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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ., 24 mai 1991, n° 29-90

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Becker

Défendeur :

Felicitas (SARL), Duvignacq

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jardel-Lescure

Conseillers :

Mmes Lebrou, Sanvido

Avocats :

Mes Perrad, associés, Meisterman, associés.

TGI Mulhouse, du 27 nov. 1989

27 novembre 1989

Attendu que Madame Becker est appelante d'un jugement rendu le 27 novembre 1989 par le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse qui a constaté que Madame Becker avait commis un acte de concurrence déloyale à l'égard de la Société Félicitas et de M. Christian Duvignacq, a fait interdiction à Madame Becker de diffuser le prospectus litigieux, sous peine d'une astreinte provisoire de 1 000 F par infraction constatée, à compter de la signification du jugement ;

A ordonné la saisie de tous les prospectus existant,

A condamné Madame Becker à payer à la Société Félicitas la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 5 000 F à M. Duvignacq,

Attendu que Madame Becker conteste que le prospectus qu'elle a diffusé pour l'information de la clientèle soit dirigé contre Félicitas et M. Duvignacq et constitue par suite un acte de concurrence déloyale ; qu'elle fait valoir que dans sa liste la Société Félicitas a été classée parmi les agences les plus sérieuses du Haut-Rhin, que M. Duvignacq gérant de l'agence de Mulhouse n'a pu éprouver de préjudice puisqu'il n'exerçait plus son activité lors de la diffusion du prospectus ;

Qu'elle soutient enfin que Félicitas et M. Duvignacq ne peuvent faire état d'aucun préjudice qu'elle conclut :

" Déclarer la concluante recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit, Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Débouter purement et simplement les parties adverses de leur demande,

A titre subsidiaire :

Réduire sensiblement les montants accordés aux parties adverses,

Condamner les parties adverses aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. "

Attendu que la Société Félicitas et M. Duvignacq se livrent à une analyse du texte du prospectus diffusé par Madame Becker, ainsi que sa forme pour démontrer que les Agences Félicitas de Mulhouse et de Colmar figurant au nombre des agences fermées, sont présentées aux yeux du public comme des " agences fantômes " selon la définition de Madame Becker, donc peu sérieuses ; qu'ils font valoir qu'en plus d'être peu élogieuses les informations fournies en ce qui concerne l'agence de Mulhouse étaient inexactes, celle-ci n'étant pas encore fermée lors de la diffusion du prospectus ; que Félicitas insiste sur l'atteinte portée à son image de marque ; que leurs conclusions sont les suivantes :

" Rejeter l'appel,

Confirmer le jugement entrepris,

Condamner la défenderesse à payer à Monsieur Duvignacq une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

La condamner à payer à la SARL Félicitas une somme de 7 500 F en application de l'article 700,

La condamner aux entiers frais et dépens ".

Sur quoi

Attendu que Madame Becker tient à Mulhouse une agence matrimoniale ; qu'au cours de l'année 1987 elle a fait circuler un prospectus publicitaire, attirant l'attention du public sur l'intérêt primordial à porter son choix sur un Cabinet et un Conseil matrimoniaux sérieux, ayant une formation spécifique, et une expérience professionnelle, et mettant en garde contre des agences à courte longévité, ou " Agences Fantômes " avec " marieurs improvisés n'ayant souvent le choix, au bout de quelques mois d'activité, qu'entre la faillite et l'escroquerie " pour conclure qu'il fallait s'adresser à un Cabinet ayant de sérieuses références, le sien, dont figuraient en bas de page, l'adresse et le numéro de téléphone ;

Attendu que le prospectus contenait un renvoi au verso, où Madame Becker avait dressé une liste sous l'intitulé : " un aperçu des ouvertures et fermetures de différents Cabinets matrimoniaux (depuis seulement avril 1981) " qui portait en première ligne son propre Cabinet ouvert en 1972, puis en deuxième ligne :

" Félicitas Mulhouse ouvert en 1971 fermé le 24 mars 1987 après 15 ans d'existence et en troisième position,

" Félicitas Colmar ouvert le 29 décembre 1981, fermé le 31 décembre 1985 après 4 ans d'existence " ;

Attendu que c'est dans ces conditions que la Société Félicitas et M. Christian Duvignacq qui à titre de franchisé de la chaîne Félicitas exploitait l'agence de Mulhouse, ont assigné Madame Becker en dommages et intérêts sur le fondement de la faute par commission d'un acte de concurrence déloyale ;

Attendu qu'il est en effet fâcheux que Madame Becker ait fait figurer l'Agence de Félicitas à Mulhouse en tête de la liste des agences ouvertes depuis seulement 1981 et fermées ultérieurement, alors que cette agence est mentionnée ouverte en 1972, ce qui est exact, mais fermée sans indication de date, alors qu'en 1987 cette agence n'était pas fermée, que M. Duvignacq en assurait le fonctionnement, selon les documents datés d'Octobre et Novembre 1987, époque de la diffusion du prospectus, produits par Félicitas ;

Attendu que la mention selon laquelle l'Agence Félicitas de Colmar est fermée après quatre ans d'expérience, entraîne naturellement le lecteur à suivre Madame Becker dans la logique de sa démonstration, et à assimiler les agences exploitées sous cette enseigne à des " agences fantômes ", ce qui ternit à l'évidence l'image de marque de la chaîne Félicitas, au moins dans la région du Haut-Rhin;

Attendu qu'il s'agit de la part de Mme Becker du dénigrement d'un concurrent, non justifiable par l'intention légitime de faire valoir sa propre entreprise, donc qui constitue un acte de concurrence déloyale , ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, qui ont fait une exacte appréciation du cas d'espèce tant en fait qu'en droit ;

Sur le préjudice de M. Duvignacq

Attendu que l'annonce prématurée de la fermeture de l'agence exploitée par M. Duvignacq a causé à celui-ci préjudice que les premiers juges ont justement arbitré ;

Sur le préjudice de la Société Félicitas

Attendu qu'il est établi que l'Agence de Mulhouse avait à la fin de 1987 une activité réduite, que M. Duvignacq faisait part de son intention de cesser son activité, que par suite la fermeture n'a pas été la conséquence des renseignements fournis par le prospectus incriminé ;

Qu'il reste seulement à réparer le préjudice inhérent à l'atteinte portée à l'image de marque de l'entreprise, pour lequel la Cour estime que la somme de 5 000 F constitue une juste réparation.

Attendu qu'en l'espèce l'équité n'impose pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs : Et ceux en partie des premiers Juges, LA COUR reçoit l'appel régulier en la forme, Au fond le dit partiellement fondé, Y faisant droit partiellement, Confirme le jugement dans toutes ses dispositions, à l'exception de celle concernant la condamnation à l'égard de la SARL Félicitas, Infirme cette disposition et statuant à nouveau sur ce point, Condamne Madame Marie-Thérèse Becker à payer à la SARL Félicitas la somme de 5 000 F augmentée des intérêts légaux de ce jour, Rejette pour le surplus les conclusions de Félicitas, Met les dépens d'appel pour moitié à Madame Becker et à la Société Félicitas.