CA Paris, 4e ch. B, 23 avril 1992, n° 90-8760
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Application Technique Industrielle (SA)
Défendeur :
MCAI (Sté), Auvray
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poullain
Conseillers :
MM. Ancel, Jacomet
Avoués :
SCP Gaultier Kistner, SCP Fanet
Avocats :
Mes Pointel, Aguera, Binn.
La Cour est saisie de l'appel principal de la société Applications Techniques Industrielles (ATI) et des appels incidents de la société Mesures et Contrôle Automatique Industriels (MCAI) et de Pierre Auvray contre un jugement rendu le 17 mai 1989 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a prononcé la nullité pour défaut d'activité inventive des revendications 1 et 4 du brevet n° 77-12453, déposé le 25-4-77, débouté ATI de ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale, MCAI de sa demande reconventionnelle pour concurrence déloyale et MCAI et Auvray de leurs demandes pour abus de procédure ;
ATI a fait sa déclaration d'appel le 21 mars 1990 et saisi la Cour par demande d'inscription au rôle du 2 mai 1990. Dès le 22 mai 1989, elle avait déposé plainte contre Auvray en se constituant partie civile pour vols de documents. Le juge d'instruction de Rouen a rendu une ordonnance de non-lieu le 21 janvier 1992, décision qui a fait l'objet d'un appel actuellement pendant devant la Chambre d'accusation. ATI demande à la Cour de surseoir à statuer à raison de l'instance pénale en cours, subsidiairement, de dire que MCAI et Pierre Auvray ont commis des actes de contrefaçon du brevet n° 71-12453 dont elle est titulaire et des actes de concurrence déloyale à son encontre et de les condamner in solidum à lui payer une provision de 300 000 F sur les dommages-intérêts dont le montant sera fixé après expertise, d'interdire à MCAI de produire tout appareil de mesure comportant les caractéristiques de ceux qu'elle fabrique selon son brevet, de l'autoriser à saisir tous appareils comportant ces caractéristiques, d'ordonner la publication de l'arrêt et de condamner les intimés en tous dépens ;
Les intimés concluent au rejet de la demande de sursis à statuer et à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles. Ils sollicitent la Cour, statuant à nouveau de ce chef, de condamner ATI à payer à MCAI 100 000 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et, à eux deux, 500 000 F pour procédure abusive et 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Sur ce,
La Cour qui, pour un plus ample exposé, renvoie au jugement et aux écritures déposées en appel :
Sur la demande de sursis à statuer :
Considérant que la procédure pénale ouverte pour vols de documents sur la plainte d'ATI contre Pierre Auvray ne saurait avoir d'influence sur l'action en contrefaçon du brevet Sopelem, n° 77-12453, dont ATI est titulaire ; qu'en effet, la validité du brevet est sans aucun rapport avec d'éventuels vols de documents relatifs à une machine mettant en œuvre ce brevet ; que de même l'existence de la contrefaçon alléguée doit être appréciée en fonction des caractéristiques de la machine produite par MCAI dont les spécifications techniques sont connues par les éléments réunis lors de la saisie contrefaçon du 29 décembre 1987 ; qu'enfin le préjudice causé par une éventuelle contrefaçon ne pourrait être connu qu'à partir des renseignements fournis par une expertise permettant de déterminer la masse contrefaisante et les pertes subies par ATI, faits sans rapport avec ceux dont la juridiction pénale est saisie ; que la demande de sursis à statuer sera donc rejetée en ce qui concerne l'action en contrefaçon ;
Considérant que pour justifier sa demande en concurrence déloyale ATI soutient que Pierre Auvray lui aurait frauduleusement soustrait des sociétés techniques et commerciaux à l'aide desquels MCAI aurait produit et commercialisé une machine s'inspirant étroitement de la sienne, pris contact avec ses fournisseurs et démarché ses clients ; qu'ainsi les faits à l'origine des agissements critiqués dans la présente instance apparaissent être ceux mêmes qui sont soumis à l'appréciation de la juridiction pénale ; que, dès lors, il ne saurait, sans risque de contradiction entre les décisions, être statué par la juridiction civile sur leur existence ou leur caractère illicite avant l'issue de la procédure pénale ; que par suite les faits de concurrence déloyale reprochés par ARTI à Pierre Auvray et à MCAI dépendant, au moins en partie, pour leur appréciation, du procès pénal, il convient de surseoir à statuer sur la demande en concurrence déloyale formée par ATI contre les intimés ;
Considérant que la demande en concurrence déloyale formée par MCAI contre ATI est fondée sur des faits totalement distincts de deux reprochés par l'appelante à Auvray et qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à son examen à raison de la procédure pénale ;
Sur l'action en contrefaçon :
Considérant que, bien qu'ATI n'ait jamais indiqué quelles revendications du brevet 77-12453 elle reproche aux intimés d'avoir contrefait, ceux-ci ont estimé être poursuivis pour contrefaçon des revendications 1 et 4, revendications dont ils ont demandé aux premiers juges de prononcer la nullité, ce qu'a fait le jugement par une disposition dont les intimés demandent la confirmation ; que cette interprétation d'une demande présentée de façon insolite n'étant contestée par aucune des parties, il y a lieu de considérer que la contrefaçon poursuivie est celle des revendications 1 et 4 qui sont les revendications principales du brevet, la première portant sur une invention de procédé, la seconde sur le dispositif qui en permet la mise en œuvre ;
Sur la portée du brevet :
Considérant que le brevet n° 77-12453 est intitulé : " procédé optique de contrôle dimensionnel " ; que l'invention concerne un procédé automatique de contrôle dimensionnel d'une pièce par projection de son profil par un faisceau de lumière parallèle qu'elle occulte partiellement sur une surface perpendiculaire à ce faisceau et équipée de cellules photoélectriques aptes à mesurer la quantité de lumière reçue et donc, à intensité lumineuse constante du rayon, la surface d'éclairement des cellules ; que le brevet indique que les procédés connus exigent des opérations diverses, souvent longues et fastidieuses, faisant obstacle à un contrôle systématique de toutes les pièces à la production qui serait souhaitable pour assurer leur interchangeabilité et permettre le réglage des machines dès qu'il devient nécessaire ; que l'invention rend possible ce contrôle systématique d'une série de pièces identiques, les opérations étant menées rapidement, en continu, sans contact avec les pièces et sans qu'il soit nécessaire de les positionner avec précision ;
Considérant que, selon la description, l'invention consiste en ce que l'on projette le profil des pièces sur un bloc optique récepteur comportant au moins un couple de cellules photoélectriques placées dans un plan perpendiculaire au faisceau et écartées l'une de l'autre d'une distance telle que, lorsque la pièce traverse le faisceau d'un mouvement continu perpendiculaire à celui-ci, elle passe dans une zone dans laquelle les cellules se trouvent toutes deux partiellement masquées et que, lors du passage de la pièce dans cette zone, on mesure la somme des surfaces éclairées sur les deux cellules et on la compare à une valeur de référence ; que, selon un mode préférentiel de l'invention, on effectue la mesure quand la différence des surfaces éclairées sur les deux cellules est nulle ;
Considérant qu'à la suite de la notification d'un premier projet d'avis documentaire visant trois brevets (Aga, Watanabe et Emhart Zurich) la société Creusot-Loire a répondu, pour sa filiale Sopelem, en faisant remarquer que dans le brevet Aga l'essentiel est le dispositif optique et non le dispositif électronique d'interprétation des signaux émis par les photo détecteurs et, qu'en particulier, ce brevet ne précise pas le moment où la mesure est effectuée ; qu'à l'inverse, le brevet demandé précise que ce moment est celui où la différence des surfaces éclairées sur les deux cellules est nulle, ce qui évite d'utiliser un générateur d'impulsion et fait intervenir la mesure au moment où la pièces risque le moins de sortir du rayon lumineux ; qu'elle a regroupé les revendications primitives 1 et 2 ainsi que les revendications 5 et 6, le nouveau texte étant celui des revendications 1 et 4 du brevet tel qu'il a été délivré avec mention sur l'avis documentaire définitif des trois brevets sus indiqués comme étant opposables aux revendications 1 et 4 ;
Considérant que la revendication 1 est rédigée comme suit : " Procédé automatique de contrôle dimensionnel d'une pièce par projection sur un bloc optique récepteur, du profil de la pièces éclairée par un faisceau parallèle, dans lequel le bloc optique récepteur comporte au moins un couple de cellules photoélectriques placées dans un plan perpendiculaire au faisceau et écartées l'une de l'autre d'une distance telle que, lorsque la pièce traverse le faisceau d'un mouvement continu perpendiculaire à celui-ci, elle passe dans une zone dans laquelle les deux cellules se trouvent toutes deux partiellement masquées, caractérisé par le fait que l'on mesure la somme des surfaces éclairées sur les deux cellules lors du passage de la pièce dans cette zone au moment où la différence des surfaces éclairées sur les deux cellules est nulle et qu'on la compare à une valeur de référence " ;
Considérant ainsi que, dans un système de contrôle automatique de dimension d'une pièce par projection de son profil sur un bloc optique récepteur lorsqu'elle traverse la zone dans laquelle elle éclipse pour chacune des deux cellules photoélectriques le rayon lumineux parallèle qui les éclaire, l'invention dont la protection est demandée consiste dans le procédé selon lequel la mesure de surface éclairée des deux cellules est prise au moment du passage de la pièce au centre du dispositif lumineux et est alors comparée avec une valeur de référence ; qu'ainsi ce qui est protégé est la combinaison dans laquelle :
- on mesure la somme des surfaces éclairées des deux cellules receptrices quand la pièce passe dans la zone dans laquelle elle masque partiellement le rayon lumineux pour chacune des deux cellules réceptrices,
- au moment précis où chacune des deux cellules est éclairée sur une surface égale (" la différence des surfaces éclairées sur les deux surfaces est nulle "),
- et on compare la somme des surfaces éclairées ainsi mesurée à une valeur de référence ;
Considérant que la société appelante prétend, à juste titre, que l'invention porte ainsi sur un contrôle continu ; qu'en effet, il s'effectue lors du passage de la pièce dans le dispositif lumineux sans que rien n'implique que la pièce doive s'immobiliser au moment de la mesure ; que bien au contraire, la description insiste sur l'avantage recherché qui est de permettre le contrôle systématique de toutes les pièces d'une même série lors d'un transport industriel, notamment à la sortie de la machine qui les produit et dont le réglage pourra être rectifié, en fonction des résultats du contrôle, dès le moment où il devient nécessaire ; qu'en outre ce contrôle de pièces en déplacement continu a lieu à un moment précis ;
Considérant toutefois que si la mesure est déclenchée automatiquement au moment précisément déterminé, cet aspect du procédé n'est revendiqué que comme une modalité opératoire dont le dispositif qui la met en œuvre fait l'objet d'une description (page 2, lignes 36 à 40 et page 3, lignes 1 à 15) éclairée par la figure 5 et protégé par la revendication 5) ;
Considérant que la revendication 4 est rédigée comme suit : " Dispositif de réalisation du procédé de contrôle selon la revendication 1, comportant, positionnés face à face de façon à ménager le passage entre eux deux pièces à contrôler :
- un bloc émetteur comportant au moins une source lumineuse ponctuelle et intense asservie à une luminosité constante et placée au foyer d'un dispositif optique,
- un bloc récepteur comportant au moins un couple de cellules photoélectriques placées dans un plan perpendiculaire au faisceau du dispositif optique et écartées l'un de l'autre d'une distance telle que, lorsque la pièces traverse le faisceau d'un mouvement continu et perpendiculaire à celui-ci, elle passe dans une zone dans laquelle les deux cellules se trouvent toutes les deux partiellement masquées, caractérisé par le fait que le couple de lentilles est associé à un dispositif qui effectué la somme des surfaces éclairée sur les deux cellule et la compare à une valeur de référence quand la différence des surfaces éclairées sur les deux cellules est nulle " ;
Considérant qu'ainsi cette revendication, dans sa partie caractérisante, énonce que les opérations nécessaires à la mise en œuvre du procédé faisant l'objet de la revendication 1 sont effectuées par un dispositif associé au couple de cellules réceptrices de lumière dont il effectué la somme des surfaces éclairées qu'il compare à une valeur de référence quand la différences des surfaces éclairées sur les deux cellules est nulle ; que l'invention ainsi protégée consiste en ce que les fonctions nécessaires à la mise en œuvre du procédé sont remplies par " un dispositif associé aux cellules réceptrices " ; que la protection n'est demandée par cette revendication pour aucune des autres indications concrètes de mise en œuvre du procédé de commande automatique au moment choisi ; que celles-ci, exposés à la description et représentées sur les figures, font l'objet d'une revendication 5, dépendante de la revendication 4 ; qu'ainsi la revendication 4 répète dans sa partie caractérisante, sans autre ajout que l'indication d'une liaison entre le dispositif et les cellules dont il reçoit les données nécessaires à l'accomplissement de sa mission, la revendication 1 en remplaçant le pronom indéfini " on " par les mots " un dispositif " ;
Considérant par suite que sa portée est donc limitée à celle de la revendication 1 complétée par la mention que le dispositif qui procède au contrôle au moment du passage de la pièce au centre du dispositif lumineux est " associé " aux deux cellules qui lui fournissent les données qu'il exploite ;
Sur l'activité inventive :
Considérant que le jugement a prononcé la nullité de ces deux revendications pour défaut d'activité inventive ; qu'il a pour ce faire estimé que l'invention revendiquée ne protège par le déclenchement automatique de la mesure au moment où les flux lumineux reçus sur chacune des deux cellules sont égaux ; que pourtant elle l'implique nécessairement ainsi que le montre la description et la revendication 5 qui porte sur le dispositif automatique de déclenchement de la mesure et de la comparaison ; que, d'ailleurs, dans leurs dernières écritures, les intimés contestent que l'automaticité fasse partie des caractéristiques revendiquées mais reconnaissent expressément que c'est une nécessité inhérente au procédé et ajoutent qu'elle n'implique pas d'activité inventive ;
Considérant que les intimés font valoir qu'il ressort du brevet lui-même et tout spécialement des modifications de la rédaction des revendications 1 et 4 au vu d'un premier projet d'avis documentaire, que le seul élément nouveau de ces revendications est le choix de contrôler les pièces en les mesurant au moment où elles sont au centre du dispositif lumineux ; qu'en revanche, le déclenchement automatique de la mesure lors du passage de la pièce dans le champs lumineux et le contrôle continu de la pièce en mouvement lorsqu'elle traverse la zone d'examen résultaient de la technique antérieure qui incitait également à retenir le moment choisi par le brevet Sopelem pour effectuer la mesure ;
Considérant que, pour établir l'état de la technique antérieure les intimés invoquent quatre brevets : Licentia, (RFA) n° 936 827, déposé le 22 décembre 1955 ; Emhart Zurich (France) n° 1 488 013, déposé le 29 juillet 1966 ; Aga (RFA) n° 2448611, déposé le 11 octobre 1974 ; Matthews (US) n° 3604940, déposé le 4 août 1969 ;
Considérant que tous ces brevets sont tous relatifs à un contrôle optique de pièces par mesure de l'ombre projetée sur des récepteurs photoélectriques ;
Considérant que le brevet Matthews enseigne que la position la meilleure pour effectuer les mesures est celle dans laquelle l'objet à contrôler est centré au milieu des deux rayon lumineux frappant les cellules réceptrices disposées pour être alors éclairées chacune sur la moitié de sa surface ; que pourtant ce brevet, relatif au contrôle de la régularité des contours d'un objet de section ronde en rotation sur un axe fixe par rapport au dispositif lumineux, n'incitait pas au choix d'une telle position pour procéder au contrôle d'une pièce en mouvement qui traverse la zone lumineuse face aux cellules photoélectriques ;
Considérant que le brevet Licentia permet de mesurer le diamètre d'une pièces en cours de fabrication sur une machine à meuler et enseigne l'arrêt automatique de la machine lorsque la pièce atteint le diamètre voulu ;
Considérant que la comparaison de la mesure de la lumière reçue par les cellules photoélectriques avec un étalon et le déclenchement d'un mécanisme en fonction des résultats de cette comparaison résulte encore du brevet Aga ; qu'il note en effet qu'un élément à cellule photoélectrique peut fournir un signal qui est envoyé à un dispositif de lecture visuelle et/ou à un indicatif d'erreurs qui peut déclencher un signal d'alarme acoustique ou optique lorsque les dimensions de l'objet mesuré s'écartent dans un sens ou dans l'autre de valeurs fixées à l'avance ;
Considérant que le brevet Emhart Zurich pose des questions très voisines de celles qu'entend résoudre le brevet Sopelem ; qu'en effet il expose qu'il est " très important, quand il s'agit de la production de pièces en grand nombre, que le contrôle à la sortie de la machine de production ou de traitement puisse être effectué sans influencer de façon importante le débit du matériel ... notamment pour éliminer parmi un grand nombre de pièces, rapidement avec un grand nombre de pièces, rapidement avec une grande précision et automatiquement, les corps ne correspondant pas, par rapport à une ou plusieurs dimensions, aux dimensions de tolérance " ; qu'il indique que l'invention qu'il présente, basée sur un dispositif de mesure par projection sur des capteurs de lumière de faisceaux lumineux partiellement obturés par les bords de l'objet à contrôler, permet de réaliser des mesures sur des pièces qui effectuent des mouvement propres dans la direction de la dimension à déterminer sans gêner leur passage ; qu'il décrit un dispositif dans lequel la pièce traverse les faisceaux perpendiculairement à leur direction (2e paragraphe de la 2e colonne de la page 3 : " l'échantillon se déplace dans la direction de la flèche A de la figure 1 ") et est contrôlée tandis qu'un système complexe comportant des fentes mobiles permet de compenser les perturbations des mesures causées par le mouvement ; qu'il indique encore que la mesure entraîne un traitement automatique de ses données par comparaison avec des valeurs définies puisqu'" un circuit d'exploitation logique ... décide du " bon " et du " rebut " sur la base d'indications de tolérance pouvant être choisies et déclenche des processus de commande correspondant pour la suite du transport de l'échantillon " ; qu'enfin il fournit l'indication que la compensation est totale (c'est à dire la mesure la plus exacte) ... quand l'échantillon occulte des parties égales dans les deux faisceaux ;
Considérant qu'ainsi le brevet Emhart Zurich enseigne la mesure d'un objet en mouvement à travers le faisceau lumineux, les rectifications qui permettent qu'une telle mesure soit exacte en dépit des perturbations dues au déplacement d'opérations permettant le tri des objets mesurés en fonction des résultats de la mesure ; que l'automatisme qu'il décrit consiste dans la rectification des erreurs qui pourraient être causées par le mouvement de l'objet et dans l'exploitation des mesures par rapport à l'étalon choisi et aux tolérances définies ;
Considérant que l'homme du métier connaissait, par le brevet Emhart Zurich, le problème à résoudre et la nécessité pour y parvenir de prendre la mesure des objets quant ils sont dans le champ des faisceaux face aux récepteurs de lumière sans entraver leur déplacement ; qu'il savait que des systèmes permettent, à une mesure donnée correspondant à une valeur définie à l'avance d'actionner un signal d'arrêt d'une machine ou un mécanisme procédant à des tris automatiques en fonction des tolérances admises ; qu'il savait encore que, dans les divers systèmes existant, la meilleure mesure correspond à une certaine position de l'objet à contrôler dans la zone des faisceaux, position qui peut être celle dans laquelle l'objet occulte également chacun des deux faisceaux éclairant les deux cellules de réception de la lumière ;
Considérant qu'avant d'envisager les conséquences de la mesure et de la comparaison qui lui est concomitante, il faut faire en sorte que cette mesure intervienne lorsque les deux cellules sont partiellement voilées ; que ceci est évident et que le déclenchement de la mesure durant ce passage, qui, dans un contrôle au défilé ne peut être qu'automatique sans quoi un tel contrôle ne pourrait pas avoir lieu au rythme de passage des objets dans une chaîne de fabrication industrielle, n'apparaît pas poser de difficultés de réalisation dès 1966 ; qu'en effet, le rédacteur du brevet Emhart Zurich n'a pas estimé nécessaire d'en parler, ce dont ATI tire argument pour prétendre que son système serait le seul où le déclenchement automatique de la mesure a bien lieu lors du passage dans la zone utile ; que pourtant, alors que dans la description du brevet Sopelem cette prise de mesure lors du passage de l'objet dans la zone utile apparaît être la caractéristique essentielle de l'invention, le choix du moment où les deux cellules sont également éclairées n'étant présenté que comme une modalité préférentielle, les revendications principales telles qu'elles ont été modifiées après communication du projet d'avis documentaire ne tendent plus qu'à la protection du choix de ce moment particulier lors du passage de l'objet au centre de la zone utile, le dispositif particulier correspondant au déclenchement de la mesure à ce moment précis faisant l'objet de la revendication 5 ; que l'automaticité a toujours été notée avant la " caractérisation " en tête du préambule de la revendication 1, c'est à dire comme faisant partie de l'état de la technique ;
Considérant que, dans le système Emhart, tout comme dans le système Sopelem, la pièce se déplace sans immobilisation au moment de la mesure et les informations recueillies en permanence sont fournies sans discontinuité à l'opérateur qui les traite pour déclencher, lors du passage dans la zone utile, des mécanismes qui tirent les conséquences de la comparaison avec l'étalon ;
Considérant que dans le procédé Sopelem, la quantité d'énergie fournie par les deux capteurs est communiquée en permanence à l'opérateur qui, quand cette quantité est égale pour chacun des capteurs, fournit au comparateur l'information de la somme de ces énergies ; que le choix du moment précis retenu pour cette mise en circuit est le seul élément de réelle nouveauté du brevet Sopelem ; qu'il constitue une modalité particulière qui facilite la mise en place du dispositif de contrôle dans un système où l'essentiel, déjà enseigné par le brevet Emhart Zurich, est de comparer la quantité d'énergie reçue des capteurs, avec la valeur de validation lors du passage de l'objet à mesurer devant les capteurs ; que telle a bien été l'analyse des antériorités faites par l'auteur des revendications du brevet Sopelem puisque, contrairement à ce que suggère la description, l'automatisme du déclenchement des opérations de mesure et de comparaison lors du passage de la pièce dans la zone utile n'a pas été mentionnée dans la partie caractérisante des revendications 1 ou 4 mais que la seule indication sur l'automatisme est donnée par la revendication 5, revendication dépendante de la 4, qui décrit le dispositif de fonctionnement au moment précis où l'objet est " au centre " des deux faisceaux reçus par les cellules ;
Considérant qu'ainsi l'essentiel du procédé était connu et que l'apport de Sopelem a consisté à faire procéder à la comparaison au moment précis où l'objet est au centre du dispositif lumineux ; qu'un tel choix est le plus apte pour éviter des erreurs et peut être mis en œuvre par l'opérateur analogique couvert par la revendication 5, dont ATI vante la simplicité dans ses écritures ; qu'il n'est pourtant qu'une modalité particulière du procédé général de contrôle optique de pièces défilant sans arrêt pour la mesure et qu'il est le fruit non d'une activité inventive mais simplement de la mise en œuvre de son savoir par l'homme du métier connaissant aussi bien les systèmes de contrôle optique que les opérateurs analogiques qui leurs sont associés ; que par suite, le procédé faisant l'objet de la revendication 1 est dépourvu d'activité inventive ;
Considérant que la revendication 4 qui se borne à rappeler dans son préambule une agencement connu, et dans sa partie caractérisante une évidence, à savoir que, dans le dispositif de lise en œuvre du procédé selon la revendication 1, l'opérateur qui agit en fonction des informations fournies par les capteurs de lumière leur est associé, est également dépourvu d'activité inventive ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré nulles les revendications 1 et 4 pour défaut d'activité inventive et dit que, dès lors, l'action en contrefaçon de ces revendications était mal fondée ;
Sur la demande de MCAI en concurrence déloyale :
Considérant que, le 2 février 1989, ATI a écrit à Fritz Werner, client allemand de MCAI, pour lui indiquer qu'elle avait appris qu'il développait un système de mesure sans contact semblable au système Optal ; que ce système était couvert par un brevet et protégé sur le marché allemand et, qu'au cas où il continuerait à vendre des produits semblables, elle le poursuivrait en justice ; qu'elle ajoutait être prête à lui fournir des produits Optal ;
Considérant que cette lettre, adressée à un client des intimés, qui en était destinataire en tant que tel, constitue une simple mise en garde sur l'existence d'un brevet et sur les risques de poursuites en justice pour celui qui le méconnaîtrait ; que l'on ne saurait y voir un dénigrement contre l'actuel fournisseur du destinataire ou, par la seule indication qu'ATI produit un matériel conforme à son brevet et l'offre à la vente, une manœuvre déloyale tendant à un détournement de clientèle ;
Considérant que le 5 février 1988, ATI a écrit à Richter, son ancien distributeur allemand, qui avait passé une commande à Auvray (MCAI), " La relation que vous avez nouée avec MCAI est une solution à court terme et elle met en danger l'avenir de votre société qui est étroitement lié au produit Optal. En effet, une procédure a déjà été engagée et il n'y a aucun doute sur la manière dont elle va se terminer. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas continuer à vous faire confiance pour la distribution de nos produits en Allemagne... " ;
Considérant que cette lettre contient contre les intimés l'imputation d'une contrefaçon affirmée comme certaine alors pourtant qu'aucune condamnation n'était intervenue ; qu'il s'agit d'un dénigrement proféré dans l'évidente intention de nuire à un concurrent dont le développement portait ombrage à ATI ;
Considérant que les termes excessifs de ce qui aurait pu, exprimé autrement, n'être qu'une mise en garde légitime à raison de l'existence d'un titre de propriété industrielle, n'ont pu tromper le destinataire de la lettre qui est un professionnel ; que, ne s'y fiant pas pleinement, il l'a envoyée aux intimés qui ont pu lui donner toutes les explications qu'ils ont estimées utiles et qu'ils n'ont subi, de ce fait, qu'une gêne légère dans leur pratique commerciale ; que les éléments du dossier conduisent à évaluer le préjudice ainsi subi par MCAI à la somme de 10 000 F ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande, pour procédure abusive avant l'examen des griefs de concurrence déloyale formulés par ATI ; qu'en revanche, l'équité commande de faire rembourser aux intimés, dès à présent, 8 000 F pour frais non taxables pour leur défense sur l'action en contrefaçon ;
Par ces motifs, Surseoit à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale engagée par la société ATI contre Pierre Auvray sur l'action en concurrence déloyale intentée par cette société contre les intimés et sur la demande reconventionnelle de ceux-ci pour abus de procédure, Pour le surplus, confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société MCAI de sa demande en concurrence déloyale contre la société ATI, Statuant à nouveau de ce chef et sur la demande additionnelle au titre de l'article 700 du NCPC, Condamne la société ATI à payer à la société MCAI la somme de 10 000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un acte de concurrence déloyale, La condamne à payer à la société MCAI et à Pierre Auvray la somme de 8 000 F pour frais non taxables engagés en appel pour se défendre sur l'action en contrefaçon ; La condamne aux dépens, sauf à réserver ceux dus au titre de sa demande en concurrence déloyale, et admet la société Fanet au recouvrement direct tel que prévu par l'article 699 du NCPC. Dit que le présent arrêt sera transmis à l'INPI pour inscription au registre national des brevets.