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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 18 décembre 1990, n° 3593-89

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mercedes Benz France (SA)

Défendeur :

Tchumak

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jorda

Conseillers :

Mme Mettas, M. Milhet

Avoués :

SCP Boyer Lescat, Me Château

Avocats :

SCP Faure, Me Thevenot.

T. com. Toulouse, du 6 juill. 1989

6 juillet 1989

Attendu quant aux faits qui sont à l'origine du litige, qu'il résulte des pièces produites et des débats, la Cour renvoyant aussi, à l'exposé qu'a pu faire à cet égard le tribunal, que M. Georges Tchumak, garagiste à Romanoville St Agne (Haute Garonne) avait été concessionnaire de la société Mercedes Benz France, en abrégé société MBF ; que, le contrat de concession ayant pris fin, cette société se plaignit de l'usage, qu'aurait continué de faire M. Tchumak, de " l'enseigne, la marque et l'emblème " la caractérisant ; qu'elle adressa 2 lettres à M. Tchumak, dont une recommandée, avec avis de réception signé le 24 juillet 1987,

Attendu qu'en définitive la société MBF invoqua M. Tchumak ayant, selon elle, persisté dans ses agissements, la concurrence déloyale qui s'en serait suivie, pour l'assigner devant le Tribunal de commerce de Toulouse en vue de lui faire interdire, sous astreinte, d'user des signes la distinguant et le faire condamner à des dommages-intérêts, le tribunal se prononçant par le jugement déféré à la Cour qui, pour l'essentiel, estima qu'il n'y avait ni faute prouvée, malgré le maintien dans l'annuaire téléphonique d'une annonce publicitaire de la qualité de concessionnaire de la société MBF de M. Tchumak, par suite d'une omission maintenant réparée, ni dommage consécutif démontré,

Attendu que la société MBF est appelante de cette décision dont elle demande l'infirmation en prétendant qu'il y aurait bien eu, et qu'il continuerait d'y avoir, concurrence déloyale de la part de M. Tchumak, la faute que celui-ci aurait commise et qui résulterait non seulement du maintien de l'annonce publicitaire mentionnant la fausse qualité de concessionnaire, lui ayant causé, selon elle, un préjudice ; qu'elle demande donc, après infirmation, la condamnation de M. Tchumak à des dommages-intérêts, à la publicité dans des journaux de cette condamnation, l'intimé devant aussi supporter les dépens et verser une indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'elle conclut aussi, après la clôture à ce qu'il soit fait défense à M. Tchumak d'user des signes la caractérisant sous astreinte,

Attendu que l'intimé, qui prétend n'être pas coupable de concurrence déloyale, demande la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de la société MBF à des dommages-intérêts, aux dépens et au versement d'une indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Attendu, sur ce, qu'en application de l'article 784 du nouveau code de procédure civile, l'ordonnance de clôture sera révoquée car l'omission purement matérielle d'un chef de demande, déjà présenté en première instance, dans les conclusions initiales de la société MBF devant la Cour, omission ayant persisté après la clôture, constitue bien la cause grave permettant la révocation de l'ordonnance précitée,

Attendu que la Cour est, par l'effet de l'appel et des conclusions des parties, saisie de l'action de la société MBF contre M. Tchumak, action par laquelle cette société prétend à la réparation du préjudice qu'elle aurait pu subir du fait de la concurrence déloyale qu'elle impute à son ancien concessionnaire,

Attendu que dans notre droit, le commerce et l'industrie sont, en principe, libres, la concurrence l'étant aussi ; que, toutefois, celle-ci peut être fautive ; qu'il en est ainsi en particulier lorsqu'un commerçant use frauduleusement des signes servant à caractériser les activités d'un de ses concurrents dans des circonstances qui entraînent dans l'esprit de la clientèle un risque de confusion ; qu'il est de principe que la faute peut ne pas être intentionnelle et délibérée ; que toutefois elle doit, pour obliger à réparation, être dommageable, le demandeur ayant la charge de la preuve,

Attendu, en fait, et sur la faute, que la société MBF admet dans ses conclusions du 8 janvier 1990 page 3 in fine, que lorsque le contrat de concession précité a pris fin, elle a, comme elle l'écrit, " retiré toutes les enseignes lui appartenant " ; qu'elle allègue, sans le prouver, aucun constat d'huissier de justice, ni, d'une manière plus générale, aucun document n'étant à cet effet produit, que M. Tchumak aurait acquis, pour s'en servir frauduleusement l'emblème la caractérisant qu'il aurait placé sur son garage ; que, par contre, il est établi qu'entre 1985 et 1989 l'intimé n'a pas fait modifier dans l'annuaire téléphonique professionnel, l'annonce le présentant comme concessionnaire de la société MBF; que de même, une mise en demeure du 2 décembre 1989, à un client, par M. Tchumak a été rédigée sur une feuille de papier mentionnant la même qualité ; qu'ainsi, la preuve d'une faute est apportée .

Attendu, par contre, que la faute doit être dommageable et que l'existence d'un préjudice causé à la société MBF par la faute commise n'est pas démontrée ; qu'en premier lieu le dommage doit s'être produit entre la fin du contrat de concession, en 1984 et la fin de l'année 1989, M. Tchumak prouvant, par une lettre d'une société ODA du 19 décembre 1988, qu'il a fait modifier, en ce qui le concerne, l'annuaire des abonnés au téléphone, et, par divers imprimés, qu'il ne fait plus mention de la qualité litigieuse sur ses documents commerciaux ; qu'en second lieu, pendant la période considérée, un dommage n'est pas établi ; qu'en effet, d'une part, que la société MBF paraît puisqu'elle a des concessionnaires, vendre seulement, alors que M. Tchumak est, lui " dépanneur agréé par la société des Autoroutes " et a pour activité le dépannage, le levage, le remorquage, et la manutention des véhicules ; que, d'autre part, aucune pièce n'est produite établissant la perte prouvée ou le gain manqué par la société MBF, personne du reste distincte de ses concessionnaires, et ne disant pas en quoi elle aurait pu souffrir des agissements de M. Tchumak (baisse du chiffre d'affaires) alors qu'on voit mal le bénéfice que pourrait retirer l'intimé en achetant, si tant est qu'il pourrait le faire, à un concessionnaire pour rendre service à un client ayant consulté l'annuaire précité ; qu'enfin, le dommage découlant de l'atteinte au droit de propriété industrielle ainsi qu'à la notoriété et à la réputation de la société MBF est allégué mais non prouvé, la société appelante ne précisant pas en quoi à la suite d'un trouble commercial, notamment consécutif aux agissements de M. Tchumak, elle a pu pâtir de la faute de celui-ci,

Attendu qu'ainsi la décision attaquée ne peut, à l'exception des dépens, qu'être confirmée, tant par motifs propres qu'adoptés,

Attendu que M. Tchumak ne précise pas ce qui a pu faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice de la société MBF, ni quel dommage en serait résulté ; que sa demande de dommages-intérêts ne peut dès lors qu'être rejetée,

Attendu, par contre, que la société MBF succombe et sera condamnée aux entiers dépens, des considérations évidentes d'équité imposant en la cause l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamnation à ce titre de la société MBF à verser une somme de 3 000 F.

Par ces motifs : La Cour, Déclare en la forme l'appel régulier et recevable, Révoque l'ordonnance de clôture, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté de son action la société Mercedes Benz France, Rejette la demande de dommages-intérêts de M. Tchumak Georges, condamne la société Mercedes Benz France aux entiers dépens, La condamne à verser à M. Tchumak Georges la somme de 3 000 F (trois mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.