CA Caen, 1re ch. sect. 1, 12 novembre 1992, n° 672-90
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Siham (SARL)
Défendeur :
Deauville Distribution (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Decomble
Conseillers :
MM. Calle, Gregoire
Avoués :
SCP Duhaze- Mosquet, SCP Dupas-Trautvetter-Ygouf, Me Godet
Avocats :
Mes Jourdan, Olivier, Lafon.
Rappel des faits et de la procédure : La société Siham est propriétaire de la marque " Pull'Sations ", enregistrée le 5 mai 1982 à l'Institut National de la Propriété Industrielle, sous le n° 121 59 69 ;
Ayant appris que la société Deauville-Distribution diffusait, dans une grande surface à proximité de Deauville, des caleçons courts pour homme, sur lesquels était apposée la marque " Pulsation ", la société Siham a fait procéder à une saisie-contrefaçon et a, par exploit du 29 juin 1988, fait assigner ladite société devant le tribunal de grande instance de Lisieux.
Elle demandait au tribunal :
- de dire que la société Deauville-Distribution avait réalisé une contrefaçon, ou en tout cas une imitation frauduleuse ou illicite de sa marque, et avait commis des actes de concurrence déloyale,
- d'ordonner la confiscation des articles contrefaisants
- et de condamner la société Deauville-Distribution à lui verser une somme de 500 000 F au titre de l'indemnisation de son préjudice ;
La société Joubert ayant été appelée en garantie, la société Siham, par conclusions du 21 novembre 1989, a demandé au tribunal de condamner celle-ci, solidairement avec la société Deauville-Distribution, au paiement de la somme réclamée ;
Par jugement du 15 février 1990, le tribunal a débouté la société Siham de ses demandes, et l'a condamnée à verser à chacune des défenderesses une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Appelante de cette décision la société Siham demande à la Cour de :
- dire et juger que les sociétés Deauville-Distribution et Joubert ont réalisé une contrefaçon ou en tout cas, une imitation frauduleuse ou illicite de la marque de la requérante,
- dire et juger que la société Deauville-Distribution et la société Joubert ont commis des actes de concurrence déloyale,
- faire interdiction à la société Deauville-Distribution et à la société Joubert, de faire usage de la marque Pull'Sations,
- ordonner la confiscation et la remise à la société Siham des articles contrefaisant ainsi que de tout instrument ayant servi à leur fabrication,
- ordonner la confiscation des parts de recettes produites par la contrefaçon et la remise de ces sommes à la société Siham,
- condamner en outre les sociétés Deauville- Distribution et Joubert in solidum au paiement de la somme de 50 000 F en réparation du préjudice commercial et de l'atteinte portée à la marque,
En tant que de besoin :
- commettre tel expert que la Cour voudra bien désigner avec mission de fournir tous éléments utiles pour évaluer le préjudice subi,
- condamner d'ores et déjà les sociétés Deauville-Distribution et Joubert in solidum à payer une somme de 500 000 F à titre de provision,
- ordonner l'insertion du jugement à intervenir dans cinq publications aux frais de la société Deauville-Distribution et de la société Joubert,
- condamner les sociétés Deauville-Distribution et Joubert in solidum à payer, au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, une somme de 20 000 F.
la Société Deauville Distribution demande pour sa part de :
- confirmer le jugement du 15 février 1990, en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, condamner la société Joubert à garantir la société Deauville-Distribution de toutes les conséquences de l'action introduite à son encontre par la société Siham,
- en tout état de cause, condamner la société Siham à payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
La Société Joubert conclut aussi à la confirmation du jugement et réclame paiement de 10 000 F au titre des frais non compris dans les dépens.
Discussion
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société Deauville-Distribution n'était que le revendeur des articles incriminés ; que ceux-ci lui avaient été vendus par la société Joubert le 4 janvier 1988, en même temps que le fonds de commerce, et que la société Joubert les avait elle-même acquis le 21 octobre 1987 de la société Confimex dont le siège était à Paris.
Attendu qu'à l'appui de l'appel la société Siham déclare que c'est uniquement sur le plan de la responsabilité pénale que la loi dispose que le vendeur doit avoir agi " sciemment " ;
Que la société Siham estime qu'en mettant en vente des produits revêtus d'une marque contrefaisante, la société Deauville-Distribution et la société Joubert ont engagé leur responsabilité civile.
Attendu certes que l'absence de mauvaise foi du revendeur n'interdit pas de retenir le cas échéant une faute civile, telle qu'une imprudence ou une négligence susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur.
Mais attendu qu'en l'espèce une telle faute n'est pas établie.
Qu'en admettant que la dénomination " Pulsation " constitue la contrefaçon de la marque " Pull'Sations ", il n'en est pas moins constant que les sociétés Deauville-Distribution et Joubert ont acquis les articles en l'état déjà révêtus de la marque " Pulsation ".
Qu'il est à noter en outre qu'elles n'étaient pas des spécialistes du vêtement, leur activité principale étant le commerce de produits alimentaires, et qu'il n'est pas établi non plus qu'elles se soient livrées à des achats massifs d'articles revêtus de la marque litigieuse ; qu'elles font état d'une seule facture d'achat datée du 21 octobre 1987, portant sur 208 caleçons, et ne sont pas utilement contredites à cet égard.
Que d'ailleurs l'Huissier chargé de la saisie-contrefaçon n'a trouvé, après recherches, qu'un seul article dans l'ensemble des rayons et de la réserve à la date du 21 juin 1988 ;
Qu'il n'est pas établi enfin que la marque Pull'Sations ait été notoirement connue à l'époque de la saisie, les documents produits par la société Siham pour établir l'importance de sa clientèle ne remontant pour l'essentiel qu'aux années 1990 et 1991.
Qu'on ne peut donc sérieusement reprocher aux sociétés défenderesses de ne pas avoir eu leur attention attirée sur le caractère contrefaisant de la marque " Pulsation " et de n'avoir pas fait procéder à des recherches approfondies à cet égard.
Que pour les mêmes motifs aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu.
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Siham.
Attendu qu'il serait inéquitable que les intimés supportent l'intégralité des frais non taxables exposés devant la Cour ; qu'une somme de 4 000 F leur sera allouée à chacun en sus de celle octroyée en première instance au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs Statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne la société Siham à verser à chacune des sociétés Deauville-Distribution et Joubert une somme de 4 000 F au titre des frais non taxables exposés en cause d'appel. Condamne la société Siham aux dépens et dit qu'il sera fait application à Me Godet et à la SCP Duhaze-Mosquet des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.