Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 10 novembre 1992, n° 91-006513

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SACAP (SARL)

Défendeur :

Configest (SARL), Coimbra Da Silva, Botas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

SCP Goirand, SCP Regnier Sevestre

Avocats :

Mes Baranes Baldocchi, De Almado Costa.

T. com. Paris, du 8 févr. 1991

8 février 1991

LA COUR : - Statuant sur l'appel interjeté par la société Sacap du jugement entrepris le 8 février 1991 par le tribunal de Commerce de Paris (1e chambre) dans un litige l'opposant à la Société Configest, à Mme Coimbra Da Silva et à M. Botas Ricardo, ensemble sur la demande incidente de la société Configest.

Faits et procédure :

La société Sacap, société de prestations de services spécialisée dans l'assistance aux commerçants et artisans portugais en France notamment sur le plan administratif a eu pour cogérante Mme Coimbra Da Silva jusqu'au 16 février 1989 date de sa révocation.

La société Configest qui exerce des activités similaires à Paris a été constituée en Février 1989 entre Mme Coimbra Da Silva, MM. Botas, Rodrigues Fernando, Marciel Mario Viana, Martins Maria.

Faisant grief à la société Configest, à M. Botas et à Mme Coimbra de se livrer à son encontre à des actes de concurrence déloyale la société Sacap les assignés en paiement de dommages-intérêts devant le Tribunal de Commerce de Paris, sollicitant en outre diverses mesures sous astreinte ainsi que paiement de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Les défendeurs ont conclu à ce que la Société Sacap soit déboutée de ses demandes et condamnée à leur payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Le Tribunal estimant que la preuve des agissements fautifs n'était pas rapportée, a débouté la Sacap de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Configest la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Appelante selon déclaration du 8 février 1991 la Sacap prie la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire que la société Configest, Mme Coimbra Da Silva et M. Ricardo Botas se sont rendus coupables de concurrence déloyale à son encontre, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 350 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile, a cesser sous astreinte définitive les actes de concurrence déloyale ainsi que leurs relations contractuelles.

La société Configest, M. Botas et Mme Coimbra poursuivent la confirmation du jugement et réclament par ailleurs paiement des sommes de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale outre 30 000 F HT sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR

I. Sur la demande principale

Considérant que la société Sacap fait grief tant à Mme Coimbra qu'à la société Configest d'avoir emporté des dossiers clients de la Sacap et tente de détourner la clientèle de la Sacap en usant de procédés particulièrement scandaleux tant avant à la révocation de Mme Coimbra qu'ultérieurement.

Considérant que les intimés répliquent que la Société Configest a été constituée quatre mois après la cessation par Mme Coimbra de ses activités de gérante de la Sacap et qu'aucune disposition du pacte social n'interdisait au gérant après la cessation de ses fonctions d'exercer une activité concurrence.

Qu'ils ajoutent qu'ils n'ont jamais cherché à détourner la clientèle de la Sacap, que les attestations produites émanent de personnes qui leur sont inconnues et qui ne sont pas clients de la Société Configest.

Qu'enfin ils soutiennent sans en tirer toutefois aucune conséquence juridique que la Sacap tente en réalité par tous les moyens de s'assurer une position dominante sur le marché de l'aide à la gestion des entrepreneurs portugais installés en France.

Considérant que les arguments des parties étant ainsi exposés qu'aucun grief précis n'étant formulé à l'encontre de M. Botas à titre personnel, celui-ci doit être mis hors de cause.

Considérant s'agissant de Mme Coimbra et de la Société Configest qu'il résulte des pièces produites que cette société a été constituée le 23 février 1989 (date de dépôt de l'acte au Greffe du Tribunal de Commerce de Bobigny) et non le 10 juin 1989 comme le soutient la Société intimée et que son début d'exploitation a commencé le 13 février 1989.

Que cette dernière date se trouve d'ailleurs confirmée par les termes de la plainte avec constitution de partie civile rédigée le 16 février 1989 par Mme Coimbra et les associés de la Société Configest domiciliée 75 avenue Parmentier Paris 75011 faisant état de ce que les 13 et 15 février 1989 quatre personnes de la société Sacap se sont rendues 75 avenue Parmentier et se sont livrées à des menaces et voies de fait notamment sur Mme Coimbra.

Considérant que Mme Coimbra qui était cogérante de la société Sacap jusqu'au 16 février 1989 ne pouvait avant cette date exercer des activités pour le compte d'une société concurrente sans engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

Or considérant que tant les attestations manuscrites que les lettres dactylographiées émanant de plusieurs clients de la Sacap et mises au débat démontrent que les 10, 11 et 13 février 1989 ils ont été contactés téléphoniquement tant par Mme Coimbra que par M. Fernando (en réalité Fernando Rodriguez ancien employé de la Sacap et associé de Configest) lesquels les ont invités à se rendre à la société Configest 75 avenue Parmentier au motif que cette société allait désormais gérer leur dossier, la société Sacap devant fermer ses portes.

Qu'ils exposent par ailleurs que tant Mme Coimbra que M. Fernando leur ont fait signer une feuille en blanc sous le prétexte de récupérer leur comptabilité qui aurait été volée par la Sacap dans les locaux de la société d'expertise comptable Aexa.

Considérant certes que dans le cadre d'un autre litige (jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 28 juin 1989 entre Aexa et Sacap) M. Subtil gérant de Sacap a reconnu avoir " récupéré " par voie de fait des dossiers détenus par Aexa.

Mais considérant qu'il résulte de l'examen du document dactylographié effectivement signé en blanc, si on se réfère à l'emplacement de la signature portée par M. Pinheiro, que la société Configest a conçu un montage dans le but évident d'obtenir de la Sacap qu'elle se dessaisisse à son profit des dossiers qu'elle gérait après les avoir restituées aux clients.

Considérant que si une société ne peut revendiquer aucun droit privatif sur sa clientèle laquelle peut être librement démarchée par d'autres sociétés concurrentes, il n'en demeure pas moins que la société Configest et Mme Coimbra personnellement et alors qu'elle était toujours cogérante de la Sacap en faisant croire à des clients de la société Sacap que cette dernière n'existait plus et en utilisant des procédés illicites pour récupérer à leur insu les dossiers qu'ils faisaient gérer par cette société, ont agi de manière contraire aux usages loyaux de commerce.

Qu'il importe peu que ces personnes ne soient pas devenus des clients effectifs de la société Configest dès lors qu'il est démontré que cette société et Mme Coimbra ont cherché activement à se les approprier abusivement comme clients.

Considérant en revanche qu'il n'est nullement établi que Mme Coimbra se soit emparé de différents dossiers au sein de la Société Sacap.

Considérant sur le préjudice subi par la société appelante que celle-ci ne produit aucun document comptable, n'établit nullement qu'elle ait subi à la suite du comportement des intimés une baisse de son chiffre d'affaires.

Que toutefois les manœuvres des intimées ont indéniablement porté atteinte à la réputation et au crédit de la Société Sacap présentée comme " voleuse " à certains de ses clients.

Que la Cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour évaluer le préjudice subi de ce chef par la Société Sacap à la somme de 50 000 frs.

Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux mesures d'interdiction sollicitées, une société ne pouvant s'opposer à e que la clientèle requiert les services d'une société concurrente.

II. Sur la demande incidente

Considérant que la société Configest soutient que Sacap a utilisé ses fichiers clients pour diffuser un prospectus vantant ses services et ce à la propre adresse de Configest où ses clients sont domiciliés.

Mais considérant que Configest ne rapporte nullement la preuve de ses allégations.

Qu'elle ne démontre pas que les destinataires du mailing sont ses propres clients.

Que tous ces nouveaux entrepreneurs auxquels ce mailing était adressé ayant choisi pour siège social l'adresse de la société Configest, ce renseignement est à la disposition du public, figure notamment sur les registres du commerce ou des métiers ainsi que sur les annuaires lesquels sont habituellement consultés par les Sociétés qui comme la Sacap cherchent à s'attirer la clientèle de ces commerçants ou artisans.

Quer ce grief n'est donc pas fondé et que la société Configest sera déboutée de sa demande.

III. Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Considérant que la société Configest et Mme Coimbra qui succombent seront déboutées de leur demande de ce chef.

Que par ailleurs l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile à M. Botas.

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable que la société Sacap supporte la charge intégrale des frais hors dépens par elle engagés.

Qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 5 000 F.

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Dit que la société Configest et Mme Coimbra Da Silva ont commis à l'encontre de la société Sacap des actes de concurrence déloyale, Les condamne in solidum à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile, Met hors de cause M. Ricardo Botas, Rejette toute autre demande des parties, Condamne in solidum la Société Configest et Mme Coimbra Da Silva aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Regnier Sevestre Avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de Procédure Civile.