Livv
Décisions

CA Douai, 2e ch. civ., 19 décembre 1991, n° 7006-90

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société nouvelle du Garage de l'Europe (SARL)

Défendeur :

Euro Voitures (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vandewyhaeghe

Conseillers :

MM. Jean, Duprat

Avoués :

SCP Carlier Regnier, Me Quignon

Avocat :

Me Cottignies.

T. com. Roubaix-Tourcoing, du 11 oct. 19…

11 octobre 1990

Attendu que le 8 novembre 1990, la Société Nouvelle du Garage de l'Europe a relevé appel d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing le 11 octobre 1990, l'ayant condamnée à payer à la SA Euro Voitures la somme de 200.000 F de dommages et intérêts pour concurrence déloyale avec intérêts judiciaires à compter de l'assignation ainsi qu'une somme de 2.500 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Qu'aux termes de conclusions déposées le 5 mars 1991, elle demande à la Cour d'infirmer ce jugement, de débouter la SA Euro Voitures de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Qu'elle expose à l'appui de son recours :

- qu'elle a été concessionnaire Volvo du 15 janvier 1986 au 23 avril 1988, date à laquelle le contrat a été résilié ;

- qu'à la même époque, la société Euro Voitures est devenue concessionnaire Volvo et qu'elle l'a assignée devant le Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; que par le jugement qu'elle défère à la censure de la Cour, il a été fait droit à cette action alors que les éléments caractérisant une concurrence déloyale ne sont pas réunis.

Qu'elle fait valoir :

- qu'il ressort d'un constat d'huissier établi le 31 août 1989 que "plus aucun panneau Volvo ni enseigne ne figurent sur les établissements actuellement en exploitation ou anciennement exploités" ;

- qu'au surplus, le papier à lettre de l'entreprise ainsi que le cachet de l'entreprise ne font plus état d'une référence à Volvo France mais bien au contraire à Toyota ;

- que la photographie de la plaque minéralogique 212 RH 59 correspond à un véhicule Volvo vendu en décembre 1988 ;

- que le bon de commande daté du 27 mai 1989 dont il est fait état pour un véhicule Volvo 440 Turbo commandé par Monsieur Busini est suspect car il n'est pas signé par le concessionnaire ;

- qu'elle a demandé que la société Volvo France reprenne les pièces détachées, que leur inventaire n'a pu être achevé que le 11 février 1991 et évalué à la somme de 245.340 F 12, mais que ce stock n'est toujours pas retiré ;

- que Volvo France laisse toujours son nom dans le répertoire Volvo Avantages Service remis aux clients à la livraison de leur véhicule ;

- que le 24 juin 1988, elle a notifié à l'office d'annonces par courrier son intention de résilier son contrat publicitaire ;

- qu'enfin, la société Volvo qui l'avait assignée en référé pour faire enlever des panneaux publicitaires s'est désistée de son action.

Attendu que le 17 avril 1991, la Société Euro Voitures a déposé des conclusions pour demander à la Cour de confirmer la décision du Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing en date du 11 octobre 1990 en ce que le Tribunal a dit et jugé que la Société Nouvelle du Garage de l'Europe a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Euro Voitures, mais de la réformer en ce qui concerne la réparation du préjudice subi pour condamner la Société Nouvelle du Garage de l'Europe à lui payer la somme de 800.000 F de dommages et intérêts, avec intérêts judiciaires à compter du jour de l'assignation, ainsi que de la somme de 5.000 F par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Qu'elle expose à l'appui de son recours quant à sa propre version des faits

- qu'elle a été constituée en vue de l'exploitation dans le cadre d'un contrat de concession exclusive de véhicules de la marque Volvo, la Société Nouvelle du Garage de l'Europe antérieurement concessionnaire ayant perdu l'exploitation de cette marque le 23 avril 1988 ;

- qu'ayant constaté que la Société Nouvelle du Garage de l'Europe continuait à utiliser la marque Volvo par voie de diverses publicités, elle s'est vue dans l'obligation d'assigner la Société Nouvelle du Garage de l'Europe en référé devant le Président du Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing qui, par les ordonnances en date des 2 août et 31 août 1989, lui a ordonné de retirer tout panonceau et toute trace du sigle Volvo, lui a interdit toute forme de publicité sous cette marque et dit qu'elle devait cesser d'entretenir toute confusion dans la clientèle ;

- que la Société Nouvelle du Garage de l'Europe n'en continue pas moins d'accomplir des actes de concurrence déloyale.

Qu'elle fait valoir qu'en ce qui concerne les faits de concurrence déloyale de la Société Nouvelle du Garage de l'Europe, elle apporte pour preuve :

1) un bon de commande en date du 25 mai 1989 établi au profit d'un sieur Busigny qui passait commande d'une voiture Volvo 440 Turbo, bon qui porte le cachet "Garage de l'Europe, concessionnaire Volvo" et se trouve accompagné d'une plaquette avec la carte de la Société Nouvelle du Garage de l'Europe et le nom de Philippe Platel, ancien gérant ;

2) des publications de presse faisant apparaître que la Société Nouvelle du Garage de l'Europe utilisait la marque Volvo en même temps que la marque Toyota ;

3) une photographie publiée dans la presse le 19 novembre 1988 montrant M. Platel, ancien gérant, et ses anciens commerciaux ;

4) le fait qu'elle a dû obtenir des décisions de justice pour faire cesser le trouble occasionné par la Société Nouvelle du Garage de l'Europe ;

5) le fait que celle-ci conserve encore une partie du stock Volvo ;

6) le fait qu'elle collait encore son sigle portant la marque Volvo sur des véhicules vendus après que la concession lui ait échappé.

Qu'elle fait valoir que son préjudice s'élève à 800.000 F qui correspond :

1) à la marge brute de la vente de véhicules neufs vendus sur le secteur qui lui est réservé par la Société Nouvelle du Garage de l'Europe qui se fait livrer par des concessionnaires d'autres secteurs géographiques ;

2) à la perte d'activité correspondant à la révision et à l'entretien de ces véhicules.

Attendu que l'action engagée le 16 août 1989 par la société Euro Voitures établie à Leers tendait à obtenir la condamnation de la Société Nouvelle du Garage de l'Europe établie à Roubaix à des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

Qu'il est constant qu'en avril 1988 la Société Nouvelle du Garage de l'Europe a perdu la qualité de concessionnaire Volvo au profit de la société Euro Voitures.

Attendu que les faits et éléments de preuve que la société Euro Voitures a invoqués pour illustrer cette concurrence déloyale ne sont pas inexacts notamment :

1) une commande datée du 25 mai 1989 pour un véhicule Volvo 440 Turbo neuf reçue par le Garage de l'Europe sous le timbre Garage de l'Europe, concessionnaire Volvo ;

2) de très nombreuses insertions dans la presse locale (opérations porte ouverte ou offre de véhicules d'occasion) dans lesquelles la Société Nouvelle du Garage de l'Europe se présente comme spécialiste " Volvo Toyota " voire Volvo seul (19 novembre 1988-11 mars et 9 avril 1989, 13 janvier et 6 février 1990) ;

3) la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'avoir recours à justice pour obtenir qu'il soit fait interdiction à la Société Nouvelle du Garage de l'Europe d'utiliser la marque Volvo sous quelque forme que ce soit : ordonnance de référé du 2 août 1989 confirmée par arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 14 février 1991.

Qu'il convient d'observer que la Société Nouvelle du Garage de l'Europe passe sous silence des indications figurant sur un constat en date du 31 août 1989 qu'elle a produit aux débats pour illustrer qu'elle ne se réclame plus de la marque Volvo ; qu'on peut y lire : " Dans l'entrée du garage, un panneau placé en hauteur indique " Service après-vente, spécialiste Volvo, Toyota mécanique, carrosserie, peinture " ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'après avoir perdu la concession Volvo, la Société Nouvelle du Garage de l'Europe n'en a pas moins persisté à prendre des initiatives et à se présenter comme spécialiste Volvo dans des opérations publicitaires aboutissant à la vente de véhicules d'occasion, sinon neufs de la marque Volvo;

Qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'à tort par le jugement entrepris le Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts qui, au vu des justifications produites seront portés à 400.00 F.

Qu'il conviendra également de porter de 2.500 F à 5.000 F le montant de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs : Reçoit la Société Nouvelle du Garage de l'Europe en son appel, Le dit non fondé, et faisant droit partiellement aux demandes de la société Euro Voitures, Confirme le jugement entrepris sauf : 1) à relever de 200.000 F à 400.000 F le montant de l'indemnité allouée à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; 2) à relever de 2.500 à 5.000 F l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la Société Nouvelle du Garage de l'Europe aux dépens de son appel et en autorise le recouvrement direct au profit de Me Quignon, avoué, conformément à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.