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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 7 janvier 1992, n° 1074-90

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sorolec (SARL)

Défendeur :

Natalys (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panatard

Conseillers :

M. Buisson, Mme Chauvel

Avoués :

SCP Chatteleyn, George, Me Vicart

Avocats :

Mes Benjador, Bloch Mauren.

TGI Le Mans, du 20 févr. 1990

20 février 1990

Par acte du 26 janvier 1987, la société anonyme Natalys, se déclarant propriétaire et exploitante de la marque du même nom, a fait assigner la SARL Sorolec, à titre principal, en contrefaçon de marque, usage de marque appartenant à autrui, et à titre subsidiaire, en concurrence déloyale, en lui reprochant de vendre dans un magasin " Palaf sold " au Mans, des vêtements pour enfants portant sa marque " Natalys " et de surcroît à des prix très inférieurs à ceux pratiqués dans son réseau de distribution.

La société Sorolec n'a pas contesté la matérialité des faits mais a soulevé la nullité de la procédure engagée, s'est opposée au fond aux prétentions émises en arguant essentiellement de son acquisition régulière de vêtements litigieux et a reconventionnellement sollicité des dommages-intérêts.

Par jugement du 20 février 1990, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance du Mans a :

- déclaré régulière la procédure engagée par la société Natalys,

- dit que la société Sorolec s'était rendue coupable d'usage illicite de marque et de concurrence déloyale,

- condamné en conséquence la société Sorolec à payer à la société Natalys la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts,

- fait défense à ladite société d'utiliser à l'avenir la marque Natalys pour quelque usage et sous quelle que forme que ce soit, sous astreinte provisoire de 500 F par infraction constatée,

- condamné la société Sorolec à payer à la société Natalys la somme de 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Sorolec a relevé appel de cette décision pour voir rejeter l'ensemble des prétentions de la société Natalys, pour être en conséquence déchargée de toute condamnation et voir en revanche condamner son adversaire à lui verser les sommes de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle prétend :

- qu'elle n'a commis aucun acte d'usage de la marque Natalys sans autorisation de la société Natalys au sens de l'article 422-2 du code pénal.

- qu'elle a en effet régulièrement acquis les produits litigieux du fait même de l'autorisation donnée par la société Natalys à ses fabricants de vendre lesdits produits qui lui étaient à l'origine destinés.

- que la régularité de cette acquisition (et de la vente) laisse présumer de l'acceptation par la société Natalys de l'écoulement de la marchandise sur le marché des soldeurs professionnels, amenés à vendre des produits de marque démodés ou de second choix, ou atteints d'un vice.

- qu'un éventuel manquement contractuel des fabricants à l'égard de la société Natalys ne lui serait en tous cas pas opposable.

- qu'aucune obligation ne pesait sur elle, que ce soit à titre légal ou contractuel, de retirer la marque des vêtements.

- qu'en autorisant une commercialisation parallèle au préjudice de son système dit exclusif, la société Natalys ne peut davantage prétendre à la déloyauté de cette concurrence.

- qu'ainsi, si faute il y a, c'est celle du fabricant ou du revendeur mais non celle du soldeur, qui n'a rien fait d'autre que de s'en remettre aux usages de sa profession et dont l'activité serait rendue impossible s'il devait, à chaque achat, se renseigner sur la faculté de conserver les étiquettes et au besoin les retirer.

Subsidiairement, elle estime injustifiées les prétentions à dommages-intérêts de son adversaire, qui n'aurait notamment pas qualité pour invoquer une perte de bénéfice.

La société Natalys conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la société Sorolec s'était rendue coupable d'usage illicite de la marque et concurrence déloyale et en ce qu'il a ordonné les mesures habituelles en la matière mais forme appel incident pour voir élever à 300 000 F la réparation de son préjudice résultant de l'usage illicite de la marque et du bénéfice perdu en raison de la contrefaçon et à 200 000 F la réparation du préjudice tenant au trouble commercial et à la dépréciation de la marque.

Elle soutient de son côté :

- que la société Sorolec ne rapporte pas la preuve d'une acquisition régulière de produits authentiques revêtus de la marque Natalys et commercialisés à travers un réseau de distribution sélective.

- que celle-ci a en effet acquis les produits auprès de deux soldeurs étrangers à ce réseau (dont elle n'ignorait pas l'existence) lesquels les détenaient sans aucune autorisation.

- qu'à supposer que l'acquisition ait été faite à l'origine auprès de ses fabricants, ceux-ci n'avaient aucune autorisation de vendre des produits marqués.

- que la société Sorolec fait à cet égard une confusion entre le fait que les fabricants soient autorisés par la société Natalys à vendre les vêtements affectés d'un défaut ou produits en nombre trop important, et pour ce motif refusés, et le fait que lesdits fabricants soient autorisés à vendre les produits revêtus de la marque.

- que la société Sorolec a en outre vendu les vêtements litigieux à des prix " cassés ", après promotion dans son magasin situé à quelques mètres du magasin Natalys et s'est ainsi rendue coupable de concurrence déloyale et de parasitisme.

Motifs :

Ni les droits de la société Natalys sur la marque du même nom, ni la matérialité des faits à l'origine du litige, tels que rapportés par la tribunal, ne sont contestés.

Il sera seulement rappelé que le magasin " Palaf sold " au Mans a mis en vente en octobre 1986 deux types de vêtements revêtus de la marque Natalys (au moyen d'étiquette ou de logos) et au prix de 99 et 39 F alors que ces articles étaient vendus au même moment dans le réseau Natalys de 332 à 435 F pour l'un et à 139 F pour l'autre.

La propriété d'une marque est absolue et confère à celui qui en est titulaire une action contre tous ceux qui y portent atteinte.

L'article 422-2 du code pénal sanctionne précisément ceux qui ont fait usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé.

Pour échapper à l'application de ce texte, la société Sorolec fait valoir qu'elle a régulièrement acquis les vêtements litigieux auprès de grossistes soldeurs, qui les tenaient eux-mêmes de la société Sarthe Maille et de la société Henri Michel, celles-ci ayant fabriqué les produits pour le comptes de la société Natalys et ayant apposé la marque, comme elles en avaient le droit et même l'obligation ; que les commerçants extérieurs au réseau de distribution exclusive Natalys pouvaient ainsi acquérir de la marchandise initialement destinée à la société Natalys et à ses franchisés ; que la régularité de son acquisition " fait présumer " et " même caractérise " l'autorisation donnée par la société Natalys à l'écoulement de ladite marchandise portant sa griffe sur le marché des soldeurs professionnels.

Mais la société Sorolec fait ici une confusion entre le fait que les fabricants aient été autorisés par la société Natalys à vendre les vêtements refusés ou délaissés par celle-ci - ce qui est reconnu - et le fait qu'ils aient été autorisés à vendre de tels vêtements revêtus de la marque, ce qui n'est aucunement établi.

La société Sorolec a acquis les produits litigieux auprès de soldeurs étrangers au réseau de distribution Natalys, dont elle ne prétend pas avoir ignoré l'existence. En tant que commerçante, responsable des produits qu'elle vend, et eu égard tout particulièrement à la législation qu'elle vend, et eu égard tout particulièrement à la législation protectrice des marques, il lui appartenait de s'assurer d'une autorisation détenue par son propre vendeur de livrer des produits griffés et à défaut, puisqu'une telle autorisation même tacite n'est pas établie, d'enlever tout signe récognitif avant sa propre mise en vente.

Comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte en outre des pièces versées aux débats que la société Sorolec a vendu non seulement des articles portant la marque litigieuse sans autorisation du propriétaire de ladite marque mais encore à des prix " cassés ", en faisant de la promotion dans sa vitrine et dans son magasin, situé à quelques mètres du propre magasin Natalys, ce qui manifeste une volonté certaine de parasitisme contraire aux usages d'un commerce loyal.

Le préjudice subi par la société Natalys a été parfaitement caractérisé et évalué par les premiers juges, dont la motivation est ici tenue pour reproduite. En réponse aux contestations émises en cause d'appel sur la recevabilité de la demande afférente à la perte de bénéfices, il sera seulement précisé, au vu des pièces versées, que la société Natalys ne distribue pas ses produits par un seul réseau de franchisés mais qu'elle le fait aussi par des succursales exploitées directement, comme c'est précisément le cas au Mans.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Natalys l'intégralité des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel. Une somme de 5 000 F lui sera allouée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Condamne la société Sorolec à verser à la société Natalys la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la société Sorolec aux dépens qui seront recouvré par Maître Vicart, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.