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Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 1, 16 janvier 1991, n° 1648-89

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cosset

Défendeur :

Société Montargoise Automobiles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lardennois

Conseillers :

M. André, Mme Martin Pigalle

Avoués :

SCP Laval, Me Daude

Avocats :

Mes Piastra, Dubosc.

T. com. Montargis, du 7 juill. 1989

7 juillet 1989

LA COUR :

Statuant sur les appels principal et incident régulièrement formés respectivement par Jean-François Cosset et par la Société Montargoise Automobiles ci-après dénommée SMA d'un jugement rendu le 7 juillet 1989 par le Tribunal de Commerce de Montargis qui :

1°) a ordonné le retrait dans les 48 heures à compter de la signification de toutes mentions de marque Citroën même accompagnées de quelques adjonctions que ce soit sur le garage exploité par Cosset et ce sous astreinte de 500 F par jour de retard,

2°) a fait interdiction à Cosset d'utiliser à quelque titre que ce soit sur ses papiers commerciaux et mentions publicitaires toutes mentions à la marque Citroën accompagnées ou non d'une mention quelconque,

3°) a débouté la SMA du surplus de ses prétentions,

4°) a condamné Cosset à payer à ladite SMA la somme de 1 000 F sur le fondement de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Montargoise Automobiles est titulaire d'un contrat de concession conclu avec la Société des Automobiles Citroën.

Aux termes de l'article 7 de ce contrat, le constructeur a concédé au concessionnaire pendant la durée du contrat, le droit exclusif d'implantation et d'action commerciale pour la revente des véhicules neufs et des pièces détachées de marque Citroën sur le territoire défini à l'annexe du contrat.

Après sommation du 22 mai 1987 restée sans effet la SMA a fait assigner Monsieur Cosset suivant acte d'huissier du 22 novembre 1988 lui reprochant d'avoir commis des actes de concurrence déloyale en utilisant sur le territoire de sa concession la marque Citroën transformée par l'adjonction du suffixe Iste, Sur quoi le Tribunal de Commerce a rendu le jugement déféré.

Devant la Cour, Jean-François Cosset conclut à l'infirmation de cette décision, au rejet des demandes de la SMA et à sa condamnation au paiement des sommes de 20 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et de 8000 F sur la base de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir que la SMA ne disposant d'aucun droit de protection de la marque Citroën, le Tribunal ne pouvait d'office ni motiver sa décision sur le droit de la marque ni viser la loi du 27 Décembre 1973. Il prétend par ailleurs que l'action en concurrence déloyale ne saurait être constituée :

- par une seule utilisation d'une marque propriété d'autrui,

- par l'utilisation de l'expression spécialiste Citroën,

- par l'emploi du mot Citroëniste,

- par ses publicités.

Il affirme que en toute hypothèse la SMA n'indique pas en quoi il y a eu confusion dans l'esprit des clients et quel est le préjudice par elle subi du fait de l'éventuelle faute.

La SMA conclut à la confirmation de la décision déférée et par voie d'appel incident sollicite la condamnation de Cosset à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages intérêts et subsidiairement réclame une expertise. En toute hypothèse, elle demande 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle soutient que Cosset a commis des agissements portant atteinte aux prérogatives découlant de la clause d'exclusivité notamment par un appel indiscret de la clientèle, tels que :

- apposition de l'enseigne Citroën-Iste,

- publicité avec mention de Citroëniste Indépendant, Spécialiste Citroën,

que ces actes ont été de nature à induire le profane en erreur et à créer la confusion dans son esprit et qu'ils ont pour but et pour effet de tirer indûment profit du renom ou des efforts d'un professionnel ou d'une entreprise.

Elle affirme par ailleurs avoir subi un préjudice par perte de clientèle.

Sur ce,

Attendu que l'action engagée par la SMA est une action en concurrence déloyale, présentant à la fois un caractère indemnitaire et un caractère préventif; Qu'il appartient à cette Société de démontrer que Cosset a commis une faute se caractérisant par des agissements contraires aux usages loyaux du commerce et que cette faute lui a causé ou est susceptible de lui causer un préjudice;

Attendu qu'il est constant que Jean-François Cosset a perdu sa qualité d'Agent Citroën au 31 septembre 1981; que malgré cela et sur le territoire de la commune d'Amilly sur lequel SMA dispose du droit de concession exclusive, l'intéressé a fait paraître des publicités se présentant comme " citroëniste indépendant " " spécialiste Citroën "; Que sur le toit de son garage, figure une enseigne annonçant " Citroëniste " constituée par l'adjonction à la marque Citroën des quatre dernières lettres Iste moins larges, de proportion différente et dans une autre matière;

Attendu que si le seul fait de commercialiser des produits couverts par une exclusivité ne constitue pas à lui seul un acte de concurrence déloyale, l'emploi des qualificatifs ci-dessus visés n'a pu en outre que créer dans l'esprit de la clientèle non avertie une confusion sur les qualités réelles de Cosset qui reconnaît avoir vendu des véhicules neufs et laisser à penser qu'il était encore agent de la marque Citroën; Que cette utilisation contraire aux usages loyaux du commerce a permis à l'intéressé de bénéficier du renom s'attachant à la marque et est susceptible de causer à la Société SMA, titulaire exclusif du droit d'implantation et d'action commerciale sur ce territoire, un préjudice s'inférant nécessairement de ces actes déloyaux et constitué par un risque de détournement de clientèle; Que c'est donc à bon droit que le Tribunal a interdit l'utilisation par Cosset de ses mentions pour le moins ambiguës : Que le jugement doit être confirmé de ce chef et en ce qu'il a alloué à la SMA la somme de 1 000 Francs sur la base de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et que l'appel de celui-ci déclaré non fondé.

Attendu que la Société SMA n'établit pas qu'elle ait déjà subi un préjudice du fait de ces actes de concurrence déloyale ; Qu'elle ne verse aux débats aucune pièce justifiant sa demande de dommages-intérêts ; Qu'une mesure d'instruction n'est pas destinée à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve ; Que dans ces conditions il convient de la débouter de son appel incident ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties des frais non compris dans les dépens et exposés en cause d'appel ; Que leurs demandes respectives en application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doivent être rejetées.

Par ces motifs : LA COUR reçoit les appels, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties, accorde aux avoués de la cause le droit prévu à par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.