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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 8 novembre 1990, n° 1156-88

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sliman

Défendeur :

Genibel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Arrighi

Conseillers :

MM. Daniau, Taillefer

Avoués :

Me Touton, SCP Casteja-Clermontel

Avocats :

Mes Touzet, Maysounabe.

TGI Bordeaux, du 8 déc. 1987

8 décembre 1987

Attendu que la dame Sliman a interjeté appel, dans des conditions de formes et de délais qui ne soulèvent aucune contestation du jugement du Tribunal de grande instance de ce siège en date du 8 décembre 1987 qui l'a condamnée à payer la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 3 000 F à la dame Genibel ;

Attendu que dans ses conclusions l'appelante sollicite la réformation du jugement, le débouté de l'intimée et sa condamnation à lui payer les sommes de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que l'intimée fait conclure à la confirmation de la décision attaquée et à la condamnation de l'appelante à lui payer 50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi, 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire et 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que l'appelante a exploité jusqu'en mai 1983 un fonds de commerce de coiffure situé 71 rue Huguerie à Bordeaux ; qu'elle l'a en effet vendu à l'intimée, par acte du 19 mars 1983 et s'est engagée par une clause de non-concurrence ; qu'au mois de septembre suivant, elle est devenue la salariée dans le salon de Bourbon situé, rue Nancel Pénard dans le périmètre interdit par la clause ; qu'à la fermeture de ce fonds au mois d'avril 1986 elle a été embauchée à compter du 1er du mois suivant par Lecuona ancien salarié de Boubon qui venait de créer sa propre affaire 23 rue Casteja, à 200 mètres de la rue Huguerie ;

Attendu que s'il appartient au Juge de rechercher par application de l'article 1156 du Code civil la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, ce ne peut être que dans la limite de l'article 1134 c'est-à-dire à la condition de ne pas dénaturer une convention bien précise et formelle ; qu'en l'espèce la clause litigieuse est ainsi conçu : " de son côté le vendeur s'interdit formellement le droit de créer, d'exploiter ou de faire valoir aucun fonds de commerce de la nature de celui présentement cédé et s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement même à titre d'associé commanditaire dans l'exploitation d'un semblable (sic) fonds, le tout dans un rayon de trois kilomètres à vol d'oiseau du siège du fonds vendu et pendant cinq années à compter de ce jour, à peines (sic) de tout dommages-intérêts, envers l'acquéreur ou ses ayants cause et sans préjudice du droit qu'elle aurait de faire cesser cette contravention " ; qu'il est avéré que, la venderesse, Christine Sliman a été embauchée par Lecuona en qualité de gérante technique au salaire de l'ordre de 5 000 F par mois et a continué d'exercer en cette qualité; qu'il ne lui est pas reproché d'avoir créé, exploité ou fait valoir un fonds de commerce de la nature de celui vendu, et désigné dans l'acte comme un fonds artisanal de coiffure pour dames et vente de parfumerie en annexe, ni d'avoir exercé une activité salariée au salon de coiffure pour dames exploité par Bourbon ; qu'en ce qui concerne donc seulement son activité au salon de coiffure de Lecuona, il apparaît que sa qualité exclut cependant qu'elle puisse être considéré " s'intéresser directement ou indirectement dans l'exploitation d'un semblable fonds " dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle participe autrement à l'activité de Lecuona que dans le cadre de son contrat de travail c'est-à-dire d'un louage de service au sens de l'article 1780 du Code civil par opposition à l'article 1832 du même code qui définit exactement la notion d'intérêt à laquelle les parties ont convenu de se référer; qu'en effet par " s'intéresser directement ou indirectement " les parties ont fait référence à un mode d'exploitation ou de faire valoir impliquant le partage de bénéfice ou le profit d'économie dont la limite minimale se retrouve dans la situation de l'associé commanditaire qui est pourtant interdit de tout acte de gestion externe de la Sté aux termes de l'article 28 de la loi du 24 juillet 1966 et dont le nom ne peut figurer dans la raison sociale comme le précise l'article 25 de ladite loi, mais qui comme associé à vocation aux bénéfices de la Sté en commandite; que peut importe alors eu égard à cette interdiction précise que l'appelante ait été employée en qualité de gérant technique de la première catégorie visée à l'article 4 de la loi du 23 mai 1946, c'est-à-dire d'agent de maîtrise de la compétence duquel relèvent moins de 5 personnes ; que peu importe qu'en l'absence d'autre agent breveté dans son salon Lecuona qui n'est pas lui-même titulaire du brevet professionnel de coiffure ou du brevet de maîtrise, n'a été autorisé à exploiter par les Services Préfectoraux de la Gironde le 8 avril 1986 qu'avec le concours de sa salariée ; que peu importe que Lecuona qui est inscrit à la Chambre des Métiers, comme exploitant individuel, et qui donc répond seul de sa gestion, ait, dans une réclame, laissé vanter la qualité de ses installations, de son savoir-faire et de sa coloriste dont il ressort au cours de la procédure qu'il s'agit de l'appelante car son nom n'y est pas cité ; qu'il ne peut en conséquence être reproché à Christine Sliman aucune violation de la clause de non-concurrence par défaut de justifier que son activité salariée au service de Lecuona entre dans l'énoncé clair, précis et formel des interdictions que les signataires de l'acte du 19 mai 1983 ont voulu; que le jugement doit donc être réformé;

Attendu que l'appelante ne justifie pour autant d'aucune faute de l'intimé dans le soutien de son action contre elle au vu des articles 1382 et 1383 du Code civil ; que sa demande de dommages-intérêts sera donc rejetée ; qu'en revanche sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile apparaît justifiée dans son principe à concurrence toutefois de 4 000 F quant à son montant ;

Vu l'ordonnance de clôture du 27 septembre 1990,

Vu les articles 696 à 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Par ces motifs La Cour, Reçoit en la forme l'appel, Infirme le jugement entrepris, Et statuant à nouveau, Déboute Claudie Genibel de toutes ses demandes, fins ou conclusions dirigées contre Christine Sliman relativement à la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte du 19 mai 1983, La condamne à payer à cette dernière la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Déboute Christine Sliman du surplus de ses demandes, Condamne Claudie Genibel aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Touton, Avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.