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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 16 décembre 1991, n° 131-90

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Barcode International (Sté), Réflexion Plus (SA), Massieu, Dedieu, Thuries, Puech, Thomas, Nketsa, Serres

Défendeur :

Systèmes Sud (SA), Digital Vision (SA), Garcia

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jorda

Conseillers :

Mme Mettas, M. Milhet

Avoués :

Me Lamy, SCP Nidecker Prieu-Philippot

Avocats :

Me Lombard, SCP Camille Sarramon Vincenti.

T. com. Toulouse, du 9 mars 1989

9 mars 1989

Attendu que par jugement du 9 mars 1989 du Tribunal de commerce de Toulouse, Messieurs Garcia, Massieu, Dedieu, Puech, Thuries, Thomas, Nketsa, Serres, les SA Barcode International (Barcode) et Réflexion Plus, ont été solidairement condamnés à payer à Me Lavergne et à la société Digital Vision diverses sommes en réparation des préjudices subis du fait d'agissements de concurrence déloyale, une expertise étant ordonnée pour fixer ce préjudice ;

Attendu que les parties condamnées, à l'exception de Monsieur Garcia, ont régulièrement relevé appel ; que celui-ci intimé par les appelants, a été assigné à la personne de son épouse ; qu'il n'a pas constitué avoué ; que la décision sera rendue par défaut à son égard par application de l'article 473 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'il échet de rappeler que la SA Systèmes Sud a été placée en redressement judiciaire par jugement du 4 décembre 1987 ; que Maître Lavergne a été désigné comme administrateur ; qu'il a procédé au licenciement de Monsieur Garcia ; que chacune des sept autres personnes condamnées a démissionné de ses fonctions au sein de la SA Systèmes Sud par courrier du 1er février 1988 puis a demandé à être dispensée de préavis, à compter du 7 mars 1988, par courrier du 15 février ; demande acceptée par Maître Lavergne par lettre du 2 mars 1988 comportant néanmoins des observations et une demande de remise de tous éléments et documents en leur possession, relatifs à leurs travaux, notamment ceux des " Lemco " et du nouveau lecteur intégré ; que le 28 mars Maître Lavergne déposait plainte pour vol en raison de la non restitution de divers documents ;

Que les personnes précitées, à l'exception de Monsieur Garcia, ont, le 18 février 1988, signé les statuts d'une SA en cours de formation, la société Réflexion Plus aux côtés de la SA Barcode International et de Monsieur Warnan ; statuts enregistrés à Nanterre le 23 février 1988 ;

Que la société Réflexion Plus a été inscrite au Registre du Commerce de Nanterre le 25 mai 1988 pour une activité de " recherche développement conception commercialisation exploitation location achat vente distribution de produits de logiciels et d'équipements de saisie de données et de circuits intégrés ", son début d'exploitation étant fixé au 18 février 1988 ; qu'étaient indiqués comme président du conseil d'administration Monsieur Massieu et comme administrateurs Monsieur Warnan et la société Barcode, titulaires respectivement de 119, 1 et 1874 actions sur 2 500, le nombre d'actions des autres associés variant de 50 à 100 ; le quart de toutes les actions ayant été libéré le 18 février ;

Que le 19 août 1988 était immatriculé à Toulouse un établissement secondaire, sous la même activité et le même objet social, avec un début d'exploitation fixé au 1er juin 1988 ;

Que la société Digital Vision alors en cours de constitution, a fait des offres de reprise de la SA Systèmes Sud fin mars 1988 et que par jugement du 16 mai 1988 le Tribunal de commerce de Toulouse a arrêté le plan de cession dans les termes proposés par Maître Lavergne d'après les offres de la SA Digital Vision en date des 25 mars, 25 et 29 avril 1988, et désigné Maître Lavergne en tant que Commissaire à l'exécution du plan ;

Que le 3 novembre 1988 une action en contrefaçon de logiciel a été dirigée par Maître Lavergne et la société Digital Vision, contre la société Réflexion Plus, qui a donné lieu à un jugement du 26 octobre 1989 ordonnant expertise ;

Que les 3 et 8 février 1989, a pris naissance la présente procédure par des assignations délivrées par la SA Systèmes Sud représentée par Maître Lavergne, es qualité d'ancien administrateur de cette société actuellement Commissaire à l'exécution du plan et par la société Digital Vision ;

Que les premiers juges ont retenu que la société Réflexion Plus s'était délibérément placée dans le même créneau commercial que la SA Systèmes Sud, ancien employeur de ceux qui, en concertation et sous directives, ont fondé, après leur démission, une société avec la participation active et complice des autres associés, Monsieur Garcia et la société Barcode ;

Qu'ils ont encore relevé que demeurant la technologie en cause et la rapidité de mise en œuvre d'un nouveau lecteur optique de codes-barres, il y avait eu un transfert de savoir-faire de la société Systèmes Sud à Réflexion Plus, apanage de la première et caractérisé par la matière grise de ses chercheurs qui, de plus, avaient dévoyé des documents, propriété de Systèmes Sud ;

Attendu que les appelants soulèvent l'irrecevabilité de la demande de Maître Lavergne, es qualité de Commissaire à l'exécution du plan ; le défaut d'intérêt à agir ou de qualité de la société Systèmes Sud ; l'absence de faits constitutifs de concurrence déloyale qu'il s'agisse des manœuvres de débauchage ou du détournement de savoir-faire ou d'un piratage, que le rapport d'expertise dans l'instance en contrefaçon permet d'écarter ;

Qu'ils demandent la restitution des sommes qu'ils ont dû verser avec les intérêts au taux légal à compter du jour du versement ; 50 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive par modification de la demande et 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que les intimés sollicitent, à l'inverse, la confirmation du jugement avec cependant paiement des sommes consignées entre leurs mains, 20 000 F au titre de l'article 700 NCPC et le renvoi de l'affaire au tribunal de commerce sur l'homologation du rapport ;

Sur la recevabilité de l'action de M. Lavergne

Attendu que ce moyen n'avait pas été présenté en première inbstance ; qu'il est recevable en vertiu de l'article 123 NCC ;

Que les appelants invoquent, à l'appui de leur thèse, les articles de la loi de 1985 qui délimitent la mission et les pouvoirs du Commissaire à l'exécution du plan qui, selon eux, ne peut que poursuivre les actions introduites avant le jugement arrêtant le plan par l'administrateur ou le représentant des créanciers, et qui n'a autrement que le pouvoir de rendre compte et seulement dans le cadre de l'exécution du plan, sauf dans quelques domaines limitativement énumérés par un texte qui est d'ordre public ;

Qu'il disent qu'il ne faut pas confondre l'existence d'un droit et ses modalités de mise en œuvre et écartent notamment le moyen tiré de la garantie d'éviction partielle du vendeur, d'autant que, même en qualité d'administrateur, Maître Lavergne n'aurait eu aucun intérêt à agir ;

Attendu que les intimés soutiennent pour leur part qu'aucun texte ne précise que Maître Lavergne n'a pas qualité pour intenter une action au nom de la société Systèmes Sud ; que l'article 67 démontre le contraire car il lui donne pouvoir exprès de continuer les procédures engagées par d'autres, texte d'où il faut déduire que le Commissaire a qualité pour représenter la société après ladisparition des représentants antérieurs de la société ; que l'instance en cours est en lien direct avec l'exécution du plan, qu'elle n'en est que la conséquence et qu'elle vise à remplir à l'égard de l'acquéreur les obligations normales du vendeur en apportant à cet acquéreur l'aide nécessaire pour lutter contre les agissements qui troublent la jouissance paisible qu'il devrait avoir ;

Attendu que la loi du 25 janvier 1985 et son décret d'application sont d'application stricte en ce qu'ils réglementent notamment les missions et les pouvoirs des organes de la procédure ;

Que le Commissaire à l'exécution du plan est nommé avec la mission exclusive de " veiller à l'exécution du plan " ; qu'il n'a, dans le cadre de cette mission que le pouvoir de rendre compte ;

Qu'en dehors de cette attribution précise, ses droits d'action et leurs modalités d'exercice sont déterminés par des textes particuliers, tels que l'alinéa 2 de l'article L. 67, les articles L. 110, 183 et 211 ;

Qu'il ne peut dès lors être soutenu que le silence gardé par le législateur lui confère le droit d'intenter, de lui-même, une action en justice, au nom de la société cédée ;

Qu'ainsi, Maître Lavergne, en qualité de Commissaire à l'exécution du plan n'a pas qualité pour intenter une action au bénéfice de la société Systèmes Sud ni pour agir aux côtés d'un repreneur dont l'action est dirigée contre un tiers pour des faits de concurrence déloyale exclusive de toute demande en garantie d'éviction ;

Sur l'intérêt et la qualité à agir de la SA Digital Vision

Attendu que les appelants contestent le droit d'action de cette société pour le motif essentiel que lors de la proposition de reprise de Systèmes Sud et lors du jugement adoptant le plan de cession, la société Digital Vision, alors en formation, et ayant pour dirigeant l'un des salariés de Systèmes Sud, avait parfaite connaissance du départ des sept autres salariés et de ce qu'ils devaient travailler pour une filiale de Barcode International ;

Qu'en réalité, Digital Vision demande la réparation d'un préjudice qui ne lui serait pas propre mais qui aurait été subi par la société Systèmes Sud, dont elle est l'ayant cause à titre particulier mais que, outre qu'elle connaissait l'exacte situation lors de sa proposition, elle n'a fait insérer aucune réserve quant à une éventuelle cession par Systèmes Sud des droits litigieux ;

Qu'enfin deux des techniciens ayant constitué Réflexion Plus, avaient un savoir-faire fondamental, acquis au LAAS (laboratoire dépendant du CNRS avant de travailler à Systèmes Sud ;

Attendu que pour la société Digital Vision, son intérêt à agir provient de ce qu'elle a subi un préjudice qui lui est propre qui résulte de la désorganisation du marché due au comportement déloyal de la société Barcode International ; que le débauchage du personnel n'est reproché qu'en tant que moyen déloyal de détourner un savoir-faire de la société Systèmes Sud et vendu au repreneur ;

Qu'elle soutient qu'elle ignorait, lors de sa proposition de reprise de Systèmes Sud que le savoir-faire du bureau d'études qui travaillait sur les lecteurs de code à barres, serait utilisé par la société Barcode ; qu'elle a acheté le savoir-faire de la société Systèmes Sud mais a été privée, du fait des agissements déloyaux, du bénéfice de son acquisition ;

Attendu que la société Digital Vision a assigné pour obtenir dédommagement de faits de concurrence déloyale facilités, selon elle, par la constitution, selon des procédés déloyaux, d'une société directement concurrente mais dont les effets n'ont été connus qu'au cours de l'année 1988 ;

Attendu, qu'aux termes de l'article 30 du nouveau Code de Procédure Civile l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et qu'en vertu de l'article suivant, elle est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ;

Qu'il n'est pas dénié par les appelants que la société Réflexion Plus a des activités concurrentes de celles de Digital Vision ;

Que Digital Vision, dans l'offre de rachat de Systèmes Sud qu'elle a proposé fin mars et en avril 1988, a indiqué qu'elle entendait développer trois produits, dont le " Lemco 7 ", lecteur optique de code à barres ; que son objectif était d'être le leader européen notamment en lecteurs optiques ; qu'elle valoriserait ces trois produits développés par Systèmes Sud pour financer le développement des produits futurs ; qu'au paragraphe produits futurs, il était écrit " les produits futurs, en phase de conception et d'industrialisation, sont là pour assurer la croissance et la pénétration du marché " ;

Etait cité ensuite, notamment : un lecteur de code à barres intégré à lancer en 1989 ;

Etait spécifié, plus bas " notre force, c'est l'expertise technique acquise pendant quatre ans par notre équipe de développement, rôdée aujourd'hui à la conception et à l'industrialisation de nouveau produits " ;

Que, dans les comptes prévisionnels, des frais d'études étaient prévus pour les trois produits ;

Qu'ainsi Digital Vision avait bien l'intention de développer l'activité de Systèmes Sud, en commercialisant les anciens produits et en développant des nouveaux ;

Que Digital Vision a donc intérêt à agir, quelque soit le succès de ses prétentions, en se prévalant d'agissements antérieurs ou concomitants à ses offres de reprise mais dont les conséquences n'étaient susceptibles de se développer que postérieurement à son égard ;

Que la circonstance que le plan de cession n'eût comporté aucune réserve et que Systèmes Sud n'ait pas encore agi en justice à l'époque, et compte tenu de la connaissance tardive, alléguée par Digital Vision de l'existence d'un préjudice pour elle, est inopérante ;

Sur la concurrence déloyale

Attendu que les appelants qui soutiennent que les intimés leur reprochent d'avoir désorganisé la société Systèmes Sud, s'attachent à démontrer que les salariés de Systèmes Sud, qui n'étaient tenus par aucune clause de non-rétablissement et qui étaient légitimement inquiets de leur avenir, n'ont fait qu'user de la liberté du travail en partant de la société ; qu'ils ne se sont heurtés à aucun refus de Maître Lavergne, ni lors de leur démission, ni lors de leur demande de dispense de préavis ; qu'ils n'ont pas agi dans un but spéculatif ;

Qu'ils estiment aussi que rien ne peut être reproché à la société Barcode qui, depuis longtemps, cherchait à s'implanter à Toulouse ; qui avait, outre une activité de commercialisation, une activité de conception et qui, au surplus avait été en butte aux atermoiements et aux silences de Maître Lavergne ;

Que la situation préjudiciable à ses intérêts dont se prévaut la société Digital Vision, est inhérente à celle qui ressort de l'implantation d'un concurrent ;

Attendu qu'ils dénient ensuite qu'il y ait eu transfert d'un savoir-faire propre à la société Systèmes Sud ; qu'il faut distinguer le savoir-faire fondamental détenu par les salariés du fait de leurs acquis (deux d'entre eux ayant travaillé au LAAS jusqu'en 1983) du savoir-faire spécifique qu'ils auraient acquis au sein de la société Systèmes Sud dont ils indiquent qu'elle n'est apparue sur le marché qu'en 1984 alors que les lecteurs de codes à barres existaient en provenance d'une société japonaise, depuis 1977 et dont ils précisent qu'il est démontré par le rapport d'expertise déposé dans l'instance en contrefaçon, que la technologie mise en œuvre était totalement différente de celle élaborée par la société Réflexion Plus ;

Qu'il précisent que le " Scan Plus " était déjà à l'étude chez Barcode avant la création de Réflexion Plus ; qu'il a été commercialisé non dès septembre 1988 mais à partir de la fin du mois de février 1989 ; que la mise au point, dans ce délai, du procédé, s'explique tant par les études antérieures que par les moyens financiers apportés par Barcode et par l'affectation de la totalité de l'équipe de Réflexion Plus à la conception des lecteurs optiques ce qui n'était pas le cas à Systèmes Sud où seuls deux des sept salariés en cause travaillaient sur les lecteurs optiques ;

Qu'enfin ils relèvent que les prétendues similitudes entre le " Scan Plus " et le produit Digital Vision n'existent pas et qu'il ne peut leur être reproché, au seul vu d'une plainte, d'avoir dérobé la " Net List " ;

Attendu que les intimés, pour caractériser les faits de concurrence déloyale qui sont distincts de l'action en contrefaçon, précisent que Barcode n'avait aucune connaissance technique en matière de fabrication de codes à barres ; que cette société se contentait de vendre et commercialiser des codes à barres fabriqués par les japonais ; qu'elle est incapable de prouver qu'elle avait un bureau d'études ; que le Maxibar n'est pas un lecteur optique de codes à barres mais un boîtier interface ; que Barcode n'a pas présenté d'offre de reprise de Systèmes Sud à Maître Lavergne ;

Que pour eux, la concurrence déloyale provient du débauchage massif d'un personnel qui a constitué une société concurrente avant même l'expiration de son contrat de travail, débauchage qui n'avait pas d'autre but que de s'approprier le savoir-faire, sans contrepartie financière, d'une équipe qui travaillait depuis 1986 uniquement sur les lecteurs optiques et spécialement sur la mise au point d'une nouvelle douchette, le " Lemco 7 ", et qui, en quittant Systèmes Sud, seule société à fabriquer ce type de produit en Europe, a nécessairement déménagé chez Réflexion Plus les connaissances des plans, croquis et documents confidentiels ou non mais en tout cas destinés non à être divulgués, mais à rester dans l'entreprise victime de la concurrence déloyale ;

Qu'ils relèvent qu'il y a des correspondances quasi systématiques entre les lecteurs fabriqués par la société Barcode et par la société Digital Vision, avec utilisation des mêmes fournisseurs et de composants identiques ou semi-identiques, utilisation facilitée par les connaissances acquises au sein de la société Systèmes Sud pendant trois ans et qui a permis d'élaborer une douchette à ergonomie particulière ;

Que les erreurs de date des appelants, notamment sur la constitution de Réflexion Plus sont significatives de mauvaise foi ;

Qu'il remarquent que les deux douchettes sont arrivées concomitamment sur le marché ; que le " Scan Plus " avait été annoncé à grand renfort de presse pour la fin de l'année 1988 et que, si cela avait été facilité par les moyens financiers développés par Barcode, cela n'avait été possible que grâce à l'utilisation du savoir-faire de Systèmes Sud obtenu par le transfert de manière déloyale des salariés travaillant en équipe et qui n'ont pu oublier ce savoir-faire en quittant la société Systèmes Sud ;

Qu'ils estiment qu'il y a bien, en tout cas, agissement parasitaire, celui-ci existant chaque fois que quelqu'un utilise de façon intéressée, une valeur économique d'autrui, fruit d'un savoir-faire et d'un travail intellectuel, lorsque cette valeur n'est pas protégée par un droit privatif spécifique ;

Qu'ils indiquent, quant à leur préjudice, que Systèmes Sud, seul fabricant en Europe, avait une position de leader sur le marché français ; qu'il n'y a pas d'autres concurrents pour Digital Vision que Réflexion Plus ; que l'ergonomie des douchettes Systèmes Sud et Digital Vision était particulière ; que par ses agissements déloyaux Réflexion Plus a économisé le coût des recherches, au minimum la moitié du temps qui lui eût été nécessaire pour fabriquer un produit concurrent ; que la préjudice subi par Digital Vision est d'autant plus important que le réseau de commercialisation de Barcode est beaucoup plus développé que le sien ; que Digital Vision a perdu une partie de sa clientèle ; que cela est vrai aussi pour les douchettes droites dont elle aurait dû demeurer, pendant le même temps, seul fabricant mondial ;

Attendu qu'il est constant que les sociétés Réflexion Plus et Digital Vision ont, l'une comme l'autre, pour objectif social notamment la conception, la fabrication et la commercialisation de lecteurs optiques de codes à barres et qu'elles sont en situation de concurrence ;

Attendu aussi, qu'il est établi que la société Réflexion Plus a été créée le 18 février 1988 à une époque où les associés, démissionnaires de Systèmes Sud, étaient encore en période de préavis et que leur démission simultanée faite dans les mêmes termes, avec ultérieurement les mêmes demandes de dispense de préavis résultent d'une action concertée, dirigée par la société Barcode International qui a pris une participation majoritaire dans la société Réflexion Plus et quia présenté celle-ci dans plusieurs articles de presse, comme sa filiale ;

Attendu que les circonstances particulières de l'espèce ne permettent pas de dire que les salariés démissionnaires de la société Systèmes Sud n'ont fait qu'user de la liberté qu'ils avaient de travailler, même au sein d'une entreprise concurrence, du fait qu'ils n'étaient liés par aucune clause de non rétablissement, ni que leur attitude n'a été dictée que par leur souci légitime de retrouver un emploi ;

Qu'ils ne sauraient se prévaloir de l'absence de refus de Maître Lavergne, ce dernier ayant accepté de les dispenser de préavis mais en émettant des réserves ;

Que pareillement la société Barode ne saurait utilement se prévaloir de sa volonté de s'établir dans la région toulousaine, bien avant la déconfiture de la société Systèmes Sud, alors qu'elle ne justifie sur ce point que d'une offre d'emploi parue le lendemain du jugement prononçant le redressement judiciaire de la société Systèmes Sud et que les courriers ou télex qu'elle a échangés avec Maître Lavergne sont demeurés très vagues, et sont pour partie postérieurs au 15 février 1988 ;

Attendu que la création d'une société concurrente par des procédés déloyaux ne peut fonder une action en concurrence déloyale qu'à condition cependant qu'il y ait aussi exercice abusif de la liberté de concurrence soit en l'espèce utilisation d'un savoir-faire spécifique à la société concurrencée et que l'on ne saurait affirmer, comme le voudrait la société Digital Vision que le transfert des individus est la preuve du transfert du savoir-faire et que si le transfert des individus est illégitime, celui du savoir-faire l'est aussi;

Attendu que Digital Vision se prévaut de la concurrence le " Scan Plus ", sur le point de sortir fin 1988, a fait au " Lemco 7 ", produit mis au point par Digital Vision, lecteur intégré, composé notamment d'un circuit pré-diffusé, objet d'études depuis décembre 1986 et existant physiquement depuis janvier 1988 et comprenant aussi un logiciel de décodage, propriété de Systèmes Sud ; que pour elle il y a eu utilisation de plans et schémas, propriétés de Systèmes Sud et donc d'elle-même ;

Attendu que le rapport de Monsieur Vaillant, déposé dans l'instance en contrefaçon, et communiqué par l'une comme par l'autre des parties, permet de dire que les logiciels examinés (Scan Plus pour Réflexion Plus et L. 71 pour Digital Vision, suite du " Lemco 7 ") ne présentaient que peu de similitudes et que celles relevées étaient liées à l'application de notes techniques fournies par les constructeurs aux utilisateurs ou à des explications logiques ou au fait que la fonction globale " lire des codes à barres " est identique ;

Qu'il n'y a pas là utilisation d'un savoir-faire acquis à Systèmes Sud ;

Que l'expert a précisé aussi que les personnes parties de Systèmes Sud avaient acquis un savoir-faire dans le domaine des lecteurs dans cette société, mais également pour certaines dans le cadre du LAAS .

Que cette dernière affirmation est étayée par un courrier produit par Réflexion Plus adressé le 11 juillet 1983 par le LAAS au CNRS (signé de Monsieur Estève qui fait partie de Digital Vision) qui indique que le LAAS suite à des contacts avec les sociétés CDV Electronique et Systèmes Sud (très récemment créée) a convenu d'apporter à ces sociétés un appui pour le développement d'un produit nouveau le lecteur de code barres (dont les inventeurs, est-il précisé en NB, sont Messieurs Massieu, Moulas et Vialaret) ; avec en contre-parties, pour le LAAS le financement du coût de la redevance, et pour Systèmes Sud qui a eu l'idée initiale du produit, son exclusivité ;

Qu'ainsi le savoir-faire des démissionnaires de Systèmes Sud a sa source dans les applications pratiques effectuées dans cette société, mais aussi dans les ressources intellectuelles propres à certains de ses membres ou acquises au sein du LAAS;

Attendu par ailleurs que l'expertise révèle que les sept démissionnaires ne travaillaient pas, au sein de Systèmes Sud, exclusivement sur les lecteurs optiques ; que Monsieur Massieu, directeur technique, avait aussi la responsabilité de faire produire des code-barres chez CDV ; que Monsieur Thomas suivait la fabrication ; que Monsieur Dedieu traitait les applications et les problèmes avec les clients ; que Monsieur Thuries suivait les activités de composants prédiffusés, plus ponctuellement le code-barre ; que Monsieur Nketsa travaillait sur un terminal graphique et que Monsieur Serres était stagiaire ; que s'occupaient du projet L. 71, Monsieur Puech, un an, aidé de Monsieur Thuries, deux mois et demi ; que Monsieur Thuries travaillait sur le Lemco 7 commercialisé et sur l'industrialisation du nouveau lecteur L. 71 pour un à deux hommes mois tandis que l'équipe de Réflexion Plus n'a travaillé que sur le projet du Scan Plus, aidée en outre par les moyens financiers de la société Barcode ce qui, pour l'expert, explique que ce nouveau lecteur ait pu être diffusé au bout d'une année ;

Que le fait, non contesté, que le premier emploi salarié des démissionnaires ait été consacré à Systèmes Sud, n'est donc pas déterminant ;

Attendu par ailleurs qu'il n'est pas démontré par Digital Vision qu'il y ait eu vols de documents et utilisation de plans et schémas de Systèmes Sud au profit de Réflexion Plus, la plainte déposée n'ayant pas abouti et l'expert ayant stigmatisé les différences de conception des deux produits ;

Qu'il ne peut en conséquence être dit qu'il y a eu utilisation par Réflexion Plus d'un savoir-faire acquis au sein de Systèmes Sud et au détriment de cette société, même si au préalable Barcode International n'avait pas fabriqué de lecteurs optiques de codes à barres ;

Qu'il n'y a pas davantage parasitisme puisqu'il n'y a pas utilisation d'un savoir-faire acquis exclusivement au sein de Systèmes Sud et quel'expert a indiqué que la conception de " Scan Plus " avait été grandement facilitée par les moyens économiques et financiers donnés par Barcode à Réflexion Plus;

Qu'il n'y a pas eu non plus économie par Réflexion Plus de travaux de recherches, les deux produits étant différents dans leur conception ;

Attendu qu'au surplus la société Digital Vision, dont la Direction Générale devait être assurée par Guy Moulas (celui-ci responsable des études et conception de produits de Systèmes Sud où il travaillait depuis 1983) n'ignorait pas, lors de ses offres de reprise en mars 1988, que sept des trente employés de la société Systèmes Sud l'avaient simultanément quittée, dont deux qui avaient travaillé au LAAS ;

Que la société Digital Vision ne peut dès lors prétendre avoir subi un préjudice qui ne se serait révélé qu'après la cession de l'entreprise ; qu'en effet, en tant qu'ayant cause de Systèmes Sud, elle n'a formulé aucune réserve quant aux conséquences possibles pour elle de ces débauchages dont elle ne pouvait ignorer qu'ils auraient une influence sur le développement de l'un des produits dont elle prenait la suite ; et qu'à titre personnel, elle ne peut arguer de la perte d'une chance ; qu'elle espérait devenir leader européen, notamment pour les lecteurs optiques, mais que lorsqu'elle formulait ce souhait, elle savait être privée de ceux qui travaillaient sur ces produits et elle ne pouvait ignorer, demeurant la technicité de ses propres membres, le secteur d'activité très particulier dans lequel elle s'insérait, que les voeux qu'elle formulait, n'avaient, en l'état du personnel qu'elle reprenait, que peu de chances de se développer quant aux lecteurs de codes à barres ; qu'enfin s'il n'est pas dénié que Systèmes Sud était le seul constructeur européen il n'en demeure pas moins que les systèmes de lecteurs de codes à barres existaient dès 1977 bien avant la création de Systèmes Sud en 1983 et que du point de vue commercial, le marché visé par Réflexion Plus et Digital Vision est, d'après l'expert (page 36) très occupé par de nombreux industriels essentiellement étrangers (japonais) et qu'en conséquence, toujours d'après l'expert, la concurrence faite par Réflexion Plus à Digital Vision est très marginale ;

Que le jugement sera infirmé et la restitution des sommes versées ou consignées ordonnée avec les intérêts au taux légal à partir du versement ou de la consignation ;

Attendu que les appelants sollicitent 50 000 F de dommages et intérêts pour procédures abusive par modification de la demande indiquée dans les conclusions antérieures ;

Mais attendu que chaque partie a la possibilité de faire valoir des moyens nouveaux à l'appui de prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles développées dans l'assignation et en première instance ; qu'au surplus les appelants ne justifient pas subir de préjudice particulier du fait de l'utilisation par les intimés de leur droit de faire valoir ces moyens ; qu'aucuns dommages et intérêts ne seront octroyés ;

Attendu que l'équité commande par contre de faire supporter par les intimés, Maître Lavergne et la société Digital Vision, partie des frais irrépétibles nécessairement engagés par les appelants étant observé qu'aucune des conclusions n'est dirigée contre Monsieur Garcia, que le jugement n'est pas spécialement motivé contre lui et que les intimés disent dans leurs écritures (page 12) que la constitution d'une agence par Monsieur Garcia, licencié, n'était pas, à ce stade, constitutive de concurrence déloyale ;

Par ces motifs, LA COUR Reçoit les appels jugés réguliers de la société Barcode International, de la société Réflexion Plus, de Messieurs Massieu, Dedieu, Thuries, Puech, Thomas, Nketsa, Serres ; Infirme le jugement en ce qui les concerne ; Déclare Maître Lavergne, Commissaire à l'exécution du plan de la société Systèmes Sud, irrecevable à agir, es qualité, pour défaut de qualité ; Déclare la SA Digital Vision recevable à agir, la déboute de ses demandes ; En conséquence, condamne solidairement Maître Lavergne, es qualité, et la société Digital Vision à restituer aux appelants sus-énumérés les sommes de 250 000 F (deux cent cinquante mille francs) et 500 000 F (cinq cent mille francs) avec les intérêts au taux légal du jour où elles ont été versées ; Déboute les appelants de leur demande de dommages et intérêts ; Fixe à 10 000 F (dix mille francs) l'indemnité pour frais irrépétibles dus solidairement par Maître Lavergne et par la société Digital Vision aux appelants ; Condamne les mêmes, solidairement, aux dépens de première instance et d'appel avec le droit pour Maître de Lamy, avoué, de recouvrer ceux, quant à ces derniers, dont il a fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.