CA Toulouse, 2e ch., 14 mai 1992, n° 4592-90
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
RTF Equipement (SARL)
Défendeur :
Juaneda Papeterie du Midi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bensoussan
Conseillers :
MM. Lebreuil, Zavaro
Avoués :
SCP Rives, Me Château
Avocats :
Me Marty, SCP Battan-Flint.
Statuant sur l'appel, dont la régularité n'est pas contestée, interjeté par la société RTF Equipement d'un jugement en date du 31 mai 1990 par lequel le Tribunal du Commerce de Toulouse l'a déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur Juaneda et l'a condamnée à lui payer la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Attendu que la SARL RTF Equipement, qui exerçait son activité dans les secteurs de l'informatique et de la micro-informatique, commandait habituellement à Monsieur Juaneda, exerçant sous l'enseigne " Papeteries du Midi " des bobines de papier et des consommables informatiques ;
Attendu qu'il avait été convenu, dans le cadre de leurs relations commerciales, que Monsieur Godard, gérant de la SARL RTF Equipement adresserait à Monsieur Juaneda les commandes de ses clients, et que Monsieur Juaneda se chargerait de leur livrer directement les marchandises commandées ; que les factures seraient payées entre les mains de Monsieur Godard, et qu'il en rétrocéderait le montant à son fournisseur ;
Attendu que se plaignant de n'avoir pas été réglé par la société RTF Equipement, Monsieur Juaneda a adressé le 16 janvier 1989 aux clients de cette société un courrier identique ainsi libellé :
" Nous avons le regret de vous informer qu'en raison des difficultés de règlement que nous avons rencontrées avec la société RTF Equipement, gérant Monsieur Godar, nous ne sommes plus en mesure de vous livrer les bobines de papier... que ce dernier nous demandait de faire en son nom.
Nous vous soumettons nos meilleures conditions pour la fourniture éventuelle, et directement à votre société de nos... " (produits) ;
Attendu que c'est dans ces conditions qu'invoquant le caractère fautif de ce comportement qui serait d'après elle constitutif de concurrence déloyale par dénigrement, la société RTF Equipement a fait assigner Monsieur Juaneda en réparation de son préjudice ;
Attendu que les premiers juges l'ont déboutés de toutes ses demandes en considérant que les " Papeteries du Midi " n'avaient pas la même activité que la demanderesse, et que celle-ci n'aurait pas accepté que Monsieur Juaneda fixe directement ses clients si elle avait craint une concurrence déloyale ; qu'en outre il n'existait entre les parties aucune convention d'exclusivité de fournitures, et qu'enfin le courrier litigieux n'était pas constitutif d'un acte de dénigrement dès lors qu'il ne faisait que traduire la dégradation des relations entre les deux entreprises, et qu'il n'avait pour but que d'informer les clients de la société RTF Equipement ;
Attendu que cette société fait grief au Tribunal de Commerce de Toulouse de s'être ainsi prononcé alors pourtant qu'il peut y avoir concurrence déloyale même si l'identité des deux commerces n'est pas partielle, et que cette concurrence, en l'espèce, était d'autant plus caractérisée que la clientèle était commune ;
Qu'en outre Monsieur Juaneda avait manifestement voulu faire croire aux destinataires de sa lettre du 16 janvier 1989 que Monsieur Godard était un " mauvais payeur ", et qu'il avait tenté de tarifs plus avantageux que ceux de la société RTF Equipement ; qu'enfin les difficultés de paiement alléguée par Monsieur Juaneda pour tenter de justifier ses agissements n'étaient pas établies ;
Attendu qu'elle conclut à la réformation de la décision déférée, à la désignation d'un expert ayant pour mission d'évaluer son préjudice, et à la condamnation de Monsieur Juaneda au paiement d'une indemnité provisionnelle de 50 000 F outre 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur Juaneda conclut au contraire à la confirmation pure et simple du jugement critiqué et demande que la société RTF Equipement soit condamnée à lui payer 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Sur quoi LA COUR
I - Sur le dénigrement
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la lettre adressée le 16 janvier 1989 par Monsieur Juaneda aux clients de la SARL RTF Equipement n'était pas constitutive d'un acte de dénigrement ayant pour objet de discréditer la partie adverse, et qu'elle n'avait pas d'autre objet que d'informer les destinataires des raisons pour lesquelles il n'était plus possible de leur livrer directement les fournitures ;
Attendu que l'envoi de cette lettre dicté par le souci de Monsieur Juaneda d'apparaître comme un commerçant sérieux, et non pas par la volonté délibérée de nuire à la société RTF Equipement était de surcroît justifié par des difficultés bien réelles, puisqu'il est démontré que l'intimé avait enregistré en 1988 plusieurs impayés, et qu'un autre créancier, à la même époque avait été contraint de s'adresser en justice pour parvenir au recouvrement de sa créance;
II - Sur le détournement de clientèle
Attendu que même si l'on admet que les deux entreprises étaient en situation de concurrence, puisqu'elles avaient une clientèle commune, force-est-il de constater qu'elles n'avaient jamais conclu aucun contrat d'exclusivité, et que surtout la société RTF Equipement ne justifie d'aucun préjudice ;
Attendu qu'elle ne verse aux débats aucun document, attestation de client, ou comptable, qui pourrait lui permettre de prouver un détournement effectif de clientèle, et de fonder sa demande d'expertise ; que celle-ci ne repose sur aucun élément sérieux, et qu'elle doit être rejetée par application de l'article 146 du Nouveau code de procédure civile qui interdit au juge d'ordonner une mesure d'instruction en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer purement et simplement la décision déférée, et de condamner la société RTFD Equipement, qui succombe en toutes ses prétentions, aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur Juaneda la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier ; le déclare mal fondé ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mai 1990 par le Tribunal de Commerce de Toulouse dans l'instance opposant la société RTF Equipement à Monsieur Juaneda ; Condamne la société RTF Equipement aux dépens d'appel, et autorise Maître Château, avoué, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ; Condamne en outre la société RTF Equipement à payer à Monsieur Juaneda la somme de 5 000 F (cinq mille F) par application de l'article 700 modifié du Nouveau code de procédure civile.