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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 7 juin 1990, n° 89/006200

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Parisienne de Restauration

Défendeur :

La Tour D'Argent (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnefont

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Narrat-Peytavi

Avocats :

Mes Vaillant, Danet.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 25 janv…

25 janvier 1989

Faits et procédure de première instance :

Dans le cadre des travaux nécessaires à l'édification à Paris d'un nouvel Opéra, était exproprié l'immeuble sis 4/6 Place de la Bastille où Maurice Solignac exploitait un fonds de commerce de restauration-brasserie à l'enseigne " La Tour d'Argent ".

A la suite d'un compromis de vente d'un immeuble à construire intervenu le 1er février 1985 entre Solignac et l'Etablissement public de l'Opéra de la Bastille et de la constitution le 19 août 1986 d'une SA dont le capital était réparti entre Solignac et des membres de sa famille et qui, dénommée Compagnie Parisienne de Restauration (CPR), avait notamment pour objet toute activité se rapportant à la restauration, allait s'ouvrir Place de la Bastille fin 1986 un restaurant à l'enseigne " La Tour d'Argent ".

Mais celle-ci était aussi utilisée par un restaurant de renommée internationale exploité Quai de la Tournelle à Paris par la société " La Tour d'Argent ", titulaire de plusieurs marques dénominatives " La Tour d'Argent " et " Caves de la Tour d'Argent " dont les premiers dépôts remontent aux environs de 1960 et qui se présente comme l'ayant cause de propriétaires d'un fonds de commerce dont la notoriété est établie pour le moins depuis 1845 sous l'enseigne " La Tour d'Argent ".

Le 14 décembre 1987, la société " La Tour d'Argent " assignait la Compagnie Parisienne de Restauration en contrefaçon, à tout le moins usage illicite ou imitation frauduleuse de marque, atteinte aux droits sur le nom commercial et l'enseigne et concurrence déloyale.

L'acte introductif d'instance, reprochant à la défenderesse des agissements parasitaires, énonçait que le comportement ainsi incriminé ne saurait trouver la moindre justification dans la tolérance accordée en 1932 par Terrail, père de l'actuel Président directeur général de la société La Tour d'Argent, à Justin Solignac, père de Maurice, le commerce de cafetier de ce dernier n'ayant aucun rapport juridique et aucun lien quant à la clientèle avec le restaurant important et luxueux qui tire à lui le renom acquis par l'établissement du Quai de la Tournelle depuis des décennies.

Des mesures de protection et de réparation étaient sollicitées.

S'opposant à toutes les prétentions de la demanderesse, la CPR invoquait l'antériorité de l'enseigne " A La Tour d'Argent " portée par l'établissement de la Bastille depuis le 17ème siècle au minimum et sans interruption.

Prétendant être aux droits de Maurice Solignac et de ses prédécesseurs, affirmant que l'enseigne lui avait été transmise, elle soutenait que dans le protocole d'accord de 1932, Justin Solignac avait été expressément autorisé à exploiter sous l'enseigne " A La Tour d'Argent " un établissement destiné à la restauration en s'engageant toutefois à ne pas utiliser le mot " restaurant " et que la demanderesse ne pouvait sans mauvaise foi lui reprocher d'avoir transformé l'enseigne " A La Tour d'Argent " par " La Tour d'Argent " alors qu'elle même avait changé l'enseigne " Restaurant de La Tour d'Argent " en " La tour d'Argent ".

Concluant au débouté, elle réclamait 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dans sa réplique, la demanderesse faisait remonter l'enseigne du restaurant du Quai de la Tournelle à 1582.

Le 23 novembre 1988, le Tribunal de grande instance de Paris rendait un jugement ordonnant la réouverture des débats au motif que de nouveaux documents avaient été produits pendant le délibéré.

Les parties demeuraient sur leurs positions.

Le jugement critique :

Par son jugement du 25 janvier 1989, le Tribunal a entre autres dispositions :

- dit la société La Tour d'Argent bien fondée en ses demandes en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale,

- fait interdiction à la SA Compagnie Parisienne de Restauration d'utiliser à titre quelconque l'appellation La Tour d'Argent ou tout autre appellation dans laquelle entreraient les mots La Tour d'Argent et ce sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée à compter du jour où le jugement sera définitif,

- condamné la Compagnie Parisienne de Restauration à payer à la société La Tour d'Argent la somme de 500 000 F en réparation du préjudice subi depuis le 8 décembre 1986,

- ordonné la publication du jugement dans trois journaux au choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse sans que le coût total de ces insertions excède 45 000 F.

L'appel :

Un appel a été déclaré le 21 février 1989 par la Compagnie Parisienne de Restauration.

La société La Tour d'Argent, intimée, a conclu la première, priant la Cour d'écarter des débats des pièces communiquées tardivement ou non régulièrement communiquées, de rejeter comme moyen de preuve au profit de la CPR ses livres de comptabilité tenus irrégulièrement et de constater que l'acquisition de l'enseigne alléguée par l'appelante est entachée de fraude et de caractère délibérément parasitaire, d'ajouter au jugement dont confirmation est demandée par elle en liquidant l'astreinte prononcée par le Tribunal à la somme minimale de cinq millions de francs du fait de centaines d'infractions constatées à compter du 14 février 1989, date de la signification du jugement, de porter à 20 000 F l'astreinte par infractions constatées à compter de l'arrêt, de condamner la CPR à lui payer la somme supplémentaire de un million de francs en réparation du préjudice subi depuis le 14 février 1989 et 50 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Très subsidiairement , si la CPR devait être considérée comme l'ayant droit de Solignac, elle demande qu'en raison de la violation de l'engagement pris le 16 juin 1932 par Justin Solignac envers André Terrail, la Cour constate la résolution de fait de l'accord précité et fasse défense à la CPR d'utiliser à quelque titre que ce soit le groupe de mots " La Tour d'Argent " et associé directement ou indirectement à ce dernier l'emblème d'une tour.

L'appelante a conclu le 15 février 1990 à l'infirmation de la décision attaqué en priant la Cour de lui allouer un million de francs pour procédure abusive, 150 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et d'ordonner la publication de l'arrêt.

Dans de nouvelles écritures du 19 février 1990, l'intimée a maintenu ses prétentions s'agissant notamment de pièces à écarter des débats.

En réplique, les conclusions de la CPR du 22 février 1990, en réfutant les arguments de procédure de l'intimée, n'ont rien modifié quant au fond.

Dans d'ultimes écritures du 7 mars 1990, la société La Tour d'Argent demande de rejeter en toute hypothèse les documents insincères et établis pour les besoins de la cause de la CPR

Sur le respect du contradictoire :

Considérant que la production de pièces nouvelles en appel de la CPR, quoique survenue à une date peu éloignée de la clôture, n'a pas empêché l'intimée d'en faire une analyse suffisante, d'en relever le caractère fantaisiste ou contradictoire et d'apporter aux prétentions de l'adversaire la réplique estimée par elle opportune ;

Qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats lesdites pièces dont la communication n'a pas violé le principe du contradictoire ;

Sur les atteintes aux droits de la société La Tour d'Argent sur ses marques :

Considérant que la marque confère à son titulaire sur le signe déposé un droit privatif de caractère réel opposable à tous sur le territoire national ;

Considérant que l'établissement ouvert en 1986 à la Bastille étant indiscutablement un restaurant, deux voies s'offraient à la CPR pour combattre le grief de contrefaçon ;

ou bien opposer à la validité des dépôts invoqués l'indisponibilité du signe tant à l'antériorité prétendue de sa propre enseigne,

ou bien ne tirer de cette antériorité qu'une revendication à un droit pour cette enseigne à coexister avec les marques litigieuses en échappant à l'effet erga omnes ;

Considérant que la CPR a opté pour le second terme de l'alternative, ses écritures ne contenant aucune demande en nullité des marques de l'intimée et ne contestant pas la disponibilité des dénominations déposées ; que ses prétentions à coexistence s'appuient non seulement sur l'ancienneté de son enseigne mais encore sur le protocole de 1932 ;

Considérant que les éléments d'ordre historique fournis en vue de déterminer où et quand l'enseigne " La Tour d'Argent " est apparue pour la première fois à Paris, pour intéressants qu'ils soient, ne doivent pas faire perdre de vue l'aspect strictement juridique du débat ; qu'il incombe à chacune des parties d'établir que le droit exercé sur l'enseigne à ses débuts se relie au sien par une chaîne ininterrompue d'actes translatifs ;

Que de plus, l'enseigne étant un signe distinctif ne peut faire l'objet d'une protection que dans le domaine d'activité de l'entreprise qu'elle localise ; qu'il suit de là que le passé de l'enseigne n'est pertinemment invocable dans le présent débat que dans la mesure où elle a désigné un restaurant ;

Considérant que, comme le Tribunal l'a justement noté, l'existence d'un restaurant " La Tour d'Argent " 17 Quai de la Tournelle est démontrée pour le moins à compter du 13 juin 1845 ; qu'à la suite de ventes successives dont la première remonte à 1866, le fonds de commerce est entré dans le patrimoine de André Terrail qui l'a apporté à la société La Tour d'Argent le 8 décembre 1939 ;

Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que le 9 mars 1914, Justin Solignac, bénéficiaire d'une promesse de vente du fonds de commerce exploité 6 Place de la Bastille par les époux Hidriche, a déposé à la préfecture une déclaration manifestant l'intention d'y ouvrir un débit de boissons à consommer sur place alors que les promettants n'y exerçaient que le commerce de vins à emporter ; que dans l'acte de vente du 7 juillet 1914, il n'était question que d'un fonds de commerce de vins, Hidriche y déclinant la profession de marchand de vins ; que le changement opéré par J. Solignac dans la destination du fonds à partir de son entrée dans les lieux a il est vrai été ratifié par les propriétaires des murs car si l'acte de prorogation de bail du 22 janvier 1920 énonçait l'interdiction faite aux époux Solignac d'exercer un commerce autre que celui de marchand de vins, il était toutefois indiqué que celle d'établir des tables à l'extérieur des lieux loués était " aujourd'hui levée " et que les bailleurs ne feraient pas obstacle à la demande que les preneurs adresseraient à l'autorité compétente pour l'établissement d'une terrasse ;

Qu'ainsi est-il clair que Justin Solignac a, avec l'accord au moins a postériori des bailleurs, transformé en café un fonds de commerce de vins à emporter ; que la suite des événements peut être reconstituée à la lecture de l'accord de juin 1932 ; qu'a l'évidence, comme nombre de cafetiers parisiens, J. Solignac n'avait pas tardé à proposer à sa clientèle une restauration simple ; que Terrail, alors exploitant de l'établissement du Quai de la Tournelle n'aurait pas trouvé sujet à s'en émouvoir si Solignac, s'enhardissant, n'avait franchi un pas de plus en utilisant le mot " restaurant " tant sur son enseigne que sur des papiers commerciaux ; qu'en se désistant de son action en concurrence déloyale, Terrail faisait reconnaître sa prétention à la propriété exclusive sur la dénomination " La Tour d'Argent " destinée à l'usage d'un commerce de restaurant alors que l'enseigne de la Bastille ne pourrait couvrir que le commerce de cafetier ; que dans un esprit dénué d'intransigeance, Terrail voulait bien admettre que Solignac n'avait pas agi de mauvaise foi et acceptant même qu'il continue la restauration, lui laissait la liberté de faire commerce sous la dénomination de Brasserie ou Rotisserie ; que Solignac promettait la suppression du mot " Restaurant " dans les enseignes ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède qu'à admettre même, ce qui n'est nullement établi, que l'enseigne " A La Tour d'Argent " de la Bastille ait localisé le même établissement que celui évoqué dans un document datant de la Fronde, il n'en resterait pas moins que Solignac ne pouvait opposer à Terrail une enseigne bénéficiant de l'antériorité en tant que désignant un restaurant et que conscient de la faiblesse de sa position, il dut pour se conserver l'usage de l'enseigne renoncer à l'associer à celui du mot " restaurant " en poursuivant certes une activité de restaurant mais aux conditions fixées par Terrail et sur lesquelles il importe de s'arrêter ;

Considérant que tout endroit où l'on se restaure n'est pas forcément un restaurant ; qu'en 1932 comme aujourd'hui nombre de cafés parisiens offraient à leurs habitués une restauration peu élaborée, de préparation rapide et à prix modérés notamment aux travailleurs faisant la pause de midi ; que cela se pratiquait en particulier dans les grands établissements appelés brasseries ; qu'il va de soi qu'une telle restauration, ordinairement constituée de sandwichs, assiettes anglaises, omelettes et parfois un plat du jour, ne risquait pas d'entrer en concurrence avec celle du restaurant gastronomique de haute réputation qui était déjà l'établissement du Quai de la Tournelle ; qu'ainsi en autorisant la restauration de brasserie, Terrail organisait la coexistence des enseignes en fermant au café de la Bastille toute possibilité de se poser en rival de son restaurant dans la mesure où aucune confusion ne pouvait naître entre deux établissements de catégories très différentes ;

Considérant que pour d'excellents motifs non invalidés par les écritures de l'appelante et par les pièces communiquées par elle devant la Cour, le jugement rejette la prétention de la CPR à avoir acquis l'enseigne de l'établissement détruit en raison de l'expropriation ;

Que très justement le Tribunal a tenu pour non établie la cession de son enseigne prétendument faite à titre principal par Maurice Solignac ; que les documents produits en appel n'effacent pas les invraisemblances relevées par les premiers juges et n'apportent pas d'explication satisfaisante au fait que ladite cession n'est mentionnée dans aucun des premiers actes relatifs à la création de la CPR (statuts et K bis) et n'a pas été inscrit au bilan de 1987 ;

Qu'on se bornera ici à ajouter que l'enseigne n'a pu être cédée par Maurice Solignac qu'à la condition d'avoir été exclue du champ de l'expropriation ; qu'il s'impose donc de remarquer que le protocole d'accord relatif à celle-ci ne fait pas un sort particulier à l'enseigne ; qu'on y trouve bien l'adjectif " partielle " appliqué à la perte des éléments corporels et incorporels mais à ce point coincé en fin de ligne que seule une laborieuse réduction des intervalles a permis de le frapper, une telle complication ayant pu avoir, il est vrai, l'avantage de rendre plus difficile à percevoir un rajout irrégulier effectué sans paraphe ; que la pièce dont s'agit est suspecte et donc sans valeur probante ;

Qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où elle tiendrait ses droits de Maurice Solignac, lui même mal fondé à prétendre exploiter un restaurant sous une enseigne primant celle de l'intimée, elle ne saurait utiliser la dénomination " La Tour d'Argent " autrement que dans les termes énoncés jadis par Terrail et qui non seulement interdisaient l'emploi du vocable " restaurant " mais en plus cantonnaient la restauration à celle de type brasserie ;

Considérant qu'à l'examen des pièces mises au débats il s'impose de constater :

- que l'établissement exploité par la CPR porte sous l'enseigne " La Tour d'Argent " les mentions : A La Tour d'Argent, huîtres et coquillages, déjeuners, dîners, soupers ; qu'il s'agit donc à l'évidence d'un restaurant se signalant comme tel même si très prudemment l'appelante s'est abstenue d'employer ce terme tout en se gardant bien de conserver les mots café et brasserie, dévalorisants et susceptibles de créer dans l'esprit de la clientèle une hésitation quant au standing de l'établissement,

- que si dans un immeuble reconstruit sur les plans de Carlos Ott, ce restaurant est à l'intérieur remarquable par le luxe des installations tant des salles que des cuisines,

- qu'il propose à sa clientèle une carte riche et variée avec foie gras, Saint-Jacques, lottes etc... le tout à des prix souvent élevés,

- que les publicités et les articles de la presse spécialisée le rangent parmi les restaurants ;

Considérant que la Place de la Bastille, symbole de Paris populaire, a subi une profonde mutation en raison de la présence d'un opéra ; qu'on y verra désormais des gens dont elle était jusqu'alors ignorée ; que pour tirer un maximum parti de la nouvelle situation, la famille Solignac avait bien évidemment intérêt à miser à fond sur le luxe en donnant à l'établissement reconstruit un cachet digne du voisinage qui serait le sien ; qu'il n'y avait en soi rien de répréhensible à faire surgir à la Bastille un restaurant de prestige là où auparavant n'était qu'un café-tabac-brasserie ;

Que cela devenait condamnable dès lors que dans cette quête de la notoriété, on créait, grâce à l'enseigne, une confusion avec le restaurant du Quai de la Tournelle dont la renommée était de sorte détournée par un concurrent, ce qui précisément voulait éviter Terrail en 1932 et ce qui s'est néanmoins produit, de nombreux documents démontrant que la confusion s'est installée, que des personnes, notamment des étrangers, se sont par erreur retrouvées à la Bastille et que des journalistes eux-mêmes ont été trompés ;

Considérant en conséquence que la CPR, serait-elle, ce qui n'est pas le cas, aux droits de Maurice Solignac, n'a pas respecté les conditions mises par Terrail à la continuation de la restauration et ne peut donc se prévaloir de la transaction de 1932 dont il y aurait lieu de constater qu'elle l'a de fait résiliée si à la vérité de Maurice Solignac ne l'avait, avant elle, foulée aux pieds comme on peut le constater à la lecture du protocole d'expropriation où le mot restaurant figure à différentes reprises ; qu'il suit de là que les règles gouvernant les signes distinctifs ne trouvent plus d'obstacle à leur application et doivent à son encontre jouer dans toute leur rigueur ; qu'en raison de l'antériorité de l'enseigne du Quai de la Tournelle, celle de la Bastille ne peut faire échec à l'effet erga omnes des marques de la société La Tour d'Argent ; que l'usage de la dénomination La Tour d'Argent tant à titre d'enseigne que sur des menus, publicités, cartes et tout autres documents constitue la contrefaçon de marques La Tour d'Argent et Caves de La Tour d'Argent; que les étiquettes apposées sur des bouteilles de vin ou tout autre boisson sont également contrefaisantes, l'adjonction d'un élément figuratif, en l'espèce la représentation d'une tour, ne faisant pas disparaître l'atteinte à la marque dénominative servilement reproduite ;

Sur l'action en concurrence déloyale :

Considérant qu'en ouvrant son établissement à la Bastille, la CPR a donné son couronnement à la manœuvre parasitaire entreprise par Justin Solignac pour tirer à lui la notoriété d'autrui par une habile politique de petits pas tendant à transformer son commerce afin que l'enseigne La Tour d'Argent finisse par désigner un restaurant; que dans la publicité rédactionnelle faite en faveur de La Tour d'Argent-Bastille, on tente de la présenter comme la continuation d'une tradition, ce qui n'est pas de nature, bien au contraire, à dissiper la confusion avec le restaurant du Quai de la Tournelle ;

Que toutefois dans la mesure où le comportement parasitaire repose sur l'utilisation d'une dénomination dont autrui a la propriété, il n'apparaît pas qu'on puisse mettre en évidence des faits de concurrence déloyale indiscutablement distincts des atteintes aux signes distinctifs; que le jugement n'a du reste pas tenté de le faire ; qu'il sera sur ce point réformé ;

Sur les mesures de protection et de réparation :

Considérant que l'interdiction d'usage sous astreinte prononcée par le jugement sera confirmée ;

Qu'il est prématuré de procéder à la liquidation de l'astreinte, qu'au demeurant, c'est au Tribunal qu'il appartiendra d'y procéder ;

Considérant qu'il apparaît opportun d'élever le montant de l'astreinte sanctionnant les infractions commises à compter du jour de l'arrêt ;

Considérant que compte tenu de la poursuite de la contrefaçon postérieurement au jugement et des profits parasitaires qu'elle procure spécialement depuis l'ouverture de l'Opéra-Bastille, il est équitable d'ajouter à l'indemnité allouée par le Tribunal le montant indiqué au dispositif réparant le préjudice subi depuis la signification du jugement;

que de plus, il s'impose d'augmenter le nombre des publications accordées à l'intimée en disant qu'elles feront mention de l'arrêt et d'alourdir le coût des insertions mis à la charge de l'appelante ;

Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société La Tour d'Argent les frais non taxables exposés pour la défense de ses marques ; que la CPR sera condamnée à lui payer la somme précisée ci-dessous ;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges ; Déboutant la société Compagnie Parisienne de Restauration de son appel ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il déclare fondée l'action en concurrence déloyale ; Y ajoutant sur l'appel incident de la société La Tour d'Argent ; Condamne la Compagnie Parisienne de Restauration à payer à la société La Tour d'Argent une indemnité de 800 000 F en sus de celle accordée par le jugement ; Porte à 15 000 F l'astreinte par infraction constatée à compter du jour de l'arrêt ; Elève à cinq le nombre des journaux où paraîtront les insertions accordées à La Tour d'Argent, dit qu'elles feront mention de l'arrêt et que leur coût sera supporté par la Compagnie Parisienne de Restauration à concurrence de la somme globale de 100 000 F ; Renvoie la société La Tour d'Argent à saisir le Tribunal pour la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement ; Condamne la Compagnie Parisienne de Restauration à verser à la société La Tour d'Argent la somme de 40 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Dit que la Compagnie Parisienne de Restauration supportera les dépens de l'appel ; Admet la SCP Narrat-Peytavi, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.