CA Paris, 4e ch. A, 2 mai 1990, n° 88-022027
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Blik (SARL), Kuczer
Défendeur :
Dissel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosnel
Conseillers :
M. Poullain, Mme Mandel
Avoués :
SCP Parmentier Hardouin, Me Valdelièvre
Avocats :
Mes Akoun, Zerah.
Faits et procédure :
La société Dissel a pour activité l'importation et la vente de matériels destinés au traitement des déchets industriels et ménagers. Elle vend notamment depuis 1978 des machines allemandes, produites par la société HSM, qui pressent les déchets et en font des ballots serrés par un lien métallique.
Elle a employé de juin 1983 à avril 1985 Didier Kuczer dont les fonctions consistaient à visiter et prospecter la clientèle et qui portait le titre de directeur commercial. Didier Kuczer a donné sa démission à la fin janvier 1985 et son préavis a expiré le 30 avril 1985. Courant mars ou avril 1985, Kuczer a participé, avec la société HSM, à fonder une SARL Blik dont l'activité est analogue à celle de Dissel. Un autre employé de Dissel, Claude Ereau a participé à la création de Blik dont il est associé.
La société Blik a été enregistrée au registre du commerce le 2 mai 1985, la date de début d'exploitation indiquée étant le 1er mai 1985.
Le 7 mai 1987, Dissel a assigné Didier Kuczer et Blik devant le Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes pour qu'ils soient déclarés auteurs d'actes de concurrence déloyale et soient condamnés solidairement à lui payer 3 472 650 F de dommages-intérêts, 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les frais, dans la limite de 25 000 F, de la publication du jugement dans quatre journaux ou revues au choix de la demanderesse.
Blik et Kuczer ont présenté une demande reconventionnelle en paiement de 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le jugement dont appel expose dans ses motifs que Kuczer avait une activité personnelle au sein de l'entreprise Dissel avant le 1er avril 1985, qu'il a reconnu la rétention de documents relatifs au fichier de l'entreprise Dissel et plus généralement que " le dossier déposé au tribunal par la société demanderesse comporte les pièces démontrant le débauchage du personnel de la société Dissel, le détournement des fichiers et listes de prospects, le démarchage de la clientèle de la société Dissel, le parasitisme de la société Blik utilisant abusivement le savoir-faire de Dissel et sa réputation ".
Kuczer et Blik ont fait appel le 25 octobre 1988. Ils concluent à l'infirmation du jugement et au débouté de Dissel sur l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à payer, à chacun d'eux, 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et, à eux deux, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dissel demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Blik et Kuczer coupables d'actes de concurrence déloyale, de la condamner solidairement à lui payer 3 472 650 F à titre de dommages-intérêts, très subsidiairement, d'ordonner une expertise pour chiffrer le préjudice et d'ordonner la communication par Blik à l'expert de ses comptes clients et balances clients au 31 mars 1986 et au 31 mars 1987, de tous documents comptables et commerciaux au choix de l'expert, " le tout sous astreinte de 2 000 F par jour de retard à compter de l'expiration du délai imparti à l'expert ", d'ordonner la publication du jugement dans quatre journaux ou revues au choix de Dissel et aux frais de Blik et de Kuczer dans la limite de 25 000 F et de condamner les appelants, solidairement, à lui payer 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Blik et Kuczer ont déposé des conclusions critiquant le jugement de façon argumentée le 10 juillet 1989. Ils ont communiqué à leur appui 49 pièces le 23 octobre 1989 et encore 14 pièces le 21 février 1990.
Dissel a répondu par ses premières conclusions le 21 février 1990, exposant de façon quelque peu précise les faits qui auraient justifié le jugement.
Blik et Kuczer ont répondu à ces conclusions par celles du 16 mars 1990 et ont communiqué 7 nouvelles pièces le 19 mars.
Dissel demande que soient rejetées comme tardives les conclusions du 16 mars et la communication de pièces du 19 mars. Elle a conclu à nouveau le 26 mars 1990, évoquant principalement des faits relatifs à l'expertise ou à ses résultats et a communiqué le même jour 11 pièces nouvelles.
Les appelants ont conclu au rejet des débats de ces conclusions et de ces pièces.
À l'audience de plaidoiries, la Cour a demandé aux parties de fournir, au plus tard le lundi 2 avril 1990, une note d'observations sur les problèmes de compétences que peut soulever le fait que les reproches de Dissel à Kuczer semblent, au moins pour partie, relatifs à l'exécution de son contrat de travail.
Le conseil de Dissel a fait parvenir à la Cour une note le 29 mars 1990 citant la jurisprudence donnant compétence aux tribunaux de commerce pour juger des faits semblables à ceux reprochés à Kuczer dans la présente procédure. Il présentait également des observations sur des points pour lesquels la Cour n'avait pas demandé note en délibéré, notamment sur les pouvoirs de la Cour pour modifier une mission d'expert.
L'avoué de Kuczer a fait parvenir une note le 2 avril 1990 exposant que les faits dont la cour est saisie ne posent pas de difficultés de compétence ; son avocat a répondu à la note de Dissel le 3 avril 1990.
Discussion :
Sur les demandes de rejet de conclusions et de pièces :
Considérant que Dissel a tardé jusqu'au 21 février 1990, soit jusqu'après la date initialement prévue pour la clôture, pour conclure au fond et faire connaître de façon quelque peu précise les faits sur lesquels elle fonde ses demandes en concurrence déloyale ; qu'elle est dès lors spécialement mal venue à faire reproche aux appelants d'avoir mis trois semaines et deux jours pour répondre de façon détaillée ; que les pièces communiquées le 19 mars 1990 venant à l'appui des conclusions du 26 février n'ont pu apporter aucune surprise à Dissel ; qu'il lui était encore loisible de répliquer rapidement en se bornant à discuter les arguments des appelants dont l'exposé tardif lui était imputable ; qu'il convient par suite d'écarter sa demande de rejet des conclusions et pièces ;
Considérant que les conclusions déposées par Dissel le 26 mars 1990 mettent en discussion des faits qui n'étaient pas en débat ou qui, à tout le moins, n'avaient pas été énoncés de façon suffisamment précise pour permettre une discussion ; qu'elles ne sauraient être reçues au dossier sans violation de l'article 16 du nouveau code de procédure civile ; qu'en revanche, les pièces communiquées le même jour se rapportent à des faits déjà discutés et sont de nature à en éclairer le sens et la portée ; qu'il convient dès lors de les admettre au dossier ;
Sur la compétence :
Considérant que certains reproches de Dissel à Kuczer se rapportent à des actions accomplies par lui durant la période de son préavis après démission ; que le tribunal de commerce n'avait pas compétence pour apprécier ces prétendues fautes qui étaient en relation avec les obligations de Kuczer durant son contrat de travail ; mais que la cour étant juridiction d'appel, à la fois du Conseil de Prud'hommes compétent en l'espèce et du Tribunal de commerce, elle est compétente sur l'ensemble des demandes jugées en première instance ; qu'il n'y a donc pas lieu à soulever d'office une question de compétence ;
Sur le fond :
Création et mise en activité de la SARL Blik :
Considérant que le contrat de travail liant Didier Kuczer à la société Dissel a pris fin à la suite de sa démission le 30 avril 1985 ; qu'il résulte du certificat de travail que lui a délivré Anton Verhoeff, président directeur général de la société Dissel, et de sa dernière fiche de paye, que le mois d'avril 1985, inclus dans le temps de préavis, était une période de congés payés ; qu'ainsi, si Kuczer restait tenu envers Dissel à une obligation de loyauté lui interdisant notamment de se livrer à une activité concurrente, il n'était plus, depuis le 1er avril 1985, obligé de lui consacrer " la totalité de son activité professionnelle ", ni même une part quelconque de celle-ci ;
Considérant que s'il est certain, en raison des indications portées au registre du commerce et du tampon d'enregistrement apposé sur le contrat de société, dont Dissel verse le double au dossier, que Blik a été constituée avant le 17 avril 1985, date du dépôt des statuts, il est tout aussi certain que la date du 20 mars 1985 portée avant les signatures est erronée puisque, quelques lignes plus haut, il est précisé que l'insertion légale obligatoire a eu lieu dans le numéro du " Républicain " du 11 avril 1985 ; que dès lors, les statuts versés par Dissel au dossier ne permettent en rien d'affirmer que Kuczer aurait consacré une part du temps dû à son employeur à les préparer ; que c'est à tort, pour admettre que Kuczer consacrait une part de son temps de travail à des activités personnelles, que le jugement s'est fondé sur le reçu pour solde de tout compte délivré le 1er avril à Kuczer faisant mention d'un remboursement de 1 500 F pour des communications téléphoniques personnelles ; qu'en effet, le tribunal ne précise pas que ce document, non versé au dossier présenté à la Cour, porterait une réserve quelconque laissant supposer que lesdites communications personnelles ont été effectuées à l'insu ou contre le gré de l'employeur ;
Considérant que, s'il est exact que les statuts de Blik mentionnent que les fonctions de gérant seront exercées par Kuczer, il n'en résulte aucune faute à l'égard de Dissel, dès lors que Blik n'a eu aucune activité commerciale avant le mois de mai, le seul dépôt des statuts pour enregistrement au registre du commerce ne pouvant constituer un acte de concurrence auprès de la clientèle ;
Considérant que le fait de constituer une société concurrente avec un fournisseur de son employeur et en ayant pour associé un de ses employés n'est pas, en soi, un acte de concurrence déloyale ; que Dissel ne prétend pas que le contrat de travail d'Ereau lui interdisait d'avoir des intérêts dans une entreprise concurrente, que Blik n'a eu aucune activité commerciale avant la fin du préavis de Kuczer et qu'enfin, Dissel n'a pas attrait dans la cause son fournisseur HSM pour savoir dans quelles conditions il s'est associé à Kuczer ; qu'ainsi, aucune faute à l'égard de Dissel n'est révélée par les faits qu'elle dénonce ;qu'il convient de rejeter comme mal fondés les griefs relatifs à la fondation par Kuczer de la société Blik dont l'objet est directement concurrent de celui de Dissel ;
Débauchage de personnel :
Considérant que Dissel reproche tant à Blik qu'à son gérant Kuczer le débauchage de Claude Ereau, délégué technico-commercial chez Dissel du 7 septembre 1981 au 1er juin 1985, Jean-Marc Faure, y ayant exercé les mêmes fonctions de mars 1985 à novembre 1986, de Daniel Roth, délégué technico-commercial de février 1981 à septembre 1986 et de Nicolas Zahanevitch, technicien chez Dissel de janvier 1981 à septembre 1986 ;
Considérant que selon les appelants, la cause du départ de ces agents de chez Dissel n'est nullement dans un débauchage de leur part, mais pourrait être trouvée dans le mauvais climat social de cette entreprise ; qu'ils fournissent à l'appui de cette indication diverses précisions ; qu'ainsi, une note d'Anton Verhoeff résumant une réunion qu'il a eue avec ses vendeurs le 27 mars 1985 rapporte qu'il leur a exposé que " c'est grâce à ses privations " qu'ils sont encore employés dans la société ; qu'il faut leur imposer un quota de ventes et instaurer une pénalité pour les sanctionner en cas de " concessions en retards de paiements " des clients ; qu'enfin, il a conclu " les vendeurs coûtent de l'argent avant qu'ils n'en rapportent. Cet argent doit bien venir de quelque part. D'où ? De qui ? De vous ! Le vendeur-patron a dû financer tout seul vos trois démarrages. Maintenant, c'est à vous trois de financer le démarrage de deux vendeurs. On va tous ramer à forces égales " ; que par une note du 2 mai 1985 Verhoeff annonce à ses vendeurs la démission de Claude Ereau en termes lourds de menace, la conclusion étant : " Pour les vendeurs restant, il nous faut rapidement savoir si vous acceptez ou refusez les modifications du contrat de travail ou bien si vous préférez démissionner comme Monsieur Ereau..." "
Considérant qu'en ce qui concerne plus spécialement Kuczer, Verhoeff lui a écrit le 30 mai 1984, à la suite d'une discussion sur la nature de ses fonctions et le montant de sa rémunération : " c'est en acceptant un salaire horaire qui était très longtemps au-dessous du SMIG - donc dans l'illégalité - que votre patron a pu créer une dizaine d'emplois dont le vôtre. Si vous soutenez que votre salaire est en dessous du minimum légal pour votre " titre " et si vous insistez que le minimum légal auquel vous prétendez soit respecté, alors votre poste se trouve d'office supprimé, avec effet le 31-05-1984 au soir, pour les 2 raisons ci-après :
1) manque de réalisation de l'objectif fixé,
2) manque d'accord sur la poursuite de l'emploi sous des conditions librement négociées " ;
Considérant que la pièce n° 9, communiquée par Dissel le 26 mars 1990, permet de constater que sur 27 agents recrutés depuis 1972, 20 avaient, au milieu de l'année 1986, démissionné ou été licenciés ; que cette rotation rapide du personnel et le type de relations existant dans l'entreprise expliquent à eux seuls le départ des agents qui ont pu ensuite être embauchés par Blik pour travailler dans leur spécialité, sans qu'il y ait besoin de supposer le moindre débauchage ;
Considérant que le seul élément susceptible de donner crédit au grief de débauchage réside dans une attestation délivrée à Dissel par Nicolas Zakahnevitch le 17 février 1990, faisant état d'une offre d'embauche que lui aurait faite Kuczer, en novembre 1986 ; que toutefois, ce document a été établi dans des conditions non révélées, quelques jours seulement avant l'audience ; qu'il est imprécis sur les offres de Kuczer ; qu'il révèle une très grande animosité de Zakahnevitch à son encontre puisque Kuczer y est accusé d'avoir privé, par des manœuvres, Zakahnevitch de commissions qui lui étaient dues ; qu'il ne saurait donc être retenu comme preuve de manœuvres de débauchage que rien, par ailleurs, ne rend vraisemblables ;
Considérant que le grief de débauchage doit donc être rejeté ;
Détournement de fichiers clients et prospects :
Considérant que le détournement de fichiers ne peut être examiné qu'à l'égard de Kuczer, seul ancien employé de Dissel présent en la cause ; que d'ailleurs, en ce qui concerne les autres, aucun fait précis n'est avancé ;
Considérant que Dissel voit la preuve du détournement des fichiers dans l'important chiffre d'affaires réalisé par Blik et dans le fait que Kuczer avait l'obligation contractuelle d'établir un fichier et n'est pas en mesure de prouver qu'il l'a restitué à Dissel à son départ ;
Considérant que si Kuczer avait le " titre " de directeur commercial, il n'exercerait en fait que des tâches de vendeur représentant, comme le montrent la lettre de Verhoeff du 30 mai 1984, la clause de son contrat qui précise que les commandes qu'il reçoit ne sont pas définitives " sans l'acceptation préalable de la direction générale " et celle qui réserve à Dissel la faculté de lui adjoindre d'autres salariés ou de confier la représentation de ses produits à des personnes extérieures à la société ; qu'ainsi, malgré son titre, Kuczer n'était qu'un vendeur, chargé d'un secteur particulier, n'ayant pas de responsabilités à l'égard de l'ensemble des clients et n'avait pas à établir un fichier pour l'ensemble de la clientèle, mais seulement à conserver les renseignements relatifs aux clients qu'il était personnellement chargé de visiter ; que le seul modèle de fichier sur lequel la Cour ait des indications est celui dont Dissel verse une copie partielle au dossier et qui ne comporte pas d'éléments autres que ceux qui se trouvent dans les annuaires professionnels ou administratifs ; qu'un tel fichier ne pouvait avoir qu'une faible valeur, aussi bien pour Dissel que pour Blik ; que rien ne permet d'affirmer ni qu'il a été tenu par Kuczer, ni moins encore qu'il aurait été détourné ;
Considérant qu'au soutien de son grief, Dissel produit un seul élément précis, à savoir une lettre écrite par Kuczer le 13 mai 1985 comportant la phrase suivante : " les seuls éléments restant en ma possession sont les doubles des courriers dont vous détenez les originaux et qui contiennent les données du fichier auquel vous faites allusion " ;
Considérant que cette phrase ne constitue pas un aveu de détournement mais que, bien au contraire, les termes employés et leur signification dans le contexte de la lettre correspondent très exactement à l'explication qu'en donne Kuczer quand il expose n'avoir pu constituer le fichier qui lui était demandé ;
Considérant qu'aucune indication précise sur les détournements de clientèle ne permet de corroborer l'accusation de détournement de fichiers de clients et de prospects ;qu'ainsi, la réalité des faits invoqués n'étant pas établie, le grief sera écarté ;
Détournement de clientèle :
Considérant que Kuczer ayant visité le Centre Leclerc de Nantes s'est borné, dans son rapport du 25 mars 1985, à noter que les difficultés de fonctionnement de la presse louée par Dissel à ce centre sont résolues ; que le contrat de location a été résilié par le client environ 2 mois plus tard et que Dissel infère du rapprochement de ces dates une collusion entre le client et Kuczer pour " geler " une commande qui aurait été passée, par la suite, chez Blik ; que pourtant, il ressort du dossier que les centres Leclerc étaient fournis en matériel HSM par l'intermédiaire d'une société Daudin avec laquelle Dissel avait de graves difficultés depuis le milieu de l'année 1984, ce que démontre un jugement du Tribunal de commerce de Pontoise condamnant Dissel à payer des dommages-intérêts à Daudin pour refus de vente injustifié, refus de vente qui avait été signifié à Daudin par une lettre très brutale et vindicative de Verhoeff ; qu'ainsi, si la clientèle des centres Leclerc a été perdue par Dissel, on ne saurait en imputer la responsabilité à Kuczer ;
Considérant que deux lettres de P. Koell, écrites l'une sur papier à en-tête de la société BG Services, l'autre sur papier de la société Cora Développement, ont avisé Dissel du " flou " existant entre elle et Blik en attribuant la cause de cette " situation préjudiciable " au fait qu'en janvier 1986 le chef d'entretien de Cora Ermont aurait reçu le conseil, chez Dissel, de s'adresser à Blik, une réponse identique lui ayant déjà été donnée par HSM en novembre 1985 après qu'il ait envoyé à ce fabricant un télex disant que Dissel n'assurait pas certaines opérations d'entretien ;
Que Monsieur Koell ne précisant pas quel agent de Dissel aurait fourni de telles indications, près de deux ans après le départ de Kuczer, on ne saurait tirer de ces correspondances un indice de concurrence déloyale au profit de Blik ;
Considérant enfin que si un responsable de l'Armée du Salut écrit à Dissel que Roth, ancien représentant de Dissel, lui a proposé des machines HSM à un prix de 10 % moins élevé que celui pratiqué par elle, on ne saurait en tirer la preuve d'un démarchage abusif, le prix offert n'apparaissant en rien anormal ;
Les faits dits de parasitisme :
Considérant que Dissel ne saurait faire reproche à Blik qui vend du matériel HSM, pour lequel Dissel n'a aucune exclusivité, d'utiliser les prospectus édités par le fabricant ; que c'est à HSM, non à Blik, qu'il pourrait, éventuellement, se plaindre de ce qu'il lui fournit ces prospectus en anglais ou en allemand, alors que ceux utilisés par Blik sont écrits en français ;
Considérant que la baisse du chiffre d'affaires de Dissel peut s'expliquer par les difficultés internes de l'entreprise ou par le seul fait qu'une situation de monopole pour la vente de certains matériels a cessé en raison de l'activité de Blik, sans qu'il y ait lieu d'en rechercher l'explication dans des manœuvres déloyales de celle-ci ; que dès lors qu'aucune clause n'interdisait aux anciens vendeurs de Dissel de s'employer dans le même secteur à l'issue de leur contrat, Dissel ne saurait leur faire grief d'avoir mis leur savoir, et leur expérience acquise en partie chez elle, au service d'une autre entreprise ; qu'enfin, l'indication que certains techniciens de Blik ont dix ans d'expérience est exacte, même si celle-ci a été acquise chez Dissel ; que dès lors, ce renseignement, qui figurait dans un article dont il n'est pas certain que Blik soit l'auteur, ne constitue pas une information mensongère et comme telle fautive ;
Considérant qu'aucun des griefs de Dissel n'apparaissant fondé, c'est à tort que le jugement entrepris a ordonné une expertise pour établir l'étendue du préjudice dû à la concurrence déloyale ; qu'il sera donc réformé ;
Considérant qu'il n'est nullement établi que l'action de Dissel aurait procédé de la mauvaise foi ou d'une légèreté blâmable ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de condamnation pour procédure abusive ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs, Réforme le jugement entrepris ; Déboute les parties de toutes leurs demandes comme étant mal fondées ; Condamne la société Dissel aux dépens de première instance et d'appel et admet la société civile professionnelle Parmentier et Hardouin, titulaire d'un office d'avoué, au recouvrement direct prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.