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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 20 juin 1991, n° 89-6730

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

FNAIM

Défendeur :

Pluri Publi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

SCP Duboscq Pellerin, Me Baufume

Avocats :

Mes Escande, Zysman.

T. com. Paris, 1re ch., du 5 sept. 1988

5 septembre 1988

Dans les circonstances relatées par les premiers juges la FNAIM avait attrait la société Puri Publi dite Hestia devant le Tribunal de Commerce de Paris afin d'obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer diverses réparations pour s'être rendu coupable de concurrence déloyale. Hestia avait conclu à l'irrecevabilité ou au mal fondé de la demande principale et elle avait formé une demande reconventionnelle à fins indemnitaires pour dénigrement. Par son jugement du 5 septembre 1988 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs la 1re Chambre de ce Tribunal a dit la FNAIM mal fondée en sa demande reconventionnelle. La FNAIM a été condamnée aux dépens. Elle a relevé appel par déclaration du 23 mars 1989 et saisi la Cour le 10 avril 1989. Elle a demandé la condamnation d'Hestia à lui payer une indemnité de 500 000 F, une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais de publications judiciaires. Elle invoque un exercice illégal de la profession d'agent immobilier et une concurrence déloyale et parasitaire. Hestia a repris son moyen d'irrecevabilité et sollicité la condamnation de la FNAIM à lui payer une indemnité de 1 000 000 F, une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et les dépens de première instance et d'appel. Elle invoque un comportement dénigrant et calomnieux de l'appelante. La FNAIM a répliqué.

Sur ce LA COUR, qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel,

1- sur la recevabilité de la FNAIM :

Considérant que pour contester la décision du Tribunal Hestia soutient qu'un syndicat professionnel n'a aucune vocation à se prévaloir ou réclamer le dédommagement de prétendus actes de concurrence qui concernent exclusivement les adhérents ;

Mais considérant que la FNAIM répond à juste titre qu'en tant que défenseur de l'intérêt collectif des agents immobiliers affiliés elle est recevable à agir en justice relativement aux faits qui portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'agent immobilier ; que tel est le cas en l'espèce des faits allégués d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier ainsi que du dénigrement allégué de cette même profession ; qu'il importe peu en effet que par une maladresse de vocabulaire la FNAIM ait dans ses écritures d'appel employé les termes " concurrence déloyale et parasitaire " dès lors que ces termes doivent être replacés dans leur contexte, recouvrent des actes de dénigrement qui visent la profession toute entière et un rattachement indiscret à cette profession et qu'il entre dans les pouvoirs de la Cour, par application de l'article 12 alinéa 2 du NCPC de restituer aux faits, dont les parties ont discuté contradictoirement, leur exacte qualification ;

2- sur la demande de la FNAIM

a) pour exercice illégal de la profession d'agent immobilier :

Considérant que pour contester la décision du Tribunal la FNAIM soutient que pour que la loi du 2 janvier 1970 s'applique il suffit qu'une personne " prête son concours " aux opérations visées sans même qu'un acte d'entremise soit nécessaire et qu'en outre Hestia se préoccupe " de manière active " de l'issue de la transaction par fourniture de conseils et documents, assurance, assistance juridique ce qui caractérise une activité d'intermédiaire ;

Considérant qu'Hestia allègue au contraire que la loi ne vise que ceux qui se livrent aux opérations de négociation et d'engagement pour autrui, qui font acte d'entremise entre les parties contractantes ;

Considérant ceci exposé qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 que ne sont réservées aux personnes titulaires de la carte professionnelle visée à l'article 3 que les activités par lesquelles ces personnes, fût-ce à titre accessoire, font acte d'entremise pour la réalisation d'opérations portant sur les biens d'autrui ; qu'en l'espèce en offrant contre paiement d'une rétribution forfaitaire aux candidats vendeurs ou acheteurs, bailleurs ou locataires le service d'un bulletin communiquant des adresses en créant un serveur télématique sur Minitel aux mêmes fins, en éditant des guides généraux et spéciaux, des formulaires, en proposant des assurances loyers impayés et un contrat d'assurance de protection juridique assuré par un groupe d'assurance spécialisé (Mutuelles du Mans) ce qui permet aux abonnés d'obtenir des renseignements de personnes qualifiées, en diffusant une revue du propriétaire qui renseigne notamment sur les modifications législatives et leurs conséquences pratiques, Hestia a seulement permis aux parties intéressées de passer elles-mêmes les contrats qui les intéressent sans pour autant se livrer à des opérations de négociation ou d'engagement pour autrui ; qu'il importe peu qu'Hestia se présente comme le " N°1 de l'immobilier " et que certains de ses franchisés aient lutté pour tenter de figurer à la rubrique transactions immobilières dès lors qu'elle ne participe pas à l'une des opérations d'entremise visées par la loi ; qu'à bon droit le Tribunal a donc jugé que ce premier grief n'était pas fondé ;

b) pour dénigrement de la profession d'agent immobilier :

Considérant qu'à juste titre la FNAIM critique le Tribunal pour n'avoir pas retenu certains actes de dénigrement caractérisés ; qu'en effet dans le prospectus diffusé dans le public pour vanter les " avantages Hestia " et proposer à la fois de souscrire un abonnement aux prix promotionnel de 600 F et de participer à un " grand tirage au sort " (date limite 6 avril 1987) Hestia énonce notamment pour " l'avantage n° 1 - pas d'intermédiaire - pas de commission " : " fini les dizaines de milliers de francs qui s'évaporent en commission (sic) " ; que dans un autre prospectus (Hestia location entre particuliers) elle écrit " avec Hestia vous faites donc l'économie de la commission d'agence toujours trop onéreuse " ; que dans une lettre se référant à l'offre promotionnelle ci-dessus et écrite à un candidat vendeur Hestia écrit : " avec Hestia, pas de commissions d'agence gaspillée : seulement 600 F " (lettre du 19 mars 1987) ; que dans une lettre circulaire non datée Hestia (bureau de Caen) qualifie l'utilisation des services d'un agent immobilier de " parcours du combattant "

que le slogan " fini l'immobilier de papa " rapproché du reste de l'annonce publicitaire " l'immobilier entre particuliers " et " on achète et on vend comme il y a cent ans " vise manifestement les " intermédiaires " et parmi eux les agents immobiliers même si ceux-ci ne sont pas nommément désignés ;

Considérant que par tous ces propos péjoratifs visant toute une profession à laquelle elle entend faire concurrence Hestia a engagé sa responsabilité;

Considérant qu'en revanche le constat d'huissier du 23 février 1988 n'apporte pas la preuve d'une publicité mensongère alors que l'huissier n'a compté les annonces que pour " les départements les plus représentatifs " ;

c) pour rattachement indiscret à la profession d'agent immobilier :

Considérant que le fait par Hestia de se qualifier de N°1 de l'immobilier dans ses annonces n'implique pas que celle-ci, qui insiste simultanément sur le fait qu'il s'agit de " l'immobilier entre particuliers " entende se rattacher à la profession d'agent immobilier ; qu'il en est de même du recours contre " Nice Matin " devant le Conseil de la Concurrence et la section de la concurrence de la Cour d'appel de Paris ; qu'il résulte en effet de l'arrêt que si Hestia et son franchisé ont contesté la décision de Nice Matin de classer ses annonces à la rubrique des " informations immobilières " au lieu de celle des " transactions immobilières " où figurent notamment les annonces des agents immobiliers, le motif de la contestation était que l'emplacement des " informations immobilières " était moins favorable ; que le prix était plus élevé et qu'il y avait une discrimination par rapport à certains vendeurs de listes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Considérant que la Cour a des éléments pour évaluer à 30 000 F l'indemnité destinée à compenser le préjudice collectif subi par la Profession ;

3- sur la demande d'Hestia :

Considérant qu'à juste titre Hestia fait valoir que dans ses déclarations la FNAIM pratique un amalgame entre ceux qui, sous couvert de faire de l'immobilier de particulier à particulier commettent des escroqueries ou autres délits et Hestiace qui permet par exemple après avoir cité Hestia (discours à l'assemblée générale de 1989 à laquelle étaient invitées de hautes personnalités) parmi les " officines qui se créent chaque jour et prospèrent " d'ajouter plus loin " en fait tous les moyens sont bons pour exploiter la crédulité du public... " ;

qu'elle fait paraître des annonces (Gab Immobilier) " immobilier vente achat location " mentionnant " seule l'intervention d'un professionnel de l'immobilier offre des garanties qui n'existent pas lors d'une transaction entre particuliers ou dans le cas de vente de listes d'adresses ou d'abonnements informatiques "; que dans l'un et l'autre cas il y a dénigrement d'Hestia, nommément désigné dans le premier document et aisément identifiable par une description partielle de son activité dans le second; que ce dénigrement engage la responsabilité de la FNAIM ; qu'en revanche la lecture attentive de l'article " un aspect du combat syndical : la lutte contre les marginaux " révèle que l'utilisation des termes " francs tireurs de l'entremise ", " véritables marginaux " " d'autres marginaux " etc... cités par Hestia s'applique à des cas particuliers décrits par les auteurs avocats et que rien ne peut en être déduit à l'encontre d'Hestia directement ou par assimilation ;

Considérant que la Cour a des éléments pour évaluer à 30 000 F le préjudice subi par Hestia ;

Considérant qu'eu égard à ce qui précède il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication présentée par l'une et l'autre parties ;

Considérant que la FNAIM et Hestia succombant partiellement elles conserveront la charge des dépens et frais non taxables qu'elles ont exposés ;

Par ces motifs, Confirme le jugement du 5 septembre 1988 en tant qu'il a dit la FNAIM recevable à agir, Réformant pour le surplus et statuant à nouveau : Dit que la société Pluri Publi Hestia a engagé sa responsabilité à l'égard de la FNAIM par des actes de dénigrement. Dit que la FNAIM a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Pluri Publi Hestia par des actes de dénigrement, Condamne la société Pluri Publi Hestia à payer à la FNAIM une indemnité de trente mille (30 000) francs, Condamne la FNAIM à payer à la société Pluri Publi Hestia une indemnité de trente mille (30 000) francs, Dit que ces indemnités se compenseront, Dit que les deux parties conserveront chacune la charge de leurs dépens et frais non taxables devant le Tribunal et devant la Cour. Déboute les parties de leurs autres demandes.