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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 22 octobre 1991, n° 90-011029

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Yves Saint Laurent Parfums (SA), Yves Saint Laurent International BV (Sté)

Défendeur :

AGS Diffusion (SARL), Avezou (ès qual.), Horel (ès qual.), Candy (Sté), Cynthia (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosnel

Conseillers :

Mme Mandel, M. Boval

Avoués :

SCP Bommart Forster, Me Pamart

Avocats :

Mes Kuperfils, de la Vaissière.

TGI Evry, 1re ch., sect. A, du 19 mars 1…

19 mars 1990

LA COUR

Statuant sur l'appel interjeté par les sociétés YSL Parfums et YSL International BV du jugement rendu le 19 mars 1990 par le Tribunal de Grande Instance d'Evry dans un litige les opposant aux sociétés AGS Diffusion, Candy, Cynthia ensemble sur la demande incidente de la société AGS Diffusion et de Me Horel ès qualités.

Faits et procédure

Se prévalant de leurs droits sur les marques " Opium " " Rive gauche " " Paris " avec le monogramme YSL " Yves Saint Laurent " et " Kouros " les sociétés Parfums Yves Saint Laurent et YSL International ont fait pratiquer, le 27 mai 1988 après y avoir été autorisées, une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société AGS Diffusion à Saint-Michel sur Orge, de produits revêtus des marques susvisées, lesquels auraient été commercialisés au mépris de leur réseau de distribution sélective.

Cette saisie a révélé qu'AGS Diffusion se fournissait notamment auprès des parfumeries Candy et Cynthia lesquelles n'étaient pas davantage des distributeurs agréés par YSL Parfums, puis revendait les produits sur catalogue tant à des particuliers qu'à des organismes administratifs et à des comités d'entreprises.

C'est dans ces conditions que par exploit en date du 9 juin 1988 YSL Parfums et YSL International ont assigné AGS Diffusion, les sociétés Candy et Cynthia devant le Tribunal de Grande Instance d'Evry en paiement de la somme de 300.000 F à titre de dommages-intérêts pour usage illicite de marques sur le fondement de l'article 422-2 du Code Pénal et de celle de 200.000 F pour faits de concurrence déloyale.

Elles sollicitaient par ailleurs diverses mesures d'interdiction sous astreinte et de publication et paiement de la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Par un premier jugement du 16 mars 1989, le Tribunal de Grande Instance d'Evry rejetait l'exception d'incompétence, ratione materiae soulevée par les défenderesses, constatait qu'il n'était pas saisi à l'égard des sociétés Candy et Cynthia, rejetait l'exception de nullité de l'assignation, disait la demande recevable en ce qui concerne les marques Opium, Rive Gauche, Paris YSL et Yves Saint Laurent et donnait injonction aux demanderesses de justifier de la propriété de la marque Kouros et à AGS Diffusion de conclure sur le fond.

Les sociétés défenderesses ont conclu à ce que les demanderesses soient déclarées irrecevables à agir pour la marque Kouros, à ce qu'elles soient déboutées de leurs demandes au motif notamment qu'elles n'établissaient pas le caractère licite du réseau de distribution sélective au regard de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Elles ont réclamé chacune paiement de la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Le Tribunal d'Evry par le jugement entrepris a constaté qu'il n'était saisi qu'à l'égard d'AGS Diffusion, dit YSL Parfums irrecevable à agir quant à la marque Kouros, sursis à statuer sur les demandes de Yves Saint Laurent Parfums relatives à l'usage illicite de marque et à la concurrence déloyale et avant dire droit a décidé de consulter le Conseil de la Concurrence aux fins d'avis sur la licéité du réseau de distribution sélective d'Yves Saint Laurent parfums par rapport aux articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité de Rome. Il a réservé les dépens.

Par ordonnance du Premier Président de cette Cour en date du 18 mai 1990 les sociétés YSL Parfums et YSL International ont été autorisées à interjeter appel de la décision de sursis susvisée, ce qu'elles ont fait le 28 mai 1990.

Les sociétés YSL Parfums et YSL International prient la Cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de constater la licéité du réseau de distribution sélective mis en place par YSL Parfums, de dire qu'en se procurant irrégulièrement des produits auprès de distributeurs agréés du réseau d'YSL Parfums, qui n'avaient aucun droit de les leur vendre et en procédant à leur revente sans autorisation, les intimées ont utilisé de manière illicite les marques des appelantes, de dire qu'en aidant les distributeurs agréés à enfreindre leurs obligations contractuelles les intimées ont commis des faits de tierce complicité et de parasitisme au préjudice d'YSL Parfums et YSL International.

En conséquence elles reprennent leurs demandes de condamnation telles que formulées devant les premiers juges, sollicitant par ailleurs la publication de l'arrêt à intervenir et paiement de la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure Civile.

Une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire a été introduite à l'encontre d'AGS Diffusion.

La société AGS Diffusion, Me Horel et Me Avezou ès qualités ont demandé à la Cour de donner acte à Me Horel liquidateur de ce qu'il reprend l'instance engagée contre AGS Diffusion, de mettre hors de cause Me Avezou administrateur, de confirmer le jugement en ce qu'il délimite sa saisine et de déclarer en tant que de besoin irrecevable en cause d'appel l'assignation en intervention des sociétés Candy et Cynthia, AGS s'en rapportant sur la recevabilité pour la marque Kouros, pour le surplus de confirmer le jugement entrepris notamment sur la mesure avant dire droit, subsidiairement de déclarer illicite le réseau YSL et de dire qu'il n'existe aucun fondement ni au titre de la concurrence déloyale ni au titre de l'article 422.2 du Code Pénal pour justifier une condamnation d'AGS laquelle ne pourrait en toute hypothèse être prononcée en raison de la liquidation judiciaire d'AGS.

Enfin ils réclament la condamnation des sociétés appelantes à leur payer la somme de 10.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

La société Cynthia a été assignée puis réassignée en mairie.

La société Candy a été assignée en mairie.

Elles n'ont pas constitué avoué.

DISCUSSION

I - Sur la procédure

a) en ce qui concerne AGS

Considérant que la société AGS a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes en date du 23 avril 1990.

Que Me Horel a été désigné en qualité de liquidateur et qu'il a été mis fin à la mission de Me Avezou en qualité d'administrateur.

Que dans ces conditions il convient de mettre hors de cause Me Avezou ès qualités et de donner à Me Horel ès qualités l'acte requis.

b) en ce qui concerne les sociétés Cynthia et Candy

Considérant qu'AGS Diffusion fait valoir que les demandes formulées à l'égard des sociétés Cynthia et Candy sont irrecevables puisqu'elles n'ont pas été parties en première instance et qu'aucune évolution du litige ne justifie leur mise en cause pour la première fois devant la Cour.

Considérant que selon les dispositions des articles 554 et 555 du nouveau Code de procédure Civile peuvent être appelées devant la Cour aux fins de condamnation, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Considérant que le Tribunal d'Evry tant dans le jugement du 16 mars 1989 que dans le jugement déféré, a constaté qu'il n'était pas saisi à l'égard des sociétés Cynthia et Candy, les assignations délivrées à ces sociétés n'ayant pas été placées devant le Tribunal de Grande Instance d'Evry.

Considérant que devant la Cour les sociétés Cynthia et Candy ont été assignées et que les exploits sont au dossier de la Cour.

Mais considérant qu'il ne saurait y avoir évolution du litige de nature à faire échec au principe du double degré de juridiction dès lors que la situation invoquée existait déjà lors de l'assignation introductive d'instance, que les sociétés YSL Parfums et YSL International connaissaient ces deux sociétés, les avaient assignées mais avaient omis de placer lesdites assignations.

Que d'ailleurs les sociétés appelantes qui concluent à l'infirmation du jugement n'ont développé aucune argumentation sur ce point.

Qu'en conséquence le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que le Tribunal n'était saisi qu'à l'égard d'AGS Diffusion et qu'il convient de déclarer irrecevable les assignations délivrées en cause d'appel à l'égard des sociétés Cynthia et Candy.

II - Sur la recevabilité quant à la marque Kouros

Considérant que les premiers juges ont estimé qu'YSL Parfums ne justifiait pas de sa qualité à agir en ce qui concerne cette marque, le certificat d'identité produit faisant apparaître qu'elle était la propriété de Charles of the Ritz Group Ltd.

Considérant qu'YSL International soutient que la marque Kouros lui ayant été cédée, par la société Charles of the Ritz Ltd, elle est recevable à agir.

Considérant qu'AGS s'en rapporte à justice sur ce point.

Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que la marque " Kouros " déposée le 18 octobre 1985 par la société Charles of the Ritz Group Ltd. enregistrée sous le numéro 132 7343 pour désigner notamment dans la classe 3 les produits de parfumerie a été cédée par acte sous seing privé en date du 22 juin 1987 par la société CRG Holding anciennement dénommé Charles of the Ritz Group à la société Yves Saint Laurent International BV.

Que cet acte de cession a été enregistré à l'INPI le 30 septembre 1987 sous le numéro 25209.

Considérant en conséquence que le jugement doit être réformé en ce qu'il a dit YSL Parfums irrecevable à agir quant à la marque Kouros et la société YSL International BV doit être déclarée recevable à agir en tant que titulaire de cette marque.

III - Sur la licéité du réseau de distribution sélective de Yves Saint Laurent Parfums

Considérant que les premiers juges ont estimé nécessaire de solliciter l'avis du Conseil de la concurrence après avoir relevé que le réseau de distribution YSL dans son application théorique et en France, laissait la porte ouverte à des possibilités d'entraves suffisamment sensibles pour rendre ledit réseau illicite mais qu'ils n'étaient pas en mesure en l'état des pièces produites et de leurs moyens d'investigation ni de savoir si ces entraves existaient réellement et quelle était leur importance ni de savoir ce qui se passait dans les autres pays de la CEE et entre ces pays.

Considérant qu'il convient d'apprécier la licéité du réseau au regard du seul droit interne de la concurrence dès lors que le litige ne met en cause aucun élément d'extranéité.

Considérant qu'AGS Diffusion soutient que le contrat de distribution sélective YSL est contraire aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'YSL ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 10 dans la mesure où dans le secteur de la parfumerie qui n'exige pour la vente aucune compétence, aucune formation particulière, la distribution sélective ne peut constituer un progrès économique, les utilisateurs ne peuvent s'en trouver avantagés et l'organisation en réseau n'est pas indispensable à cet objectif de progrès.

Qu'elle ajoute que la vente par correspondance telle qu'elle la pratique constitue un mode de distribution parfaitement adapté et plus favorable aux utilisateurs.

Considérant qu'il est constant qu'il incombe à YSL qui invoque une dérogation au principe de la concurrence de rapporter la preuve de la licéité de son réseau de distribution sélective au regard des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 applicables en raison de la date des faits.

- Sur le moyen tiré de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986

Considérant qu'YSL a produit des études statistiques pour 1986 et 1987 dont il résulte que la structure de l'offre se répartit en Europe comme en France entre un grand nombre de producteurs dont aucun n'a pu s'assurer une part prépondérante du marché.

Que les quinze premières marques de parfum sur la centaine existant se partageraient en Europe environ 62 % des ventes sans que l'une d'elles dispose d'une part sensiblement supérieure aux autres.

Qu'en 1987 YSL représentait 9,5 % du marché français et se trouvait en tête devant Dior qui en représentait 9 % et Chanel en troisième position avec 8,8 %.

Que des études à long terme ont montré qu'aucune marque n'était parvenue à stabiliser, et a fortiori à accroître durablement dans le temps sa part de marché et ce en raison du lancement constant de nouveaux produits par le biais des programmes publicitaires.

Qu'en 1986 13 lancements de parfums pour femme (contre 30 en 1985) et 10 lancements de parfums pour homme (contre 17 en 1985) ont ainsi été réalisés en France.

Que dans ce marché où règne une âpre concurrence et où les produits sont aisément substituables aux yeux de la clientèle YSL ne détient aucune part substantielle du marché.

Que l'appelante peut donc à bon droit en déduire que le réseau de distribution sélective par elle mis en place n'est pas constitutif d'un abus de position dominante au sens de l'article 8 alinéa 1.

- Sur le moyen tiré de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986

Considérant que l'état de dépendance économique caractérise une situation dans laquelle une entreprise est obligée de poursuivre des relations commerciales avec une autre entreprise ou un groupe d'entreprises lorsqu'il lui est impossible de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions équivalentes.

Considérant que compte tenu de la politique suivie par YSL, tout commerçant désireux de vendre des parfums YSL doit être intégré au réseau de distribution sélective.

Que toutes les grandes marques de parfum commercialisent leurs produits par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective, AGS se trouve contrainte d'intégrer un tel réseau si elle veut vendre ces produits.

Considérant en conséquence qu'AGS est bien fondée à soutenir qu'une telle pratique est restrictive de la concurrence.

Mais considérant qu'YSL fait valoir à juste titre que la mise en œuvre d'un réseau de distribution sélective est justifiable dès lors qu'elle a pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elle réserve aux utilisateurs une part équitable du profit qui en résulte au sens de l'article 10 alinéa 2 de l'ordonnance susvisée.

Considérant que le contrat de distributeur YSL et les conditions générales montrent que le contenu des obligations réciproques procède du souci de valoriser la marque et d'assurer un meilleur service au consommateur.

Que le distributeur s'oblige à disposer d'un service de conseil et de démonstration suffisant ;

Que s'il s'engage à détenir à tout moment d'une part un stock outil conforme à des critères précis, dont la rotation sera assurée et ce afin d'éviter la vente d'articles périmés ou altérés, d'autre part les nouveautés mises sur le marché ou les produits faisant l'objet d'une campagne promotionnelle, en revanche YSL s'oblige à échanger ou reprendre tous produits défectueux, défraîchis ou périmés.

Que ces obligations réciproques présentent un intérêt certain pour le consommateur qui est sûr d'acquérir un produit en parfait état de fraîcheur

Considérant que le contrat prévoit également l'obligation de ne vendre qu'au détail et à des consommateurs directs, sous réserve de respecter les dispositions du droit communautaire imposant la possibilité de cession des produits entre distributeurs d'un même groupe sur tout le territoire de la communauté ce qui permet d'assurer l'étanchéité du réseau.

Considérant que YSL s'engage à mettre à la disposition, du distributeur tout le matériel et l'assistance publicitaire sur le lieu de vente, à l'aider dans le développement de ses ventes en lui fournissant toute documentation utile, à prendre en charge l'ensemble des dépenses publicitaires à caractère national ou régional relatives aux produits YSL.

Considérant que le distributeur conserve la liberté de fixer les prix de revente des produits YSL et de vendre des produits concurrents dès lors que ni la marque, ni la dénomination ni la présentation de ces produits ne sont susceptibles de prêter confusion avec une marque ou un produit YSL.

Que le contrat ne fait mention d'aucun prix minimum.

Considérant par ailleurs que les distributeurs agréés sont choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif : emplacement et agencement du magasin, dimensions et décorations des vitrines, surface de vente, éclairage, conditions de stockage, qualification professionnelle en parfumerie du distributeur ou de son personnel.

Considérant qu'en ce qui concerne le chiffre d'affaires minimum fixé à 70 000 F en 1988 dans la gamme produits parfumants, les premiers juges ont estimé qu'il constituait une entrave à la libre concurrence entre marques dès lors qu'un distributeur ne peut pas se permettre de distribuer toutes les marques.

Mais considérant qu'il convient d'observer sur ce point que dans la communication qu'elle a faite le 20 décembre 1990 relativement au réseau YSL, la Commission des Communautés Européennes n'a émis aucune critique quant à ce chiffre qui représentait en 1988 environ 50 % du chiffre moyen d'achats par point de vente en produits YSL.

Qu'au surplus il ne peut y avoir d'entrave à la concurrence et à la liberté de fixation des prix dès lors que ce chiffre d'achats minimum constitue le seuil à atteindre par le détaillant pour que les investissements réalisés par YSL soient rentabilisés d'une année sur l'autre.

Considérant qu'YSL n'exclut pas la distribution par voie de grandes surfaces et utilise d'ailleurs pour sélectionner les candidats un rapport de visualisation dont les critères d'évaluation sont spécifiques aux grandes surfaces de vente.

Considérant qu'en ce qui concerne la procédure d'admission dans le réseau de distribution, les conditions générales de vente prévoyaient en 1988 l'inscription, dès sa réception, de toute demande d'ouverture d'un compte sur une liste d'attente départementale.

Considérant qu'il résulte de l'avis de la Commission des Communautés européennes susvisé que chaque demande était traitée en fonction de l'ordre chronologique d'inscription sur ladite liste mais que la décision de satisfaire aux demandes recevables n'intervenait que lorsque l'ouverture d'un nouveau compte était considérée par YSL comme justifiée eu égard au potentiel économique de la zone considérée.

Considérant que les premiers juges ont estimé qu'une telle pratique était susceptible d'entraîner des manipulations de listes de façon par exemple à empêcher l'implantation de nouveaux distributeurs dans un secteur géographique où il en existe déjà un.

Mais considérant qu'outre le fait qu'YSL contrairement à d'autres fabricants n'a pas fait l'objet de sanctions sur ce point de la part de la Commission de la Concurrence, il convient d'observer que suite à la communication de la Commission des Communautés Européennes, elle a accepté d'épuiser les listes d'attente existantes au cours d'une période transitoire se terminant le 31 mars 1992 et de mettre en place une procédure d'admission lui imposant de traiter la demande dans un délai de 18 mois.

Que compte tenu de ces modifications la Commission se propose d'adopter une attitude favorable à l'égard du réseau YSL.

Considérant enfin que la limitation quantitative du nombre d'ouvertures de points de vente se justifie tant par des considérations d'opportunité économique tel que le potentiel des ventes que par l'intérêt du consommateur.

Que cette sélection quantitative a pour objet d'éviter un éparpillement des points de vente.

Considérant que le principe de la licéité des réseau de distribution sélective en matière de produits de luxe étant admis tant par la jurisprudence communautaire qu'interne, il est ainsi démontré que le réseau de distribution sélective d'YSL répond aux critères définis par cette jurisprudence.

Considérant sur la justification économique du réseau de distribution sélective YSL que si la diffusion des parfums de luxe ne nécessite pas une haute technicité, leur commercialisation par voie de distribution sélective est de nature à valoriser le produit.

Qu'elle permet par ailleurs au consommateur d'une part de se procurer un produit dans un état garanti de fraîcheur et dans les conditions de présentation attendues de lui pour un objet de cette nature, d'autre part de bénéficier d'un service de démonstration et de conseil sans que la concurrence avec les autres marques de parfum soit éliminée.

IV - Sur l'usage illicite de marque et la concurrence déloyale

Considérant que le Tribunal a sursis à statuer sur ces points du litige.

Qu'aucune des parties n'a sollicité expressément l'évocation.

Mais considérant qu'en application de l'article 380 du Nouveau Code de Procédure Civile eu égard à l'ancienneté des faits et aucune des parties ne s'y opposant il est de bonne justice d'examiner les points non jugés et de donner une solution définitive au litige.

A - Sur la concurrence déloyale

Considérant que si conformément à l'article 1165 du Code Civil les conventions entre YSL Parfums et ses revendeurs ne sont pas opposables aux tiers, il n'en demeure pas moins que le réseau de distribution sélective reconnu licite ne doit pas être délibérément méconnu par ceux-ci.

Que les tiers engagent leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil lorsqu'ils aident en connaissance de cause ou incitent un distributeur agréé à enfreindre les obligations qu'il avait librement contracté envers son fournisseur.

Considérant en l'espèce qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon et des factures mises aux débats qu'AGS Diffusion s'est principalement fournie auprès des parfumeries Candy, Catherine, Cynthia et Louise Marie.

Que la parfumerie Catherine était un distributeur agréé YSL dont le compte a été supprimé à la suite de la saisie du 27 mai 1988.

Que de même Louise Marie chez qui de nombreuses factures de rétrocession au profit d'AGS Diffusion ont été saisies, fut un distributeur agréé YSL jusqu'au 11 juillet 1988 date à laquelle YSL a mis fin avec effet immédiat au contrat.

Que par ailleurs Candy qui avait sollicité d'YSL en novembre 1987 une demande d'ouverture de compte pour deux magasins Candy 55 rue d'Amsterdam et Laurence Parfums 24 rue Damrémont, se fournissait elle même auprès de Louise Marie.

Que la responsable de la parfumerie Cynthia n'est autre que l'épouse de M. Senente propriétaire de 100 parts sur 500 de la société AGS Diffusion.

Considérant qu'il est ainsi démontré qu'AGS Diffusion qui entretenait des relations étroites avec les parfumeries Catherine et Louise Marie, a pu grâce à ces points de vente agréés constituer un véritable réseau de vente parallèle.

Qu'elle a offert à ces parfumeries des perspectives de développement nettement supérieures à celles qui auraient été les leurs si les contrats s'étaient poursuivis normalement.

Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'AGS, qui ne pouvait ignorer les obligations contractuelles liant les sociétés Louise Marie et Catherine à YSL, les a aidées à enfreindre les contrats de distributeur agréé et s'est donc rendue complice de leur violation.

Que sa responsabilité se trouve donc engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à l'égard de la société YSL Parfums seule titulaire d'un réseau de distribution sélective.

B - Sur l'usage illicite de marque

Considérant que les sociétés YSL soutiennent qu'AGS Diffusion ayant acquis les produits de façon irrégulière, les conditions d'application de l'article 442-2° du Code Civil se trouvent réunies.

Mais considérant que l'usage illicite de marques ne peut résulter du seul fait d'une commercialisation au mépris d'un réseau de distribution sélective dès lors que les produits en cause sont des produits authentiques revêtus de la marque apposée par le fabricant.

Que le droit pour le titulaire de contrôler l'usage de la marque s'épuise, en droit communautaire comme en droit interne par la mise sur le marché du produit marqué.

Considérant que l'acquisition irrégulière par AGS Diffusion des produits si elle est constitutive de concurrence déloyale, n'entraîne pas pour autant un usage illicite de marques.

Que YSL Parfums en vendant les marchandises au sein de son réseau de distribution sélective a déjà épuisé son droit de contrôler l'usage de ses marques sur ses produits.

Considérant qu'il n'y a pas usage illicite de marque dès lors que les produits n'ont été ni modifiés ni altérés après leur mise dans le commerce et qu'il s'agit de produits authentiques.

Or considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé dans les locaux d'AGS Diffusion que les produits par elle vendus étaient des produits authentiques YSL.

Qu'il n'est nullement fait mention audit procès-verbal que les emballages aient été modifiés ou les codes d'identification grattés ou meulés.

Que pas davantage les sociétés YSL ne rapportent-elles la preuve que les produits aient été altérés.

Considérant en conséquence qu'elles doivent être déboutées de leur demande du chef d'usage illicite de marques.

C - Sur les mesures réparatrices

Considérant que les sociétés YSL réclament paiement de la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts outre diverses mesures de publication.

Considérant que les manœuvres mises en œuvre par AGS Diffusion pour vendre hors du réseau de distribution YSL les parfums YSL ont causé un préjudice commercial à la société YSL Parfums.

Qu'elles ont également porté atteinte à son image de marque.

Mais considérant que la société AGS Diffusion faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre.

Considérant qu'YSL Parfums n'ayant sollicité dans ses écritures que la condamnation d'AGS Diffusion cette demande est irrecevable et ce en application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985.

Qu'aucune demande de fixation de créance n'a été formulée.

Considérant en revanche qu'il convient de faire droit aux mesures de publication sollicitées dans les conditions précisées au dispositif.

V - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant qu'il serait inéquitable que la société YSL Parfums conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens par elle engagés.

Qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 20.000 F.

Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à YSL International, à AGS Diffusion, à Me Horel et Avezou ès qualités.

Par ces motifs : Met hors de cause Me Avezou ès qualités d'administrateur judiciaire de la société AGS Diffusion, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le Tribunal n'était saisi qu'à l'égard d'AGS Diffusion, Le réformant pour le surplus et y ajoutant, Déclare irrecevables en cause d'appel les assignations délivrées à l'égard des sociétés Cynthia et Candy, Déclare la société YSL International recevable à agir quant à la marque Kouros, Déclare licite le contrat de distribution sélective mis en place par YSL Parfums au regard de l'ordonnance du 1er décembre 1986, Évoquant sur le surplus des demandes, Dit que la société AGS Diffusion a commis à l'égard de la société YSL Parfums des actes de concurrence déloyale, Autorise la société YSL Parfums à faire publier l'encart suivant dans trois revues ou journaux de son choix : " Par arrêt en date du 22 octobre 1991 la Cour d'appel de Paris (4e Chambre A) a jugé que la société AGS Diffusion actuellement en liquidation judiciaire avait commis des actes de concurrence déloyale envers la société Yves Saint Laurent Parfums en provoquant la violation par divers distributeurs agréés de leurs obligations contractuelles vis-à-vis de la société Yves Saint Laurent Parfums ", Rejette toute autre demande des parties, Condamne la société AGS Diffusion représentée par Me Horel ès qualités de liquidateur judiciaire à payer à la société YSL Parfums la somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel à l'exception de ceux résultant de la mise en cause des sociétés Cynthia et Candy qui resteront à la charge des sociétés YSL, Admet la SCP Bommart Forster Avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.