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Décisions

CA Lyon, 1re et 2e ch. réunies, 25 juin 1990, n° 2782-89

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Goguet (SA)

Défendeur :

Parfums Christian Dior (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge

Conseillers :

MM. Karsenty, Missol Legoux, Mmes Bailly, Martin

Avoués :

Mes Brondel, Tudela, Junillon, Wicky

Avocat :

Me Jousset.

T. com. Romans, du 20 févr. 1985

20 février 1985

Exposé du litige

La société anonyme Établissement Goguet, qui exploite avenue Victor Hugo à Valence (Drôme), un magasin de vente de vêtements et d'articles de sport, portant l'enseigne " Centre distributeur E. Leclerc ", a créé, au début de l'année 1984, un rayon de parfumerie destiné à distribuer des produits de grande marque.

Par jugement du 20 février 1985, le Tribunal de commerce de Romans, à la suite de l'assignation délivrée le 18 avril 1984 par la société anonyme Parfums Christian Dior contre la société Goguet, a statué dans les termes suivants :

" Condamne la société JL Goguet à payer à la société Christian Dior cinquante mille francs (50 000 F) de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice causé à celle-ci par les ventes de ses produits en dehors du circuit commercial de ses revendeurs agréés.

Fait interdiction à la société Goguet de mettre en vente des produits de la société Christian Dior jusqu'à ce qu'elle ait obtenu l'agrément de cette société et ce sous astreinte définitive de 1 000 F par infraction constatée.

Ordonne la publicité du dispositif du présent jugement dans deux journaux du choix de la demanderesse sans que le coût de cette publicité ne dépasse 15 000 F.

Condamne la société Goguet à payer à la société Christian Dior une indemnisation de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamne enfin à payer tous les dépens de l'instance. "

Sur appel interjeté par la société Goguet, la Cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 12 mai 1987, a statué en ces termes :

" Déclare non fondé l'appel formé par la SA Goguet.

L'en a débouté.

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Goguet dans l'opération de vente illicite des Parfums Christian Dior conduit à Valence au cours de l'année 1984, a fait interdiction à la société Goguet de mettre en vente les produits de cette marque sans agrément de la société Christian Dior mais sous astreinte provisoire de 1 000 F par infraction constatée, a ordonné la publication du dispositif du jugement dans deux journaux au choix de la société Christian Dior sans que le coût de cette publication dépasse 15 000 F et a condamné la société Goguet à payer à la société Christian Dior la somme de 15 000 F (quinze mille francs) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens.

Et y ajoutant sur l'appel incident :

Condamne la société Goguet à payer à la société Christian Dior la somme de 100 000 F (cent mille francs) à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F (cinq mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dit que dans la publication ordonnée par le tribunal le dispositif du présent arrêt sera substitué à celui du jugement.

Condamne la société Goguet aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct contre elle au profit de la SCP d'Avoués Perret, Pougnand conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. "

Statuant sur le pourvoi formé par la société Goguet, la Cour de cassation, par arrêt du 13 décembre 1988, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble et a renvoyé les parties devant cette cour.

La Cour de cassation a considéré que, en énonçant que la société Goguet ne rapportait pas la preuve de l'illicéité du réseau de distribution de la société Parfums Christian Dior et en se bornant à rappeler en partie les critères généraux posés par la jurisprudence pour que soit admise cette licéité, la Cour de Grenoble n'avait pas donné de base légale à sa décision dès lors que la société Parfums Christian Dior avait la charge de la preuve de la réalisation des conditions qu'implique la licéité du réseau de distribution sélective et que, compte tenu des actions concomitantes de plusieurs parfumeurs, il était nécessaire de rechercher si les contrats de cette société, appréciés dans leur ensemble, tout d'abord au regard du réseau et ensuite au regard des différents parfumeurs cités, remplissaient les conditions mises à cette licéité, indispensable pour démontrer les fautes de la société Goguet.

La Cour de cassation a encore estimé que, en énonçant que le réseau de distribution sélective était opposable à la société Goguet et que celle-ci avait commis des agissements déloyaux par les ventes sans être distributeur agréé, la Cour de Grenoble avait violé par fausses applications l'article 1382 du Code civil, le seul fait d'avoir commercialisé les produits ne constituant pas un acte de concurrence déloyale dès lors que l'irrégularité de leur acquisition n'était pas établie.

La société Goguet, appelante, conclut à l'infirmation du jugement et réclame 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle soutient que :

- la société Dior ne rapporte pas la preuve de la licéité du réseau de distribution sélective dont elle se prévaut ;

- à supposer établie cette licéité, les conventions entre la société Dior et ses distributeurs agréés ne sont pas opposables à la société Dior et ses distributeurs agréés ne sont pas opposables à la société Goguet dont la responsabilité ne pourrait être recherchée que sur le terrain délictuel à la condition que soit faite la démonstration d'un comportement déloyal ayant consisté à aider sciemment un des cocontractants de la société Rochas à enfreindre ses obligations, ce dont il résulterait la preuve, aucunement rapportée en l'espèce, d'un approvisionnement illicite.

La société Parfums Christian Dior, intimée et appelante incidente, prie la Cour de :

" Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le fait pour la SA Etablissements Goguet d'avoir mis en vente des produits Parfums Christian Dior constituait des actes de concurrence déloyale.

Recevoir la SA Parfums Christian Dior en son appel incident.

L'y dire bien fondée.

Condamner la SA Etablissements Goguet à payer à la SA Parfums Christian Dior la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts.

La condamner à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Junillon-Wicky. "

Elle fait valoir que :

- elle est en mesure d'établir la licéité de son réseau de distribution sélective tant au regard du droit interne français que du droit communautaire ; les obligations réciproques stipulées avec ses distributeurs agréés n'ont d'autre finalité que la valorisation de la marque et la fourniture d'un meilleur service au consommateur ; la liberté des distributeurs est entière de commercialiser des produits d'autres marques et de fixer les prix de vente des produits Dior ; les distributeurs sont choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif et sans limitations quantitatives injustifiées ; dans le secteur de la parfumerie de luxe, la concurrence est intense qui oppose un grand nombre d'entreprises dont aucune ne détient une part très forte du marché ;

- l'étanchéité du réseau de distribution sélective entraîne présomption d'acquisition irrégulière ; dès lors, la société Goguet doit démontrer la régularité de son acquisition ; elle se fournit nécessairement sur le marché parallèle qu'elle contribue à créer en incitant, par le procédé d'offres d'achat dans la presse, les distributeurs agréés à violer leurs obligations ; acquérant les produits d'une façon illicite, par l'intermédiaire de " sociétés écran ", telle que la société Becklodge, elle commet des agissements parasitaires caractéristiques de concurrence déloyale ;

- le fait de vendre un produit portant la mention "ne peut être vendu que par des distributeurs agréés " constitue un acte de publicité mensongère.

Sur ce dernier point, la société Goguet réplique que, s'il était démontré que les produits Dior présentaient cette mention, il n'est établi ni que le consommateur ait pu en prendre connaissance ni qu'elle ait été un facteur déterminant dans sa démarche.

Motifs de la décision

Sur la licéité des contrats de distribution sélective :

Attendu qu'il incombe à la société Dior, qui invoque une dérogation au principe de la libre concurrence, de rapporter la preuve de la licéité de son réseau de distribution sélective au regard des dispositions des articles 50 et 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 85 du traité de Rome ;

Attendu que l'analyse des pièces contractuelles produites, contrat de distributeur agréé et conditions générales de vente, montre que le contenu des obligations réciproques procède du souci de valoriser la marque et d'assurer un meilleur service au consommateur:

- à la charge du distributeur : obligation de procéder à la vente exclusivement à l'adresse du magasin agréé, interdiction d'y mettre en vente des marchandises susceptibles de déprécier l'image de marque Dior, obligation de disposer d'un service de conseil et de démonstration suffisant, engagement de ne vendre les parfums Dior qu'au détail et, à des consommateurs directs (sauf incidence de l'exception CEE) qui, au travers des frontières prévoit la possibilité de cession entre distributeurs agréés de la marque), obligation de détenir à tout moment un stock outil correspondant à des critères précis et suffisamment représentatif de chaque gamme de produits (2/3 des références effectivement commercialisées dans chaque gamme), engagement de présenter des produits toujours en parfait état de fraîcheur (les produits défraîchis, périmés ou altérés devant être soit détruits soit repris par Dior), obligation d'assurer une rotation des stocks selon des critères précis, engagement de détenir les nouveautés mises sur le marché par Dior ;

- à la charge de la société Dior : mise à la disposition de tout le matériel et de l'assistance publicitaire sur le lieu de vente, engagement de ne livrer que les distributeurs agréés remplissant les conditions requises et de retirer la marque des points de vente qui ne rempliraient plus ces conditions ;

Attendu que l'analyse des mêmes pièces ne révèle aucune stipulation de nature à limiter la liberté des distributeurs de fixer leur prix de revente;

Attendu que les distributeurs agréés sont choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif : qualification professionnelle du distributeur, aspect extérieur du point de vente, service de conseil et de démonstration, aménagement du magasin;

Attendu que les critères de limitation quantitative du nombre d'ouvertures de points de vente se justifient tant par des raisons économiques, tel que le potentiel des ventes, que par l'intérêt du consommateur, ces deux aspects étant appréciés dans le cas de la zone de chalandise concernée; que cette sélection quantitative a pour objet d'éviter un éparpillement des points de vente tant en raison du coût élevé de la publicité sur le lieu de vente que pour contrôler, dans l'intérêt du consommateur, la qualité de la distribution ; que la société Dior établit une liste d'attente chronologique au niveau de chaque département de façon à éviter toute discrimination injustifiée dans le choix des candidats distributeurs ;

Attendu, par ailleurs, que les renseignements fournis par la société Dior révèlent que le marché européen de la parfumerie de luxe est soumis à une vive concurrence entre marques qui existent en grand nombre et dont aucune n'a pu s'assurer une part prépondérante du marché; qu'en 1985, le marché spécifique des produits de parfumerie et de cosmétiques de luxe était fourni par une centaine de producteurs en Europe ; que les quinze premières marques se partageaient environ 71 % des ventes de parfums sans que l'une d'elles dispose d'une part sensiblement supérieure à la précédente dans le classement par ordre décroissant des parts de marché ; que des études faites à long terme démontrent qu'aucune marque n'est parvenue durablement dans le temps à accroître sa part de marché et ce alors que le classement entre différentes marques ne cesse de se modifier au cours du temps ; que, durant la période 1980/1985 et dans le classement des dix premiers, sont entrés Lancôme, Givenchy, Paco Rabanne et sont sortis Laroche, pourtant premier en 1980, Lanvin et Revlon ; que, si la France, grâce à l'image qu'elle donne de ses produits de luxe, exporte près de 50 % de sa production, la RFA, l'Italie et le Royaume Uni sont également exportateurs de produits cosmétiques et de parfums dans le domaine du luxe ;

Attendu, enfin, que la société Dior verse aux débats la lettre reçue le 26 décembre 1974 de la Commission des Communautés Européennes qu'il importe de reproduire in extenso :

" La SA Parfums Christian Dior a organisé en France et dans les autres pays de la CEE un réseau de distribution sélective caractérisé par la présence d'un nombre limité de détaillants agréés.

Cette organisation de vente repose sur le contrat-type de concession exclusive conclu par Dior avec ses agents généraux dans les divers pays de la CEE, et sur les contrats de distribution uniforme conclus par ces derniers et par Dior avec leurs détaillants agréés dans leur territoire respectif.

Le contrat-type de concession exclusive de vente ainsi que les contrats de distribution uniformes contenaient des dispositions considérées par la Commission comme incompatibles avec l'article 85 du traité de Rome. Il s'agissait en particulier des dispositions visant à empêcher les détaillants agréés de revendre et d'acheter les produits Dior à des agents généraux ou à des détaillants agréés des autres pays de la CEE, ainsi que de l'obligation qui leur était faite de respecter les prix imposés, même pour les produits Dior qu'ils réimportaient ou réexportaient dans le marché commun. C'est pourquoi des griefs ont été communiqués à votre société le 24 juillet 1972 en application de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17. A la suite de cette communication, votre société a modifié les contrats qui concrétisent son organisation de vente dans la CEE de telle manière que les détaillants agréés sont désormais libres de revendre ou d'acheter les produits Dior à n'importe quel agent général ou détaillant agréé établi dans la CEE ainsi que de fixer leurs prix de vente lorsqu'il s'agit de produits réimportés ou réexportés en provenance ou à destination des autres pays du marché commun.

J'ai l'honneur de vous informer que, dans ces conditions, étant donné la faible part que votre société détient dans chacun des pays de la CEE sur le marché des produits de parfumerie, de beauté et de toilette et la présence sur ce marché d'un nombre assez élevé d'entreprises concurrentes d'importance comparable, et parce que les liens financiers qui unissent votre société au groupe Moët-Hennessy ne paraissent pas, en l'espèce, de nature à influer le volume de votre chiffre d'affaires pour les produits en cause, la Commission estime qu'il n'y a plus lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d'intervenir à l'égard des contrats précités en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité de Rome. Cette affaire peut, dès lors, être classée.

J'attire toutefois votre attention sur le fait que la Commission veillera attentivement à ce que l'admission de détaillants qualifiés dans votre réseau de distribution sélective ou leur exclusion de celui-ci ne se fasse pas de manière arbitraire et ne constitue pas un moyen détourné de faire échec à la liberté d'échanges entre distributeurs agréés. "

Attendu qu'il découle de tout ce qui précède que la société Dior rapporte la preuve de la licéité de son réseau de distribution sélective;

Sur les agissements de concurrence déloyale reprochés à la société Dior :

Attendu que si, conformément à l'article 1165 du Code civil, les conventions entre la société Dior et ses revendeurs ne sont pas opposables à la société Goguet, il demeure que le réseau de distribution sélective, reconnu licite, ne doit pas être battu en brèche par des procédés fautifs ;

Attendu qu'il incombe à la société Dior de rapporter la preuve des agissements déloyaux qu'elle invoque et notamment du caractère irrégulier de l'acquisition des produits commercialisés ;

Attendu qu'il est versé aux débats trois annonces par voie de presse publiées en janvier et février 1984 dans le quotidien italien Corriere della Sera, dans l'International Herald Tribune et dans un journal hollandais proposant, à la demande de la société Galec, qui se présente comme le premier groupe français de distribution, d'acquérir des produits de parfumerie de grandes marques ;

Que si le nom de Dior ne figure pas parmi les treize marques citées, l'offre d'achat concerne néanmoins les produits de ce fabricant puisque les noms mentionnés ne le sont qu'à titre indicatif comme en témoigne l'emploi de trois points après le nom de la treizième et dernière marque citée, Jacques Fath ;

Qu'un tel procédé, contraire à tous les usages commerciaux, avait pour objet délibéré d'inciter les distributeurs agréés, auxquels s'adressaient nécessairement les offres d'achat, à violer leurs obligations contractuelles ;

Attendu que les offres émanent de la société Galec (Société Coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc) et que la société Dior verse aux débats une facture, concernant des produits de sa marque, émise le 30 janvier 1984 par la société Becklodge Limited au nom de la société Siplec (société d'importation pétrolière Leclerc) ; qu'elle produit encore une facture émise par la société Siplec au nom des établissements Goguet et concernant divers parfums dont une part importante de parfums Dior ;

Attendu qu'il est ainsi établi que les produits Dior commercialisés par la société Goguet, dans son magasin portant l'enseigne " Centre distributeur E. Leclerc ", ont été fournis par la société Siplec qui les a acquis de la société Becklodge Limited ;

Que des indications figurant sur la facture, il apparaît que la société Becklodge Limited a son siège à Londres mais que son adresse n'est suivie ni d'un numéro de téléphone, ni d'un numéro de télex ;

Que la société Goguet ne contredit pas la société Dior lorsqu'elle qualifie cette société étrangère de " société écran ", sans réalité économique, créée artificiellement pour masquer l'identité du véritable fournisseur des produits ;

Qu'au reste, la société Dior a fait procéder à une enquête, dont les éléments sont versés aux débats, d'où il résulte que la société Becklodge Limited a été enregistrée le 21 juin 1983 avec pour administrateurs des personnes domiciliées à Jersey qui ont donné leur démission dès le 21 juin 1983 pour être remplacée par une société dite " Chalk Farm Secretaries Limited " ; que les documents déposés au greffe du tribunal de commerce le 25 janvier 1985 pour l'exercice arrêté le 31 décembre 1983 révèlent que la société n'a réalisé aucune opération en 1983, ne possède aucun revenu et n'a fait aucune dépense, le seul article du bilan étant le capital de 1000 livres sterling ; qu'aucun document n'a été déposé pour l'année 1984 ; que le siège social situé 100 Chalk Farm Road à Londres est une adresse d'enregistrement où la société n'emploie aucun personnel et ne se livre à aucune activité ;

Attendu que le procédé utilisé par la société Galec pour la recherche des marchandises et les précautions prises par la société Siplec pour les acquérir impliquent que l'approvisionnement de la société Goguet s'est fait en violation du réseau de distribution sélective de la société Dior dont un ou plusieurs revendeurs agréés ont enfreint leurs obligations contractuelles;

Qu'il s'ensuit que des agissements de concurrence déloyale sont imputables à la société Goguet qui, étroitement liée au Groupe Leclerc, a reçu l'approvisionnement en toute connaissance de cause;

Attendu que la société Dior voit aussi un acte de concurrence déloyale dans le fait d'avoir mis en vente des produits dont le conditionnement portait la mention " ne peut être vendu que par des distributeurs agréés " ;

Que l'existence de cette mention, qui figure sur tous les produits de parfumerie vendus selon le mode de la distribution sélective, ne peut être sérieusement discutée en ce qui concerne Dior ;

Que tout client était en mesure d'en prendre connaissance en examinant la marchandise proposée ;

Que, s'il est vrai que la motivation première d'un client en quête d'un produit Dior dans un magasin à l'enseigne Leclerc est la recherche d'un prix avantageux, il reste que la mention usurpée par la société Goguet est de nature à favoriser la vente en rassurant entièrement sur l'authenticité et la fraîcheur de la marchandise;

Attendu, ainsique d'autres agissements déloyaux doivent être retenus à la charge de la société Goguet;

Sur les demandes de la société Dior :

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a, expressément ou implicitement, admis la licéité du réseau de distribution sélective de la société Dior et retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société Goguet ;

Attendu que, compte tenu de l'importance et de la durée des agissements frauduleux de concurrence déloyale, le tribunal a exactement évalué à 50 000 F le montant des dommages-intérêts ;

Attendu que dans le dernier état de ses écritures la société Dior ne conclut à la confirmation du jugement qu'en ce qu'il a retenu que le fait de vendre ses produits constituait des actes de concurrence déloyale ; qu'elle ne sollicite donc pas la confirmation des dispositions relatives à l'interdiction de vente, à la publication et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, comme il serait inéquitable de laisser supporter à la société Dior les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer, la société Goguet sera condamnée à lui payer la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement en ce qu'il a admis la licéité du réseau de distribution sélective de la société Parfums Christian Dior, en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société Établissements Goguet et en ce qu'il a condamné la société Goguet à payer à la société Dior la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ; Le réforme pour le surplus ; Condamne la société Goguet à payer à la société Dior la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec, pour les seconds, droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Junillon-Wicky.