CA Rouen, 2e ch. civ., 13 février 1992, n° 2290-90
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Comareg (SA)
Défendeur :
Société de Participation et Investissement Régionale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
M. Grégoire, Mme Masselin
Avoués :
SCP Colin-Voinchet-Radiguet, SCP Hamel, Fagoo
Avocats :
Mes Delsart, Brajeux.
Les faits et thèses en présence ont été suffisamment exposés tant par le jugement entrepris que dans les conclusions déposées par les parties devant la Cour.
Il suffit de rappeler que la SPIR, qui édite un journal d'annonces gratuit, " Le 76 ", reproche à la société ARCP, absorbée par la société Comareg, Annonces de France, qui édite également un journal d'annonces gratuit "Inter 7" de s'être rendue coupable envers elle d'actes de concurrence déloyale.
C'est le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rouen, ayant accueilli la demande de SPIR que la société Comareg défère à la Cour en contestant tout détournement de clientèle et désorganisation de l'entreprise concurrente. L'appelante sollicite le débouté de la société SPIR de toutes ses demandes et sa condamnation à 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
La société SPIR, intimée, sollicite la confirmation du jugement entrepris et, au titre de son appel incident, la condamnation de la société Comareg à 1 000 000 F ainsi qu'à 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Sur ce La Cour :
Attendu qu'il convient préalablement de souligner qu'en réponse à l'assignation qui lui avait été délivrée, la société Comareg précisait, dans ses conclusions qu'" il est exact que le journal " Inter 7 " a entrepris une campagne systématique de démarchage des annonceurs clients du journal " Le 76 " ;
Attendu que si le démarchage de la clientèle d'un concurrent ne constitue pas en soi une pratique commerciale anormale, il en va différemment lorsqu'il prend un caractère systématique ou s'accompagne de certaines manœuvres ;
Attendu en l'espèce, que les pièces produites aux débats, notamment les attestations de MM. Capelle, Partipilo, Alix et Pommereau établissent de la part de l'appelante des agissements contraires aux usages commerciaux puisqu'il apparaît qu'elle ne s'est pas présentée à ces personnes, annonceurs du " 76 ", en leur proposant de faire un essai dans les colonnes d'Inter 7, - ce qui n'eût pas été critiquable -, mais en se présentant à eux, faussement, comme Le 76, en leur proposant un nouveau passage de leur annonce dans ce journal ;
Attendu qu'ainsi, non seulement la société Comareg a détourné la clientèle de la société SPIR mais a encore détourné des commandes puisque les annonces des clients de celle-ci ont été passées dans le journal de celle-là ; que ces agissements ont en outre eu pour conséquence nécessaire de semer le doute et la confusion dans l'esprit des clients démarchés de la société SPIR ;
Attendu que ces actes sont constitutifs d'une concurrence déloyale qui doit être sanctionnée ; que cependant faute d'avoir procédé à une recherche systématique des détournements de la clientèle permettant d'en appréhender l'ampleur, et faute de façon plus générale de verser aux débats des éléments de nature à justifier la consistance de son préjudice, il convient de limiter la réparation de celui-ci à la condamnation à 1 F de dommages-intérêts ordonnée par le tribunal et à la publication aux frais du défendeur du présent arrêt dans trois journaux au choix de SPIR ;
Attendu enfin que l'équité commande de ne pas laisser à la charge de cette société les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;
Par ces motifs : Dit la société Comareg - Annonces de France - recevable mais mal fondée, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions étant précisé que c'est le présent arrêt qui devra faire l'objet d'une publication dans trois journaux au choix de SPIR, Recevant la société SPIR en son appel incident qui est partiellement fondé, Condamne la société Comareg à lui payer dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article 700 du NCPC, Déboute la société SPIR de ses autres demandes, Condamne la société Comareg aux dépens qui seront recouvrés directement contre elle au profit de la SCP d'Avoués Hamel-Fagoo selon l'article 699 du NCPC.