CA Paris, 14e ch. B, 20 octobre 1989, n° 89-7597
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association SOS Médecins 91
Défendeur :
Association SOS Médical du Val d'Yerres, Association "SOS urgences médicales de Corbeil"
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boscheron
Conseillers :
M. Cuinat, Mme Dintilhac
Avoués :
SCP Gauzere, Lagourgue, SCP Duboscq, Pellerin
Avocat :
Me Heguy.
LA COUR : - L'association SOS Médecins 91 a régulièrement interjeté appel d'une ordonnance de référé en date du 24 janvier 1989 rendue par le juge du tribunal de grande instance d'Evry, qui a constaté l'existence de difficultés sérieuses et s'est déclaré incompétent pour ordonner les interdictions d'utiliser les dénominations " SOS Médical " et " SOS Urgences Médicales " qu'elle lui demandait de prononcer sous astreinte à l'encontre de deux associations de médecins de l'Essonne, ainsi que l'insertion de la décision dans trois publications.
Le premier juge l'a également condamnée à payer une somme de 1.000 F à chacune des associations défenderesses, au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de son appel, l'association SOS Médecins 91 prétend que la marque " SOS Médecins " dont elle est seule titulaire doit être protégée, que les appellations similaires choisies par ses adversaires créent une confusion dans l'esprit du public et caractérisent la contrefaçon, leur utilisation constituant un acte de concurrence déloyale.
Invoquant à la fois le trouble manifestement illicite et le dommage imminent, elle conclut à la compétence du juge des référés et reprend ses demandes de première instance aux fins d'interdire sous quelque forme que ce soit l'utilisation des marques litigieuses, sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée, et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir.
Elle demande que chacune des deux associations adverses soit condamnée à lui verser une somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
L'association SOS Médical du Val d'Yerres - en réalité, l'association des médecins du Val-d'Yerre, dite AMVY - intimée, conclut au débouté en faisant valoir que le juge des référés préjugerait du fond du litige en interdisant l'usage des marques incriminées, alors que l'association appelante transgresse quant à elle les règles déontologiques du corps médical en ayant recours à la publicité et à des pratiques commerciales pour l'exercice de la médecine d'urgence.
Elle demande 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
L'association SOS Urgences Médicales de Corbeil - en réalité l'amicale des médecins généralistes de Corbeil et de sa région, dite AMGCR - également intimée, a déposé des conclusions banales de débouté.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'en application de l'article 809 du NCPC, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Considérant qu'il s'ensuit que le premier juge ne pouvait, au motif de la contestation de " difficultés sérieuses ", se déclarer incompétent ; que son ordonnance sera réformée de ce chef ;
Considérant qu'il est constant que la marque " SOS Médecins " a été déposée depuis 1981 à l'INPI par la société anonyme SOS Médecins, qui en a concédé l'usage exclusif à l'Union Nationale SOS Médecins, laquelle a autorisé l'association SOS Médecins 91 à en faire usage ; qu'aucune convention de cette nature n'a en revanche été passée avec les associations intimées ;
Mais considérant que les propres marques utilisées par celles-ci, respectivement " SOS Médicale du Val d'Yerres " et " SOS Urgences Médicales de Corbeil ", sont composées d'une part du terme générique " SOS " constitué par l'abréviation de l'appel de détresse de langue anglaise dont l'usage est devenu universel, et d'autre part de l'adjectif " médical " employé au masculin dans le premier cas, au féminin pluriel dans le second, et assortit d'une indication de situation géographique locale ;
Considérant que la combinaison des mots ainsi employés procure une différence suffisante entre ces appellations respectives pour empêcher qu'un esprit normalement attentif soit amené à les confondre; qu'en effet, le vocable au pluriel de " médecins ", qui évoque les personnes ayant cette qualité, se distingue suffisamment de celui de " médical " et de ceux d'" urgences médicales ", qui se rapportent aux actes médicaux; qu'en outre, la précision géographique donnée, " Val-d'Yerres " dans un cas, " Corbeil " dans l'autre, indique sans équivoque une localisation distincte et plus précise que celle de " 91 " employée par l'association appelante, qui fait référence à l'ensemble du département, même si, en pratique, elle reconnaît que son champ d'action est plus réduit ; qu'on ne saurait en conséquence retenir une similitude ou une imitation caractérisant la contrefaçon, pas plus que l'exercice d'une concurrence déloyale, les associations SOS Médecins ne pouvant prétendre au monopole des secours médicaux d'urgence, et leurs droits sur leur propre marque ne pouvant faire obstacle à l'emploi de marques voisines mais suffisamment différenciées ;
Considérant que, dans ces conditions, l'association SOS Médecins 91 est mal fondée à invoquer un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent, et que l'ensemble de ses demandes d'interdiction et de publication de la décision seront rejetées ;
Considérant qu'en raison des circonstances de la cause, il serait inéquitable de laisser à la charge de celle des associations intimées qui en fait la demande l'intégralité des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que l'association SOS médecins 91 sera donc condamnée à payer à l'association SOS Médical du Val d'Yerres la somme de 3.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;
Par ces motifs: Réforme l'ordonnance entreprise, en ce que le premier juge a constaté des difficultés sérieuses et s'est décalré incompétent ; Statuant à nouveau ; Dit n'y avoir lieu à référé, en l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent ; Condamne l'association SOS Médecins 91 à payer à l'association SOS Médical du Val d'Yerres la somme de 3.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; La condamne aux dépens d'appel ; admet la SCP Gauzere & Lagourgue, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.