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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 27 septembre 1990, n° 89-2484

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'exploitation des Etablissements O'Kiss (SARL)

Défendeur :

Yoni (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnefont

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

Me Blin, SCP Bollet Baskal

Avocats :

Mes Hoffman, Bettach.

T. com. Paris, 1re ch., du 11 janv. 1988

11 janvier 1988

Dans des circonstances relatées par les premiers juges la Société d'exploitation des établissements O'Kiss, ci-après O'Kiss, avait attrait la société Yoni devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la cessation d'agissements qualifiés de contrefaçon de modèle non déposé et de concurrence déloyale et la réparation du préjudice en résultant. Par son jugement du 11 janvier 1988 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs, la 1re chambre de ce tribunal, tout en retenant l'antériorité du modèle Scooter commercialisé par O'Kiss, a débouté celle-ci de ses demandes basées sur la contrefaçon et la concurrence déloyale. Il l'a condamnée à payer à Yoni la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et les dépens. Yoni était déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement d'indemnité.

O'Kiss a relevé appel par déclaration du 26 février 1988 et saisi le Cour le 12 avril 1988. Toutefois elle a laissé expirer sans conclure et sans assigner l'intimée non comparante [dans] le délai qui lui avait été imparti par le Conseiller de la mise en état. L'affaire a dont été radiée par ordonnance du 2 février 1989. O'Kiss a obtenu le rétablissement en concluant au fond sur son appel et en assignant Yoni non comparante. Elle a demandé l'infirmation du jugement et qu'il soit jugé que son modèle non déposé de pantalon est protégeable selon la loi du 11 mars 1957 et que Yoni s'est rendue coupable de contrefaçon et de concurrence déloyale, que soient prononcées à son encontre des interdictions sous astreintes et des publications, qu'elle soit condamnée à payer, outre une provision de 200 000 F sur une indemnité à déterminer, après expertise, une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et les dépens de première instance et d'appel. Yoni après avoir banalement conclu à la nullité, l'irrecevabilité ou au mal fondé de l'appel, a conclu à la confirmation sur le débouté et sur la somme allouée au titre de l'article 700 du NCPC. Elle a demandé la condamnation d'O'Kiss à payer une nouvelle somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'une indemnité de 20 000 F pour préjudice moral et procédure abusive et vexatoire et qu'il soit jugé que la seule " date certaine de création du pantalon O'Kiss " est la date du procès-verbal de saisie-contrefaçon " avec toutes les conséquences sur l'antériorité du modèle litigieux ".

L'argumentation des parties est la suivante :

O'Kiss affirme être titulaire des droits de création sur un modèle de pantalon Scooter dont la commercialisation aurait commencé en juin 1986. Yoni n'aurait fabriqué et commercialisé que fin septembre, début octobre 1986. Elle invoque une combinaison nouvelle d'éléments connus à laquelle Yoni ne pourrait opposer aucune antériorité de toutes pièces. En ajoutant à des éléments connus un rabat triangulaire avec bouton et une patte avec bouton et passant, elle aurait marqué son modèle de l'empreinte de la personnalité du créateur. Toutes les caractéristiques du modèle Scooter seraient reprises dans le modèle contrefaisant et un acheteur d'attention moyenne pourrait les confondre.

Il y aurait en outre des fautes distinctes constituées par une copie servile à moindre prix créant une confusion, et par une poursuite de la commercialisation après la saisie-contrefaçon. O'Kiss aurait " de bonnes raisons de penser " que la contrefaçon excéderait 200 modèles. Il y aurait perte des frais de mise au point, de publicité, dépréciation des modèles.

Yoni répond que l'analyse par le tribunal, du défaut d'originalité est très motivée, qu'elle n'a reproduit aucun élément original et que son pantalon ne reproduit pas servilement le modèle Scooter. Il n'y aurait aucune preuve de poursuite de la commercialisation, ni des frais de mise au point et de publicité.

La preuve de la création ne reposerait que sur deux factures au même client " insuffisantes à établir la création et l'identité du modèle ". Le préjudice subi par Yoni serait moral.

Sur ce, LA COUR qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel,

Considérant que la contrefaçon, pour être admise, suppose que soit apportée la preuve de la création antérieure ; qu'à défaut de preuve de la date précise de création, une divulgation antérieure telle qu'elle résulte d'une commercialisation de l'œuvre est une preuve suffisante si l'acquisition des droits n'est pas contentée ;

Considérant qu'en l'espèce O'Kiss produit uniquement deux copies de factures, la première du 13 juin 1986, la seconde du 31 juillet 1986, dont le destinataire serait C et A France portant l'une sur la vente de modèles " scooter 1440 pantalon 100% coton " à 82 F HT, l'autre sur la vente de modèles " scooter 805 pantalons 100 coton " à 94 F HT ; que si la différence de référence et de prix peut s'expliquer parce que le modèle existe en toile et en velours de coton, Yoni relève à juste titre que ces pièces unilatérales qui ne sont accompagnées ni par une commande de C et A, ni par une preuve du paiement des sommes prétendument dues, ni par un bon de livraison ni même par une attestation du client sur la réalité de l'opération et la structure des pantalons qui auraient été vendus sont insuffisantes pour prouver le fait contesté d'une création antérieure ; que faute d'apporter cette preuve qui lui incombe selon l'article 9 du NCPC, O'Kiss n'est pas fondée à reprocher à Yoni une contrefaçon, sans qu'il soit utile de rechercher si le modèle Scooter est susceptible de protection et s'il existe des ressemblances entre ce modèle et le modèle vendu par Yoni ;

Considérant, sur la concurrence déloyale, qu'O'Kiss ne peut utilement reprocher à Yoni de vendre à un prix moindre des copies serviles de sa production alors qu'en l'état des pièces mises aux débats il n'est pas possible de déterminer laquelle des deux sociétés a commercialisé la première et laquelle aurait imité la production de l'autre; que le grief de " comportement commercial parasitaire anormal " n'est donc pas fondé ; que dans la mesure où les écritures de O'Kiss seraient interprétées comme reprochant à Yoni une pratique de prix anormalement bas il convient de relever, avec le tribunal, qu'il n'existait pas d'écart significatif entre les prix (82 à 94 F HT pour O'Kiss et 90 F HT pour Yoni) qu'O'Kiss sera donc déboutée et conservera la charge de ses frais non taxables ;

Considérant, sur la demande reconventionnelle, que si, en raison de l'incertitude sur les dates respectives de création et /ou commercialisation des modèles en cause et de la [flagrante] parenté de ligne entre ces mêmes modèles, la demande d'O'Kiss ne peut être jugée abusive, non plus que son appel, il demeure que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce que l'équité commandait pour allouer une somme à Yoni au titre de l'article 700 du NCPC et qu'il est équitable de lui allouer une somme supplémentaire pour les frais non taxables devant la Cour ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du 11 janvier 1988 sauf en tant qu'il a admis l'antériorité de création et commercialisation par la société d'exploitation des établissements O'Kiss ; Réformant sur ce point, statuant à nouveau et ajoutant au jugement, Dit que l'appelante ne prouve pas une création ou commercialisation antérieure, La condamne à payer à la société Yoni une somme supplémentaire de six mille (6 000) francs au titre de l'article 700 du NCPC devant la Cour et les dépens d'appel, Autorise Maître Blin, avoué, à recouvrer ces dépens conformément à l'article 699 du NCPC, Déboute les parties de leurs autres demandes.