CA Paris, 4e ch. B, 21 juin 1990, n° 88-011256
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cinq sur Cinq (SARL)
Défendeur :
Cinq sur cinq (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnefont
Conseillers :
MM. Gouge, Audourd
Avoués :
SCP Duboscq Pellerin, Me Pamart
Avocats :
Mes Mauriac, Friede
LA COUR : - Dans les circonstances relatées par les premiers juges la Sté 5 sur 5 avait attrait la société Cinq sur Cinq devant le Tribunal de Commerce de Paris afin d'obtenir que 5 sur 5 soit condamnée, sous astreinte, à mettre fin à l'imitation de la dénomination sociale et de l'enseigne 5 sur 5 et à détruire tous les documents portant la dénomination sociale imitante, à payer une indemnité de 50 000 F et une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Cinq sur Cinq s'était opposée à cette demande et avait formulé des prétentions reconventionnelles au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par son jugement du 14 avril 1988 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs, la 9e chambre de ce tribunal, constatant qu'il y avait concurrence déloyale a ordonné à Cinq sur Cinq, sous astreinte, de modifier sa dénomination sociale et de détruire tous documents ou produits " portant le sigle 5 sur 5 en chiffres ou en lettres ", a condamné Cinq sur Cinq à payer à 5 sur 5, une indemnité de 25.000 F, une somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens.
Cinq sur Cinq a relevé appel par déclaration du 10 mai 1988 et saisi la cour, le 23 juin 1988. Elle a conclu, sous la dénomination Cinq sur Cinq communication, à ce que 5 sur 5 soit déclarée irrecevable et mal fondée, et qu'elle soit condamnée à payer une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel. 5 sur 5 a conclu à l'irrecevabilité ou au mal fondé de l'appel, à la confirmation sur le principe des condamnations prononcées et, par voie d'appel incident à la condamnation de Cinq sur Cinq à lui payer une indemnité de 80.000 F, une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel. Cinq sur Cinq Communication a répliqué.
L'argumentation des parties est la suivante.
Cinq sur Cinq allègue que sa bonne foi est avérée, que l'objet social des parties est très différent et que si les actions des deux sociétés " peuvent être complémentaires " elles sont autonomes et ne mettent pas en jeu les mêmes moyens et finalités ; que d'ailleurs 5 sur 5 ne figure pas sur l'annuaire des " cabinets de RP et corporate " car elle ne s'occuperait que de communication au sens technique du terme. De plus le risque de confusion serait " d'autant plus inexistant " que, depuis 1988, Cinq sur Cinq s'occupe exclusivement des relations publiques des sociétés du secteur propreté de la Compagnie Générale des Eaux.
5 sur 5 répond qu'elle poursuit , depuis l'été 1983 son activité sous la même dénomination et que la dénomination, postérieure en date, de Cinq sur Cinq imite servilement la sienne. L'appelante ferait une analyse volontairement erronée de l'activité de l'intimée. Elle n'aurait aucune activité de fabrication ou de fourniture de matériel. Son activité d'étude, conception, organisation de spectacles, manifestations exceptionnelles aurait pour ses clients un objet ou un impact essentiel et déterminant de relations publiques. Il y aurait donc complémentarité et similitude d'activités apparaissant au niveau du code APE , l'adjonction de " communication " serait inopérante et la confusion aurait été reconnue par le Conseil de Cinq sur Cinq.
Sur ce, LA COUR,
Qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel.
Considérant que la dénomination sociale étant le nom qui individualise une personne morale dans l'ensemble de son existence et de son activité comme le patronyme individualise la personne physique, ce signe, lorsqu'il est constitué par une dénomination de fantaisie distinctive est protégé contre toute usurpation ;
Considérant qu'en l'espèce l'appelante ne conteste pas le caractère arbitraire du signe 5 sur 5 pour désigner l'activité de l'intimée ; qu'elle le pourrait d'autant moins que seul un jeu de mots, par référence au vocabulaire des Transmissions, permet d'en comprendre le sens ;
Considérant qu'à juste titre les premiers juges ont reconnu la quasi-identité des deux signes en présence, la substitution des lettres aux chiffres étant insuffisante à les distinguer;
Considérant que l'adjonction du vocable Communication, terme essentiellement descriptif, est inopérante; qu'en effet cette adjonction a pour seul effet de rattacher l'activité de communication au signe distinctif et, par suite à la société qui en est titulaire sans faire perdre au signe distinctif son caractère attractif propre ;
Considérant qu'il convient de ne pas se limiter à l'objet social, tel qu'il figure à l'extrait K BIS du Registre du Commerce, mais, s'agissant de rechercher si une confusion est préjudiciable est concevable, de s'attacher à l'activité réellement exercée par les parties ;
Considérant que par ses productions 5 sur 5 prouve qu'au sein d'un groupe qui la réunit à d'autres sociétés son activité propre n'est pas la fabrication ou la fourniture de matériel technique mais la " conception - réalisation production " d'événement-spectacles médiatiques destinées à assurer les communications intérieures et extérieures d'entreprises, d'organisations (lancement de la 405 Peugeot au Zénith en 1987, festival de la Mode du Trocadéro octobre 1987, concert de Jean-Michel Jarre à Houston 1986, etc.) ;
Considérant qu'il importe peu dès lors que 5 sur 5, à la différence de Cinq sur Cinq ne figure pas sur l'annuaire ces Conseils en relations publiques ou que Cinq sur Cinq se limite à la clientèle de la Compagnie Générale des Eaux ;
Considérant en effet que pour toute personne moyennement informéeles activités des deux sociétés relèvent de la communication et il n'est pas possible d'exclure que l'une soit une filiale ou un département de l'autre ; que le risque de confusion est certain ;
Considérant que la bonne foi alléguée de Cinq sur Cinq n'est pas exclusive d'une imprudence ou d'une négligence ; qu'il importait en effet qu'avant de choisir cette dénomination l'appelante fasse procéder à une recherche étendue au Registre du Commerce , la protection de la dénomination sociale n'étant pas limitée par le principe de spécialité ;
Considérant que compte tenu de cette négligence, préjudiciable en raison du risque de confusion, commise par la société seconde en date, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu sa responsabilité;
Considérant que faute d'élément nouveau il n'y a pas lieu d'accroître le montant de l'indemnité ; qu'en revanche il est équitable d'élever la somme allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au montant ci-après ; que Cinq sur Cinq qui succombe conservera ses frais non taxables ;
Par ces motifs : Confirme le jugement du 14 avril 1988 sauf le montant des frais non taxables. Réformant sur ce seul point statuant à nouveau et ajoutant au jugement. Dit que la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est portée à 10.000 F. Condamne la société Cinq sur Cinq Communication aux dépens d'appel. Autorise Maître Rémi Pamart à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Déboute les parties de leurs demandes.