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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 20 septembre 1991, n° 91-9758

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bazak Communication (SARL)

Défendeur :

Société Nouvelle de Presse et de Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boscheron

Conseillers :

Mmes Ferrand Amar, Dintilhac

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, SCP Bernabe Ricard

Avocats :

SCP Atterman, Benezra, Me Weber.

T. com. Paris, prés., du 22 mars 1991

22 mars 1991

LA COUR statue sur l'appel interjeté, à jour fixe, par la Sté Bazak Communication Nice à l'encontre d'une ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Paris du 22 mars 1991 qui a mis hors de cause la Sté Bazak Communication Marseille, accueilli son intervention volontaire et lui a ordonné de cesser d'exploiter et de promouvoir sous le nom de Phonic, sous astreinte de 10.000 F par jour sous huitaine de la signification et ce pendant un mois.

La Sté Nouvelle de Presse et de Communication (Sté NCP) édite le quotidien Libération et exploite un service d'information, de jeux, d'annonces grand public, dont le code d'accès au Minitel est 36-15 Phone.

La Sté NCP se plaint de la Sté Bazak Communication éditeur de Coup de coeur Magazine, qui a obtenu de France Telecom le code d'accès Phonic pour son propres service d'informations et d'annonces ce qui lui permet de profiter de la notoriété de Phone qui existe depuis plusieurs années, de détourner sa clientèle, ce qui est démontré par la baisse du nombre de ses consultations passées de 40.000 à 18.000.

Par assignation du 4 mars 1991, la Sté NCP a demandé que la Sté Bazak Communication soit condamnée à cesser d'exploiter et promouvoir ce service télématique et ce sous astreinte de 50.000 F par jour.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision entreprise.

Au soutien de son appel, la Sté Bazak Communication fait valoir que le code d'accès litigieux lui a été attribué par France Telecom, qu'il n'est ni une dénomination sociale, ni un signe distinct mais un simple moyen technique permettant d'être admis au kiosque télématique et de pouvoir ainsi fournir un service télématique déterminé, qu'il n'existe pas de similitude entre Phone et Phonic dans la mesure où de multiples codes télématiques attribués présentent également des analogies manifestes tant au plan phonétique qu'au plan grammatical, qu'il ne peut plus être tenu compte de la similitude des pages d'accueil et qu'en tout état de cause les diverses considérations qu'elle soulève s'analysent en des contestations éminemment sérieuses dont l'examen relève du Juge du fond.

Elle conclut donc à ce qu'il ne peut y avoir lieu à référé, à l'infirmation de l'ordonnance et à la condamnation de la Sté NPC à lui payer 8.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En voie contraire, la Sté NCP soutient que le fournisseur de service qui demande à France Telecom qui détient un monopole absolu un code d'accès contre le paiement du coût des moyens techniques permettant de véhiculer une information qu'il édite a l'obligation professionnelle de se comporter en concurrent loyal, que par suite elle est bien fondée à demander l'interdiction d'un code d'accès présentant des similitudes avec celui qu'elle utilise.

Elle conclut donc à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelante à lui payer 15.000 F HT augmentée de la TVA en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que par lettre du 13 décembre 1980, France Telecom Direction Câblage 36 15 informe la Sté Bazak Communication Marseille de l'attribution de divers codes d'accès et notamment des Codes Annie, Cokine, Ella et Phonic ; que l'annonce de la mise en œuvre du service 36 15 Phonic a paru dans le journal Paris Panam du 16 janvier 1991 au 22 janvier 1991 ; que par lettre du 14 mars 1991, la Sté Bazak Communication répondant à une demande de France Telecom lui indique que l'utilisateur de Phonic serait la Sté Bazak Communication Nice ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la Sté NCP exploite depuis le 29 juin 1988 un service télématique d'information dont le code est 36-15 Phone ; que, par télégramme du 18 janvier 1991, la Sté NCP a demandé à la Sté Bazak Communication de ne pas utiliser un nom voisin de Phone, le premier écran étant identique à l'écran d'accueil de Phone et le service Phonic identique au service Phone, et, qualifiant ces agissements de concurrence déloyale a mis en demeure l'appelante de les faire cesser ; qu'il résulte du procès-verbal de constat de Me Paupert Lievin du 13 mars 1991 que la page d'accueil a été effectivement modifiée et remplacée par une tête de femme chevelue à la place du personnage initial qui était la copie du dessin de Phone ;

Considérant que les deux codes d'accès, objet du présent litige, présentent effectivement une similitude tenant à leur origine étymologique et à leur énoncé qui ne se différencie que par une lettre supplémentaire à la fin du second ; que cette similitude, à elle seule, est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'utilisateur et à le détourner du service auquel il avait l'intention ou l'habitude de s'adresser ; que cela a pour conséquence évidente une diminution de la demande des consultations servies par le code d'accès Phone, le premier utilisé dans un service d'annonces ou d'informations identiques ;

Considérant que ce trouble commercial est manifestement illicite ; qu'en effet si le code d'accès à un kiosque télématique n'est ni un signe distinctif, ni une marque protégée par son dépôt et la règle de l'antériorité, ni une dénomination sociale, il est un moyen technique d'exploitation d'une activité commerciale; qu'en tant que tel, celui qui l'adopte doit être protégé contre une concurrence déloyale résultant du fait de l'utilisation d'un second code semblable au sien qui est un moyen pour son utilisateur de s'insérer dans une activité commerciale existante et similaires, d'en profiter à ses dépens, acte s'analysant en un acte de concurrence déloyale ;

Considérant que la Sté Bazak Communication ne peut justifier son choix par le fait que le code Phonic lui a été attribué par France Telecom qui bénéficie d'un monopole dès lors qu'elle ne dénie pas avoir choisi le nom Phonic tentant même à justifier cette dénomination par l'existence dans d'autres activités des codes d'accès présentant des similitudes analogues à celles des deux codes litigieux ;

Considérant que, sur le fondement de l'article 809 du NCPC, le 1er Juge pouvait faire cesser ce trouble manifestement illicite en ordonnant à la Sté appelante de cesser d'exploiter et promouvoir sous le nom de Phonic et ce sous astreinte justement évaluée à 10.000 F par jour à compter du 8e jour de la signification de sa décision et ce pendant un mois ; qu'il y a donc lieu de confirmer purement et simplement l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'appelante qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens d'instance et d'appel, qu'en outre il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée l'intégralité des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a du avancer pour défendre ses intérêts devant la Cour ; que la demande de Sté NCP sera donc accueillie à hauteur de la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs, Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, condamne la Sté Bazak Communication à payer à la Sté Nouvelle de Presse et de Communication (Sté NCP) la somme de 3.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne l'appelante aux dépens d'appel ; Admet la SCP Bernabe Ricard, Avoués, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.