence de Metz, quittent la société en avril 1989 et constituent le 2 mai 1989 la SARL Travodiam France, dont ils détiennent chacun 49% des parts sociales.
Le 7 janvier 1991 était créée la SARL Travodiam Ile-de-France devenue depuis Francediam, dont le capital social est réparti comme suit :
MM. :
Besseyre : 4%
de Vaulx : 24%
Vindard : 24%
Lujan : 24%
Hohweiller: 24%
Il est à noter que M. Vindard, gérant, est l'ancien directeur pour la région parisienne de Forbéton, démissionnaire en septembre 1990 et dont le préavis a pris fin le 31 décembre 1990.
M. Lujan, chef de centre de région parisienne de Forbéton, a quitté cette société pour entrer chez Travodiam IDF le 6 février 1991, son préavis ayant expiré le 5 du même mois.
M. Hohweiller entré à Travodiam IDF le 6 février 1991 est également un ancien salarié de Forbéton dont les fonctions ont pris fin le 3 février 1991.
Le 10 juin 1991, la société Forbéton a assigné en concurrence déloyale les sociétés Travodiam France et Travodiam Ile-de-France, MM. Besseyre, de Vaulx, Vindard, Lujan et Hohweiller, ainsi que MM. Le Carro et Monin, autres salariés de Forbéton embauchés par Travodiam IDF en janvier et février 1991, immédiatement après l'expiration de leur préavis auprès de leur ancien employeur.
Reprochant aux défendeurs des actes de débauchage de son personnel, de détournement de ses fichiers clients et de sa clientèle, de dénigrement et de divulgation de son savoir-faire, la société Forbéton demandait notamment leur condamnation solidaire à lui payer une indemnité de 5.048.000 F.
Par jugement du 7 juillet 1992, le tribunal de commerce de Créteil accueillait une exception d'incompétence territoriale soulevée par MM. Hohweiller, Le Carro et Monin et faisait partiellement droit aux demandes de la société Forbéton dirigées contre les autres demandeurs qu'il condamnait solidairement à lui payer les sommes de 2.843.000 F à titre de dommages-intérêts, avec intérêts légaux à compter du 10 juin 1991 et 15.000 F en application de l'article 700 du NCPC. La publication de la décision aux frais des condamnés était autorisée dans des conditions précisées et l'exécution provisoire ordonnée.
La société Travodiam IDF, MM. Vindard et Lujan ont relevé appel par déclaration du 29 octobre 1992 à l'encontre des autres parties.
Par déclaration en date du 12 novembre 1992 la société Travodiam France et M. Besseyre ont interjeté appel à l'encontre de la société Forbéton.
Ces appels ont été joints, étant observé que par conclusions du 13 mai 1993 la société Travodiam IDF, MM. Vindard et Lujan se sont désistés de celui par eux formé à l'encontre de MM. Hohweiller, Le Carro et Monin, lesquels n'ont pas constitué avoué.
Les prétentions et moyens des appelants, en l'état de leurs dernières écritures, peuvent être ainsi résumés :
La société Travodiam, MM. Vindard et Lujan, faisant état de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité quant aux compositions légalement requises pour les débats, le délibéré et le prononcé, en demandent l'annulation sur le fondement de l'article 458 du NCPC, les frais et dépens qui en sont la suite étant laissés à la charge du Trésor Public.
Ils opposent par ailleurs l'irrecevabilité prétendue de la demande de la société Forbéton, tirée de ce que les sociétés Francediam et Forbéton, dont l'objet social est différent, auraient une activité distincte.
Sur le fond, ils contestent la totalité des griefs de la société Forbéton et critiquent en particulier les premiers juges qui ont opéré selon eux un amalgame entre les divers manquements imputés, à tort d'ailleurs, aux divers appelants, retenu des actes de concurrence déloyale et prononcé contre les concluants une condamnation solidaire avec les autres litigants sans énoncer les actes imputables à chacun d'eux, et sans notamment, pour les personnes physiques, qu'ait été démontrée une action concurrentielle antérieure à la rupture de leur contrat de travail.
Ces appelants concluent au rejet des prétentions de la société Forbéton, s'en rapportant subsidiairement à justice sur l'opportunité d'une mesure d'instruction sur les causes et conditions de la démission de MM. Vindard et Lujan de la société Forbéton, sur l'existence, par eux déniée, d'un fichier client propre à cette société à la date des faits reprochés et sur les causes réelles de la baisse prétendue du chiffre d'affaires du groupe Forbéton.
A titre reconventionnel, ils prient la Cour de donner acte à Francediam de ce qu'elle réserve provisoirement sa demande de dommages-intérêts contre Forbéton pour l'utilisation frauduleuse de son fichier et les actes de concurrence déloyale auxquels la société Forbéton se serait livrée à son encontre. En réparation de l'atteinte que l'action engagée par Forbéton aurait porté au crédit et à la bonne marche de la société Francdiam, atteinte professionnelle mais également financière dans la mesure où la société Forbéton a fait procéder à une saisie intempestive du compte bancaire de la société qui a été contrainte d'en requérir la mainlevée en référé, il est demandé de condamner la société Forbéton à payer 200.000 F de dommages-intérêts à la société Francediam ainsi que, au titre de l'article 700 du NCPC, 50.000 F à cette société et 25.000 F à chacun des deux associés.
Enfin, la société Francediam, MM. Vindard et Lujan demandent la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 18 novembre 1993, afin d'éviter l'irrecevabilité de leurs conclusions en date du 16 du même mois et pour le cas où cette irrecevabilité serait prononcée, le rejet des écritures de la société Forbéton en date du 7 octobre 1993.
La société Travodiam France et M. Besseyre s'associent à la demande d'annulation du jugement formée par les autres appelants et concluent au rejet des demandes de la société Forbéton.
Ils récusent tant l'imputabilité d'une faute quelconque que l'existence du préjudice allégué par la société Forbéton. A titre subsidiaire, ils sollicitent la réformation du jugement sur le montant de la réparation allouée à cette société et contestent qu'il y ait lieu de prononcer une condamnation in solidum entre les divers défendeurs, en raison de l'indépendance des faits reprochés, séparés par un intervalle de deux années. La somme de 30.000 F est réclamée à la société Forbéton sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société Forbéton soutient l'argumentation des premiers juges. Elle conclut à la confirmation de la décision et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;
Sur ce, LA COUR, qui pour un plus ample exposé, se réfère au jugement et aux écritures d'appel,
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :
Considérant que la recevabilité des conclusions déposées par Francediam, MM. Vindard et Lujan ne fait pas l'objet de contestations ; que la demande de révocation à laquelle s'oppose d'ailleurs l'intimée, est par conséquent sans objet ;
Sur le désistement d'appel de Francediam, MM. Vindard et Lujan à l'égard de MM. Hohweiller, Le Carro et Monin :
Considérant que MM. Hohweiller, Le Carro et Monin n'ont pas constitué avoué ; qu'il n'est pas justifié que les appelants les aient assignés en leur signifiant la déclaration d'appel, comme requis par l'article 908 du NCPC ; que la Cour n'est pas régulièrement saisie et que le désistement est par conséquent sans objet ; que l'arrêt sera contradictoire à l'égard des autres parties seulement ;
Sur les demandes en nullité du jugement entrepris :
Considérant qu'il résulte des énonciations que la composition de la juridiction n'était pas la même lors des débats et du délibéré, en ce sens qu'il n'apparaît pas que l'un des juges ayant pris part aux débats, M. Stern, ait participé au délibéré ; que la décision n'a pas été rendue par l'un des magistrats ayant participé au délibéré ; qu'il n'est pas établi que ces énonciations soient entachées d'une erreur matérielle ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article 408 du NCPC, de prononcer la nullité de la décision ; que le litige est de ce fait dévolu pour le tout à la Cour d'appel, conformément à l'article 562 du NCPC ;
Considérant que les frais et dépens afférents au jugement annulé seront mis à la charge du Trésor Public ;
Sur la recevabilité pour agir de la société Forbéton :
Considérant que la société Francediam conteste la recevabilité de la demande en concurrence déloyale de l'intimée au motif que les deux sociétés litigantes auraient un objet social distinct et qu'ainsi elles ne seraient pas en situation de concurrence ;
Considérant que la société Forbéton exerce, en fait, une activité identique à celle de la société Travodiam ; que le moyen d'irrecevabilité n'est donc pas fondé et sera rejeté ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société Forbéton reproche tout d'abord à MM. de Vaulx et Besseyre, d'avoir quitté leurs anciennes fonctions en avril 1989 dans des conditions dolosives pour créer la société Travodiam France, en débauchant le personnel et en s'appropriant le fichier clientèle de leur ancien employeur ; que M. de Vaulx aurait d'ailleurs diffusé auprès des cadres de la société Forbéton une note confidentielle élaborée à l'époque où il était encore salarié de Forbéton et qui dévoilerait sa stratégie ; qu'en 1991, les intéressés, agissant de concert avec MM. Vindard et Lujan, constituaient la société Travodiam Ile-de-France avec du personnel débauché de la société Forbéton ; qu'ayant frauduleusement soustrait le fichier clientèle de la société Forbéton, ils démarchaient la clientèle de cette société, comme il résulteraient des constatations effectuées le 20 mars 1991 dans les locaux de Travodiam Ile-de-France par Me Potot, huissier de justice commis par le Président du tribunal de commerce et faisant apparaître que les affaires traitées par la nouvelle société l'étaient avec des clients de Forbéton ;
Considérant que les appelants récusent tout d'abord l'existence de toute action concertée ; et soulignent l'indépendance des sociétés Travodiam France et Travodiam Ile-de-France, la similitude des raisons sociales s'expliquant par le fait que ces sociétés exploitaient la marque Travodiam déposée par M. de Vaulx ; que contestant point par point les griefs de la société Forbéton, ils soutiennent que leur départ de la société Forbéton, comme celui d'ailleurs des autres salariés de cette société embauchés par les sociétés Travodiam France et Travodiam Ile-de-France, était motivé par des dissenscions internes imputables à la mauvaise gestion du nouveau directeur général de Forbéton ; qu'aucun de ces anciens salariés n'était lié par une clause de non-concurrence ; qu'il ne saurait être reproché aux appelants, alors qu'ils étaient encore dans les liens du contrat de travail avec leur précédent employeur, d'avoir entrepris la constitution de sociétés auxquelles ils consacreraient leur activité une fois libérés de leurs anciens engagements ; que le vol du fichier clientèle est nié par les appelants, qui en contestent même l'existence ; que M. de Vaulx soutient que la note confidentielle dont la diffusion lui est reprochée est en fait une étude prévisionnelle de la Société Fiduciaire et Comptable destinée à l'obtention de concours bancaire et que, si tant est qu'elle puisse être incriminée, elle n'a pas fait l'objet de diffusion ; que les autres appelants font valoir qu'aucun agissement répréhensible déterminé n'est établi à leur encontre ; qu'il est reproché au tribunal d'avoir procédé par voie d'affirmations de portée générale et d'amalgame ;
Considérant, cela exposé, que le fait pour un salarié de participer à la constitution d'une société concurrente de son employeur et destinée de surcroît à voir le jour après la cessation du contrat de travail, afin, une fois délié de tout lien avec son ancien employeur auquel ne le lie aucune clause de non-concurrence, de lui consacrer sa nouvelle activité professionnelle, n'est pas en soi répréhensible, à moins que ne s'y ajoute un comportement susceptible d'engager la responsabilité de l'intéressé envers ledit employeur sur le fondement des articles 1382 ou 1383 du Code civil;
Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats l'existence d'un concert frauduleux qui a consisté pour M. de Vaulx à licencier le 18 avril 1989 M. Besseyre dont il était le supérieur hiérarchique et l'ami, en le dispensant néanmoins au détriment de la société Forbéton, d'accomplir le préavis, de telle sorte que celui-ci puisse immédiatement se consacrer à la nouvelle société Travodiam France créée le 2 mai 1989 et dont ils détenaient chacun, comme indiqué précédemment, 49% des parts sociales ; que M. Suied, directeur général de Forbéton, en fit le reproche à M. de Vaulx le 18 mai 1989, bien qu'approuvant par ailleurs le principe du licenciement ;
Considérant par ailleurs que les conditions dans lesquelles M. de Vaulx A procédé au recrutement du personnel de la société Travodiam France, sont illustrées par M. Urweiller, responsable de l'agence Alsace Nord - Lorraine au sein de la société Forbéton, attestant avoir été approchés à plusieurs reprises par M. de Vaulx en vue de créer, en association avec lui-même, la société Travodiam France, son interlocuteur essayant de lui démontrer " avec une étude préliminaire faite pour Metz, combien il était peu risqué d'échouer cette entreprise (sic) en se servant du tremplin Forbéton et de son fichier client, ses affaires, ses équipes d'opérateurs formés " ; qu'il est à noter que dès sa création et dans les touS premiers jours de mai 1989, la société Travodiam France embauchait trois salariés, dont l'un était le beau-frère de M. Besseyre, démissionnaires de la société Forbéton ; que ces départs simultanés et manifestement préparés de la société Forbéton ne pouvaient manquer d'affecter l'organisation de sa structure locale, qui comportait un personnel peu nombreux, puisque l'effectif total - 258 personnes - était réparti à raison de 55 pour la région parisienne, le reste se trouvant distribué entre les quatorze autres agences régionales ;
Considérant qu'est encore attesté par une employée de la société Forbéton la disparition du listing client de Forbéton-Metz pendant son départ en congé, entre le 17 avril et le 2 mai 1989, alors qu'elle avait remarqué avant ce départ, un usage intensif de l'ordinateur de la part M. de Vaulx ; que M. de Vaulx conteste l'existence du fichier en cause sur la base d'une déclaration d'un sieur Rigolot faisant état d'une absence de fichiers commerciaux à la société Forbéton " à la date des faits reprochés ", non précisée par ailleurs ; qu'outre le fait que l'auteur de la déclaration ne fournit aucune indication quant au lieu d'exercice de ses fonctions au sein de la société Forbéton, il est à noter que contrairement à la citation inexacte qu'en fait l'appelant, l'intéressé n'affirme l'existence d'un listing clientèle qu'en ce qui concerne l'agence de Paris ;
Considérant que le grief tiré de la diffusion prétendue par M. de Vaulx d'une note confidentielle auprès des cadres de la société Forbéton n'est pas justifié, dès lors que le document en cause, dont l'origine est d'ailleurs contestée par l'appelant, ne comporte aucune indiscrétion sur la vie financière et sociale de la société intimée ni aucun élément permettant de concrétiser un comportement déloyal ou un acte de dénigrement de la société Forbéton ;
Considérants que les seuls faits précités et établis caractérisent des agissements fautifs dont la société intimée est fondé à demander réparation à la société Travodiam France ainsi qu'à MM. de Vaulx et Besseyre, et ce indépendamment des torts qui pourraient incomber à la société Forbéton dont il est sérieusement soutenu qu'elle n'a cessé de contrarier les entreprises de ses anciens salariés par des manœuvres déloyales ;
Considérant que les agissements reprochés aux appelantes en relation avec la constitution de la société Travodiam Ile-de-France au début de l'année 1991 sont distincts de ceux précédemment examinés, et ont occasionné un préjudice distinct ;
Considérant, sur le grief de débauchage, que la société Travodiam Ile-de-France a été constituée par des salariés (MM. Vindard, Hohweiller, et Lujan) et anciens salariés (MM. deVaulx et Besseyre) de la société Forbébéton ; que cette société, dès sa création, le 7 janvier 1991, a engagé sept démissionnaires de la société Forbéton, faisant partie du personnel d'exécution ; qu'eu égard aux effectifs globaux de la société en 1991 - soit 241 personnes - et à l'importance de l'agence parisienne, ainsi qu'au taux élevé constaté de renouvellement du personnel d'exécution, il n'apparaît pas que la situation dénoncée par l'intimée soit reprochable, étant observé que les personnes en cause n'étaient plus dans les liens du contrat de travail à la date où la société Travodiam Ile-de-France a commencé son exploitation et n'étaient tenues par aucune clause de non-concurrence ;
Considérant en revanche, qu'il ressort des constatations de Me Potot, huissier de justice commis par le président du tribunal de commerce, effectuées au siège de la société Travodiam Ile-de-France, que les affaires traitées par cette société l'ont été immédiatement après sa constitution, généralement avec des clients de la société Forbéton, alors que par ailleurs le fichier clientèle de Travodiam Ile-de-France apparaît de façon incontestable comme une copie de celui de la société Forbéton, en reproduisant notamment ses caractéristiques propres, y compris certaines mentions obsolètes, comme relevé à juste titre par les premiers juges ;
Considérant qu'il est ainsi justifié d'un comportement déloyal à la charge de la seule société Francediam, dès lors que la preuve n'est pas rapportée de la participation personnelle de l'une quelconque des personnes physiques en cause aux actes répréhensibles ; qu'en particulier, s'il est démontré que MM. Vindard et Lujan ont eu accès aux fichiers de la clientèle de la société Forbéton, rien ne permet de désigner l'un ou l'autre, ou les deux ensemble, comme étant les auteurs du détournement ; que la responsabilité personnelle de MM. Vindard, Lujan, de Vaulx et Besseyre ne peut donc être retenue ;
Sur les réparations :
Considérant qu'au vu des informations notamment d'ordre comptable fournies par les parties, il est permis de retenir une baisse du chiffre d'affaires de la société Forbéton pour les agences de Metz et de Paris imputable aux agissements dénoncés ; que cette baisse n'est pas remise en cause par la démonstration des appelants portant sur l'accroissement des résultats d'exploitation de la société Forbéton puisque les résultats dont ils font état sont globaux et couvrent l'ensemble de l'activité nationale de la société, alors que les pertes dont celle-ci demande réparation restent limitées aux agences concernées ; que la circonstance que les résultats nets d'exploitation de la société Forbéton soient affectés par un alourdissement des frais généraux et que cette société distribuerait des dividendes trop élevés selon les appelants ne saurait atténuer la réparation leur incombant ; qu'il convient en revanche de tenir compte, en ce qui concerne l'agence de Metz, du fait, attesté et non contredit, que les comptes d'exploitation de la région des Vosges ont été transférés sur le plan comptable après 1989 à l'agence de Strasbourg, ce qui conduit à apporter un correctif au montant des pertes alléguées par la société Forbéton pour l'agence de Metz ; que par ailleurs, la sincérité des estimations de perte de la société Forbéton au titre de cette agence apparaît peu compatible avec la tardiveté de la demande de réparation s'y rapportant ;
Considérant que la Cour a les éléments pour fixer à la somme de 200.000 F le préjudice subi par la société Forbéton à raison des agissements en rapport avec la constitution de la société Travodiam France et à 650.000 F la réparation des actes dommageables imputables à la société Francediam ;
Considérant que la publication requise apparaît nécessaire ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Francediam :
Considérant que cette demande n'apparaît pas justifiée dès lors que l'action engagée par la société Forbéton et qui motive la demande de dommages-intérêts de la société Francediam, a été reconnue bien fondée ; qu'elle sera donc rejetée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de donner à la société Francediam l'acte par elle requis de ce qu'elle se réserve de demander réparation de la concurrence déloyale qu'elle serait en mesure de reprocher à la société Forbéton, les réserves étant de droit ;
Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du NCPC ;
Considérant que les dépens, à la charge des appelants, seront réglés comme indiqué au dispositif ;
Par ces motifs, Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture, Constate que la Cour n'est pas régulièrement saisie de l'appel formé contre MM. Hohweiller, Le Carro et Monin et dit en conséquence sans objet le désistement d'appel à leur égard, Prononce la nullité du jugement entrepris, Statuant à nouveau : Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Francediam, Dit que la société Travodiam France, MM. de Vaulx et Besseyre d'une part, la société Francediam d'autre part, ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Forbéton, Condamne à payer à la société Forbéton, à titre de dommages-intérêts : - la société Travodiam France, MM. de Vaulx et Besseyre in solidum, la somme de 200.000 F, - la société Francediam, la somme de 650.000 F, Autorise la société Forbéton à publier, même par extraits, le présent arrêt dans trois revues professionnelles de son choix et aux frais in solidum des sociétés Travodiam France et Francediam, de MM. de Vaulx et Besseyre, sans que le coût total de ces publications excède la somme de 50.000 F TTC, Condamne les appelantes aux dépens de première instance et d'appel, dans la proportion d'un quart, à la charge in solidum des sociétés Travodiam, MM. de Vaulx et Besseyre, les trois quarts restant étant à la charge de la société Francediam ; Dit que les dépens seront supportés par le Trésor Public ; Accorde à la SCP d'avoués Fanet le bénéfice de l'article 699 du NCPC, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.