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Décisions

Cass. com., 5 novembre 1985, n° 83-15.017

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Morabito

Défendeur :

Morabito Boutique (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Le Tallec

Avocat général :

M. Cochard

Avocats :

Me Barbey, SCP Riché, Blondel.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 7 janv. …

7 janvier 1982

LA COUR : - Attendu que selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 1983) la société Morabito boutique, titulaire de la marque dénominative Morabito, enregistrée sous le numéro 716.216, a assigné M. Pascal Morabito en contrefaçon ou imitation illicite de cette marque par les marques Morabito avec blason enregistrée sous le numéro 6.795, Morabito enregistrée sous le numéro 1.070.350, en contrefaçon artistique de la création d'un M stylisé par la marque constituée d'un M stylisée enregistrée sous le numéro 1.70.349 et outre la nullité de ces quatre marques, a demandé en invoquant son nom commercial, la réglementation de l'usage de la dénomination Morabito par M. Pascal Morabito ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Pascal Morabito fait grief à la cour d'appel de lui avoir " interdit pour toutes ses activités professionnelles de faire usage du nom Morabito sans le faire précéder de son prénom " alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'acquisition du nom commercial s'effectuant par priorité d'usage, la seule constatation de l'existence de documents administratifs autorisant l'exploitation du commerce de joaillerie ne suffit pas, à défaut de la peuve d'actes effectifs d'exploitation auprès de la clientèle à conférer cette priorité ; qu'en déduisant la priorité d'usage de tels éléments, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, et alors que, d'autre part, la protection d'un nom commercial, même notoire, ne peut porter que sur des activités identiques ou similaires à celles exploitées sous ce nom ; qu'en conférant à la société Morabito boutique un droit général pour tous les secteurs d'activité et en interdisant en conséquence à M. Pascal Morabito d'utiliser son patronyme seul " pour toutes ses activités professionnelles ", la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'en énonçant " que JB Morabito tenait depuis 1924 le registre prescrit aux fabricants et marchands d'or et d'argent, œuvre et non œuvre, qu'il possédait un poinçon de maître de forme depuis 1926, que la société à responsabilité limitée Morabito a été astreinte à la formalité de tenue de ce registre en 1948 et qu'il en a été de même pour Morabito boutique à partir de 1968 ", la cour d'appel a caractérisé l'usage du nom commercial pour les activités relatives aux " ouvrages ou objets en métaux précieux " ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté l'antériorité et la notoriété du nom commercial de la société Morabito boutique, la cour d'appel a souverainement retenu que l'utilisation de ce nom commercial par M. Pascal Morabito amènerait le public à croire qu'il désignerait le commerce de la société Morabito boutique ou d'une de ses filiales, même s'il s'agissait de secteurs d'activité que cette société n'exercerait pas effectivement dans ses propres magasins et qu'il en résulterait un risque de confusion ; qu'en conséquence, sans prononcer d'interdiction, la cour d'appel a pu, par l'adjonction du prénom, réglementer l'usage du nom patronymique dans les activités professionnelles de M. Pascal Morabito ; d'où il suit qu'elle a justifié sa décision de ces chefs et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Pascal Morabito fait également grief à la cour d'appel d'avoir annulé la marque 1059738 qu'il avait déposée, au motif de la notoriété de la marque antérieure Morabito de la société Morabito boutique et du risque de confusion même pour des produits différents alors que, selon le pourvoi, la notoriété d'une marque n'écarte pas le principe de spécialité de celle-ci ; que, même notoire, une marque ne peut donc protéger que les produits couverts par le dépôt et les produits similaires ; qu'en étendant cette protection à tous les produits et services autres que ceux visés au dépôt, et en énonçant d'une manière générale et absolue l'existence d'un risque de confusion, indépendamment de la nature des produits visés, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté tant le caractère identique des deux marques que la notoriété de la marque de la société Morabito boutique, la cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine, d'une part, que certains produits visés dans le dépôt de la marque de Pascal Morabito étant " complémentaires " de ceux visés dans le dépôt de la marque de la société Morabito boutique et, d'autre part, que pour les autres produits et services visés dans le dépôt effectué par M. Pascal Morabito et commercialisés par celui-ci, la clientèle serait amenée à croire qu'ils proviendraient de la société Morabito boutique et qu'il en résulterait un risque de confusion indépendamment de la nature des produits visés dans le dépôt, a justifié sa décision de ce chef ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir, selon le pourvoi, dit " que M. Pascal Morabito pourra, dans ses activités professionnelles, commerciales ou autres, faire usage de la dénomination Morabito sous la forme " Pascal Morabito " dans les caractères, teintes et dimensions de son choix, la typographie du nom et du prénom devant être la même " ; alors qu'en faisant ainsi défense d'une façon générale à M. Pascal Morabito d'utiliser son nom patronymique dans toutes ses activités, la cour d'appel a méconnu les seuls besoins de la protection du nom commercial de Morabito boutique et des marques de cette société, et a statué par voie de dispositions générales en violation de l'article 5 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt interprétatif du 24 juillet 1984 que la cour d'appel qui, sans interdire l'utilisation par M. Pascal Morabito de son nom patronymique, en a réglementé l'usage par la simple adjonction du prénom, a limité le champ d'application de cette réglementation aux activités professionnelles et commerciales de l'intéressé ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen : - Vu les articles 8, 9 et 13 de la loi du 11 mars 1957 ; attendu qu'il résulte de ces textes qu'une personne morale ne peut être investie à titre originaire des droits de l'auteur que dans le cas où une œuvre collective, créée à son initiative est divulguée sous son nom ; que ces droits lui sont alors reconnus sans qu'elle ait à prouver sa qualité de cessionnaire des droits afférents aux différentes contributions ayant permis la réalisation de l'œuvre ;

Attendu que pour interdire sous astreinte à M. Pascal Morabito d'utiliser un dessin représentant l'initiale stylisée du nom de Morabito, l'arrêt attaqué a dit que la société Morabito boutique est titulaire des droits de propriété artistique sur ce dessin pour les avoir acquis de son créateur, le studio d'art graphique Florence Petry et qu'en effet, la facture produite ne précisant pas si ce studio est une entreprise exploitée personnellement par Florence Petry, personne physique, ou s'il s'agit d'une société, personne morale, " le logotype doit être présumé dans le premier cas être une œuvre individuelle de cette personne physique et, dans le second cas, une œuvre collective en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 11 mars 1975 " ;

Attendu qu'en statuant, par ces motifs : sans préciser si l'œuvre créée à l'initiative de Florence Petry était une œuvre collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la marque déposée par M. Pascal Morabito le 6 octobre 1978 enregistrée sous le numéro 1070349 constitue la contrefaçon du dessin stylise crée en 1971 et appartenant à la société Morabito boutique et à prononcé la nullité de cette marque, l'arrêt rendu entre les parties le 9 mai 1983 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.