Cass. com., 4 janvier 1994, n° 92-12.476
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Société nouvelle du Garage de l'Europe (SARL)
Défendeur :
Euro Voitures (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Nicot
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Boré, Xavier.
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 19 décemre 1991) que la société Nouvelle du garage de l'Europe, dont le siège est à Roubaix, a été liée à la société Volvo France par un contrat de concession automobile durant la période du 15 janvier 1986 au 23 avril 1988, date où le contrat de concession a pris fin et a été confié à la société Euro Voitures ; que cette dernière, estimant que la société Nouvelle du garage de l'Europe s'était livrée à son égard à des agissements anticoncurrentiels, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Nouvelle du garage de l'Europe fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société Nouvelle du garage de l'Europe contestait être l'auteur du bon de commande daté du 25 mai 1989 qui n'était pas signé d'elle, si bien qu'en retenant que ce document établissait l'existence de la commande, sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la cour d'appel, pour les mêmes raisons, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, de troisième part, que le fait pour la société Nouvelle du garage de l'Europe d'avoir vendu des véhicules d'occasion, sinon neufs, de la marque Volvo après avoir perdu la qualité de concessionnaire de cette société ne constituait pas, en lui-même, un acte de concurrence déloyale, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que l'utilisation dans des conditions dépourvues de toute ambiguïté de la marque Volvo à l'occasion de réparations ou de ventes de véhicules d'occasion de cette marque effectuées selon des modalités licites ne constitue par un acte de concurrence déloyale au détriment de la société Euro Voitures, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que c'est à l'issue d'une analyse concrète des divers éléments de preuve soumis à son appréciation, parmi lesquels se trouvait le bon de commande du 25 mai 1989, dont elle a souverainement apprécié la portée sans avoir à s'expliquer sur ce qui n'était qu'un simple argument avancé dans ses écritures par la société Nouvelle du garage de l'Europe, la cour d'appel a relevé, caractérisant ainsi la faute commise par cette société, que celle-ci, après avoir perdu " la concession Volvo ", n'en avait pas moins " persisté à prendre des initiatives et à se présenter comme spécialiste Volvo dans des opérations publicitaires aboutissant à la vente de véhicules d'occasion, sinon neufs, de la marque Volvo "; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen, pris en ses diverses branches, n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Vu les articles 455, alinéa 1er, et 458, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;
Attendu que, pour condamner la société Nouvelle du garage de l'Europe au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel se borne à énoncer que ces dommages-intérêts, " au vu des justifications produites, seront portés à 400 000 F " ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs dont la généralité ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel a méconnu l'exigence des textes susvisés ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par la société Euro Voitures, l'arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.