Cass. com., 27 octobre 1992, n° 90-18.942
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Goguet (SA)
Défendeur :
Axel Courrèges (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Tiffreau, Thouin-Palat, Me Ryziger.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré rendu sur renvoi après cassation (Lyon, 25 juin 1990), que la société en nom collectif Axel Courrèges (société Courrèges), faisant valoir qu'elle commercialisait des parfums de luxe par un réseau de distribution sélective, a demandé que soit condamnée la société Établissements Goguet (société Goguet), intermédiaire non agréée, pour la vente de ces mêmes produits ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que la société Goguet reproche à l'arrêt d'avoir admis la licéité du réseau de distribution sélective de la société Courrèges alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant licite le réseau de distribution sélective mis en place par la société Courrèges, par des motifs tirés de la seule analyse des "pièces contractuelles produites", sans rechercher en fait si le parfumeur avait rapporté la preuve de l'application effective de ces stipulations contractuelles aux candidats à l'agrément comme aux distributeurs agréées, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en déclarant licite le réseau de distribution sélective mis en place par la société Courrèges, sans rechercher si l'approvisionnement auprès de fournisseurs immédiats n'ayant pas la qualité de distributeur agréé ne démontrait pas que le parfumeur n'avait pas rapporté la preuve de l'adoption de mesures propres à assurer l'étanchéité de son réseau, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé le contenu des obligations réciproques des parties, telles que ces obligations résultent des contrats de distribution sélective conclus entre la société Courrèges et ses distributeurs agréés, obligations selon lesquelles ces distributeurs ne peuvent vendre les parfums de la société Courrèges qu'à des consommateurs directs ou à d'autres distributeurs agréés des Etats membres de la Communauté économique européenne, l'arrêt retient que les prix de vente restent libres, que les membres du réseau sont choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatifet que le marché européen de la parfumerie de luxe est soumis à une vive concurrence entre marques ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans avoir à effectuer d'autres recherches, a pu décider que le réseau était licite; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les troisième et quatrième branches du moyen : - Attendu que la société Goguet reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Courrèges 50 000 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et d'avoir ordonné une interdiction de mise en vente ainsi qu'une publication judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il incombait à la société Courrèges de prendre les mesures propres à assurer l'étanchéité de son réseau de distribution sélective, sans qu'elle pût alors reprocher à un tiers de s'être approvisionné auprès d'un fournisseur étranger audit réseau ; que la preuve de l'existence d'un acte de concurrence déloyale supposait donc démontré que la société Goguet s'était, en connaissance de cause, approvisionnée auprès d'un distributeur agréé ayant délibérément méconnu son obligation contractuelle de ne pas fournir un revendeur étranger au réseau ; que, dès lors, en retenant l'existence d'un acte de concurrence déloyale, au motif que la société Goguet s'était approvisionnée auprès de la société italienne Intelsport, qui "n'est pas distributeur agréé des parfums Courrèges", ce qui était contradictoire avec l'affirmation de l'existence " d'un ou plusieurs revendeurs agréés " qui auraient "enfreint leurs obligations contractuelles", après avoir d'ailleurs constaté que la société Goguet n'avait pas été à l'origine des annonces de presse, lesquelles n'avaient pas visé les produits de la société Courrèges et ne s'étaient pas spécialement adressées aux distributeurs agréés des marques sélectives, a fortiori de celle en cause, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1165, 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en imputant à la société Goguet un acte de concurrence déloyale qui aurait consisté dans le seul fait d'avoir revendu des produits dont le conditionnement portait la mention "Ne peut être vendu que par des distributeurs agrées", sans d'ailleurs avoir recherché si la concurrence déloyale n' aurait pas au contraire résulté de l'altération ou de la suppression délibérée de cette mention, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1165, 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient souverainement que la société coopérative groupements d'achats des centres Leclerc a offert, dans plusieurs pays étrangers, d'acheter des parfums de la société Courrèges en s'adressant à des distributeurs agréés, que la société d'importation pétrolière Leclerc a acquis ces parfums puis les a cédés à la société Goguet, sans bon de commande, ni bon de livraison, et qu'ainsi, la société Goguet a reçu l'approvisionnement en toute connaissance de cause; que la cour d'appel a pu décider que la société Goguet, en s'approvisionnant ainsi, avait commis, une faute constitutive de concurrence déloyale;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que la société Goguet avait mis en vente des parfums de la société Courrèges dont le conditionnement portait la mention "Vente réservée aux dépositaires agréés par Courrèges parfums Paris", l'arrêt retient que cette "mention usurpée" est "de nature à favoriser la vente" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que la société Goguet avait commis, envers la société Courrèges, une autre faute constitutive de concurrence déloyale ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Courrèges sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 15 000 F ;
Attendu qu'il y a lieu d'accueillir cette demande ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.