CA Versailles, 14e ch., 16 octobre 1991, n° 1580-91
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Maisons Kit Confort (SA)
Défendeur :
Adaxe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Merlin
Conseillers :
Mme Sabatier, M. Lagarde
Avoués :
Mes Delcaire, Jupin
Avocats :
Mes Barbier, Laporte.
FAITS ET PROCÉDURE
Il ressort des pièces produites et des écritures non contestées des parties que la société anonyme Maisons Kit Confort a été inscrite au registre du commerce et des sociétés de Pontoise le 14 février 1989, avec pour objet " le négoce de construction individuelle et toutes prestations de service s'y rapportant, toutes activités similaires, connexes ou annexes " ;
La société Adaxe est propriétaire d'une marque Kiteco et licenciée pour un certain nombre de marques Kit, appartenant à la société Kiteco France, sur un certain nombre de départements dans la région nord de la France ; son objet social est la conception et la commercialisation des savoir-faire se rattachant à la maison individuelle sous la marque Kiteco avec commercialisation de terrains viabilisés ou à viabiliser ;
Cette société possède un réseau de franchise important dont l'objet est la commercialisation et la construction de maisons en " kit " suivant un certain nombre de modèles et plans de propriété lui appartenant ;
La société Kit Confort a fait paraître à différentes reprises des annonces dans un journal intitulé France Annonces, éditions Val d'Oise, des publicités utilisant les termes " Maisons Kit Confort " avec impression d'une photo de publicité montrant une maison individuelle ;
La société Adaxe a fait alors assigner la société Maisons Kit Confort devant le Président du Tribunal de Commerce de Pontoise, statuant en référé en soutenant que le modèle de maison publié est un modèle lui appartenant, reproduit à l'identique ; elle a demandé à ce qu'interdiction soit faite à la société Kit Confort sous astreinte définitive de 1000 F par jour, d'utiliser à titre de publicité les dessins et plans lui appartenant ainsi que la dénomination Maisons Kit Confort ;
Par ordonnance de référé rendue contradictoirement le 31 octobre 1990 le président du Tribunal de Commerce de Pontoise a :
- fait interdiction à la Maisons Kit Confort d'utiliser la dénomination Maisons Kit Confort et ce sous astreinte définitive de 1000 F par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,
- fait défense à la société Maisons Kit Confort d'utiliser à titre de publicité ou par tout autre procédé le dessin et les plans appartenant à la société Adaxe Maisons Kiteco, notamment ceux figurant sur la publicité parue dans France Annonces du 18.6.1990, et sur documents publicitaires et ce sous astreinte définitive de 1000 F par jour de retard.
- débouté la société Adaxe de sa demande en paiement au titre de l'allocation d'une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts
- condamné la société Maisons Kit Confort à payer à la société Adaxe la somme de 5000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- débouté la société Maisons Kit Confort de sa demande reconventionnelle en paiement,
- ordonné l'exécution provisoire ;
La société Maisons Kit Confort a sollicité et obtenu l'autorisation d'interjeter appel de cette décision suivant la procédure à jour fixe, par ordonnance rendue sur délégation de Monsieur le Premier Président, le 24 janvier 1991 ;
La société Maisons Kit Confort demande à la Cour de dire mal fondée la société Adaxe en sa demande d'interdiction d'utiliser la dénomination Maisons Kit Confort et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La société Adaxe conclut à la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions et sollicite en outre l'allocation de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que la société Maisons Kit Confort sans nier avoir utilisé des plans ou publicités appartenant à la société Adaxe, expose que cet agissement a totalement disparu et qu'elle a supprimé toute publicité ou publication susceptible de créer une confusion au niveau des dessins, plans ou modèles ; que par contre l'usage du nom Maisons Kit Confort n'est pas susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale avec création d'une quelconque confusion avec les marques utilisées par la société Adaxe ; qu'en effet le terme Kit est une terme désormais commun et général et que l'association des termes Maisons et Confort n'emprunte en rien aux marques exploitées par la société Adaxe.
Considérant qu'en réplique, la société Adaxe considère que les actes de publicité reconnus par la société Maisons Kit Confort sont des actes de concurrence déloyale tout comme l'usage fait de la dénomination Maisons Kit Confort qui a une sonorité similaire à celle de Kiteco alors que pareil usage permet l'appropriation illégale d'un potentiel de clientèle ; que le préjudice est d'autant plus certain et important que les sociétés interviennent dans des secteurs géographiques importants et se recouvrant ;
Mais considérant qu'il n'est ni contesté ni contestable que durant l'année 1990, la société Maisons Kit Confort a fait publier des annonces dans le journal France Annonces, édition du Val d'Oise, reproduisant un modèle de maison en tout point identique à celui appartenant à la société Adaxe ; que la comparaison des documents produits révèle clairement qu'il y a eu reproduction d'une photographie identique d'une maison, avec les mêmes éléments de décoration extérieure, ce qui, à juste titre, a été considéré comme un acte de concurrence déloyale par le premier juge, acte suffisamment flagrant et patent qu'il a été reconnu par son auteur, que celui-ci y a apporté depuis lors remède et que ce comportement constitue un trouble manifestement illicite susceptible de justifier la compétence du juge des référés pour le faire cesser.
Que la décision du premier juge sur ce point doit être confirmée sauf à dire l'astreinte non définitive mais provisoire et comminatoire ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'usage de la dénomination Maisons Kit Confort, la société Adaxe qui exploite sous la marque Kiteco, soutient qu'il y a acte de concurrence déloyale justifiant l'intervention du juge des référés ;
Mais considérant qu'à juste titre la société Maisons Kit Confort fait valoir que le terme " Kit " est désormais communément employé en France pour désigner " l'ensemble des pièces détachées constitutives d'un tout et que l'on " assemble soi-même pour réaliser des objets divers... (Grand dictionnaire encyclopédique Larousse 1984), que l'adjonction des termes tout aussi courants et génériques de Maisons et Confort ne conduisent pas à créer une dénomination identique voire seulement proche de celle de Kiteco, source d'une confusion évidente, que la seule consonance identique résulte de l'usage du mot Kit, terme encore une fois commun et générique; qu'en tout état de cause l'usage de la dénomination Maisons Kit Confort ne constitue pas un trouble manifestement illicite qui justifie une mesure d'interdiction édictée en référé, que la décision du premier juge doit être infirmée sur ce point ;
Considérant que les décisions sus-arrêtées ne rendent pas inéquitable la prise en charge par chacune des parties des frais irrépétibles par elles exposés ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil et l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile, Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a fait interdiction à la société Maisons Kit Confort d'utiliser à titre de publicité ou par tout autre procédé, le dessin et les plans appartenant à la société Adaxe Kiteco, notamment ceux ayant figuré dans la revue France Annonces, publication du Val d'Oise du 18 juin 1990 et ce sous astreinte de 1000 F par jour de retard ; L'infirme en ce qu'elle a dit l'astreinte définitive et dit que l'astreinte est provisoire et comminatoire ; L'infirme en ce qu'elle a fait interdiction à la société Maisons Kit Confort de faire usage de la dénomination Maisons Kit Confort, La confirme en ses autres dispositions accessoires, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;