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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 septembre 1992, n° 90-021073

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Van Hulle

Défendeur :

Gadgeterie du Sentier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

(faisant fonction): Mme Mandel

Conseillers :

MM. Boval, Ancel

Avoués :

SCP Bollet Baskal, Me Blin

Avocats :

Mes Moutot, Hoffman.

T. com. Paris, 1re ch., du 10 sept. 1990

10 septembre 1990

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par Melle Van Hulle du jugement rendu le 10 septembre 1990 par le Tribunal de Commerce de Paris dans un litige l'opposant à la Société Gadgeterie du Sentier ensemble sur l'appel incident de cette dernière.

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits et de la procédure de première instance il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

Se prévalant de ses droits sur un modèle de barrette dite " Kuta " qu'elle aurait créée en décembre 1988 et commercialisée dès janvier 1989, Melle Van Hulle a fait pratiquer le 10 novembre 1989 une saisie contrefaçon au siège de la Société Gadgeterie du Sentier.

Estimant que cette société avait commercialisé un modèle de barrette contrefaisant son modèle et s'était livrée à son encontre à des actes de concurrence déloyale, Melle Van Hulle l'a assignée le 8 décembre 1989 devant le Tribunal de Commerce.

Outre les mesures habituelles d'interdiction sous astreinte et de publication, elle a sollicité la condamnation de cette société à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 F à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise par ailleurs sollicitée, elle a également réclamé paiement de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En réponse la Société Gadgeterie du Sentier a conclu à ce que Melle Van Hulle soit déboutée de ses demandes au motif qu'elle ne justifiait ni de la création, ni de la nouveauté, ni de l'originalité du modèle et a demandé qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Tribunal par le jugement entrepris a dit :

- Melle Van Hulle exploitante sous l'enseigne Scooter recevable et partiellement fondée en son action à l'encontre de la Société Gadgeterie du Sentier,

- le modèle de barrette Kuta produit et commercialisé par Melle Van Hulle nouveau et original et susceptible de bénéficier de la loi du 11 mars 1957,

- que la défenderesse s'est rendue coupable d'acte de contrefaçon à l'encontre de Melle Van Hulle en contrefaisant et commercialisant une copie quasi servile de ladite barrette, a validé la saisie contrefaçon et l'a condamnée à payer à Melle Van Hulle la somme de 1 F pour préjudice moral et 2 500 F pour le préjudice commercial,

- que la Société défenderesse ne s'est pas rendue coupable d'actes de concurrence déloyale.

Il a par ailleurs ordonné des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication et condamné la Société Gadgeterie du Sentier à payer à Melle Van Hulle la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelante par déclaration du 11 octobre 1990 Melle Van Hulle prie la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande du chef de la concurrence déloyale et de sa demande d'expertise.

Elle sollicite la condamnation de la Société Gadgeterie du Sentier pour faits de concurrence déloyale, reprend sa demande d'expertise comptable et sollicite paiement de la somme de 150 000 F à titre de préjudice moral et d'une indemnité provisionnelle du même montant sur son préjudice matériel.

Enfin elle réclame paiement d'une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société Gadgeterie du Sentier formant appel incident prie la Cour de débouter Melle van Hulle de son action en contrefaçon, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande du chef de la concurrence déloyale et enfin de condamner celle-ci à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Discussion

I. - Sur la recevabilité de Melle Van Hulle à agir en contrefaçon de modèle sur le fondement de la loi du 11 mars 1957

Considérant que Melle Van Hulle prétend qu'elle a créé dans le cadre de son activité en décembre 1988 le modèle de barrette à cheveux référencé dans sa collection sous la dénomination " Kuta ".

Mais considérant qu'à juste titre la Société Gadgeterie du Sentier fait valoir que Melle Van Hulle ne justifie pas de sa création, charge qui lui incombe.

Qu'elle se contente de produire des factures à en tête " Scooter " nom sous lequel elle exerce ses activités mentionnant diverses références dont BO Kuta et ou barrette Kuta.

Mais considérant qu'elle ne verse aux débats aucun dessin, aucun croquis, aucun catalogue démontrant qu'elle aurait créé en décembre 1988 la barrette qu'elle revendique aujourd'hui et que la référence Kuta correspondrait à cette création alléguée.

Qu'il ne suffit pas de vendre un objet pour prétendre bénéficier sur celui-ci de droits d'auteur.

Qu'en conséquence Melle Van Hulle doit être déclarée irrecevable à agir sur le fondement de la loi du 11 mars 1957.

II. - Sur la concurrence déloyale

Considérant que Melle Van Hulle fait grief à la Société Gadgeterie du Sentier d'avoir commercialisé à vil prix une copie servile du modèle Kuta.

Considérant que le modèle en litige est commercialisé par Melle Van Hulle depuis février 1989 si on se réfère aux factures produites.

Que la Gadgeterie du Sentier ne justifiant pas avoir mis son propre modèle en vente plutôt, Melle Van Hulle bénéfice de l'antériorité de commercialisation.

Considérant que la production à l'audience des deux barrettes en litige révèle que le modèle de la Gadgeterie du Sentier constitue une copie servile de celui vendu par Melle Van Hulle.

Que les deux barrettes sont formées des deux mêmes estampes triangulaires et du même ornement central.

Qu'elles sont fabriquées dans le même matériau de couleur argentée.

Que même si l'ornement central est très légèrement plus large sur la barrette de la Société intimée il existe un risque de confusion certain pour la clientèle entre les deux modèles.

Que Melle Van Hulle doit en conséquence être déclarée bien fondée en sa demande en concurrence déloyale.

Considérant que 36 barrettes ayant été trouvées au siège de la Société Gadgeterie du Sentier lesquelles étaient commercialisées à un prix légèrement supérieur à celui auquel Melle Van Hulle vendait les siennes (119 F HT au lieu de 952 F HT prix au détaillant), la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise pour évaluer le préjudice de l'appelante toutes causes confondues à la somme de 10 000 F.

Considérant qu'il convient à titre de réparation complémentaire d'ordonner à la Société Gadgeterie du Sentier de cesser la commercialisation des barrettes litigieuses sous astreinte de 200 F par barrette vendue ou offerte à la vente à compter de la signification de l'arrêt.

Considérant en revanche que les mesures de publication sollicitées ne sont pas justifiées.

Que la demande de ce chef sera rejetée.

III. - Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Considérant que la somme allouée de ce chef par le Tribunal de Commerce à Melle Van Hulle apparaît suffisante pour l'ensemble de ses frais non taxables de première instance et d'appel.

Qu'elle sera donc déboutée de sa demande supplémentaire de ce chef.

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable que la Société Gadgeterie du Sentier qui succombe pour partie supporte la charge de ses frais hors dépens.

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris, Déclare Melle Van Hulle Isabelle irrecevable à agir en contrefaçon de modèle sur le fondement de la loi du 11 mars 1957, Dit que la Société Gadgeterie du Sentier a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant des barrettes constituant une copie servile de celles vendues par Melle Van Hulle, La condamne à payer à Melle Van Hulle la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Ordonne à la Société Gadgeterie du Sentier de cesser la commercialisation des barrettes incriminées sous astreinte de 200 F par barrette vendue ou offerte à la vente à compter de la signification de l'arrêt, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la Société Gadgeterie du Sentier aux dépens. Admet la SCP Bollet Baskal Avoués au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.