CA Paris, 4e ch. A, 26 novembre 1991, n° 89-012103
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bacardi Imports Inc (Sté), Bouchons Gultig (Sté), Socar (Sté), Société des Vins de France et Compagnie (SNC), Société des Vins de France (SA), Cusenier (SA), Groupe Pernod Ricard (SA), Société d'Élevage et de Diffusion des Grands Vins (SA)
Défendeur :
Les Fils de Henri Ramel (SARL), Claude Bachet et Fils (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosnel
Conseillers :
Mmes Mandel, Chauvaud
Avoués :
SCP Bommart Forster, SCP Parmentier Hardouin, Bolling
Avocats :
Mes Niedzielski Mathely, de Montille, Pitron, Imbach.
Pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure il convient de se référer au jugement entrepris.
Il sera simplement rappelé que :
La société Claude Bachet et Fils est titulaire de la marque Papillon, marque complexe comportant les mots Papillon et le logo d'un papillon, déposée pour la première fois le 22 juillet 1968 pour les produits des classes 32 et 33 régulièrement renouvelée depuis et dans le dernier état le 26 février 1988 sous le numéro d'enregistrement 1.465.173.
Cette marque a été exploitée par la Société les Fils de Henri Ramel et un contrat de licence, à titre gratuit, a été conclu entre les deux sociétés le 8 janvier 1985 enregistré à l'INPI le 3 octobre 1985 sous le numéro 012.094.
De son côté la Société SEDVG a déposé le 8 décembre 1977 dans la classe 33 trois marques Papillon, Pavillon de la Reine et Pavillon de la Reine, lesquelles ont été cédées selon contrats des 11 janvier et 5 mars 1984 à la société Bacardi, cession inscrite au registre national des marques le 14 septembre 1984.
La société Bacardi a renouvelé ces trois enregistrements le 7 décembre 1987 pour la marque Papillon sous le numéro 143 8966 pour la marque Papillon de la Reine sous le numéro 143 5964 et pour la marque Pavillon de la Reine sous le numéro 143 8965.
Par ailleurs elle a déposé le 13 mars 1986 la marque Papillon pour la totalité des produits de la classe 33, enregistrement numéro 134 6451.
Diverses saisies-contrefaçon diligentées à la requête de la société Bachet ont révélé que :
La Société Bacardi commercialise sous ces marques des bouteilles de vins aux États-Unis.
Qu'elle est approvisionnée en vin par les Sociétés Cusenier, filiale eu Groupe Pernod Ricard, et par la Société SVF.
Que la société Socar produit des cartons portant les mentions Papillon et Papillon de la Reine, la Société Gultig fabriquant quant à elle les bouchons portant la mention Papillon.
Estimant que ces faits étaient constitutifs de contrefaçon, à tout le moins d'imitation illicite de la marque Le Papillon et de concurrence déloyale, les Sociétés Bachet et Ramel ont assigné les Sociétés Bacardi Imports, SEDVG, Bouchons Gultig, Socar, SVF, Cusenier, Pernod Ricard devant les tribunaux de grande instance de Paris, Bordeaux, Libourne et Saverne.
Toutes les instances ont été renvoyées devant le tribunal de grande instance de Paris et jointes par celui-ci.
Le Tribunal par le jugement entrepris a :
- dit les sociétés Bachet et Ramel bien fondées en leurs demandes en contrefaçon et imitation illicite de marque, usage illicite et concurrence déloyale, y faisant droit,
- dit et jugé que la marque Papillon dont le dépôt a été renouvelé le 7 décembre 1987 numéro enregistrement 1.438.966 constitue une contrefaçon de la marque Le Papillon déposée par la Société Bachet
- dit et jugé que cette marque est nulle et de nul effet,
- dit et jugé que la marque Pavillon de la Reine déposée par la Société Bacardi le 7 décembre 1987 n° enregistrement 1.438.965 constitue l'imitation illicite de la marque Le Papillon,
- dit et jugé que cette marque est nulle et de nul effet,
- dit et jugé que la marque Papillon déposée le 13 mars 1986 par la société Bacardi n° enregistrement 134.645 constitue la contrefaçon de la marque Le Papillon déposée par la Société Bachet,
- dit et jugé que cette marque est nulle et de nul effet,
- validé les saisies-contrefaçon pratiquées,
- fait interdiction à toutes les sociétés défenderesses, à quelque titre que ce soit, de faire usage sur le territoire français des nominations Papillon, Papillon de la Reine et Pavillon de la Reine, sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- dit et jugé que les sociétés défenderesses sont responsables du préjudice subi au fait de l'exploitation des marques Papillon et Papillon de la Reine vis-à-vis du licencié la Société Ramel,
- condamné, en réparation de l'atteinte portée à ses droits de propriété sur la marque Le Papillon, à payer à la Société Bachet, à titre de dommages-intérêts,
1) les sociétés Cusenier, Bacardi et SEDVG la somme de 200.000 F,
2) la société Groupe Pernod Ricard, la somme de 30.000 F,
3) les sociétés des Vins de France SVF et société des Vins de France et Cie la somme de 100.000 F,
4) la société Gultig la somme de 50.000 F,
5) la société Socar la somme de 50.000 F,
- condamné en réparation du préjudice consécutif à l'exploitation de la marque, à payer à la société Ramel à titre de dommages-intérêts
1) les sociétés Cusenier et Bacardi conjointement et solidairement la somme de un million de francs,
2) la société SEDVG et la société Bacardi conjointement et solidairement la somme de 750.000 F,
3) le Groupe Pernod Ricard la somme de 3.000 F,
4) les sociétés SVF et SVF et Cie la somme de 730.000 F,
5) la Société Gultig la somme de 50.000 F,
6) la Société Socar la somme de 50.000 F,
- dit la société Ramel bien fondée en sa demande en concurrence déloyale à l'encontre de la société Cusenier,
- condamné la société Cusenier à payer à titre de dommages-intérêts à la société Ramel la somme de 100.000 F,
- débouté les sociétés Cusenier, Bacardi et SEDVG de leur demande en déchéance de la marque Le Papillon,
- ordonné la publication du jugement dans trois journaux aux frais ces défenderesses sans que le coût global de ces insertions puisse excéder 45.000 F,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire de la mesure d'interdiction,
- condamné les défenderesses aux dépens,
- les a condamnées à payer aux demanderesses la somme de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Suite à une requête ces sociétés Claude Bachet et Les Fils de Henri Ramel en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer, le Tribunal, par jugement en date du 25 septembre 1989 a complété ainsi qu'il suit son dispositif :
" dit qu'outre les marques Papillon n° 1.438.966 Pavillon de la Reine n° 1.435.965 et Papillon n° 134.045 est également déclarée nulle et de nul effet la marque Papillon de la Reine déposée en renouvellement par Bacardi à l'INPI le 7 décembre 1%7 sous le n°1 .438.964 ".
Les sociétés Les Fils de Henri Ramel et Bachet ont fait l'objet d'une procédure ce règlement judiciaire mais le concordat ayant été homologué par décision du 10 mars 1989 confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de Lyon au 6 juillet 1990, elles sont à ce jour in bonis.
Appelantes par déclarations des 2 juin, 7 juillet 1959 et 26 septembre 1990 les sociétés Bacardi Imports, Cusenier SA, Vins de France et Cie, Vins de France SVF, Bouchons Gultig, Cartonnerie Socar et Groupe Pernod Ricard demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures de :
- sur la procédure
* de déclarer recevables les appels formés par Cusenier et Pernod Ricard,
* de dire en tout cas qu'en formant appel incident du jugement pour demander une augmentation des condamnations prononcées contre Cusenier et Pernod Ricard, Bachet et Ramel ont expressément acquiescé à la recevabilité de l'appel,
- sur le fond
* d'infirmer le jugement,
* de prononcer la déchéance des droits de la Société Claude Bachet et Fils sur la marque Le Papillon n° 1.465.173,
* en conséquence de dire que les demandes des sociétés Claude Bachet et les Fils de Henri Ramel sont irrecevables comme étant dépourvues de base légale, de les en débouter,
* subsidiairement pour le cas où il serait retenu que les Sociétés Cusenier et Bacardi ont commis des actes de contrefaçon de la marque Le Papillon,
* de mettre hors de cause les sociétés Groupe Pernod Ricard, Vins de France et Cie, Vins de France SVF, Bouchon Gultig, Socar,
* de dire que la société Claude Bachet n'a subi qu'un préjudice de principe d'un montant purement symbolique,
* de dire que la société Les Fils de Henri Ramel n'ayant subi aucun préjudice, est irrecevable en sa demande d'indemnisation, en tout cas mal fondée, voire que son préjudice est symbolique,
* de débouter la société Les Fils de Henri Ramel de sa demande en concurrence déloyale.
Appelante par déclaration du 29 juin 1989 SEDVG prie la Cour d'infirmer le jugement et prend ces conclusions tendant aux mêmes fins que celles signifiées par les sociétés Bacardi, Cusenier et autres.
Les sociétés Bachet et Ramel dans le dernier état de leurs écritures poursuivent la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts et prient la Cour de débouter les sociétés SVF, SVF et Cie, Gultig et Socar de leur demande de mise hors de cause.
Formant appel incident de ce chef et faisant valoir que les sociétés Cusenier, Bacardi avaient au surplus poursuivi leurs agissements et commis d'autres faits de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale postérieurement à la signification du jugement entrepris elles demandent à la Cour de condamner les sociétés Bacardi, Cusenier, SEDVG, SVF, SVF et Cie, Gultig, Socar, Pernod Ricard à leur payer diverses indemnités dont les montants sont précisés dans leurs conclusions du 15 octobre 1990 auxquelles il convient de se rapporter.
Elles sollicitent par ailleurs la validation des saisies contrefaçon pratiquées les 24, 29 novembre et 1er décembre 1989, diverses mesures de publication et de confiscation et paiement de la somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Par ailleurs par des conclusions signifiées le 14 juin 1991, les sociétés Bachet et Ramel demandent à la Cour de rejeter des débats deux pièces produites le 7 novembre 1990 par SEDVG.
Par conclusions en date du 15 octobre 1990 la société Bacardi a formé un appel en garantie contre SEDVG et en application des dispositions des articles 1626 et suivants du Code Civil a sollicité sa condamnation à lui restituer le prix de cession des marques Papillon de la Reine, Papillon et Pavillon de la Reine tel qu'il résulte des stipulations des contrats des 11 janvier et 8 mars 1974 et à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
En outre elle a réclamé sa condamnation à lui payer la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
SEDVG a conclu à ce que l'appel en garantie formé à son encontre soit déclaré irrecevable, subsidiairement mal fondé.
Suite aux saisies-contrefaçon effectuées les 24, 29 novembre et 1er décembre 1989, les Sociétés Bachet et Ramel ont assigné la Société Cusenier devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en contrefaçon, voire imitation frauduleuse et usage illite de la marque Le Papillon n° 1.465.173 et pour faits de concurrence déloyale.
Elles ont sollicité outre la validation des saisies contrefaçon, des mesures d'interdiction sous astreinte définitive, de confiscation et de publication ainsi que la condamnation de la Société Cusenier à payer à chacune d'elles une somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts, la Société Ramel demandant par ailleurs la désignation d'un expert avec mission de déterminer l'ampleur de son préjudice.
Elles ont également sollicité paiement de la somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
La Société Cusenier ayant soulevé une exception de litispendance et de connexité au profit de la Cour d'Appel de Paris, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux par jugement du 28 janvier 1991 s'est dessaisi au profit de cette Cour.
Les sociétés Bachet et Ramel ont sollicité l'adjudication des écritures prises par elles devant le Tribunal de Grande instance de Bordeaux.
La société Cusenier sollicite la jonction des procédures et prie la Cour de débouter les sociétés Bachet et Ramel de toutes leurs demandes.
Discussion :
Considérant que l'argumentation développée par Cusenier et Pernod Ricard sur la recevabilité de leur appel lequel n'a fait l'objet d'aucune contestation écrite de Bachet et Ramel, n'a pas lieu d'être examinée.
I - Sur la procédure
Considérant qu'eu égard au lien de connexité existant entre les procédures en référence, il convient d'en ordonner la jonction.
II - Sur la communication des pièces
Considérant que les Sociétés Bachet et Ramel sollicitent le rejet des débats d'une lettre et d'un compte rendu de la COFRO ainsi que d'une facture de la Société Les Fils de Henri Ramel du 26 octobre 1990 au motif que ces pièces contiennent de fausses allégations et tendent à faire croire que Ramel ne commercialise aucun produit sous la marque Le Papillon.
Mais considérant que ces pièces ayant été communiquées le 7 novembre 1990 par SEDVG, les sociétés intimées ont été à même de les critiquer et de produire avant le prononcé de l'ordonnance de clôture tous éléments permettant d'en contredire les termes.
Qu'elles n'ont introduit aucune procédure pénale à l'encontre de SEDVG.
Que le principe du contradictoire et les droits de la défense ayant été sauvegardés il n'y a pas lieu d'écarter ces pièces des débats.
III - Sur la déchéance de la marque "Le Papillon" n° 1.465.173
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que la Société Bachet doit être déchue de ses droits sur la marque susvisée aux motifs que :
- Bachet ne justifie pas l'avoir personnellement exploitée pendant les cinq années précédant les demandes en déchéance,
- Ramel a exploité la marque pour désigner des vins de manière sporadique et équivoque à la veille de l'introduction des instances en contrefaçon et qu'à supposer qu'elle justifie l'avoir exploitée pour des sirops ceux-ci ne constituent pas des produits similaires aux vins.
Considérant que les sociétés intimées répliquent que Ramel a exploité la marque Le Papillon tant pour désigner des sirops que des vins d'abord en exécution d'un contrat de licence verbal puis en exécution d'une licence formelle de Bachet.
Que la vente des sirops Le Papillon remonte à quelques vingt cinq ans tandis que la vente des vins Le Papillon s'est développée à partir de 1982 d'abord vers la Grande Bretagne puis en France même à compter d'avril 1986.
Qu'elles ajoutent qu'en tout état de cause elles sont fondées à se prévaloir de l'article 11 § 2 de la loi du 31 décembre 1964 dès lors que la marque "Le Papillon" a toujours été exploitée pour des sirops lesquels doivent être considérés comme des produits similaires aux vins.
Considérant les arguments des parties étant ainsi exposés que selon les dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964 est déchu de ses droits le propriétaire d'une marque, qui, sauf excuse légitime, ne l'a pas exploitée ou fait exploiter de façon publique et non équivoque pendant les cinq années précédant la demande en déchéance.
Considérant qu'eu égard aux dates auxquelles les sociétés Bacardi, Cusenier, Groupe Pernod Ricard d'une part SEDVG d'autre part ont soulevé l'exception de déchéance, les premiers juges ont justement retenu que les périodes de 5 ans à prendre en considération s'établissaient :
- à l'égard des sociétés Cusenier, Bacardi et Pernod Ricard du 22 octobre 1981 au 22 octobre 1986,
- à l'égard de SEDVG du 2 février 1982 au 2 février 1987.
Considérant que les sociétés SVF et SVF et Cie Socar et Gultig ayant soulevé cette exception pour la première fois devant la Cour par conclusions du 2 mars 1990, à leur égard la période de référence s'étend donc du 2 mars 1985 au 2 mars 1990.
Considérant qu'il est constant que Bachet n'a jamais exploité personnellement la marque "Le Papillon".
Considérant que l'exploitation par un tiers ne bénéficiant pas d'une licence écrite mais agissant avec l'accord du titulaire de la marque est susceptible de faire échec à une action en déchéance dès lors qu'elle est publique et non équivoque.
Considérant en l'espèce que les Sociétés Bachet et Ramel appartiennent aux mêmes actionnaires, sont intimement liées et que Bachet avant de conclure avec Ramel un contrat de licence exclusive à titre gratuit, avait consenti verbalement à ce que cette société exploite sa marque.
Qu'il échet dès lors de rechercher si cette exploitation a, pendant les périodes de référence, présenté les caractères requis par la loi pour faire échet à la demande en déchéance.
Considérant s'agissant tant du vin que du sirop que les factures produites pour justifier d'une exploitation de la marque "Le Papillon" entre 1982 et 1984 ne sont pas probantes dès lors qu'il s'agit de photocopies, ne comportant aucune en tête et signées des lettres SEOO lesquelles ne correspondent pas aux initiales de la Société Les Fils de Henri Ramel.
Considérant par contre que Bachet démontre que Ramel a largement fait usage à compter du 30 avril 1986 et jusqu'en février 1987 de la marque Le Papillon pour commercialiser dans tout l'Est de la France tant des vins que des sirops de citron, grenadine, menthe soit auprès de débitants de boissons que de magasins d'alimentation, de supermarchés tels que les Centres Leclerc ou d'hôtels.
Que cette exploitation qui a commencé près de six mois avant la première demande en déchéance ne saurait être qualifiée de suspecte.
Que le titulaire de la marque bénéficie de par le seul enregistrement de celle-ci d'un droit privatif absolu et que l'exercice de l'action en contrefaçon n'est pas subordonné à l'exploitation antérieure de la marque.
Que dès lors le simple fait d'avoir entrepris une exploitation importante de sa marque seulement quelques semaines avant d'introduire une action en contrefaçon ne suffit pas à rendre cette exploitation équivoque voire frauduleuse.
Considérant sur les conditions d'utilisation de la marque que s'il est exact que sur certaines factures des mentions telles Choix du Roy, Grimpion, Cafe, Longevent accompagnent la dénomination Le Papillon n'en demeure pas moins que cette dernière ne perd pas son caractère distinctif.
Qu'il apparaît que les dénominations Longevent, Choix du Roy, Grimpion le plus souvent inscrites en petits caractères servent à différencier les qualités de vin tandis que "Le Papillon" désigne le produit vin en tant que tel.
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Bacardi, Cusenier, Pernod Ricard et SEDVG de leur demande de ce chef.
Que pour les mêmes motifs les sociétés SVF et SVF et Cie ainsi que Socar et Gultig doivent également être déboutées.
IV- Sur la contrefaçon, imitation illicite et usage illicite de la marque Le Papillon
Considérant que les Sociétés appelantes ne contestent pas que les marques "Papillon" et "Papillon de la Reine" constituent la contrefaçon de la marque "Le Papillon" et que la marque "Pavillon de la Reine" en constitue l'imitation illicite.
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de ces trois marques et ordonné par voie de conséquence la transcription de la décision au Registre des Marques.
Considérant sur les faits de contrefaçon, imitation illicite de la marque "Le Papillon" que les sociétés Bacardi et Cusenier font valoir qu'elles n'ont vendu aucune bouteille de vin Papillon en France et se sont limitées à apposer la marque Papillon sur des bouteilles de Vin et à expédier aux États-Unis les bouteilles ainsi marquées.
Que la société Vins de France SVF soutient qu'elle est totalement étrangère aux faits de la cause.
Que les sociétés Vins de France et Cie, Bouchon Gultig et Socar sollicitent également leur mise hors de cause au motif qu'elles n'ont agi que comme façonniers.
Qu'enfin la société Pernod Ricard fait valoir que le fait de citer dans un rapport à ses actionnaires les activités de sa filiale Cusenier n'est pas susceptible de constituer un acte d'usage illicite de marque.
Considérant que SEDVG prétend quant à elle que les seuls faits pouvant lui être reprochés consistent dans le conditionnement en France de bouteilles de vin portant la marque "Papillon de la Reine" et dans l'expédition de ces bouteilles à destination des États-Unis.
Considérant les arguments des parties étant ainsi résumés qu'il convient en premier lieu de retenir que le simple dépôt d'une marque constituant la contrefaçon ou l'imitation Illicite d'une marque antérieure constitue en soi un acte de contrefaçon ou d'imitation.
Qu'en conséquence la société Bacardi en déposant et en renouvelant en mars 1986 et décembre 1987 les marques Papillon, Papillon de la Reine et Pavillon de la Reine a commis des actes de contrefaçon et d'imitation illicite de la marque Le Papillon.
Considérant que SEDVG doit également être sanctionnée pour avoir déposé en décembre 1977 les marques Papillon, Papillon de la Reine et Pavillon de la Reine, ces dépôts ayant continué à produire leurs effets jusqu'à la date de renouvellement des marques.
Considérant par contre que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que SEDVG en cédant et Bacardi en acquérant, suivant actes en date des 11 janvier et 5 mars 1984 les marques contrefaisantes avaient commis des actes de contrefaçon.
Considérant en effet qu'à la date où ces actes ont été signés aucune action en contrefaçon n'avait été engagée par Bachet devant les tribunaux Français.
Qu'aucun texte législatif n'incrimine la cession ou l'acquisition de marques non encore jugées contrefaisantes et qu'il est de principe qu'un texte édictant des sanctions doit être interprété restrictivement.
Qu'en tant que tels ces actes ne peuvent être assimilés à des actes d'exploitation de marques contrefaisantes.
Considérant sur l'exploitation des marques incriminées en France que le seul fait d'apposer une marque contrefaisante sur des bouchons, des étiquettes et des emballages constitue en soi une atteinte aux droits du titulaire de la marque contrefaite.
Or considérant qu'il résulte des différents procès-verbaux de saisie contrefaçon versés aux débats que :
1) Gultig a fabriqué et vendu à Cusenier des bouchons portant par encrage le marquage Papillon tête bêche,
2) Socar a fabriqué et vendu à Cusenier principalement au cours des années 1985, 1986 et 1987, des cartons destinés à l'emballage de bouteilles de vin et revêtus des marques Papillon de la Reine et Papillon.
Considérant que ces sociétés ne sauraient échapper à toute responsabilité au motif qu'elles ont agi en qualité de façonnier de Cusenier dès lors que le simple fait d'apposer sur un produit une marque contrefaisante constitue une contrefaçon et qu'il importe peu que le fabricant de ces bouchons ou de ces cartons ne se livre pas lui-même au commerce des produits désignés par la marque.
Considérant par ailleurs que le fait pour un commerçant de détenir, mettre en vente et vendre sur le territoire français des produits revêtus d'une marque contrefaisante porte atteinte aux droits du titulaire de la marque.
Considérant qu'il est établi par les procès-verbaux de saisie contrefaçon et extraits de presse versés aux débats que :
1) SEDVG était en possession d'étiquettes portant les mentions Le Papillon de la Reine, vin rouge de France, blanc de blancs et rosé de France.
Qu'au surplus elle a de 1984 à 1986 d'une part exporté vers le Canada et l'Extrême Orient des bouteilles de vin étiquetées par ses soins "Papillon de la Reine" d'autre part vendu à Bacardi USA ces bouteilles de vin portant les mêmes étiquettes en vue de leur commercialisation aux États-Unis.
2) Cusenier a, à partir de 1985, en exécution d'un contrat de fourniture exclusive conclu avec Bacardi USA vendu à cette dernière des bouteilles de vin "Papillon".
Que ces bouteilles étaient principalement produites par son usine de Cubzac où elles étaient étiquetées et emballées dans les cartons fournis par Socar.
Considérant que les ventes avaient lieu en France les marchandises étant payables et dédouanées en France et voyageant au risque de l'acheteur.
3) SVF et Cie dont le siège est à Bordeaux a embouteillé, étiqueté, emballé et envoyé à Cusenier des magnums de vin portant des étiquettes Le Papillon de la Reine et des contre étiquettes Papillon blanc, rouge ou rosé.
Considérant que par ces actes les sociétés SVF et Cie, Cusenier et SEDVG ont porté atteinte aux droits de Bachet sur sa marque.
Considérant par contre qu'aucun usage de marque contrefaisante ou imitante ne peut être retenu à leur encontre dès lors que les produits revêtus des marques contrefaisantes n'ont fait de leur part l'objet d'aucune commercialisation, d'aucune publicité sur le territoire français.
Que ces Sociétés n'ont pas employé lesdites marques pour désigner à l'égard du public français les produits, ceux-ci étant uniquement mis à la disposition du public aux États-Unis ainsi qu'au Canada et en Extrême Orient.
Considérant de même que la société Bacardi USA n'ayant fait aucun usage des marques Papillon, Papillon de la Reine et Pavillon de la Reine en France, sa responsabilité ne peut être retenue que pour avoir, ainsi qu'exposé ci-dessus, renouvelé et déposé ces marques.
Considérant par ailleurs que la SA SVF doit être mise hors de cause, aucun fait de contrefaçon n'étant établi en ce qui la concerne.
Considérant enfin qu'à juste titre les premiers juges ont retenu que le Groupe Pernod Ricard avait commis des actes de contrefaçon en mentionnant la marque Papillon et en reproduisant une bouteille de vin revêtue d'une étiquette "Papillon" dans un rapport annuel établi sous la forme d'une brochure luxueuse divulguée dans le public.
V- Sur la concurrence déloyale
Considérant que Ramel soutient que les faits de contrefaçon de marque constituent à son égard ainsi que l'ont retenu les premiers juges, des actes de concurrence déloyale.
Considérant qu'en tant qu'unique licenciée de la marque "Le Papillon" en France pour des vins et sirops, Ramel était seule habilitée à pouvoir vendre et livrer des vins embouteillés, étiquetés et emballés en France sous la marque Le Papillon.
Qu'en le privant de ce marché, en contrefaisant la marque Le Papillon et en vendant en France des bouteilles de vin sous des marques contrefaisantes à Bacardi, les sociétés SEDVG et Cusenier ont commis des actes de concurrence déloyale.
Mais considérant en revanche, qu'aucun acte de concurrence déloyale n'est imputable à Bacardi, SVF et Cie, Gultig et Socar.
Que s'agissant de Bacardi il est constant qu'elle s'est contentée de commercialiser les bouteilles de vins aux États-Unis.
Considérant que Bachet ne peut se prévaloir d'aucun droit sur la marque Le Papillon aux États-Unis, Bacardi ayant déposé en 1986 la marque Papillon avec revendication de la date de premier usage du 25 mars 1982 et l'action en nullité de cet enregistrement introduite par Bachet ayant été rejetée par la Section d'Appel de l'Office Américain des marques par décision du 23 septembre 1988.
Que Ramel qui ne bénéficie donc dans ce pays d'aucune licence d'exploitation de la marque "Le Papillon" est dans l'impossibilité d'y commercialiser des vins "Le Papillon".
Qu'elle ne peut donc arguer du fait qu'elle aurait été privée de ce marché.
Considérant qu'en France il n'y a pas de concurrence des produits et de ce fait risque d'un transfert de clientèle.
Considérant enfin que Bacardi n'a effectué aucune publicité en France qui aurait été susceptible de nuire à Ramel.
Que dans ces conditions Ramel qui ne justifie d'aucun préjudice ne serait-ce qu'au titre d'un trouble commercial sera déboutée de sa demande en concurrence déloyale formulée à l'encontre de Bacardi.
Considérant par ailleurs que Ramel, qui selon ses propres déclarations, a pour activité le commerce du vin et qui emploie pour ce faire plusieurs représentants ne rapporte nullement la preuve qu'elle embouteille le vin, fabrique des cartons et des bouchons.
Que la concurrence déloyale suppose que les sociétés en cause interviennent sur le même marché, s'adressent à la même clientèle.
Que vis-à-vis de SVF et Cie, Socar et Gultig cette situation de concurrence n'existe pas et que par conséquent Ramel ne peut prétendre avoir subi du fait des actes imputables à ces sociétés un préjudice distinct du préjudice engendré par les faits commis par les Sociétés Cusenier et SEDVG.
Considérant qu'en ce qui concerne la seule société Cusenier les premiers juges ont en outre retenu, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que cette société n'avait pas hésité à employer vis-à-vis de Ramel des moyens déloyaux en laissant croire que cette dernière n'avait aucun droit sur la marque "Le Papillon" et à la dénigrer pour détourner la clientèle et créer une confusion dans son esprit.
Que contrairement à ce que soutient Cusenier les termes des attestations des préposés de Ramel sont confortés par ceux de divers commerçants.
Que par ailleurs Cusenier est mal foncée à soutenir qu'elle n'est pas le concurrent de Ramel dès lors qu'il est établi par les pièces mises aux débats que Cusenier vend sur le marché français des vins et en particulier un vin mousseux "Café de Paris" et des sirops de fruits.
Considérant enfin s'agissant de Pernod Ricard que la simple diffusion en France de la brochure n'apparaît pas comme constitutive d'un acte portant atteinte aux droits d'exploitation de Ramel sur la marque "Le Papillon".
VI- Sur les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale postérieurs à la signification du jugement
Considérant que les sociétés Bachet et Ramel font valoir que postérieurement au jugement entrepris la société Cusenier a continué à faire usage ces dénominations incriminées et notamment à vendre des bouteilles de vin sous les marques contrefaisantes et imitantes.
Considérant que la société Cusenier réplique que postérieurement au 5 juin 1989, date à compter de laquelle l'interdiction prononcée par le Tribunal est entrée en vigueur, toute expédition de vin " Papillon " de la France vers les États-Unis a complètement et définitivement cessé.
Considérant qu'il n'est pas contesté que le jugement a été signifié le 13 juillet 1989 à la Société Cusenier et que le Tribunal ayant ordonné l'exécutIon provisoire de la mesure d'interdiction à compter de la signification, l'interdiction ne pouvait s'appliquer qu'à compter de cette date vis-à-vis de la Société Cusenier.
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé par Me Clermontel huissier et des pièces y annexées (états des sorties) que la Société Cusenier a continué à vendre à l'exportation ces bouteilles de vin Papillon blanc, rose et rouge de mai à novembre 1989 et a utilisé des documents mentionnant les vins Papillon (nomenclature douanière en date du 13 octobre 1959).
Que dans ces conditions les Sociétés Bachet et Ramel sont bien fondées à soutenir que des actes de contrefaçon de la marque "Le Papillon" et de concurrence déloyale ont été commis postérieurement à la signification du jugement par Cusenier.
Considérant en revanche qu'aucun acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale ne peut être imputé à la société Bacardi postérieurement à la signification du jugement.
Que la publicité incriminée par Bachet et Ramel est une publicité en langue anglaise dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée en France.
VII - Sur les mesures réparatrices
Considérant que les Sociétés intimées qui réclament une augmentation des dommages-intérêts alloués en première instance, soutiennent que leur préjudice est considérable.
Que les Sociétés Bacardi et Cusenier ont réalisé un chiffre d'affaires de plusieurs millions de francs avec la vente des vins Papillon.
Que cette marque a joué un rôle déterminant dans la décision des acheteurs ; qu'elle constitue par ce qu'elle symbolise une marque d'un enjeu économique énorme.
Qu'aux États-Unis en matière de vin c'est l'embouteillage en France qui confère sa valeur au produit.
Qu'elles ajoutent que vis-à-vis de Ramel, le préjudice doit s'apprécier par rapport à la totalité des vins achetés par Bacardi en France.
Considérant que les sociétés Bacardi, Cusenier, Vins de France, Socar, Gultig et Pernod Ricard répliquent que Bachet et Ramel ne peuvent invoquer qu'un simple préjudice de principe.
Que Bachet qui n'exploite pas la marque ne peut prétendre qu'à la réparation d'un préjudice "moral" résultant de l'atteinte à son droit de propriété sur la marque.
Que Ramel n'a subi aucun préjudice dès lors qu'aucune vente des produits marqués n'a été réalisée en France et que cette société n'aurait eu ni le croit, ni la possibilité de vendre ou vin marqué Papillon aux États-Unis.
Qu'enfin s'agissant du même préjudice chacun des défendeurs ne saurait être condamné individuellement.
Considérant que SEDVG développe une argumentation identique, soutenant que Bachet et Ramel n'ont subi aucun préjudice commercial, que la marque n'a été nullement avilie ou dépréciée.
Qu'elle ajoute que Ramel ne peut prétendre à aucun préjudice pour atteinte à son droit d'exploiter la marque "Le Papillon" pour les faits antérieurs à la naissance de ce droit à savoir les ventes effectuées par SEDVG avant 1985.
1/ Bachet
Considérant les arguments des parties étant ainsi exposés qu'il est constant que Bachet titulaire de la marque Le Papillon ne l'exploite pas.
Que son préjudice réside dans l'atteinte portée à son droit de propriété sur la marque "Le Papillon" cette atteinte étant préjudiciable en elle-même indépendamment de toute autre conséquence
Que ce préjudice s'analyse comme un préjudice de principe.
Considérant que Bachet ne peut prétendre qu'il ait été porté atteinte au pouvoir attractif de sa marque.
Qu'en effet même si les marques contrefaisantes ont été employées pour commercialiser du vin aucune bouteille n'a été mise sur le marché en France.
Que le pouvoir distinctif de la marque reste donc intact en France.
Considérant par ailleurs que la marque "Le Papillon" ne bénéficie d'aucune notoriété en France et n'est exploitée que sur une partie du territoire pour des vins de table courants vendus à des prix inférieurs à ceux pratiqués par Bacardi aux USA.
Considérant en conséquence que le Tribunal a fait une appréciation excessive du préjudice subi par Bachet et qu'il convient de réduire les indemnités dans les conditions ci-après exposées, les condamnations devant être prononcées in solidum quand il s'agit de la réparation du même préjudice né de fautes conjointes.
Considérant par ailleurs qu'il n'y a pas lieu d'individualiser chaque condamnation, certains faits de contrefaçon étant communs à plusieurs parties.
Considérant qu'il convient de condamner :
- a) in solidum les sociétés Cusenier, SEDVG, SVF et Cie, Gultig et Socar pour avoir reproduit les marques contrefaisantes sur des étiquettes, bouchons et cartons destinés à des bouteilles de vin et avoir détenu et mis en vente ces produits sur le territoire français la somme de 100.000 F,
- b) la Société Bacardi pour avoir déposé et renouvelé des marques contrefaisantes la somme de 50.000 F,
- c) la société Pernod Ricard pour avoir diffusé une revue reproduisant la marque Papillon la somme de 10.000 F.
2/ Ramel :
Considérant que Bachet a donné dès 1968 par contrat verbal licence à Ramel de ses droits sur la marque Le Papillon et qu'un contrat formel a été régularisé le 8 janvier 1985.
Que Ramel est en droit de demander réparation du préjudice subi par elle du fait des actes de concurrence déloyale commis par Cusenier, SEDVG qu'elle justifie ou non d'une licence inscrite de la marque.
Mais considérant qu'ainsi exposé ci-dessus Ramel ne pouvait commercialiser des bouteilles de vin "Le Papillon" aux États-Unis et qu'au demeurant elle ne conteste pas vendre dans ce pays du vin sous la marque "Bougheron".
Considérant que ses demandes en ce qu'elles se réfèrent à l'exploitation faite aux États-Unis laquelle est totalement étrangère au présent litige, sont injustifiées.
Que seuls doivent être pris en compte les actes d'exploitation concurrents commis en France et lui portant préjudice.
Considérant que Ramel étant licenciée exclusive de la marque "Le Papillon" en France, Cusenier et SEDVG auraient dû s'adresser à elle dans la mesure où elles désiraient apposer les marques "Papillon" ou "Papillon de la Reine" ou encore "Pavillon de la Reine" sur ces bouteilles ce vin exportées de France vers les États-Unis ou d'autres pays.
Que Ramel a été privée du bénéfice qu'elle aurait retiré de ces ventes.
Considérant toutefois que s'il résulte des pièces mises aux débats que l'emploi de la marque "Papillon" a joué un rôle important dans la décision des acheteurs américains, la publicité diffusée insistant sur le caractère léger de ce vin ce que symbolise par essence le papillon, il n'en demeure pas moins qu'en France Ramel n'a pas cherché à exploiter massivement la marque.
Qu'elle n'a effectué aucune campagne publicitaire pour la faire connaître, aucun investissement particulier.
Considérant qu'en ce qui concerne SEDVG le préjudice subi par Ramel est limité dés lors que celle-ci n'a commencé à exploiter réellement la marque "Le Papillon" en France pour désigner du vin qu'au moment où SEDVG arrêtait quant à elle de fournir des bouteilles "Papillon de la Reine" à Bacardi.
Que dans ces conditions il convient de condamner SEDVG à payer à Ramel une somme de 100.000 F.
Considérant qu'en ce qui concerne Cusenier le préjudice subi par Ramel du fait des actes commis par cette société est plus important.
Que la société Cusenier a expédié du vin marqué "Papillon" aux États-Unis depuis janvier 1985 dans des proportions massives et qu'il apparaît notamment qu'à la veille de la signification du jugement elle a adressé à Bacardi un nombre de colis très sensiblement supérieur à celui des mois précédents, manifestant ainsi sa volonté d'écouler en hâte le maximum de bouteilles contrefaisantes,
Considérant par ailleurs que Cusenier a continué de vendre, ainsi qu'exposé ci-dessus, après la signification du jugement des bouteilles de vin étiquetées Papillon, à l'exportation.
Considérant compte tenu de ces divers éléments qu'il convient de condamner Cusenier à payer à Ramel une somme de 400.000 F.
Considérant par ailleurs que Cusenier doit être condamnée pour avoir dénigré la société Ramel et usé à son égard de manœuvres déloyales.
Qu'un tel comportement a causé un préjudice commercial à la société Ramel dont l'honnêteté et la probité commerciale ont été mises en doute auprès de sa clientèle.
Que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a condamné de ce chef Cusenier à payer à Ramel la somme de 100.000 F.
Considérant qu'il convient de confirmer les mesures d'interdiction et de publication, cette dernière devant faire mention de la confirmation du jugement par le présent arrêt, ce sous les modifications apportées par la Cour.
Qu'au surplus il y a lieu de faire droit aux mesures de confiscation sollicitées telles que définies au dispositif du présent arrêt.
VIII - Sur l'appel en garantie
Considérant que Bacardi soutient qu'elle est bien fondée en cause d'appel à appeler en garantie SEDVG au titre de l'article 564 du nouveau de Procédure Civile.
Qu'elle précise qu'elle entend mettre en cause la garantie de SEDVG en tant que cédante des marques litigieuses.
Qu'elle ajoute qu'ayant été condamnée conjointement et solidairement avec SEDVG, son recours est un moyen de parvenir à réaliser une compensation au sens où l'entend l'article 564 du nouveau Code de Procédure Civile.
Mais considérant qu'à juste titre SEDVG soutient que la demande de Bacardi est irrecevable en cause d'appel.
Considérant que selon les dispositions de l'article 564 du nouveau Code de Procédure Civile "les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait".
Considérant que SEDVG était partie au litige devant le Tribunal et qu'il lui était reproché par les sociétés Sachet et Ramel d'avoir commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale en cédant les marques litigieuses à la société Bacardi.
Que la demande en garantie ne s'analyse donc pas comme une demande formée contre un tiers.
Considérant que les contrats dont se prévaut Bacardi étaient connus d'elle lors de la procédure de première instance mais que cependant cette société n'en a tiré aucune conséquence et n'a pas conclu contre SEDVG
Considérant enfin et surtout que la demande en compensation s'analyse comme une demande reconventionnelle à une demande principale.
Or considérant qu'en l'espèce non seulement SEDVG n'a formulé aucune demande à l'encontre de Bacardi mais bien plus SEDVG n'a nullement été requis par Bachet et Ramel de payer l'intégralité des dommages- intérêts mis à la charge de Cusenier et Bacardi
Que dans ces conditions Bacardi est irrecevable en son appel en garantie.
IX - Sur l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile
Considérant qu'il serait inéquitable que les sociétés Bachet et Ramel conservent la charge intégrale des frais par elles engagés en appel.
Qu'il convient de leur allouer de ce chef une somme supplémentaire de 25.000 F.
Par ces motifs, Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle général sous les numéros 89-012103, 89- 013390, 89-015803, 90-020112 et 91-019164, Rejette la demande des sociétés Claude Bachet et Fils de Henri Ramel tendant à écarter des débats les pièces produites le 7 novembre 1990, Confirme le jugement entrepris sauf : - en ce qu'il a condamné la SA Vins de France pour faits de contrefaçon de marque et concurrence déloyale, - en ce qu'il a condamné les sociétés Bacardi, Vins de France et Compagnie, Gultig, Socar et Groupe Pernod Ricard pour faits de concurrence déloyale, - en ce qui concerne le montant des indemnités allouées aux sociétés Bachet et Ramel, Le réformant de ces chefs et statuant à nouveau : - met hors de cause la SA Vins de France, - déboute la société Les Fils de Henri Ramel de sa demande en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Bacardi, Vins de France et Compagnie, Gultig, Socar et Groupe Pernod Ricard, - condamne, en réparation de l'atteinte portée à ses droits de propriété sur la marque Le Papillon à payer à la Société Claude Bachet et Fils à titre de dommages-intérêts : 1) in solidum les Sociétés Cusenier, SEDVG, SVF et Cie, Gultig et Socar, la somme de 100.000 F, (cent mille francs), 2) la société Bacardi la somme de 50.000 F (cinquante mille francs), 3) la société Groupe Pernod Ricard la somme de 10.000 F (dix mille francs), - condamne en réparation de l'atteinte portée à ses droits d'exploitation de la marque Le Papillon et du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale à payer à la société Les Fils de Henri Ramel à titre de dommages- intérêts : 1) la société SEDVG la somme de 100.000 F (cent mille francs), 2) la société Cusenier la somme de 400.000 F (quatre cents mille francs), et la somme de 100.000 F (cent mille francs), Y ajoutant, Déboute les sociétés Vins de France, Vins de France et Cie, Socar et Gultig de leur demande en déchéance de la marque Le Papillon, Valide les saisies contrefaçon réalisées selon exploits de Me Clermontel et Bocchio les 24, 29 novembre et 11 décembre 1989, Dit que postérieurement à la signification du jugement entrepris la Société Cusenier a porté atteinte à la propriété de la société Claude Bachet sur la marque Le Papillon et a commis vis-à- vis de la société Les Fils de Henri Ramel des actes de concurrence déloyale, Dit que la mesure de publication ordonnée mentionnera la confirmation du jugement sous les modifications apportées par le présent arrêt, Ordonne la confiscation et la remise à la société Sachet en vue de leur destruction devant Huissier et aux frais des sociétés défenderesses de toutes étiquettes, cartons, bouchons, prospectus, catalogues, documents publicitaires portant les dénominations Papillon, Papillon de la Reine ou Pavillon de la Reine se trouvant entre les mains de ces dernières et ce sous astreinte de 100 F (cent francs) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Déclare la société Bacardi irrecevable en son appel en garantie, Condamne in solidum les sociétés Bacardi, Cusenier, SEDVG, Vins de France et Cie, Gultig, Socar, Pernod Ricard à payer aux sociétés Bachet et Fils de Henri Ramel au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile une somme supplémentaire de 25.000 F (vingt cinq mille francs), Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires, Condamne les sociétés appelantes aux dépens d'appel. Admet Me Bolling Avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.