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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 18 juin 1992, n° 90-14130

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jacques Bénédict (Sté)

Défendeur :

Fred Joaillier (Sté), Thierry Sabine (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Conseillers :

MM. Ancel, Jacomet

Avoués :

SCP Fisselier, SCP Fanet

Avocats :

Mes Lherbet, Chachaut, Thomas.

T. com. Paris, 18e ch., du 27 avr. 1990

27 avril 1990

La SARL TSO est titulaire d'une marque nominative Paris Dakar. Cette marque enregistrée sous le n°12 65014 a été déposée le 20 mars 1984 pour différents articles et services, notamment joallerie, horlogerie et autres instruments chronométriques, appartenant aux classes 9, 12, 14, 16, 18, 24, 25, 28, 24, 41 ;

Suivant contrat en date du 15 novembre 1985, régulièrement inscrit à l'INPI, prenant effet le 4 septembre 1985 et expirant le 4 septembre 1988, la SARL TSO a concédé à la SA J. Bénédict la licence exclusive de sa marque sur le territoire français et tous les pays où la société licenciée commercialise directement et indirectement ses produits, à l'exception du Canada et des Etats Unis d'Amérique ;

Il n'est pas contesté qu'à la fin de ce contrat, la SARL TSO a adressé à la SA J. Bénédict un télex l'informant qu'elle renouvelait l'accord aux mêmes conditions et pour la même durée que celui qui était venu à expiration en septembre 1988 ;

La SA J. Bénédict a justifié du paiement de redevances à la SARL TSO, au titre de ce contrat pour le 4e trimestre 1988 et le 1er trimestre 1989. Elle a versé aux débats de nombreuses publicités qu'elle a diffusées dans différents journaux dans le cadre de l'exploitation de sa marque.

La SA Fred Joaillier a fait paraître le 9 janvier 1989 dans le journal " L'Equipe " en encart publicitaire intitulé " Fred Ari Vatanen courent le Paris-Dakar " où les mots Fred, Ari Vatanen et Paris Dakar sont écrits en lettres majuscules de même dimension. Sur cette insertion, on distingue le portrait d'Ari Vatanen, portant une combinaison sportive sur laquelle on peut lire le mot Fred. A côté, on remarque une montre de type chronomètre de marque Fred.

A la même époque était commercialisé un livre intitulé " Le Raid Rallye " comportant une préface rédigée par Ari Vatanen, représenté avec une combinaison reproduisant le signe Fred. En face de cet article figure une page publicitaire sur laquelle on distingue un coureur automobile portant une montre ainsi qu'une montre agrandie Paris-Dakar. Sur cette insertion, on peut lire les mentions " L'aventure se gagne à la force du poignet. " Chronotimer " par JB Technologie, créateur exclusif des montres Paris-Dakar... Distributeur exclusif J.B. SA " ;

Suivant acte en date du 1er octobre 1989, la SARL TSO à cédé pour 750 000 F à la SA Jacques Bénédict la propriété de la marque " Paris-Dakar " et de l'emblème " Cheche " pour les produits et services d'horlogerie tels que visés dans la classe 14 de la classification internationale ;

Par jugement en date du 27 avril 1990, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de concurrence déloyale de la SA Jacques Bénédict à l'encontre de la SA Fred, admis la demande de la SARL TSO, ordonné à la SA Fred de cesser dans les huit jours de la signification du jugement toute publicité faisant usage de la marque Paris-Dakar et ce, sous astreinte de 2 000 F par infraction constatée, condamné la SA Fred à payer à la SARL TSO 1 F de dommages et intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

La SA Jacques Bénédict a interjeté appel le 28 mai 1990 ;

Elle demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de son action en concurrence déloyale. Elle réclame la condamnation de la société Fred à lui payer 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à cesser immédiatement toute publicité utilisant l'appellation Paris-Dakar associée au nom de Fred Joaillier et ce, sous astreinte de 20 000 F par infraction constatée ;

Elle indique qu'elle a bénéficié depuis 1985 d'une licence exclusive d'exploitation de la marque Paris-Dakar, que le contrat a bien été renouvelé en 1988, que la circonstance que ce renouvellement n'ait pas été publié à l'INPI est sans importance sur la recevabilité de son action, que la réalité de l'exploitation à partir de septembre 1988 est établie, que dans le cadre de celle-ci, elle a développé un important budget publicitaire, mis au point des montres et montres chronomètres vendues spécifiquement sous l'appellation Paris-Dakar, que pour le seul Rallye Paris-Dakar de janvier 1989, elle a dépensé un budget publicitaire de 870 000 F, auxquels s'ajoutent d'autres frais au titre de relations publiques et relations avec la presse, qu'elle était donc bien fondée à exploiter la marque Paris-Dakar et à se plaindre des agissements de la société Fred et notamment de l'insertion publicitaire effectuée le 9 janvier 1989 dans le journal L'Equipe et de la manière dont a été insérée la publication de la SA J. Bénédict dans un ouvrage Rallye Raid préfacé par Ari Vatanen et que de tels actes qui étaient conçus de manière à tromper le public et à laisser entendre que la SARL Fred fabriquait des montres Paris-Dakar constituent des agissements de concurrence déloyale. Elle ajoute que la volonté de la SA Fred de porter atteinte à ses droits est encore attestée par la présence dans la vitrine d'une boutique Fred à Deauville le 13 novembre 1989, d'un panneau reproduisant celui publié dans le journal l'Equipe. Elle indique que son préjudice est bien justifié alors que la SA J. Bénédict ne recherche pas la notoriété sous son propre nom mais sous celui des marques qu'elle exploite et notamment la marque Paris-Dakar qu'elle a en outre acquise, que la SA Fred ne peut se prévaloir de sa propre notoriété ni du fait que le rallye Paris-Dakar aurait été supprimé ;

La SARL TSO demande la confirmation du jugement sur le principe de la condamnation de la SA Fred et celui de son indemnisation, ainsi que sur la mesure d'interdiction sous astreinte. Elle demande son infirmation en ce qui concerne le montant de l'astreinte qui doit être définitive et portée à 20 000 F par infraction constatée et la fixation de son préjudice qui doit être évalué à 100 000 F. Elle réclame en outre 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Elle fait valoir que l'utilisateur, sous une forme quelconque et un nom quelconque à des fins publicitaires pour les besoins d'un commerce, d'une marque appartenant à un tiers constitue un usage illicite de marque, que c'est à juste titre que son licencié qui avait effectivement bénéficié du renouvellement de son contrat, à partir de septembre 1998, pour une durée de 3 ans, a agi au titre de la concurrence déloyale. Elle ajoute que la volonté de créer une confusion était certaine : les deux montres ont la même apparence, la publicité vise la même clientèle et les deux produits de même nature sont présentés dans les mêmes revues et journaux sportifs. Elle indique que son préjudice est important, que la société Fred par ses agissements a jeté un discrédit sur la marque dont elle a affaibli le caractère distinctif et diminué les redevances que devait lui verser la SA J. Bénédict qui étaient calculées sur son chiffre d'affaires ;

La SA Fred demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en concurrence déloyale de la SA J. Bénédict, l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable et partiellement fondée la demande de la SARL TSO et lui a accordé 1 F de dommages et intérêts, la confirmation du jugement pour le surplus. Elle réclame la condamnation des sociétés TSO et Jacques Bénédict à lui payer 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC .

Elle fait valoir que la SA Jacques Bénédict n'a pas justifié du renouvellement de son contrat à compter de septembre 1988. Elle indique qu'elle ne s'est rendue coupable ni d'acte de concurrence déloyale, ni de délit d'usage illicite de marque et d'usage de marque sans l'autorisation de son titulaire. Elle précise qu'elle avait parfaitement le droit d'utiliser la notoriété de sa propre marque et celle d'Ari Vatanen avec lequel elle avait passé des accords à l'occasion des courses auxquelles ce dernier participait, qu'on ne saurait la priver du droit de citer les mots " Paris-Dakar ", qu'elle n'a pas fait référence à cette marque mais à l'épreuve de course, qu'aucune confusion n'était possible entre les montres Fred et Paris-Dakar qui sont d'un prix très différent que les publicités incriminées ne pouvaient créer de confusion, que la société Fred est totalement étrangère à la mise en page du livre Rallye Raid, que la présentation dans une boutique Fred à Deauville de la photo d'Ari Vatanen associée à Paris-Dakar, ne saurait établir la mauvaise foi de la société Fred ni un acte de concurrence déloyale. Elle ajoute que les délits " d'usage illicite de marque et d'usage de marque sans autorisation de son titulaire ne sont pas établis " la société Fred n'ayant jamais utilisé la dénomination Paris-Dakar à titre de marque mais seulement pour désigner une épreuve sportive, que les infractions reprochées nécessitent une intention frauduleuse qui n'a pas été prouvée. Elle indique enfin que le préjudice des sociétés Jacques Bénédict et TSO n'a pas été justifié d'autant que le rallye Paris-Dakar, support de la marque, a été supprimé pour une durée indéterminée dont elle ne peut exclure qu'elle soit définitive ;

Sur ce,

Considérant que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions il sera référé au jugement et aux écritures d'appel ;

Considérant que la SARL TSO a agi à l'encontre de la SA Joaillier en lui reprochant un usage illicite de marque ;

Considérant que la SARL TSO est titulaire de la marque Paris-Dakar qu'elle a déposée le 20.03.1984 ; que dans cette dénomination les mots Paris-Dakar sont écrits en lettres majuscules et séparées d'un trait d'union ; que cette marque couvre notamment les articles de joaillerie, horlogerie et instruments chronométriques ;

Considérant qu'il n'a pas été contesté que la dénomination Paris-Dakar pour désigner des montres ou instruments chronométriques constitue une marque valable ;

Considérant que l'usage d'une marque sans l'autorisation du titulaire, pour désigner les objets couverts par cette marque, constitue un usage illicite de marque ;

Considérant que la SA Fred n'a jamais soutenu avoir été autorisée par la SARL TSO à utiliser la marque Paris-Dakar ;

Considérant que la SA Fred a fait paraître dans le journal l'Equipe pour le 9 janvier 1989 une publicité rédigée en ces termes : " Fred et Art Vatanen courent le Paris-Dakar " ; qu'en dessous de cette expression on remarque un coureur automobile, portant une combinaison sur laquelle on peut lire le mot Fred ; que ce coureur porte à son poignet une montre ; que celle-ci est présentée en outre de manière agrandie et apparaît être une montre chronomètre dont le cadran porte les mention " Fred " et " Force 10 " ; qu'à côté de la photographie d'Art Vatanen on peut lire les mentions suivantes : " présélection de 20 pièces du chrono Force 10 acier et or 18 kt, mouvement quartz rattrapante, 5/100e de seconde, jour, date, étanche à 50 mètres " ; qu'en bas de cette publicité figurent les références de la société Fred Joaillier ;

Considérant que l'emploi de la marque dans une publicité constitue un usage illicite, indépendamment de son apposition sur l'objet qu'elle désigne ;

Considérant que dans l'expression " Fred et Ari Vatanen courent le Paris-Dakar ", les mots Fred, Ari Vatanen Paris-Dakar sont écrits en lettres majuscules d'égales dimensions ; que les mots Paris-Dakar sont séparés par un trait d'union ;

Considérant que la dénomination de la marque Paris-Dakar est ainsi reproduite de manière servile avec le même graphisme majuscule ; que dans la publicité comme dans la marque les mots Paris et Dakar sont séparés par un trait d'union ;

Considérant que la SA Fred Joaillier ne peut soutenir utilement qu'elle n'a pas utilisé les mots Paris et Dakar séparés par un trait d'union, à titre de marque, mais seulement pour désigner une course automobile célèbre ;

Qu'en effet, la publicité effectuée par la SA Fred Joailler avait pour but de promouvoir la vente de montres chronomètres Fred, alors que la marque Paris-Dakar couvre ce type d'article ;

Qu'elle a donc utilisé la marque pour désigner des objets auxquels s'applique la marque et qui ne sont pas ceux fabriqués ou distribués par le titulaire de la marque ; que la circonstance que les mots Paris-Dakar n'aient pas été reproduits sur la montre elle-même est ici indifférente, la référence à la marque Paris-Dakar dans le texte même de la publicité étant suffisante pour laisser penser que la marque Paris Dakar s'applique aux montres Fred ;

Considérant ainsi que la société Fred a utilisé la marque Paris-Dakar pour un usage commercial sans autorisation de son titulaire ; que l'utilisation illicite de marque est fautive, sans qu'il y ait lieu d'établir la mauvaise foi de son auteur ou la création d'un risque de confusion ;

Considérant que suivant constat en date du 13.11.1989, Maître Delignault, huissier, a indiqué qu'il avait relevé la présence dans la vitrine d'une boutique Fred à Deauville d'un panneau portant les mots : " Fred et Ari Vatenen, l'équipe du Paris-Dakar ", dont il a pris une photographie ; que la comparaison de cette photographie avec la publicité insérée dans le journal l'Equipe du 09.01.1989 révèle que ce panneau est la reproduction quasi identique de la publicité, la seule différence étant que le mot " courent " dans l'expression " Fred et Ari Vatanen courent le Paris-Dakar " a été remplacé sur le panneau par " l'équipe de " et que le coureur automobile n'est pas exactement les mêmes ; qu'on y retrouve également la montre agrandie se présentant comme une montre chronomètre ;

Considérant que pour les mêmes raisons que précédemment, la confection du panneau et son exposition dans une boutique placée sous le contrôle direct de la SA Fred, constitue un acte d'usage illicite de la marque Paris-Dakar ;

Que la SA Fred sera également condamné de ce chef ;

Considérant que la SA Jacques Bénédict exerce à l'encontre de la SA Fred une action en concurrence déloyale et non une action en contrefaçon de marque ; que ceci ressort expressément de ses écritures, notamment celles du 28.09.1990, qu'on peut y lire " l'activité de la société Jacques Bénédict qui encore une fois est une action en concurrence déloyale et non une action en contrefaçon de marque " ;

Considérant que la SA Jacques Bénédict a bénéficié d'un contrat de licence de la marque Paris-Dakar dont était titulaire la SARL TSO ; que le contrat portait sur l'exploitation de la marque, notamment pour les montres et pour la France, du 4 septembre 1985 au 4 septembre 1988 ; que le contrat a été régulièrement inscrit à l'INPI le 20 février 1986 ; que si tout renouvellement par reconduction était exclu, il était convenu " qu'au plus tard dans les 3 mois précédant la date d'expiration du contrat, les parties se consulteront afin d'examiner les principes et les modalités d'un nouveau contrat " ;

Considérant que la société TSO a adressé à la société Jacques Bénédict un télex rédigé en ces termes : " comme énoncé verbalement, nous vous confirmons notre accord pour prolonger notre collaboration dans le cadre de la licence que vous exploitez pour les modèles des montres Thierry Sabine Ténère Paris Dakar aux mêmes conditions que celles du contrat qui vient à expiration en septembre 1988. J.M. Baslhenavous fera donc parvenir un nouveau projet de contrat de licence pour les trois années à venir ;

Considérant que la réalité de ce télex n'a pas été contestée, que s'il n'est pas daté, il résulte de ses termes qu'il a été adressé à la société Jacques Bénédict avant l'expiration du contrat ; que si ce nouvel accord n'a pas été formalisé par contrat écrit, la SARL TSO a confirmé que le contrat expire le 4 septembre 1988 avait bien été renouvelé pour une nouvelle période de 3 ans ; que la poursuite du contrat de licence est avérée par la justification de redevances calculées sur le chiffre d'affaires versées par la SA Jacques Bénédict à la société TSO pour les périodes du 4ème trimestre 1988 et 1er trimestre 1989 ;

Considérant que la SA Fred n'ignorait pas que la société J. Bénédict bénéficiait jusqu'en septembre 1988 d'un contrat de licence exclusive, puisque le contrat venant à expiration à cette date avait été publié le 10 février 1986 ; qu'elle ne pouvait ignorer que ce contrat de licence pouvait être renouvelé ; qu'elle n'a d'ailleurs justifié d'aucune démarche tant auprès de la SARL TSO que de la SA Bénédict, aux fins de s'assurer que le contrat n'avait pas été reconduit ;

Considérant que la publication d'un contrat de licence n'est pas une condition de recevabilité de l'action en concurrence déloyale ; que la SA Fred n'a aucune qualité à contester aux parties " un contrat de licence exclusive des droits d'utilisation qu'ils se sont concédés ;

Considérant que dès lors que la société Sabine exploitait légitimement la marque, elle était en droit de poursuivre en concurrence déloyale un tiers qui, par ses agissements, portait atteinte à ses droits d'exploitant en se référant à la même marque ; qu'ainsi son action est recevable ;

Considérant que la SA Bénédict invoque comme faits de concurrence déloyale ; la publicité inscrite dans le journal ; la publicité inscrite dans le journal l'Equipe le 09.01.1989, l'exposition du panneau en novembre 1989 dans une boutique Fred à Deauville reproduisant de manière presqu'identique cet encart publicitaire, la commercialisation du livre Raid Rallye présentant tout à la fois une publicité de la marque Fred et une publicité de la marque J. Bénédict pour les montres Paris-Dakar ;

Considérant que l'encart publicitaire publié le 09.01.1989 dans le journal l'Equipe est très proche dans sa présentation de la publicité que faisait la société J. Bénédict dans la revue " 4X4 " parue en janvier 1989 ; qu'on y retrouve en effet un coureur automobile portant une montre au poignet, une montre agrandie se présentant comme un chronomètre, une légende indiquant les caractéristiques de ce chronomètre ;

Considérant que la société Fred, tout comme la société J. Bénédict ont notamment pour activité commerciale de vendre des montres chronomètres ;

Que la société Fred a utilisé illicitement la marque Paris-Dakar pour vendre de tels articles sous sa marque; que, par cette faute elle a porté préjudice à la société Sabine ; qu'on notera, au surplus, qu'elle ne pouvait ignorer que la société J. Bénédict commercialisait des articles de même nature sous la marque Paris-Dakar ;

Que par un tel usage, la SA Fred s'est rattachée de manière indiscrète à la publicité commerciale effectuée par la SA J. Bénédict;

Qu'un tel rattachement était d'autant plus manifeste que les deux publicités avaient une présentation similaire; qu'elles utilisaient toutes deux l'association d'un coureur automobile et d'une montre chronomètre ; qu'elles étaient destinées à faire acquérir par un public sportif de tels articles ; que les revues dans lesquelles étaient insérées ses publicités étaient diffusées auprès d'un public restreint, celui intéressé par les courses de rallye automobile ;

Considérant que par un tel agissement, la société Fred a crée un risque de confusion auprès d'une clientèle d'attention moyenne qui a pu croire que les produits, montres et chronomètres, commercialisés avaient la même origine ou que les deux sociétés avaient des liens entre elles;

Considérant que par un tel comportement et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la société Fred a agi avec l'intention de nuire, celle-ci a commis un acte de concurrence déloyaleet engagé ses responsabilités sur le fondement de l'article 1382 du Code Civile ;

Considérant ainsi qu'il a été précisé, que le panneau dont la présence a été constatée dans la vitrine d'un magasin à Dauville en novembre 1989 reproduisait de manière quasi identique, à quelques détails près, l'encart publicitaire précité ;

Que ce fait, pour les raisons déjà indiquées, constitue un agissement de concurrence déloyale dont les conséquences dommageables seront appréciéesen tenant compte de ce que le public touché en une telle publicité est moins nombreux que celui constitué par les lecteurs du journal l'Equipe ;

Que la société Fred ne saurait contester sa responsabilité pour cette publicité dès lors que le magasin de Deauville est placé sous son contrôle direct et que, de plus, il faisait déjà l'objet de poursuites en concurrence déloyale devant le Tribunal de Commerce de Paris pour la publicité publiée dans le journal L'Equipe ;

Considérant en ce qui concerne le livre Rallye-Raid que la société Jacques Bénédict reproche à la société anonyme Fred d'avoir fait paraître dans cet ouvrage une préface signée Ari Vatanen, accompagnée d'une photo de ce pilote portant une combinaison avec une étiquette de Fred Joailler face à la publicité de la société J. Bénédict pour ses montres Paris-Dakar ;

Considérant que l'ouvrage litigieux a été édité en 1988 sous le nom de Rallye Raids et Marathons par les éditions Artice ; que page 13, figure effectivement une préface signée Ari Vatanen et datée du 16.10.1988 ; qu'en dessous de cette préface, on trouve la photographie de ce coureur portant une combinaison Fred Joailler que la page 12, située en face de la page 13, reproduit une publicité de la société Bénédict représentant un coureur automobile portant une montre au poignet ; qu'en bas de cette publicité, la montre est représentée dans une forme agrandie sur laquelle on peut lire la mention Paris-Dakar ; que l'ensemble de cette publicité est accompagné de la légende " Les montres Paris-Dakar " ;

Considérant qu'aucun reproche ne saurait être fait de ce chef à la société Fred ; qu'il ressort en effet des mentions de cet ouvrage qu'elle n'a en aucune manière participé à sa réalisation ou à sa mise en page et que ce fait n'est contredit par aucun élément versé aux débats ;

Considérant par suite que la SA J. Bénédict sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Considérant que le préjudice subi par la société J. Bénédict est constitué par la confusion entre deux publicités qui ont pu conduire une partie de la clientèle à croire que les deux sociétés Fred et J. Bénédict avaient des intérêts liés ; que s'ajoute la perte d'une partie du bénéfice de ses investissements et des efforts publicitaires qu'elle avait entrepris ;

Qu'il n'y a pas à prendre en compte pour apprécier le préjudice subi par la société J. Bénédict le prix pour lequel elle a acheté la marque Paris-Dakar à la SARL TSO, celui-ci étant sans rapport avec l'effet négatif qu'ont pu avoir sur ses ventes et sur son image, les agissements déloyaux de la société Fred ; que cet effet s'est produits, même si sa portée a été atténuée pour une période ultérieure par la suppression du rallye Paris-Dakar ;

Considérant que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 40 000 F le préjudice subi par la société J. Bénédict ; que la SA Fred sera donc condamnée à lui payer cette somme ;

Considérant que le préjudice subi par la société TSO est constitué par l'atteinte à son droit de propriété sur la marque et à son caractère distinctif ;

Qu'il comprend également la diminution du montant des redevances dues par la société J. Bénédict qui étaient calculées sur le chiffre d'affaires réalisé par cette société qui s'est vu privée du plein effet de ses efforts de publicité et de promotion commerciale par les agissements de concurrence déloyale dont elle a été l'objet ;

Considérant que la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer à 40 000 F le préjudice ainsi subi par la SARL TSO ;

Que la SA Fred sera donc condamnée à lui payer cette somme ;

Considérant qu'il y a lieu à titre de réparation complémentaire d'interdire à la SA Fred toute publicité utilisant l'appellation Paris-Dakar associée au nom Fred Joaillier et ce sous astreinte de 2 000 F par infraction constatée ;

Que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SA Fred à payer à chacune des sociétés victimes de ses agissements la somme de 8 000 F pour les frais irrépétibles qu'ils ont exposés devant le Tribunal et devant la Cour ;

Par ces motifs : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a ordonné de faire cesser dans les huit jours de la signification du jugement toute publicité faisant usage de la marque Paris-Dakar et ce, sous astreinte de 2 000 F par infraction constatée ; Statuant à nouveau et y ajoutant : - déclare recevable et bien fondée l'action en concurrence déloyale de la société J. Bénédict contre la SA Fred, condamne cette dernière à payer à la SA J. Bénédict la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts ; - condamne la SA Fred à payer à la SARL TSO, pour usage illicite de la marque Paris-Dakar n°1265914, la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts ; Condamne la SA Fred à payer à chacune des sociétés J. Bénédict et TSO la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,