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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 7 mars 1991, n° 11556-88

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hozyl (SARL)

Défendeur :

Léonidas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Conseillers :

MM. Bonnefont, Gouge

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, Me Blin

Avocats :

Mes Turlan, Bitton.

TGI Paris, du 16 mars 1988

16 mars 1988

Faits et procédure de première instance :

Titulaire de la marque Léonidas comportant outre un élément figuratif, cette dénomination désignant des produits de la classe 30 notamment les chocolats et la confiserie, la société de droit belge Léonidas était amenée, par des lettres des 5 avril 1985 et 26 mars 1986, à rappeler aux revendeurs certaines prescriptions impératives en leur indiquant que toute infraction entraînerait la suppression des livraisons. La gérante de la société Hozyl, qui vend des produits Léonidas dans un magasin sis Cours de Vincennes à Paris, contresignait les lettres susvisées.

Le 8 avril 1987, la société Léonidas faisait dresser constat dans ledit magasin pour établir qu'en contravention aux accords entre les parties, Hozyl vendait des produits concurrençant les siens et présentait comme fabriqués par Léonidas ou sous emballage Léonidas des chocolats et confiseries étrangers à cette marque.

Ensuite de quoi, Léonidas, par acte du 17 avril 1987, assignait Hozyl pour la faire juger coupable d'usage illicite et d'apposition frauduleuse de la marque Léonidas, de substitution frauduleuse de produits et de concurrence déloyale. Elle sollicitait des mesures de protection et de réparation ainsi que 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La défenderesse conclut au débouté, priant le tribunal de déclarer nulle la signature apposée par sa gérante sur les lettres précitées, de lui allouer 1 100 000 F de dommages-intérêts et une somme en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le jugement critiqué :

Par son jugement du 16 mars 1988, le Tribunal de grande instance de Paris a entre autres dispositions :

- déclaré la société Léonidas bien fondée en ses actions en usage illicite de marque, apposition frauduleuse de marque et concurrence déloyale,

- rejeté la demande de Léonidas au titre de la substitution de produits,

- condamné Hozyl à payer à Léonidas 50 000 F de dommages-intérêts en raison des atteintes à la marque et 50 000 F de dommages-intérêts du fait des agissements de concurrence déloyale ainsi que 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- autorisé Léonidas à faire publier le jugement, en entier ou par extraits, dans 3 journaux de son choix et aux frais de Hozyl, sans que le coût de ces insertions dépasse la somme totale de 21 000 F à la charge exclusive de cette dernière.

L'appel :

Appelante du jugement par déclaration du 17 mai 1988, Hozyl conclut qu'il plaise à la Cour d'infirmer, constater la nullité de la convention du 26 mars 1986, écarter l'usage illicite de marque, dire qu'en tout état de cause il n'est pas justifié d'un préjudice résultant d'atteintes à la marque ou de concurrence déloyale, dire que la rupture brutale des relations commerciales par Léonidas présente un caractère dolosif et a engendré un préjudice évalué à 1 100 000 F et que ce préjudice a été aggravé par l'ouverture en 1988-1989 de deux magasins revendeurs de produits Léonidas à proximité du magasin Hozyl et accorder de ce chef par application de l'article 1382 du code civil 500 000 F de dommages-intérêts. Elle réclame 30 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Intimée et incidemment appelante, Léonidas conclut à la confirmation dans son principe de la décision déférée mais elle prie la Cour de lui allouer 200 000 F et 500 000 F de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant respectivement des atteintes à la marque et de la concurrence déloyale. Elle sollicite au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile une somme supplémentaire de 20 000 F.

Sur ce, LA COUR,

Qui pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties se réfère au jugement critiqué et aux écritures d'appel.

Considérant qu'en apposant sa signature sur les lettres des 5 avril 1985 et 26 mars 1986 ainsi que des annexes, la gérante de la société Hozyl s'était engagée à observer les prescriptions qu'elles contenaient et qui, il faut le souligner, allaient au moins dans une certaine mesure au-devant des intérêts du consommateur dès lors qu'elle prohibait le marquage, l'étiquetage et l'emballage sous la marque Léonidas de produits non fabriqués ou distribués par la société belge et de façon plus générale divers agissements de nature à induire la clientèle en erreur sur la provenance des marchandises offertes en vente.

Considérant que les faits retenus à l'encontre de Hozyl par le jugement l'ont été sur la base d'une exacte appréciation des pièces mises aux débats et en particulier du constat dressé le 8 avril 1987 par l'huissier Genna et qui, assorti de nombreux clichés, est remarquable de précision.

Considérant que comme elle l'a fait en première instance, l'appelante ne pouvant contester la violation des engagements pris s'efforce de les faire invalider en invoquant les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et en se présentant comme la victime d'un abus de position dominante qui, comme le jugement l'observe à juste titre, est allégué, mais non établi étant ici souligné que Léonidas n'est qu'un fabricant entre bien d'autres, de chocolats belges, que Hozyl avait la possibilité de s'en procurer chez d'autres fournisseurs, ce qu'elle a d'ailleurs fait après la rupture et qu'elle n'a subi aucun traitement discriminatoire, les exigences dont elle se plaint ayant été formulées à l'égard de tous les revendeurs des produits Léonidas.

Que d'autre part, on ne peut reprocher à Léonidas d'avoir :

- demandé à ses revendeurs de se ravitailler une fois par semaine, s'agissant de produits dont la qualité ne peut être maintenue que grâce à une rotation rapide des stocks,

- d'avoir fait obligation aux revendeurs de ne pas dépasser un prix minimal et d'offrir en vente toute la gamme des produits Léonidas.

Considérant que les prescriptions posées par les lettres des 5 avril 1985 et 26 mars 1986, n'avaient donc rien d'illicite ; que Hozyl ne saurait invoquer un état de dépendance économique " quasi insurmontable " pour prétendre qu'en acceptant de s'y plier, elle a agi sous la contrainte, observation faite que le préjudice qu'elle affirme avoir subi n'est que la conséquence de la soudaineté d'une rupture découlant de sa faute.

Considérant que contrairement à ce que soutient l'appelant, l'usage illicite de marque est bien en l'espèce constitué dès lors que, comme l'a constaté l'huissier, des produits ont été vendus sous des emballages portant la dénomination et l'élément figuratif " Léonidas " bien que n'étant pas d'authentiques chocolats ou confiseries Léonidas.

Considérant qu'au titre de la concurrence déloyale, le jugement retient à tort l'apposition sur des emballages d'une étiquette reproduisant à l'identique l'élément figuratif de la marque complexe de Léonidas, ce fait n'étant pas distinct de ceux constitutifs de l'atteinte à la marque.

Considérant que la lettre du 26 mars 1986 indiquait : " il est strictement défendu ... d'exposer à la vente des produits similaires ou concurrents aux nôtres... ".

Qu'il appert du constat Genna que Hozyl a vendu des chocolats dits cerisettes et des fritures de chocolat d'une provenance autre que Léonidas alors que selon la lettre précitée, l'interdiction ci-dessus s'appliquait à tous les produits chocolatés à l'exception des bâtons de chocolat.

Que l'infraction ainsi constatée justifie le grief de concurrence déloyalearticulé par Léonidas.

Considérant qu'à l'évidence, Hozyl, en contrevenant à une politique de vente définie par Léonidas à laquelle pourtant elle avait donné son accord, a cherché à tirer parti de la réputation attachée à l'enseigne Léonidas pour écouler toutes sortes de produits n'ayant pas droit à la marque Léonidas et dont la vente était susceptible de contrarier celle des friandises de la société belge.

Considérant qu'eu égard aux éléments d'appréciation fournis, il apparaît équitable d'élever comme il sera dit au dispositif les indemnités allouées au titre de l'atteinte à la marque et de la concurrence déloyale en confirmant par ailleurs le jugement en ce qui concerne les publications ordonnées.

Considérant qu'à bon droit le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de Hozyl.

Que les ultimes conclusions d'appel de cette dernière reprochent à Léonidas d'avoir postérieurement à la rupture bénéficié de l'installation de deux revendeurs à proximité de ses propres magasins alors qu'elle-même a perdu de la clientèle en raison de l'attrait exercé par la marque Léonidas et des prix plus bas que ces revendeurs pratiquent ; que rien de fautif n'apparaît dans les faits ainsi dénoncés et dans lesquels on trouve la confirmation que le sens de ses intérêts bien compris aurait dû inciter Hozyl à respecter les exigences de son fournisseur.

Que la demande de dommages-intérêts formée par l'appelante est donc en tous points mal fondée.

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Léonidas les frais non compris dans les dépens exposés sur l'appel mal fondé de Hozyl qui sera condamnée à lui payer le montant complémentaire justifié indiqué ci-dessous.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, Déboutant la société Hozyl de son appel et de toutes ses prétentions. Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des deux indemnités allouées à la société Léonidas et qui s'est élevé à 100 000 F (cent mille francs). Dit que les publications ordonnées par le jugement feront mention de l'arrêt. Condamne Hozyl à payer à la société Léonidas en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile une somme complémentaire de 10 000 F (dix mille francs). Dit que la société Hozyl supportera les dépens de première instance et d'appel. Admet Maître Blin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.