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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ., 8 novembre 1991, n° 3678-89

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Berger

Défendeur :

Cash Piscines (SARL), Tiraboschi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jardel-Lescure

Conseillers :

MM. Hoffbeck, Meyer

Avocats :

Mes Nico, Leven.

TGI Colmar, du 31 août 1989

31 août 1989

Faits et procédure

La dame Alice Berger, exploitant à Colmar un commerce de vente de piscines et accessoires de piscine, a assigné la SARL Cash Piscines et l'un de ses dirigeants, Henri Tiraboschi en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par une campagne de dénigrement et la tenue de propos diffamatoires constitutifs de concurrence déloyale.

Par jugement du 31.8.89, la dame berger a été déboutée de sa demande, les premiers Juges ayant estimé que si certains propos tenus par les défendeurs peuvent être considérés comme diffamatoires, il n'est pas établi qu'ils aient eu pour objet de détourner la clientèle à leur profit en lui faisant subir un préjudice commercial.

Alice Berger a régulièrement relevé appel de cette décision en sollicitant son infirmation.

Moyens et prétentions des parties

Critiquant l'appréciation des premiers Juges, l'appelante rappelle en premier lieu que le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un concurrent. Elle procède ensuite à une analyse minutieuse des attestations des quatre témoins Fath, Oppendinger, Valence et Brauneisen et souligne que les propos tenus par Henri Tiraboschi, qui est l'un des dirigeants de la SARL Cash Piscines, ont mis en cause tant sa moralité que sa compétence commerciale et ont ainsi jeté le discrédit sur sa personne. Elle fait également grief aux premiers juges de s'être référés au témoignage de sieur Bobbera lequel était l'un des associés de la SARL Cash Piscines, ce qui prive son attestation de toute crédibilité.

L'appelante fait valoir par ailleurs qu'en matière de dénigrement tendant à des fins de concurrence déloyale, l'intention de nuire constitue le fait dommageable. Elle soutient que la campagne de dénigrement dont elle a fait l'objet a eu de lourdes répercussions sur son activité commerciale, et laisse à la Cour le soin d'apprécier le montant des dommages-intérêts destinés à réparer son préjudice.

Elle conclut en conséquence :

Recevoir l'appel,

Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Dire et juger que les défendeurs et intimés se sont rendus coupables à l'égard de la demanderesse d'actes caractérisés de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale,

En conséquence les condamner solidairement à payer à la demanderesse à titre de dommages et intérêts la somme de 400 000 F ou tel montant à arbitrer selon sagesse, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

Les condamner en outre aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Compte-tenu de la gravité du dénigrement dont elle se plaint, Alice Berger a pris des conclusions additionnelles suivantes :

Ordonner la publication de l'arrêt infirmatif à intervenir, subsidiairement de son dispositif dans le journal " Les dernières nouvelles d'Alsace " édition de Colmar et autoriser la concluante à faire procéder à cette publication.

La SARL Cash Piscines, intimée, a conclu au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris, au paiement de 5 000 F pour appel abusif et du même montant pour procédure frustatoire ainsi que de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

L'intimée rappelle qu'Alice Berger est une ancienne salariée dont elle s'est séparée à la suite des indélicatesses dont elle s'était rendue coupable. Elle expose que les propos sur lesquels la demande a été fondée ont été tenus devant les propres clients de l'intimée et n'ont donc entraîné aucun détournement de la clientèle de l'appelante ; que bien au contraire, c'est cette dernière qui a détourné à son profit des clients de Cash Piscines qu'elle avait connus dans le cadre de son activité salariée ; que le fait par elle de s'installer à proximité de son ancien employeur constitue à l'évidence un acte de concurrence déloyale caractérisée.

La SARL Cash Piscines conclut comme suit :

Confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Condamner Madame Berger à verser aux intimés la somme de 5 000 F pour appel abusif,

Condamner Madame berger à verser aux intimés la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

Condamner en toutes ses dispositions, la décision entreprise, et y ajoutant,

Condamner Madame Berger à verser à la SARL Cash Piscines un montant de 5 000 F pour procédure abusive diffamatoire et frustatoire.

Discussion

Vu le dossier de la procédure, les pièces produites par les parties et leurs écrits auxquels la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et des moyens ;

Attendu qu'il ressort des quatre attestations servant de base à la demande que M. Tiraboschi a effectivement tenu des propos discréditoires à l'encontre d'Alice Berger dont il a souligné l'incompétence dans le domaine de son activité commerciale, la légèreté de sa vie privée et ses manquements à l'honnêteté qui ont entraîné la rupture du contrat de travail qui la liait à la SARL Cash Piscines,

Que M. Tiraboschi a également évoqué la procédure judiciaire pendante entre elle et un de ses clients ;

Attendu que le caractère discréditoire de ces divers propos est constant,

Que la véracité des faits allégués ne supprime pas leur caractère illicite dès lors qu'ils ont clairement mis en cause l'entreprise ou la personne concernée ;

Attendu toutefois que les faits dont il s'agit constituent des actes de concurrence déloyale lorsqu'ils sont largement diffusés et proférés avec une mauvaise foi caractérisée,

Qu'en l'espèce, les propos discréditoires n'ont eu qu'une audience restreinte étant tenus auprès de clients d'Alice Berger dont trois au moins le sont demeurés,

Que d'autre part, les conditions conflictuelles dans lesquelles il avait été mis fin aux relations professionnelles ayant lié auparavant Tiraboschi et Alice Berger expliquent la rancoeur éprouvée par l'ancien employeur à l'égard d'une salariée devenue sa concurrente directe;

Attendu en conséquence que la preuve n'étant pas rapportée de ce que le responsable de la SARL Cash Piscines se serait livré à une campagne de dénigrement orchestrée avec une mauvaise foi caractérisée, il y a lieu, rejetant l'appel, de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu qu'en tout état de cause, la demanderesse n'a fourni aucun élément de nature à établir un quelconque préjudice en relation avec les faits allégués ;

Attendu que le caractère abusif de l'appel n'étant pas démontré, les conclusion de l'intimée prises de ce chef ne peuvent qu'être rejetées,

Que d'autre part l'équité ne commande pas en l'espèce l'application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs : Reçoit l'appel en la forme, Au fond, le Rejette et Confirme la décision entreprise, Condamne l'appelante aux dépens de l'appel, Déboute les parties de toutes autres conclusions.