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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 27 septembre 1990, n° 88-17276

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IDF Conseils (SA)

Défendeur :

Twelve Signs Incorporated (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnefont

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

SCP Bollet Baskal, Me Moreau

Avocats :

Mes Hoffman, Jaudon.

T. com. Paris, 2e ch., du 12 juill. 1988

12 juillet 1988

LA COUR : - Dans des circonstances relatées par les premiers juges la société Twelve Signs Incorporated (ci-après TS) et la société AGA avaient attrait la société IDF devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la cessation d'agissements qualifiés de concurrence déloyale et la réparation du préjudice en résultant. IDF avait opposé l'irrecevabilité et le mal fondé. Par son jugement du 12 juillet 1988 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs, la 2e Chambre de ce tribunal, retenant la concurrence déloyale, a condamné IDF à payer à TS et AGA une indemnité de 50.000 F et une somme de 8.000 F au titre de l'article 700 du NCPC à partager par moitié, et les dépens. Elle a interdit à IDF de continuer à offrir en vente des horoscopes dans la présentation incriminée et elle a autorisé les demanderesses à faire procéder à une saisie conservatoire de tous les rouleaux de l'horoscope Astrodamus. L'exécution provisoire était ordonnée et IDF était déboutée de sa demande reconventionnelle. IDF a relevé appel par déclaration du 8 août 1988 et saisi la Cour le 26 septembre 1988. AGA et TS ont banalement conclu à la nullité, l'irrecevabilité ou au mal fondé de l'appel puis en l'absence de toutes conclusions de l'appelante, plus de six mois après l'appel, elles ont formé appel incident demandant pour chacune d'elles une indemnité de 75.000 F. Elles ont sollicité que cette condamnation porte intérêts du jour du jugement. Elles ont demandé en outre une somme supplémentaire de 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, pour chacune d'elles. IDF a conclu à l'infirmation, au débouté et au paiement in solidum par les intimées d'une indemnité de 50.000 F pour procédure abusive et d'une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi que des dépens de première instance et d'appel. AGA et TS ont répliqué par les conclusions motivées de débouté et demandé, à titre additionnel, que les sommes allouées par application de l'article 700 du NCPC soient portées à 15.000 F pour chacune d'elles.

Par conclusions du 6 juin 1990, postérieures à l'ordonnance de clôture du 31 mai 1990, elles ont renoncé à demander le relèvement de l'indemnité allouée par le Tribunal.

L'argumentation des parties est la suivante :

IDF allègue que la présentation des produits (couleur, forme des présentoirs, matière, disposition des rouleaux, taille et couleur des rouleaux, contenu des rouleaux, prix) est différente. Elle relève que s'agissant de mensuels la distribution chez les marchands de journaux est nécessaire.

Elle soutient que la forme des rouleaux est fonctionnelle. Elle ajoute qu'AGA, qui n'est pas titulaire d'une marque, ne peut se plaindre d'une imitation de dénomination.

IDF n'aurait pas profité de la renommée du produit commercialisé par AGA et elle aurait aussi engagé des frais publicitaires importants. Monsieur Pieddeloup, ancien gérant d'AGA, serait parti en 1987 plus d'un an avant le lancement par IDF d'Astrodamus et il n'aurait rencontré les dirigeants d'IDF qu'alors que ceux-ci étaient sur le point de lancer leur horoscope. C'est à tort que le Tribunal aurait déclaré AGA recevable.

AGA et TS répondent que TS a concédé à AGA la distribution pour la France et les pays francophones d'un horoscope mensuel constituant une innovation commerciale sous la dénomination Astromois et entrepris une importante campagne publicitaire mais qu'IDF a postérieurement distribué un produit identique Astrodamus qui en reprend la présentation, le contenu, la dénomination et que cette réunion d'éléments de confusion ne peut être fortuite. IDF aurait bénéficié du savoir faire d'AGA grâce au concours de l'ancien gérant de celle-ci.

Sur ce, LA COUR, qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel ,

Considérant sur l'irrecevabilité que contrairement aux dispositions de l'article 954 alinéa 1er du NCPC, IDF, appelante, n'expose aucun moyen fondant cette prétention ; qu'au demeurant le Tribunal a relevé à juste titre que TS a concédé l'exploitation en France à un nommé Von Meks déclarant agir pour lui même et pour AGA (contrat du 2 avril 1986) ; que Von Meks, qui n'était pas le gérant d'AGA, a, par contrat du 9 septembre 1986, enregistré, concédé une sous-licence à AGA représentée par Monsieur Pieddeloup son gérant à l'époque (qualité confirmée par l'extrait K BIS mis aux débats) ;

Considérant d'autre part que bien que les intimées allèguent à tort qu'AGA avait déposé la marque Astromois alors que le déposant est Monsieur Von Meks, le problème soumis à la Cour comme au Tribunal n'est pas un problème de marque (ni de propriété artistique) mais de concurrence entre deux produits sur le marché français ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que AGA, dès 1986 a exploité sous la dénomination " Astromois, le petit rouleau qui en dit long " un produit connu en lui-même puisqu'il s'agit d'un horoscope mensuel dans une présentation qui sans être vraiment nouvelle, puisque les rouleaux sont la forme ancienne des livres, qui constituait néanmoins une innovation commerciale pour des horoscopes mensuels ;

Qu'avec pertinence le Tribunal a énoncé que cette forme des rouleaux commune aux deux produits n'était pas une nécessité technique mais qu'elle constituait une source certaine de confusion même si la couleur des rouleaux pouvait être différente ; que la forme quasi identique, à l'origine des deux présentoirs et leur dominante bleue ne pouvait qu'accroître la confusion ; que les changements opérés et la disposition des rouleaux dans les présentoirs ne diminuent pas la confusion, le produits recherché n'étant pas un présentoir mais un rouleau ; que le contenu est différent dès lors qu'il s'agit d'horoscopes dans l'un et l'autre cas et que ce contenu ne peut être connu qu'après achat et ouverture ; que le prix à supposer qu'il soit différent n'est pas un élément certain de discrimination ; que la dénomination évocatrice des deux produits qui comprend le radical Astro n'est pas de nature à éclairer le client d'attention moyenne qui sait que ce qu'il veut obtenir c'est un petit rouleau contenant un horoscope ; que la clientèle d'attention moyenne qui n'aurait pas les deux produits simultanément sous les yeux est susceptible de se tromper sur leur origine; qu'une telle erreur est encore susceptible de se produire même si les deux produits sont présentés côte à côte ;

Considérant qu'alors qu'un commerçant honnête doit faire en sorte de distinguer ses produits de ceux de la concurrence, IDF, consciente de l'innovation commerciale exploitée par AGA licenciée de TS, a délibérément adopté un comportement suiveur afin de tirer profit des efforts de son concurrent ; que ce comportement parasitaire a été justement qualifié par le Tribunal qui a fait une bonne appréciation du préjudice selon les éléments soumis à la Cour par les parties, observation étant faite que les conclusions du 6 juin 1990, postérieures à la clôture, sont d'office irrecevables par application de l'article 783 du NCPC et que le comportement parasitaire d'IDF demeure même si le rôle exact de Monsieur Pieddeloup n'est pas clairement établi ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1153-1 du Code civil les intérêts de l'indemnité au taux légal, courent à compter du prononcé du jugement du Tribunal ; qu'il n'y a en la cause aucun motif de déroger à cette règle de principe alors que la Cour entend confirmer ;

Considérant que les intimées ont été contraintes d'exposer devant la Cour de nouveaux frais non taxables ; qu'il est équitable de leur allouer une nouvelle somme à ce titre comme ci-après ;

Considérant qu'IDF, qui succombe en son appel, ne démontre pas que le comportement des intimées soit constitutif d'abus de droit ; qu'elle conservera ses frais non taxables ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du 12 juillet 1988, Dit d'office irrecevables les conclusions du 6 juin 1990, Ajoutant au jugement condamné la société IDF Conseils à payer : - à la société Twelve Signs Incorporated la somme de cinq mille (5.000) francs, - à la société AGA la somme de cinq mille (5.000) francs, le tout au titre de l'article 700 du NCPC devant la Cour, ainsi que les dépens d'appel et autorise Maître Moreau, avoué, à recouvrer conformément à l'article 699 du NCPC,Déboute les parties de leurs autres demandes.