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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 2 octobre 1992, n° 92-864

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Time and Diamonds (SA), Le spécialiste (SA), Time Production (SARL), Monting (SA)

Défendeur :

Compagnie Générale Horlogère (SA), Diditronix (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Serre

Conseillers :

Mme Garnier, M. Bouche

Avoués :

Me Bodin Casalis, SCP Lagourgue, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Lhumeau, Avakian, Meyer.

T. com. Paris, 16e ch., du 26 nov. 1991

26 novembre 1991

LA COUR est saisie de l'appel principal de la société anonyme Time And Diamonds, de la société anonyme Le spécialiste, de la société à responsabilité limitée Time Production et de la société anonyme Monting d'une part, de l'appel incident de la société anonyme Compagnie Générale Horlogerie d'autre part, interjetés contre un jugement rendu le 26 novembre 1991 par le Tribunal de Commerce de Paris qui :

- a dit que les bons de garantie remis par les sociétés Time And Diamonds, Le Spécialiste, Monting et Diditronix, aux acheteurs de montes Seiko en dehors du réseau officiel de distribution, étaient susceptibles de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle,

En conséquence :

- a interdit aux dites sociétés l'utilisation de ces bons de garantie en l'état sous astreinte de vingt cinq mille francs par infraction constatée et ce, dans un délai de quinze jours après la signification du présent jugement,

- a dit que les bons de commande de garantie utilisés ne devront plus s'intituler " bon de garantie Seiko " et que sera portée en caractères gras la mention d'exclusion de la garantie internationale Seiko, ainsi que, d'une façon claire, la mention du débiteur de l'obligation et son identification commerciale complète, cela sous la même astreinte,

- a ordonné aux mêmes sociétés :

.d'opposer en permanence dans toutes leurs vitrines exposant les montres ou pendules Seiko, un panonceau rappelant en caractères gras l'exclusion de la garantie international Seiko sous la même astreinte par infraction et par jour,

.de respecter dans leurs formes de commercialisation les conditions qualificatives celles que stipulées dans les articles I 1-2, 2 1-3, 2 2-1 et 2 2-2 du contrat type de distribution de la société Compagnie Générale Horlogerie à charge pour celle-ci de communiquer ces conditions aux sociétés intéressées,

.d'indiquer, sous la même astreinte par infraction constatée et par jour, l'exclusion de la garantie internationale Seiko dans toutes les publicités,

- a ordonné la saisie des prospectus publicitaires irréguliers,

- a condamné conjointement et solidairement les sociétés Time and Diamonds et Le Spécialiste à payer la somme de cent cinquante mille francs à titre de dommages intérêts à la société Compagnie Générale Horlogerie,

- a condamné la société Monting à payer la somme de trente mile francs à la société Compagnie Générale Horlogerie à titre de dommages intérêts,

- a condamné au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

.conjointement et solidairement les sociétés Time and Diamonds et Le Spécialiste à payer à la société Compagnie Générale Horlogerie la somme de quarante mille francs,

.la société Monting et la société Diditronix à payer chacune à la société Compagnie Générale Horlogerie la somme de dix mille francs.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties au jugement dont appel et aux conclusions ; elle se borne à rappeler les éléments suivants :

- par contrat conclu le 10 mai 1982, la société de droit japonais Hattori Seiko Corporation LTD a confié à la société Compagnie Générale Horlogerie - (ci-après CGH), la distribution exclusive pour la France, les départements d'Outre-Mer, la Belgique et le Luxembourg des montres, horloges et pendules de la marque Seiko ;

- la société CGH assure la distribution de ces produits par l'intermédiaire d'un réseau de revendeurs agréés, par elle choisis en fonction de critères sélectifs, fondés sur des conditions d'environnement, d'accueil et de compétence ;

- elle propose notamment à la clientèle, via ce réseau de distributeurs, outre la garantie internationale Seiko, une garantie spécifique d'un an supplémentaire sur le territoire français ;

- les sociétés Time and Diamonds (ci-après TAD), le Spécialiste et Monting commercialisent des produits Seiko, acquis sur le marché parallèle, dans des conditions jugées par la société CGH comme préjudiciable à la l'image de la marque et à sa propre notoriété ;

- la société CGH reproche notamment à ces sociétés :

.de délivrer des bons de garantie laissant croire à tort au consommateur qu'il bénéficie de la garantie mondiale Seiko,

.d'effectuer une publicité et d'afficher sur les lieux de vente des panonceaux faisant état d'informations inexactes de nature à créer une confusion dans l'esprit du public,

.de se livrer à une concurrence déloyale et parasitaire ;

- par actes des 24 décembre 1990, 26 décembre 1990 et 2 janvier 1991, la société CGH a assigné les sociétés TAD, Le Spécialiste Monting et Diditronix à l'effet notamment :

- d'obtenir sous astreinte la modification des bons de garantie et des panneaux d'affichage, d'une part, l'interdiction de toute publicité portant le graphisme Seiko, d'autre part,

.de voir notamment la saisie des documents irréguliers,

.de voir condamner :

- solidairement la société TAD et la société Le Spécialiste à lui payer la somme de 1 million de francs à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice par elle subi par les actes de concurrence parasitaire,

- subsidiairement les défendeurs à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale ;

- les sociétés défenderesses et la société Time Production, (ci-après TP) intervenue volontairement à l'instance ont conclu au rejet des demandes formées par la société CGH et sollicité l'allocation de dommages intérêts,

- la société TP a demandé en outre au Tribunal de constater le refus illégitime de vente de pièces détachées, à elle opposé par la société CGH et de condamner celle-ci, sous astreinte à honorer les commandes futures.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré à la Cour.

Concluant à l'infirmation partielle de la décision entreprise, la société TAD, la société Le Spécialiste et la société TP appelantes, demandent à la Cour :

- de débouter la société CGH des demandes par elle formées à l'encontre des sociétés TAD et Le Spécialiste,

- de constater que la société TAD respecte les obligations légales " puisqu'il lui suffirait pour être en parfaite conformité avec la réglementation en vigueur, d'indiquer à ses clients qu'elle n'est pas en mesure de leur délivrer... la garantie internationale Seiko et qu'elle assurer elle-même la garantie des produits qu'elle vend ",

- de constater :

.que les sociétés TAD et le Spécialiste n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société CGH ;

.que celle-ci tente de maintenir sur le marché français des prix anormalement élevés, contrairement aux dispositions du Traité de Rome, du droit interne et des avis de la Commission de la Concurrence,

- de dire que les bons de garantie délivrés par la société TAD ne sont pas de nature à induire en erreur le consommateur et à fortiori ses clients qui sont des commerçants professionnels avertis,

- de condamner la société CGH à verser à la société TAD et à la société Le Spécialiste la somme de 1 500 000 F à titre de dommages-intérêts,

- de constater le refus illégitime de vente de pièces détachées opposé par la société CGH à la société TP,

- en conséquence, de condamner la société CGH à honorer les commandes qui lui seront passées par la société TP, sous astreinte définitive et non comminatoire de 5 000 F par infraction constatée.

- de condamner la société CGH à verser à chacune des trois sociétés appelantes, la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

La société Monting, appelantes, prie la cour

- d'infirmer le jugement déféré,

- de dire que les demandes formées par la société CGH à son encontre sont sans objet, d'assurer contractuellement et légalement, celle-ci est contrainte d'assurer le service après vente des montres de marques SEIKO qu'elle qu'en soit leur provenance,

- de dire que dès avant l'assignation, elle a apporté sur les bons de garanties délivrées avec les montes, et sur les documents publicitaires les modifications sollicitées par la société CGH,

- de condamner la société CGH à lui verser la somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile ;

La société CGH intimée et appelantes à titre incident, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés appelantes commettaient des actes de concurrence déloyale et disposaient d'un système de distribution incompatible avec son réseau de distribution sélective,

- de réformer le jugement en e qu'il a limité à 150 000 F et à 30 000 F le montant des dommages intérêts à lui allouer du chef de concurrence déloyale et parasitaire, et de condamner les sociétés appelantes à lui verser solidairement, la somme de 1 000 000 F à ce titre,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné aux sociétés appelantes de respecter les conditions de la distribution sélective, à charge pour elle de les communiquer auxdites sociétés,

- en conséquence, de leur interdire purement et simplement de vendre des montres SEIKO,

- à titre subsidiaire de confirmer le jugement :

.sur les bons de garanties :

- de dire que les bons de garanties remis par les appelantes aux acheteurs créent une confusion dans l'esprit du public,

- d'interdire leur utilisation en l'état sous astreinte de 25 000 F par jour et par infraction constatée, ce dans un délai de 15 jours après la signification du présent arrêt,

- d'ordonner la modification de leur libellé,

- d'ordonner la saisie des bons litigieux,

- d'une manière générale, interdire toute référence à la marque SEIKO,

.sur les panonceaux publicitaires : de confirmer le jugement et de dire en outre que ceux-ci devront mesurer au moins 21 x 29, 7 cm et préciseront notamment que les montres bénéficieront seulement de la garantie offerte par ledit magasin,

- de condamner la société Monting au paiement de la somme de 20 000 francs à titre de dommages intérêt pour procédure dilatoire et abusive, et chacune des sociétés appelantes à celle de 40 000 francs hors taxes sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

En conclusions signifiées le 9 avril 1992, la société Monting prie la Cour de déclarer irrecevables en application des dispositions de l'article 564 du nouveau code de Procédure Civile, les demandes formées par la société CGH tendant à obtenir la condamnation solidaire à la somme de 1 million de francs et les modifications complémentaires des bons de garantie et des panonceaux apposés dans les vitrines.

La société Diditronix intimée, n'a pas constitué avoué, aucune assignation ne lui a été délivrée,

Il convient dès lors, d'ordonner la disjonction de la procédure la concernant dans les termes fixés au dispositif du présent arrêt.

I. - SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 564 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Considérant que la société Monting fait valoir que la société CGH formule devant la Cour à son encontre des demandes nouvelles, tels :

- sa condamnation conjointe et solidaire avec les sociétés TAD et le Spécialiste en paiement d'une somme de 1 million de francs à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire,

- des modifications complémentaires à apporter aux bons de garantie et panneaux ;

Considérant que la société CGH réplique :

- que sa demande en allocation de dommages intérêts présentée devant la Cour ne diffère que par son montant de celle soumise en première instance,

- que les mentions à faire figurer sur les bons de garantie et les panonceaux constituent un aménagement des dispositions ordonnées par les premiers juges ;

Considérant que par assignation délivrée le 24 décembre 1990 aux sociétés TAD, TP et Monting, la société CGH a notamment demandé au tribunal :

- d'interdire à l'ensemble des défendeurs de vendre les montres SEIKO en l'état,

- de les condamner conjointement et solidairement à 100 000 francs de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de concurrence déloyale,

- d'interdire dans l'intitulé du bon de garantie, la référence SEIKO,

- d'ordonner leur modification de telle sorte que :

- l'intitulé soit bon de garantie tout court,

- son texte commence par l'exclusion du bénéfice de la garantie SEIKO, en caractères gras et détachés par rapport au reste du texte,

- son remplacement par une garantie spécifique,

- le débiteur de l'obligation de garantie soit clairement identifié par la mention imprimée de sa raison sociale et de son numéro d'inscription au RCS,

- d'ordonner la modification du paragraphe 4 du bon de garantie en ces termes : " Vous ne pouvez bénéficier de cette garantie que si vous présentez exclusivement à notre maison votre montre accompagnée du certificat de garantie en cours de validité à l'exclusion de tout autre revendeur ",

- d'ordonner la modification des panonceaux en ces termes :

" les montres Seiko vendeurs dans ce magasin ne bénéficient pas de la garantie Seiko ",

- d'ordonner que les panonceaux soient visibles du public, mesurent 21-29, 7 centimètres, et soient affichés en permanence.

Qu'en cause d'appel, la société CGH sollicite :

- au titre de la réparation des faits de concurrence déloyale parasitaire qu'elle reproche aux sociétés appelantes, l'allocation d'une somme de 1 million de francs,

- l'apposition sur des panonceaux mesurant au moins 21 x 29, 7 cm visibles du public, la mention suivante : " les montres Seiko vendues dans notre magasin ne bénéficient pas de la garantie mondiale Seiko offerte par les seuls agents officiels, elles bénéficient de notre seule garantie assurée exclusivement dans notre magasin " ;

Qu'elle reprend en ce qui concerne les bons de garantie les demandes formulées en première instance ;

Considérant que les demandes constituent l'accessoire la conséquence et le complément de celles présentées devant les premiers juges,

Qu'il convient, dès lors, de les déclarer recevables et de débouter la société Monting de ce moyen ;

II. - SUR LES OBLIGATIONS DE LA SOCIÉTÉ CGH EN MATIÈRE DE GARANTIE

Considérant que les sociétés appelantes, se prévalant :

- des termes de l'article 8 du contrat liant la Société Seiko à la société CGH,

- de la Directive du conseil des Communautés Européennes en date du 25 juillet 1985, concernant la responsabilité du fait des produits défectueux,

- de la recommandation émise le 27 juin 1978 par la Commission des Clauses abusives,

font valoir que la société CGH doit accorder la garantie internationale à tout élément client d'une montre Seiko, dès lors que celle-ci a été fabriquée par le groupe Seiko, même si le produit n'a pas été acheté à un revendeur de la société CGH ou à un autre distributeur agréé Seiko,

Que la société Monting précise que la société CGH ne peut opposer au consommateur final, les obligations qu'elle prétend lui imposer ;

Considérant que la société CGH réplique :

- que seul le produit contractuel, c'est à dire celui livré par le fournisseur ou distributeur, à l'exclusion de tout autre, bénéficie de la garantie contractuelle mondiale de la marque et qu'elle n'est donc pas tenue d'une obligation de garantie à l'égard des articles revendeurs par les sociétés appelantes,

- que la thèse des sociétés du groupe TAD est d'autant plus inacceptable, qu'elle tendent de lui faire supporter les obligations leur incombant en leur qualité de vendeurs professionnels,

- que la Directive Européenne du 25 juillet 1985, qui n'a pas fait l'objet d'une loi d'application en droit interne ne vise que les dommages corporels ou matériels causés par le produit défectueux ,

- que la recommandation de la commission des clauses abusives vise seulement la garantie légale, et n'est pas application à une garantie conventionnelle ;

Considérant que le contrat conclu le 10 mai 1982 par les sociétés Seiko Japon et CGH stipule :

- à l'article 1er intitulé " Définition ",

" Le termes produits contractuels signifie exclusivement les montres et les pendules et/ou les pendulettes portant la marque ou le sigle Seiko sur les cadrans, actuellement proposés ou qui pourraient l'être ultérieurement pendant la durée du présent contrat, par le fournisseur ou distributeur " ;

- à l'article 8 " Garantie internationale du fournisseur - service après vente " :

" (a) le fournisseur pourra à sa convenance, donner la garantie internationale du fournisseur sur quelques uns ou sur la totalité des produits contractuels. Dans le cas où la garantie est donnée, elle sera la seule valable...,

(b) En exécution de la garantie internationale du fournisseur, le Distributeur sera tenu d'assurer gratuitement aux clients finals des produits contractuels un service après vente... quels que soient les pays ou lesdits clients ont acheté les produits contractuels " ;

Considérant qu'il s'ensuit que seuls les articles vendus par le groupe japonais Seiko aux distributeurs par lui agréés, bénéficient de la garantie internationale de la marque ;

Considérant que les sociétés appelantes ne justifient pas, ni même allèguent, avoir acquis les produits Seiko, qu'elles commercialisaient, notamment courant 1990, soit directement, soit par le biais de leurs revendeurs, auprès du fabricant japonais ou de ses distributeurs agréés ;

Qu'elles ne sont donc pas fondées à soutenir que la société CGH doit fournir la garantie internationale à tout acquéreur d'une montre Seiko, même achetée sur le réseau parallèle ;

Considérant que les autres moyens invoqués de ce chef par les sociétés appelantes ne sauraient propérer dès lors :

- que la Directive Européenne du 25 juillet 1985 :

- qui dispose en son article 1er que le producteur (fabricant, importateur ou éventuellement fournisseur), est responsable du dommage causé par un défaut de son produit,

- qui aux termes de l'article 9 précise que le vocable dommage désigne d'une part le dommage causé par la mort ou des lésions corporels, d'autre part celui causé à une autre chose autre que le produit défectueux, n'a pas fait l'objet d'un texte législatif l'intégrant au droit positif français,

- que la recommandation émise les 6 et 27 juin 1978 par la Commission des clauses abusives concerne les clauses limitant la durée ou l'étendue de la garantie l "gale notamment en cas de vices cachés ;

III. - SUR LES BONS DE GARANTIE

Considérant que les sociétés appelantes font valoir que le " bon de garantie de montre Seiko " remis au client, précise dans un encadré que la montre ne bénéficie pas de la garantie internationale SEIKO, et ne peut donc, compte tenu de son libellé créer une quelconque confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que la société CGH réplique :

- que les sociétés appelantes ont refusé d'informer leur clientèle de la différence essentielle existant entre les services qu'elles proposent, et ceux fournis par le réseau officiel de distribution, proposent, et ceux fournis par le réseau officiel de distribution,

- que les bons de garantie actuellement délivrés créent une confusion dans l'esprit du consommateur, dès lors que lesdites sociétés utilisent le graphisme de la marque Seiko, détachent volontairement ce sigle au reste du texte, et ne précisent pas que les montres ne peuvent être réparées que dans leur magasin à " l'exclusion de tout revendeur officiel Seiko ;

Considérant que le bons de garantie délivrés par les sociétés appelantes sont libellés comme suit :

" Bon de garantie de montre Seiko, Nous certifions que la montre Seiko ... est garantie pour une durée d'un an... contre tout vice de fabrication à condition que la montre ait été vendue par notre magasin... votre montre Seiko achetée chez nous bénéficie pas de la garantie internationale Seiko " ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de ce document : - que le sigle Seiko est en caractères gras, majuscules, d'une dimension nettement plus importante que le reste du texte, et détaché de celui-ci,

- que les indications afférentes à la garantie du vendeur et à l'exclusion de la garantie internationale, en caractères minuscules ne sont pas de nature à attirer l'attention du consommateur,

- que l'identité du vendeur n'est pas mentionnée,

Qu'il s'ensuit que les bons de garantie, en leur rédaction actuelle présentent une ambiguïté de nature à créer une confusion dans l'esprit du consommateur.

Qu'en conséquence, il convient, dans les conditions fixées au présent arrêt :

- d'interdire aux sociétés appelantes de faire usage de tels bons,

- d'ordonner que lesdits bons comporteront à l'avenir en intitulé la seule mention " Bon de Garantie ", sans référence à la marque Seiko et la mention en caractères gras majuscules, nettement détachés du texte de la garantie : " la montre Seiko achetée chez nous ne bénéficie pas de la garantie internationale Seiko ; elle bénéficie de la seule garantie, assurée par notre magasin sur présentation du présent certificat " ;

IV. - SUR LES PANNEAUX PUBLICITAIRES

Considérant que le Tribunal par des motifs pertinents, a relevé que le client potentiel, préalablement à son entrée dans un magasin non affilié au réseau agréé, et pratiquant des prix réduits affichés en devanture, devrait parfaitement être informé de l'exclusion du bénéfice de la garantie internationale Seiko, et a ordonné aux sociétés du groupe TAD et à la société Monting l'apposition permanente de panonceaux visibles du public, portant en caractères gras l'indication précisant que " les montres Seiko vendues dans le magasin ne bénéficient pas de la garantie internationale Seiko " et l'inscription de cette même mention sur tous documents publicitaires ;

Qu'il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise, et de dire que ces panonceaux affichés en permanence, mesureront au moins 13 x 18 cm ;

V. - SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE ET PARASITAIRE

Considérant que les sociétés appelantes font valoir :

- qu'elles commercialisent un certain nombre de montres de qualité comparable à celles de la marque Seiko, auprès de détaillants présentant des critères identiques à ceux des revendeurs Seiko,

- qu'elles assurent le service après vente par le biais de la société TP

- qu'en aucun cas elles ne portent atteinte à l'image de la marque ;

Considérant que la société CGH réplique :

- que dans le système de distribution sélective par elle mis au point, les montres sont vendues par des horlogers bijoutiers qualifiés se consacrant à la vente au détail de produits de haute et de moyenne gamme ; disposant d'un stock représentatif de la marque et d'un personnel compétent susceptible de conseiller la clientèle,

- que les sociétés appelantes vendent les produits Seiko dans des conditions inacceptables, sans présentation en vrac, à côté de produits de bas de gamme, parfois, après démarchage ou dans la rue par l'intermédiaire de vendeurs sans formation horlogère, et sans possibilité d'assurer un service après vente faute de pièces détachées,

- que les sociétés se livrent à des actes de concurrence déloyale et parasitaire en cherchant à tirer un avantage personnel de la notoriété attachée à la marque Seiko ;

Considérant que courant juin 1989, la Commission des Communautés Européennes, après examen du contrat type de distribution établi par la société CGH, a indiqué que les modifications apportées à sa demande audit contrat pouvaient " être considérées comme satisfaisante, au regard des règles de concurrence communautaire ", que la Direction Générale de la Concurrence n'estimait pas nécessaire de proposer à la Commission d'adopter une décision d'exemption au titre de l'article 85 § 3 du traité de Rome, et a délivré à CGH une lettre administrative de classement ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment des constats d'huissier dressés à la requête de la société CGH et des lettres de réclamation adressées à celle-ci par plusieurs distributeurs agréés du réseau :

- que les montres Seiko sont vendues par les sociétés appelantes, directement ou par biais de revendeurs, dans des magasins proposant au public des articles de bas de gamme ne figurant pas sur les pannels de notoriété de l'horlogerie ou des produits ne concernant pas l'horlogerie (vêtements, petits bijoux fantaisie, pacotilles sans valeur ") parfois en vrac,

- que le personnel de ces magasins n'a ni les connaissances, ni les compétences que tout consommateur est en droit d'attendre du vendeur d'un produit d'une certaine notoriété et relative complexité,

- que diverses entreprises, agréées ou non par la société CGH ont fait l'objet de démarchages ;

Considérant que si le fait pour un revendeur de s'approvisionner sur le marché parallèle ne constitue pas en tant que tel, une pratique de concurrence déloyale, encore faut-il qu'il informe clairement le consommateur des différences caractérisant les produits et services qu'il offre par rapport à ceux du réseau de la marque et respecte les conditions qualitatives du système de distribution agréé par le fabricant ou son représentant,

Que tel n'est pas le cas, en l'espèce, dès lors que le produit est vendu dans des conditions de nature à dévaloriser l'image de la marque et que les bons de garantie, panonceaux et documents publicitaires comportent une présentation ou des mentions ambiguës susceptibles de créer une confusion dans l'esprit du consommateur ;

Considérant qu'il s'ensuit que les sociétés TAD, Le Spécialiste et Monting, de par leurs agissements se sont livrées à des actes de concurrence déloyale et ont ainsi causé à la société CGH un préjudice dont elles doivent réparation,

Que la Cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 200 000 francs le montant des dommages intérêts à allouer de ce chef ;

Considérant que la société CGH qui ne fournit aucun élément établissant que les sociétés appelantes se sont servies de la marque Seiko et de sa notoriété pour diffuser et valoriser leurs propres produits ou des produits d'autres marques par elles vendus, n'est pas fondée à leur reprocher des actes de concurrence parasitaires ;

Considérant que les sociétés appelantes n'étant pas liées à la société CGH par contrat, c'est à tort que le Tribunal leur a ordonné de respecter certaines clauses du protocole de distribution conclu entre CGH et ses détaillants ;

Qu'il convient d'infirmer sur ce point le jugement déféré ;

VI. - SUR L'INTERDICTION DE VENDRE LES MONTRES SEIKO

Considérant que l'authenticité des produits Seiko proposée par les sociétés du groupe TAD et la société Monting n'est pas contestée ;

Que c'est donc à juste titre que le Tribunal arguant de la liberté du commerce et du jeu de la libre concurrence, a rejeté la demande formée de ce chef par la société CGH ;

Qu'il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise ;

VII. - SUR LE REFUS DE VENTE

Considérant que la société TP fait valoir :

- qu'elle s'approvisionne partiellement depuis de nombreuses années en pièces détachées auprès de la société CGH afin d'assurer le service après vente des montres Seiko commercialisées par les sociétés TAD et Le Spécialiste,

- que la société CGH a refusé d'honorer la commande par elle passée le 13 décembre 1990, malgré mise en demeure du 12 février 1991,

Considérant que la société CGH réplique

- que la société TP n'est qu'une émanation de la société TAD,

- que sa demande revêt un caractère anormal car elle est destinée à alimenter un réseau qui use à son égard de manœuvres déloyales et parasitaires ;

Considérant qu'il résulte des écritures des parties et des pièces versées aux débats, que les pièces détachées commandées par la société TP étaient destinées à la réparation des montres Seiko acquises sur le marché parallèle par les sociétés du groupe TAD dont fait partie la société TP ;

Qu'une telle demande, nonobstant l'existence de quelques ventes antérieures présente un caractère anormal, dénué de toute bonne foi, et justifie le refus de vente opposé par la société CGH, distributeur exclusif pour la France des produits Seiko qui aux termes de l'article 7 du contrat conclu le 10 mai 1982 est tenue d'assurer le service après vente aux clients finals des seuls produits contractuels tels que définis à la Convention ;

VIII. - SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que les sociétés appelantes qui succombent ne sont pas fondées à solliciter l'allocation de dommages intérêts et une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile,

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CGH les frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel et que la Cour fixe, compte tenu des éléments de la procédure dans les termes prévus au dispositif du présent arrêt ;

Par ces motifs : Ordonne la disjonction de la procédure concernant la société Diditronix, Renvoie celle-ci à la mise en état, Dit que faute pour les parties de conclure dans un délai de trois mois à compter de ce jour, ladite procédure sera radiée du rôle générale de la Cour, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - condamné conjointement et solidairement les sociétés Time and Diamonds et Le Spécialiste à payer à la société Compagnie Générale Horlogerie la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts et la société Monting celle de 30 000 F, pour concurrence déloyale et parasitaire, - a ordonné aux sociétés Time and Diamonds, Le Spécialiste et Monting de respecter dans leurs formes de commercialisation les conditions qualitatives de la Compagnie Générale Horlogerie à charge pour elle de communiquer ces conditions aux dites sociétés, Statuant à nouveau, Condamne solidairement la société Time and Diamonds, la société Le Spécialiste et la société Monting à payer à la société Compagnie Générale Horlogerie la somme de 200 000 F à titre de dommages intérêts pour conc rrence déloyale, Confirme pour le surplus le jugement, Y ajoutant : - interdit aux sociétés Time and Diamonds, Le Spécialiste et Monting l'utilisation des bons de garantie par elles actuellement émis, sous astreinte de 15 000 F par infraction constatée et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, - dit que les bons de garantie devront désormais comporter, en intitulé la seule mention : " Bon de Garantie ", sans référence à la marque Seiko, l'identification commerciale, complète du revendeur même taille et d'une dimension double de celle des clauses de garantie, la mention suivante : " La montre achetée chez nous ne bénéficie pas de la garantie internationale Seiko ; elle bénéficie de la seule garantie assurée par notre magasin sur présentation du présent certificat ", - dit que les panneaux affichés dans les vitrines auront une dimension au moins égale à 13 x 19 centimètres, - dit que ces panneaux, ainsi que tous prospectus publicitaires porteront en caractères gras, nettement détachés des autres mentions la formule suivante " les montres Seiko vendues dans ce magasin ne bénéficient pas de la garantie internationale Seiko ", Condamne les sociétés Time and Diamonds, Le Spécialiste, Time Production et Monting à payer chacune à la société Compagnie Générale Horlogerie, la somme de 5 000 F toutes taxes comprises au titre de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile , Déboute les sociétés Time and Diamonds, Le Spécialiste, Time Production et Monting de leurs demandes, la société Compagnie Générale Horlogerie du surplus de ses demandes, Condamne les sociétés Time and Diamonds, Le Spécialiste, Time Production et Monting aux dépens d'appel, Admet la société civile professionnelle Roblin-Chaix de Lavarene avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de Procédure Civile.