Cass. soc., 27 mai 1992, n° 89-40.032
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Borca
Défendeur :
Decta (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cochard
Rapporteur :
Mme Ridé
Avocat général :
M. Chauvy
Avocats :
Me Garaud, SCP Peignot, Garreau.
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 novembre 1988), que M. Borca, entré le 1er septembre 1964 au service de la société Decta en qualité de chef-comptable, a exercé les fonctions de directeur administratif à compter du 31 décembre 1978 ; qu'il a été licencié sans indemnités le 30 mai 1986, au motif qu'il avait commis des actes de concurrence déloyale ;
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir débouté le salarié de ses demandes alors, selon le moyen, que, d'une part, une société ne peut exercer d'autres activités que celles qui s'inscrivent dans l'objet social déterminé par ses statuts ; que les activités que le salarié est tenu de ne pas concurrencer sont donc celles qui s'inscrivent dans l'objet social déterminé par les statuts de la société qui l'emploie, à l'exclusion de toutes autres ; d'où il suit qu'en retenant, pour décider que le salarié avait commis des actes de concurrence déloyale, qu'il importait peu que les objets sociaux de la société employeur et de la société créée par le salarié, tels que définis par leurs statuts, fussent différents, sans constater que l'activité reprochée au salarié se serait inscrite dans l'objet social déterminé par les statuts de l'employeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2 de la loi du 24 juillet 1966, combinées avec celles des articles 1147 et 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'ont des activités distinctes et, partant, ne sont pas susceptibles de se concurrencer, des entreprises qui révisent, l'une des machines appartenant à des tiers, l'autre ses propres machines ; qu'en l'espèce, tenue de tirer de ses propres observations les conséquences légales qui en découlaient, la cour d'appel, qui constatait expressément que l'activité de révision poursuivie par l'employeur s'exerçait sur ses propres machines, ne pouvait décider ni que l'activité de révision poursuivie par le salarié était directement concurrente de celle de son employeur, ni que le salarié aurait dévoyé une partie du chiffre d'affaires de celui-ci ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 223-14 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant, contrairement aux énonciations du pourvoi, constaté que la société Decta avait eu à compter de 1979 une activité de révision de machines d'horlogerie en vue de leur revente, et que M. Borca avait créé en mars 1986 une société de révision de machines outillages et détourné la clientèle de son employeur, la cour d'appel a, en l'état de ces seules constatations, décidé à bon droit que le salarié avait commis des actes de concurrence déloyale; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 21 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; - Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à son reclassement dans la position repère III C définie par la convention collective susvisée, la cour d'appel énonce que s'il n'était pas contesté que le poste occupé par M. Borca exigeait la plus large autonomie de jugement et d'initiative, aucune des pièces versées aux débats ne démontrait qu'il était substitué au président-directeur général dans les fonctions de ce dernier, et qu'il était constant qu'il n'avait pouvoir de commandement sur aucun cadre des positions III A et III B ;
Attendu cependant qu'en se référant ainsi exclusivement aux trois premiers alinéas de l'article 21 de la convention collective alors que, aux termes du quatrième alinéa, la classification en position repère III pouvait résulter, indépendamment de la position de l'intéressé dans la hiérarchie, de l'importance particulière des responsabilités scientifique, technique, commerciale ou de gestion qui lui avaient été confiées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais uniquement en ce qu'il a rejeté la demande en reclassement et en complément de salaires, l'arrêt rendu le 8 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.