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Décisions

CA Colmar, ch. corr., 25 juillet 1990, n° 685-90

COLMAR

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jurd

Conseillers :

M. Pfister, Mme Goyet

Avocats :

Mes Courteaud, Mendi.

TGI Mulhouse, ch. corr., du 27 févr. 199…

27 février 1990

Vu le jugement rendu contradictoirement le 27 février 1990 par le Tribunal Correctionnel de Mulhouse qui :

Sur l'action publique :

A déclaré P. Evelyne coupable de diffamation par voie de presse courant septembre 1989 à l'égard de S. Jacques,

En répression, l'a condamnée au paiement d'une amende de 10 000 F avec publication du jugement dans le périodique " Cuisine et Vins de France ", les journaux " L'Alsace " et les " Dernières Nouvelles d'Alsace " à ses frais,

Sur l'action civile :

A reçu S. Jacques en sa constitution de partie civile, et a condamné la prévenue à lui payer une somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts, et une autre de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

Vu l'appel interjeté le 8 mars 1990 par la prévenue,

Vu l'appel interjeté le 9 mars 1990 par le Ministère Public,

Sur l'action publique :

Attendu en premier lieu que le conseil de la prévenue renonce à la barre de la Cour à toutes les exceptions de forme soulevées en première instance,

Attendu en second lieu qu'il sollicite l'audition par la Cour en qualité de témoins des époux Pudlowski Gilles,

Attendu que s'il y a lieu de faire droit à cette requête, en ce qui concerne Pudlowski Gilles, auteur de l'article litigieux, il échet de la rejeter en ce qui concerne l'épouse de ce dernier, en l'absence de tout autre élément au dossier militant en faveur d'une telle audition,

Attendu que l'article dénoncé par S. Jacques exploitant le restaurant " Zum Sauwadala " à Mulhouse est paru dans le périodique " Cuisine et Vins de France " n° 452, de septembre 1989, sous le titre " Les assiettes de Gilles Pudlowski " ;

Attendu qu'il appartient à la Cour de rechercher si les avis émis par Pudlowski et reproduits dans le périodique précité reflètent un opinion fondée sur les éléments vrais et objectifs, et si d'autre part ces avis ont été présentés à la diffusion auprès du public en toute bonne foi ;

Attendu que l'article critique de façon incisive le fonctionnement et les prestations du restaurant exploité par le plaignant ,

- qu'à ce titre, l'auteur de l'article se borne à relater avec ses commentaires l'expérience d'un dîner dans ledit restaurant,

- qu'il s'agit là de l'avis donné par une critique gastronomique, donc empreint d'une inévitable subjectivité mais aussi d'une certaine autorité, s'agissant d'un critique renommé, ainsi que cela ressort des éléments du dossier ;

- que cet avis s'inscrit d'une part dans le cadre de compte-rendus périodiques de visites dans divers établissements de restauration, et, d'autre part, dans l'optique de la mise à jour annuelle d'un guide de ces établissements,

Attendu que pour le surplus, le plaignant reproche à l'article incriminé de contenir des erreurs quant aux prix pratiqués, quant à l'existence de personnel féminin, quant aux heures d'ouverture au public et enfin quant à la nature du sol de l'établissement ;

- qu'il produit au soutient de sa thèse divers documents, dont il convient d'observer immédiatement qu'ils sont postérieurs de plus d'un an à la date de visite des lieux par l'auteur, visite qui s'est déroulée à la mi 1988,

- que les documents produits, notamment les constats d'huissiers, portent sur la situation au courant du deuxième semestre 1989 ;

- que le plaignant n'apporte aux débats, en particulier sur la propreté des lieux fortement mise en cause dans l'article aucun élément contemporain de ladite visite du critique,

- qu'ainsi, l'inexactitude alléguée des éléments contenus dans l'article n'est pas établie au dossier,

Attendu pour le surplus qu'il n'est pas inutile de préciser que le périodique " Cuisine et Vins de France " et le critique Pudlowski Gilles ont procédé régulièrement à la révision à la hausse ou à la baisse des appréciations émises sur les divers restaurants en fonction de leur évolution propre dans le temps ;

Que l'article incriminé a ainsi fait suite à un article plus ancien, sensiblement plus favorable quant à son contenu sur le plaignant,

- que preuve est rapportée que d'autres établissements ont connu, quant à eux, une évolution positive ;

Attendu qu'il ressort ainsi de ces éléments que l'auteur a procédé à un travail de critique sans parti pris ni malveillance, n'hésitant pas à modifier au fil du temps ses appréciations de façon notable, afin d'informer au mieux les lecteurs et futurs consommateurs, et sans omettre de mentionner dans son article tous les éléments que le devoir d'objectivité commandait d'y insérer;

Attendu que dans ces conditions, il y a lieu d'entrer en voie d'infirmation du jugement déféré, les éléments constitutifs de l'infraction dénoncée n'étant à l'évidence pas réunis en l'espèce,

- qu'il échet en conséquence de prononcer la relaxe sans frais ni dépens de P Evelyne,

Sur l'action civile :

Attendu au vu des éléments développés précédemment que l'action civile de S. Jacques ne peut qu'être déclarée irrecevable devant la juridiction répressive,

Attendu pour le surplus que compte tenu de la bonne foi respective des parties il y a lieu de décharger ces dernières de tous frais et dépens qui resteront à la charge du Trésor Public ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré : Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Dit n'y avoir lieu à audition de Mme Pudlowski, Sur l'action publique : Faisant droit à l'appel de Mme P Evelyne ; Infirme le jugement déféré et toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau : Prononce la relaxe de Mme P., sans frais ni dépens, Sur l'action civile : Déclare irrecevable l'action civile de S. Jacques, Laisse les frais et dépens à la charge du Trésor Public, Le tout par application des articles 411, 470, 474, 475, 497, 498, 502, 509, 510, 511, 512 et suivants du Code de Procédure Pénale.