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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 27 septembre 1990, n° 88-17512

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bull (SA)

Défendeur :

TBS France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnefont

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

Me Lecharny, SCP Jobin

Avocats :

Mes Coste, Montagne.

TGI Bobigny, 5e ch. civ., du 28 juin 198…

28 juin 1988

Faits et procédure de première instance

Titulaire de plusieurs marques exactement décrites dans le jugement, la SA Bull, après saisie-contrefaçon opérée au Sicob sur le stande de la société TBS France, assignait celle-ci le 22 avril 1987 pour faire juger qu'elle avait porté atteinte auxdites marques et notamment commis des infractions aux dispositions de la loi du 31 décembre 1964 insérées dans les articles 422 et 422-1 du code pénal. Le grief de concurrence déloyale était également articulé.

Des mesures de protection et de réparation étaient sollicitées.

La défenderesse, concluant au débouté, demandait 50 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

Le jugement critiqué

Par son jugement du 28 juin 1988, le tribunal de grande instance de Bobigny, rejetant toutes autres demandes, a ordonné la restitution à TBS France de la cassette à ruban et de l'encrier saisie et a condamné Bull à lui payer 20 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

L'appel

Appelante du jugement par déclaration du 25 août 1988, Bull conclut à son infirmation en reprenant ses prétentions de première instance,

Intimée, TBS France prie la Cour de confirmer la décision attaquée en sollicitant toutefois 50 000 F de dommages-intérêts et 30 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

Qui pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties se réfère au jugement critiqué et aux écritures d'appel,

Considérant qu'il est constant que TBS France fabrique et commercialise des rubans pour imprimantes de toutes marques ainsi que l'encre nécessaire à l'encrage de ces rubans ; qu'elle place dans un boîtier son propre ruban substitué à celui qui doit être remplacé et introduit dans l'encrier, lorsqu'il est vide, une encre de sa propre fabrication qui, dans l'imprimante fonctionne, humecte le ruban TBS ; que le boîtier et l'encrier ayant été vendus par Bull, ils portent, moulées dans la matière, le premier la marque complexe Bull comprenant ce vocable et un arbre stylisé, le second la mention CII Honeywell Bull constituée des marques Bull et CII,

Considérant que dans sa critique du jugement, l'appelante conteste que l'activité de TBS soit celle d'un fournisseur d'accessoires car l'encre et le ruban sont des produits principaux sur lesquels sa marque a été apposée ; qu'elle soutient au surplus que l'exception écrite à l'article 422 du code pénal au bénéfice du fournisseur d'accessoires devant être strictement appliquée, seule la référence du type d'imprimante était nécessaire, le jugement ayant confondu l'indication de la destination avec l'utilisation des conditionnements d'origine Bull qui n'est pas licite ; que si le fournisseur d'accessoires peut et doit laisser substituer la marque d'origine, c'est à la condition de ne pas apporter au produit une transformation au point que celui-ci devienne autre que celui auquel la marque était destinée ce qui est en l'espèce le cas puisque les produits TBS sont vendus dans des conditionnements marqués Bull,

Considérant que si le ruban et l'encre qui l'imprègne sont indispensables au fonctionnement de l'imprimante, ils n'ont, de même que l'encre dans un stylo, d'autre utilité que celle d'être au service de l'appareil dont s'agit ; qu'ils sont donc bien des accessoires,

Considérant que le ruban et l'encre TBS prenant place respectivement dans un boîtier et un encrier marqués Bull il importe de constater que l'appelante n'est que l'un des constructeurs fort nombreux sur les matériels desquels intervient TBS ; que de surcroît certains de ces fabricants ont mis sur le marché des références qui se comptent par dizaines et dépassent parfois la centaine ; que dans ces conditions il est compréhensible que le fournisseur d'accessoires, au lieu de loger l'encre et le ruban dans des réceptacles produits par lui, utilise ceux d'origine,

Considérant que l'apposition des marques Bull n'étant pas comme on l'a vu, le fait de TBS, celle-ci n'a commis aucun acte de contrefaçon ; que s'agissant de l'usage sans autorisation de marque Bull, il s'impose de constater qu'il découle de ce que le client apporte à TBS des réceptacles marqués Bull en vue de leur recharge et qu'en conséquence il n'ignore pas que dans ces derniers il va trouver des produits TBS et non Bull ; que si TBS laisse substituer les marques Bull, on ne saurait le lui reprocher car cette attitude procède d'un respect desdites marques et non d'une intention d'en faire un usage contraire aux intérêts de leur titulaire ; qu'au demeurant, il résulte de ce qui précède que pour le client de TBS, la fonction distinctive du signe moulé sur les contenants ne s'applique plus aux contenus,

Considérant que la finalité essentielle des articles 422 et 422-1 du code pénal est la protection des consommateurs ; qu'ils visent à le préserver de toute erreur sur l'origine d'un produit ; que Bull est par suite mal fondé à s'en prévaloir pour incriminer les conditions dans lesquelles TBS commercialise des accessoires pour ses imprimantes,

Considérant qu'à la vérité les écritures de l'appelante laissent bien paraître que c'est la concurrence faite par TBS dans le domaine des accessoires qui est contestée dans son principe au motif que cette activité s'exerce sans respecter les spécifications posées par le constructeur pour la maintenance de l'appareil et que cela entraîne à des réparations coûteuses dont Bull est amené à supporter le coût pour des raisons commerciales,

Considérant qu'à l'appui de ses allégations Bull ne verse aux débats que des documents internes, de surcroît en nombre insignifiant, qui ne permettent pas d'établir la réalité de désordres pouvant être attribués à un quelconque fournisseur de rubans et d'encre, TBS en particulier,

Considérant d'autre part que la pratique par TBS de prix inférieurs n'est pas en soi critiquable ; que certes l'appelante prétend la relier à une qualité moindre qui reste toutefois à démontrer et qui sera, si elle est réelle, sanctionnée par le marché ; qu'enfin Bull propose une extension abusive du concept de parasitisme en reprochant à TBS de profiter de ses recherches et investissements pour écouler ses propres produits, un tel grief aboutissant à condamner toute fourniture d'accessoires par un fabricant autre que le constructeur qui s'assurerait ainsi une clientèle captive au mépris des principes de la liberté du commerce ; que l'action en concurrence déloyale n'est donc pas plus fondée que celle reposant sur l'atteinte aux marques,

Considérant que Bull étant déboutée de son appel et de toutes ses prétentions, il serait inéquitable de laisser à TBS la charge des frais non taxables exposés dans l'instance s'il n'y a pas lieu de lui allouer des dommages-intérêts pour abus de procédure ; qu'au titre de l'article 700 du NCPC, Bull sera condamnée à lui payer le montant justifié indiqué au dispositif absorbant la somme déjà accordée par le jugement,

Par ces motifs: et ceux non contraires des premiers juges, Déboute la société Bull de son appel et de toutes ses prétentions, Confirme le jugement, Condamne la société Bull à payer à la société TBS la somme de vingt mille (20 000) F absorbant celle déjà accordée par le jugement sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Dit que la SA Bull supportera les dépens de son appel, Admet Maître Lecharny, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.