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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 20 février 1992, n° 23332-89

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kick Off (SARL)

Défendeur :

Ilos (SARL), de Thore (es qual.), Baronnie (es qual)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Conseillers :

M. Bonnefont, M. Gouge

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, SCP Varin Petit

Avocats :

Mes Naccach, Orefice.

T. com. Paris, du 18 sept. 1989

18 septembre 1989

Dans son numéro de février mars 1987, la revue International Scores faisait paraître une interview de Louis Régis Duchamp, responsable de la société Ilos "distributeur spécialiste des sports américains en France" ;

La question " Comment se fait la distribution? " amenait Duchamp à citer la société Kick Off comme appartenant à la catégorie des super-spécialistes, à indiquer qu'elle importait la totalité des équipements puis à préciser au sujet du football américain : "le marché est étroit, les produits sont chers, les stocks difficiles à gérer. Certains magasins comme Kick Off contournent le problème des exclusivités en s'adressant aux "énormes" grossistes américains avec trois inconvénients : le manque de suivi du produit, le non-recours en cas de second choix vendu comme un premier choix, la commercialisation de fins de séries non reconduites aux USA..." ;

Estimant que les propos tenus par Duchamp dénigraient sa politique commerciale présentée de manière très négative, la société Kick Off, par exploit du 12 octobre 1987, assignait la société Ilos en concurrence déloyale, sollicitant des mesures de réparation ainsi que 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La défenderesse, en redressement judiciaire de Thore, représentant des créanciers et Baronnie, administrateur judiciaire, tous deux appelés en intervention forcée par assignation des 3 et 8 août 1988, concluaient au débouté, demandant 100.000 F pour procédure abusive et 10.000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ils priaient le Tribunal de dire que les méthodes d'approvisionnement utilisées par Kick Off et les publicités passées par elle sont des actes de concurrence déloyale. De ce chef, ils réclamaient 500.000 F de dommages intérêts.

Le Jugement critique

Par son jugement du 18 septembre 1989, le Tribunal de Commerce de Paris a débouté Kick Off de ses demandes et l'a condamné à payer

- 40.000 F de dommages intérêts à la société Ilos et à Baronnie et de Thore, ès qualités pour procédure abusive,

- 8.000 F à Baronnie et de Thore ès qualités ;

L'Appel

Appelante du jugement par déclaration du 23 octobre 1989, Kick Off conclut à son infirmation en priant la Cour de retenir des actes de concurrence déloyale à l'encontre de Ilos, de la condamner à verser 500.000 F de dommages intérêts, d'ordonner la publication de l'arrêt dans la revue International Scores ainsi que dans deux journaux au choix de Kick Off.

Elle réclame 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Marguerite de Thore, désignée le 11 décembre 1989 en qualité de mandataire liquidateur de Ilos, conclut à la confirmation de la décision attaquée et à la condamnation de Kick Off au paiement de 15.000 F pour les frais non taxables exposés devant la Cour ;

De Thore ayant soutenu que Kick Off n'avait pas déclaré sa créance, le conseil de l'appelante a en cours de délibéré, transmis, par courrier du 14 décembre 1991 des pièces relatives à cette déclaration ;

Sur ce, LA COUR

Qui se réfère au jugement et aux écritures d'appel, Considérant que pour débouter Kick Off, la décision déférée relève que les propos du Duchamp relatent des situations et des pratiques commerciales couramment utilisées dans bien des secteurs du commerce et qu'ils ne constituent pas une présentation fallacieuse des faits et un dénigrement d'une entreprise concurrente ;

Considérant cependant qu'en attirant l'attention sur le manque de suivie du produit, le non recours en cas de second choix vendu comme 1er choix, la commercialisation de fins de série non reconduites aux USA, Duchamp a fourni aux lecteurs d'International Scores trois excellentes raisons de ne pas donner leur clientèle à Kick Off ;

Que le dénigrement de ce que Kick Off offre en vente est incontestable et n'émane pas en l'espèce d'une personne qui, étrangère au milieu des sports américains, n'aurait en vue que d'informer le plus exactement possible le public des avantages et des inconvénients respectifs de chacun des modes de distribution, mais d'un concurrent de Kick Off qui se garde bien d'émettre la moindre réserve sur les méthodes de Ilos et ses produits, l'auto-satisfaction étant l'élément dominant de l'interview.

Que certes, dans un autre passage de l'interview, Duchamp indique que les 3 ou 4 magasins hyperspécialisés (parmi lesquels il a rangé Kick Off) se développeront et que les joueurs qualifiés et les clubs y trouveront l'accueil et la flexibilité qu'ils recherchent ; que le coup n'en est pas moins porté, l'appréciation favorable ainsi exprimée apparaissant avant tout comme une habileté destinée à prévenir le grief de dénigrement dont on n'est pas ici dupe pas plus que du procédé consistant à adopter la forme de l'interview pour dissimuler que le message adressé aux lecteurs de International Score relève en réalité de la publicité rédactionnelle ;

Considérant que Ilos, qui a commis une faute préjudiciable à Kick Off, ne saurait rejeter l'imputation de concurrence déloyale au motif que l'appelante exploite une chaîne de magasins de détail alors qu'elle-même est grossiste, étant bien clair que les deux parties s'adressent à la même clientèle et que de surcroît Kick Off, qui vend au public dans ses boutiques, fournit en autre des commerçants dont certains sont tout à la fois ses clients et deux de Ilos ;

Considérant que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a tenu pour non établis des actes de concurrence déloyale.

Considérant cependant qu'en raison de la procédure collective, Kick Off était tenu de déclarer sa créance au représentant des créanciers ; que si contrairement aux allégations du liquidateur de Thore, une production au passif a bien eu lieu, il s'impose toutefois de constater, qu'elle a été faite pour 1 F de dommages intérêts à titre provisoire jusqu'à fixation par le Tribunal du montant définitif de la créance alors qu'il ressort des dispositions de l'article 50 alinéa 2 de la Loi du 25 janvier 1985 que seuls le Trésor Public et les organismes de sécurité sociale peuvent faire admettre des créances à titre provisionnel ;

Considérant en conséquence qu'à défaut d'une déclaration de créance valable, Kick Off ne peut solliciter des sommes d'argent à l'encontre de de Thore, ès qualités; qu'il suit de là que les publications demandées par l'appelante ne sauraient s'effectuer aux frais du mandataire liquidateur; que néanmoins, eu égard à la gravité des faits dont Ilos s'est rendue coupable, il apparaît opportun d'autoriser Kick Off, selon les modalités précisées au dispositif, à procéder, si elle l'estime utile, à la publication de l'arrêt sous réserve qu'elle en assume la charge financière;

Considérant par ailleurs qu'il échet de décharger Kick Off de dommages intérêts accordés à l'intimé par le jugement ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Kick Off les frais non taxables exposés dans l'instance; que de Thore ès qualités sera condamnée à lui payer le montant justifié indiqué ci-dessous;

Par ces motifs, donne acte à Marguerite de Thore de son intervention en qualité de mandataire liquidateur de la société Ilos ; et sur l'appel bien fondé de la société Kick Off ; infirme le jugement en ce qu'il a dit non établis à l'encontre de Ilos des agissements de concurrence déloyale ; mais constatant que la déclaration de créance faite par kick off entre les mains du Représentant des créanciers de Ilos n'est pas valable au regard des dispositions de la Loi du 25 janvier 1985 ; rejette les demande de Kick Off en paiement de dommages intérêts et pour prise en charge par de Thore, ès qualités, des frais de publication de l'arrêt ; autorise néanmoins Kick Off à faire publier des extraits du présent arrêt en en assumant la charge financière dans la revue International Scores et dans un autre journal de son choix ; décharge Kick Off des condamnations prononcées au profit de Ilos, Baronnie, ès qualités d'administrateur judiciaire et de Thore, représentant des créanciers ; et en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile condamne de Thore, ès qualités de mandataire liquidateur à payer à Kick Off la somme de 20.000 F ; dit que de Thore ès qualités, supportera les dépens de première instance et d'appel ; admet la SCP Parmentier Hardouin, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.