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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 25 septembre 1991, n° 91-10400

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Speedy (SA)

Défendeur :

Toyota Sidat Toyota France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rabate

Conseillers :

Mmes Edin, Collomp

Avoués :

Mes Pamart, Lecharny

Avocats :

Mes Baragan, Claude.

T. com. Paris, prés., du 19 avr. 1991

19 avril 1991

LA COUR :

Statue sur l'appel à jour fixe interjeté par la SA Speedy à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue le 19 avril 1991 par le Président du Tribunal de Commerce de Paris qui a :

- fait injonction à la société Speedy de cesser toutes diffusions de son spot publicitaire pour ses produits pots d'échappement sous astreinte de 250.000 F par diffusion à compter du prononcé de l'ordonnance pendant trente jours passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit,

- ordonné la remise par la société Speedy à la société Toyota Sidat Toyota France du planning de programmation de ce spot publicitaire sous astreinte de 10.000 francs par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance pendant trente jours passé lequel délai il sera fait droit,

- dit n'y avoir lieu pour le surplus,

- condamné la Société Speedy au paiement de la somme de 17.790 francs TTC sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LA société Speedy a entrepris, début avril 1991, une campagne publicitaire par voie audiovisuelle dans le but de vanter ses produits et ses services.

A cet effet, elle a fait diffuser sur les diverses chaînes de télévision un spot montrant un automobiliste au volant d'une voiture Toyota modèle Carina II dont le pot d'échappement explose brusquement et qui se rend dès lors dans un centre Speedy où la réparation est faite immédiatement.

Faisant valoir, que ce film réalisé sans son accord avec un véhicule de sa marque non maquillé et aisément identifiable, constituait un acte délibéré et volontaire et dénigrement à son encontre, la société Sidat Toyota France saisit le Juge des référés commerciaux qui rendit l'ordonnance déférée.

A l'appui de son appel la société Speedy soutient :

- qu'elle peut difficilement faire sa propre publicité sans montrer un véhicule,

- que le véhicule Toyota utilisé en l'occurrence était maquillé, qu'il n'était plus identifiable de sorte qu'elle n'avait pas à demander l'autorisation de son constructeur,

- que le film est rapide, qu'il ne comporte aucun plan fixe sur la voiture, que l'attention du téléspectateur est surtout attirée par le tracé de l'électrocardiogramme qui se dessine en bas de l'image de sorte qu'il est " distrait de tout examen minutieux des caractéristiques du véhicule filmé ",

- que le véhicule est en outre peu diffusé en France et donc mal connu,

- que le spot ne comporte aucune critique à l'égard du produit Toyota.

Elle demande d'infirmer l'ordonnance déférée, de dire n'y avoir lieu à référé et de condamner la société Sidat Toyota France à lui payer 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Sidat Toyota France réplique :

- que l'exception d'incompétence du Juge des référés n'est pas soulevée in limine litis,

- que le véhicule Toyota a été utilisé et mis en scène sans aucun maquillage, qu'il était reconnaissable que la SA Speedy en a d'ailleurs convenu quant elle a indiqué au premier Juge sur question de celui-ci " qu'elle n'avait sollicité aucune autorisation parce que la société Sidat Toyota France n'aurait jamais été d'accord ",

- que le spot était de nature à lui porter préjudice, qu'il a d'ailleurs cessé d'être diffusé après l'ordonnance déférée pour être remplacé par un film où le véhicule utilisé est cette fois correctement banalisé ce qui prouve bien que cela était possible.

Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance ainsi qu'à l'allocation d'une somme supplémentaire de 17.790 francs TTC sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que la société Speedy se borne à alléguer l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle, à son sens, au pouvoir du Juge des référés saisi par la société Sidat Toyota France ;

qu'il ne s'agit donc pas d'une exception d'incompétence au sens des articles 74 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que toute action susceptible de jeter le discrédit sur un concurrent ou sur les produits qu'il fabrique, constitue un acte de dénigrement concurrentiel et déloyal ;

qu'il appartient alors au Juge des référés commerciaux sur le fondement de l'article 873 du Code susvisé de prendre les mesures nécessaires pour le faire cesser ;

Considérant qu'en l'espèce le spot publicitaire litigieux présente un véhicule automobile dont le pot d'échappement explose dans un embouteillage ce qui provoque une vive émotion de son conducteur;

Considérant qu'un tel scénario est incontestablement de nature à jeter le doute dans l'esprit du public sur les qualités de la voiture en cause alors surtout qu'il s'agit à l'évidence d'un modèle récent normalement à l'abri de ce type d'incident ;

Or considérant quecontrairement à ce que prétend la SA Speedy, il est apparu à la projection du film réalisée à l'audience que si les sigles et références de marque du véhicule avaient bien été supprimés et si des bandes blanches avaient été posées à l'arrière entre les feux de recul et les feux antibrouillard, ni la carrosserie, ni les enjoliveurs caractéristiques du modèle n'avaient été modifiés, ou suffisamment maquillés de sorte que l'automobile Toyota présentée était identifiable par le consommateur;

que cette atteinte ainsi portée à l'image de marque de la société Toyota par la diffusion répétitive du film litigieux a justifié les mesures prises par le premier Juge dont la décision sera donc confirmée étant observé qu'à ce jour, la société Speedy a modifié son spot publicitaire et que le trouble a cessé ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Sidat Toyota France les frais non exposés par elle en appel pour le soutien de la procédure ;

qu'il n'y a pas lieu de lui accorder devant la Cour le bénéfice des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile auquel la SA Speedy qui sera condamnée aux dépens ne peut elle même prétendre ;

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Y ajoutant : Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit d'aucune des parties de la cause en appel. Condamne la SA Speedy aux dépens d'appel ; Accorde à Me Lecharny; Avoué, le droit prévu à l'article 699 du Code précité.