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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 9 mai 1983, n° 5825

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Morabito

Défendeur :

Morabito Boutique (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bodevin

Conseillers :

M. Robiquet, Mme Beteille

Avoués :

Mes Parmentier, Bolling

Avocats :

Mes Mathely, Le Tarnec.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 7 janv. …

7 janvier 1982

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par Monsieur Pascal Morabito du jugement rendu le 7 janvier 1982 par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 2e section) dans le litige l'opposant à la société Morabito Boutique, ensemble sur l'appel incident et les demandes additionnelles de cette dernière devenue société Morabito.

Faits et procédure

Il est référé aux énonciations du jugement entrepris en ce qui concerne l'exposé des faits et de la procédure antérieure.

Il suffit de rappeler que les dirigeants de la société Morabito Boutique et Pascal Morabito sont parents et ont le même patronyme comme descendant les premiers du fils aîné et le second fils cadet de Jacques Morabito, décédé en 1907.

Morabito Boutique a déposé le 3 juin 1966 la marque dénominative Morabito enregistrée sous le n° 716.216 pour désigner des produits des classes 14, 16, 18, 20, 21 et 25 avec revendication de droits d'usage antérieurs depuis 1907. Ce dépôt a été renouvelé le 25 mai 1976 sous le n° 219.504 et enregistré sous le numéro 956.830.

Morabito Boutique a encore déposé le 14 juin 1979 sous le n° 519575 la marque complexe constituée du nom Morabito et d'un blason, enregistrée sous le n° 1098117 pour désigner les produits de la classe 3. Ce dépôt a fait l'objet d'un enregistrement international le 11 octobre 1979 sous le n° 447807.

De son côté Pascal Morabito a déposé :

1°- le 29 mai 1970 sous le n° 7485 la marque complexe composée du nom Morabito et du même blason, enregistrée sous le n° 6795 pour désigner les produits de la classe 3 ; ce dépôt a fait l'objet d'un enregistrement international le 3 octobre 1978 sous le n° 440.322. Le dépôt français a été renouvelé le 4 juillet 1980 sous le n° 1141839.

2° - le 3 octobre 1978 sous le n° 297.940 la marque dénominative Morabito enregistrée sous le n° 1059738 pour désigner les produits et services des classes 3, 8, 9,11, 22, 27, 34, 35, 36, 41 et 42.

3° - le 6 octobre 1978 sous le n° 297940 la marque constituée d'un M stylisée enregistrée sous le n° 1070349 pour désigner les produits et services des classes, 3, 9, 14, 16, 18, 25 et 34.

4° - le 6 octobre 1978 sous le n° 297941 la marque M de Morabito enregistrée sous le n° 1070350 pour désigner des produits des classes 3 et 14.

Le 27 décembre 1979, Morabito Boutique a assigné Pascal Morabito en contrefaçon ou imitation illicite de sa marque Morabito par les marques Morabito avec blason, Morabito et M. de Morabito du défendeur, en contrefaçon artistique du blason de fantaisie lui appartenant par la marque Morabito avec blason de Pascal Morabito, en contrefaçon artistique de la création lui appartenant d'un M stylisé par la marque M du défendeur, en dépôt frauduleux de ses quatre marques par Pascal Morabito et pour toutes ces raisons en nullité de ces marques et de l'enregistrement international de la première, subsidiairement, en réglementation de l'usage de la dénomination Morabito par Pascal Morabito. Morabito Boutique a ensuite demandé en outre la condamnation du défendeur pour concurrence déloyale et parasitaire.

Pascal Morabito a conclu au rejet de ces demandes, a sollicité reconventionnellement la nullité des marques de la demanderesse Morabito en tant que couvrant des articles de la classe 14 comme déposée frauduleusement et Morabito avec Morabito avec blason comme contrefaisant sa propre marque ainsi que la nullité de leurs enregistrements internationaux.

Il a demandé la condamnation de Morabito Boutique pour concurrence déloyale et qu'il soit jugé que celle-ci n'avait droit à l'usage du nom patronymique seul que pour les produits des classes 16 et 18, que lui-même avait ce droit pour ceux des classes 3, 8, 9, 11, 22, 27, 34, 35, 36, 41 et 42 et que pour les autres classes chaque partie ne pourrait exploiter le nom que sous une forme différenciée, subsidiairement, que les deux parties devraient être soumises symétriquement à ces mesures de différenciation pour l'ensemble de leurs activités.

Par jugement du 7 janvier 1982, le tribunal de grande instance a déclaré valable la marque déposée par la société Morabito Boutique le 3 juin 1966 sous le n° 219.054/956.830 et renouvelé le 25 mai 1976, dans les classes 14, 16, 18, 20, 21 et 25 sans revendication d'usage antérieure, a dit que la société Morabito Boutique est régulièrement titulaire de tous droits privatifs sur le nom commercial Morabito, sur un blason représentant un personnage ailé, une tête de maure et un bras en position horizontale, le tout surmonté d'une couronne comtale, sur un dessin représentant l'initiale stylisé du nom Morabito, a dit que la marque déposée par Pascal Morabito le 29 mai 1970 sous le n° 7485, enregistrée en France sous le n° 6795 et internationalement sous le n° 440.322, dans la classe 3, constitue la contrefaçon de la partie dénominative de la marque susvisée mais non du blason utilisé à titre distinctif par la société Morabito Boutique, a dit que la marque déposée par Pascal Morabito le 3 octobre 1978 sous le numéro 297.249, enregistrée sous le n° 1.059.738 dans les classes 3, 8, 9, 11, 12, 27, 34, 35, 36, 41 et 42 constitue la contrefaçon de la marque susvisée, a dit que la marque déposée par Pascal Morabito le 6 octobre 1978 sous le numéro 297.940, enregistrée sous le n° 1.070.349 dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 25 et 34 constitue l'imitation illicite du dessin M stylisé créé en 1971 et appartenant à la société Morabito Boutique, a dit que la marque déposée par Pascal Morabito le 6 octobre 1978 sous le n° 297.941, enregistrée sous le n° 1.070.350 dans les classes 3 et 14, constitue la contrefaçon de la marque dont est titulaire la société Morabito Boutique, a prononcé la nullité des quatre marques susvisées de Pascal Morabito, a ordonné leur radiation ou en tous cas l'inscription au dispositif du jugement lorsqu'il sera passé en force de chose jugée en marge du dépôt sur le registre national des marques de l'Institut National de la Propriété Industrielle et éventuellement de l'OMPI sur réquisitions du Greffier, a condamné Pascal Morabito à payer à la société Morabito Boutique la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, lui a fait interdiction d'utiliser à quelque titre que ce soit et dans quelque activité que ce soit le dessin " M " stylisé et la blason de fantaisie susvisée sous astreinte de 3 000 F par infraction constatée passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, a ordonné la confiscation de tous produits, articles, documents commerciaux, publicitaires ou autres portant ou reproduisant sous quelque forme que ce soit, la marque Morabito, soit la représentation de la lettre " M " stylisée susvisée soit la représentation du blason de fantaisie susdécrit, a dit que Pascal Morabito pourra, dans ses activités professionnelles, commerciales ou autres, faire usage de la dénomination Morabito sous la forme " Pascal Morabito ", dans les caractères, teintes et dimensions de son choix, la typographie du nom et du prénom devant être la même, a débouté la société Morabito Boutique du surplus de sa demande, fondée sur le grief de concurrence déloyale, a débouté Pascal Morabito de sa demande reconventionnelle fondée sur le même grief et sur le grief de contrefaçon de marque, lui a donné acte de ce qu'il a constamment utilisé pour ses activités de joaillerie le nom de Morabito sous la forme globale de " Pascal Morabito " , a ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux ou revues au choix de la société Morabito Boutique et aux frais de Pascal Morabito dans la limite de 5 000 F par insertion, a condamné Pascal Morabito aux dépens.

Pascal Morabito a interjeté appel le 17 février 1982.

Le 10 juin 1982, Morabito Boutique demande à la Cour de débouter Pascal Morabito de son appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable la marque de la société Morabito Boutique n° 219.054/956.830 du 25 mai 1976, en ce qu'il a dit que cette dernière est régulièrement titulaire de tous droits privatifs sur le nom commercial Morabito, sur le blason de fantaisie et sur le dessin représentant l'initiale majuscule " M " stylisée du nom Morabito, en ce qu'il a condamné Pascal Morabito pour contrefaçon et, plus généralement, pour atteinte aux droits de la société Morabito Boutique, en ce qu'il a prononcé la nullité des quatre marques incriminées déposées par Pascal Morabito et en ce qu'il a ordonné diverses mesures de radiation, d'interdiction, de confiscation et de réglementation de l'usage du nom de ce dernier, et recevant la société Morabito Boutique en son appel incident, de condamner Pascal Morabito à payer à la société Morabito Boutique en réparation du préjudice à elle causé une indemnité de 500 000 F, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans huit journaux ou revues, français ou étrangers, au choix de la société Morabito et aux frais de Pascal Morabito à raison de 6 000 F par insertion et ce, au besoin à titre de dommages-intérêts supplémentaires, de condamner Pascal Morabito à payer à la société Morabito Boutique en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une indemnité complémentaire de 30 000 F.

Les 16 juin 1982 et 17 janvier 1983, Pascal Morabito prie la Cour d'infirmer le jugement, de débouter Morabito Boutique de ses demandes, de dire que l'exclusivité d'usage du nom Morabito seul au profit de la société Morabito Boutique est limitée aux produits couverts par la marque " Morabito " déposée par Morabito Boutique en 1966, enregistrement 716.216 et aux activités effectivement développées par Morabito Boutique antérieurement au dépôt de marque de Pascal Morabito, activités définies par les inscriptions au registre du commerce de la société Morabito Boutique et de ses auteurs, à savoir : " articles de maroquinerie, voyage, tabletterie, objets en écaille ou en ivoire, articles de Paris, nouveautés et tout ce qui s'y rattache, ouvrages ou objets en métaux précieux ", de valider en conséquence la marque déposée par Pascal Morabito le 29 mai 1970 et enregistrée sous le n° 6795 ainsi que la marque dénominative " Morabito " déposée par Pascal Morabito le 3 octobre 1978 et enregistrée sous le n° 1.059.738, d'annuler la marque " Morabito avec armoiries " déposée par Morabito Boutique, enregistrement n° 1.098.117, ce dépôt constituant la contrefaçon de l'enregistrement 6795 (précédemment cité) de Pascal Morabito, d'ordonner que l'arrêt à intervenir sera inscrit au Registre National des Marques et communiqué au Bureau International pour être inscrit en marge de l'enregistrement international n° 447.807, de condamner Morabito Boutique à payer à Pascal Morabito une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour action abusive et une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois revues ou journaux français ou étrangers, au choix de Pascal Morabito et aux frais de Morabito Boutique, la coût de chaque insertion étant fixé à 6 000 F.

Le 4 mars 1983, Pascal Morabito demande encore à la Cour de dire que la société Morabito Boutique ne justifie pas que les droits invoqués par elle remontent à 1907 ou 1918, de dire notamment qu'elle ne justifie pas d'un usage du nom Morabito à titre de nom commercial depuis 1907, de dire qu'elle est irrecevable à invoquer un usage à titre de marque du nom patronymique Morabito conformément aux dispositions de la loi de 1857, de dire qu'elle ne démontre pas l'usage du blason qu'elle aurait fait à titre exclusif depuis 1925, de dire en toute hypothèse que cet usage ne saurait conférer aucun droit conformément à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964, de dire qu'elle n'apporte aucune justification de la création qu'elle invoque sur l'initiale du nom de Morabito, de dire notamment qu'elle ne prouve pas l'identité de la personne physique qui aurait créé cette œuvre, de dire par conséquent que la société Morabito Boutique est irrecevable à invoquer les dispositions de la loi du 11 mars 1957, de dire qu'ayant reconnu notamment dans un écrit du 27 mars 1981 qu'elle avait une activité dans le domaine de la maroquinerie, de dire qu'elle est irrecevable et, subsidiairement, mal fondée à invoquer une notoriété sur le nom Morabito, celui-ci n'étant pas connu d'une large fraction du public à la suite d'un usage important et ancien, de dire que Pascal Morabito est en droit d'utiliser le nom de Morabito pour désigner ses activités relatives aux produits et services des classes 3, 8, 9, 11, 12, 27, 34, 35, 36, 41, 42, de dire et juger en effet que ces objets ne sont ni identiques ni similaires à ceux couverts par la marque déposée par la société Morabito le 3 juin 1966 (n° 13.070/716.216), de dire que conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964, M. Pascal Morabito a légitimement acquis des droits de marque sur le blason et l'initiale du nom Morabito, de dire que l'usage invoqué par la société Morabito Boutique sur ce blason et sur cette initiale ne saurait lui conférer aucun droit, conformément aux dispositions de l'article 4 § 3 de la loi du 31 décembre 1964, de dire qu'en toute hypothèse, l'initiale appropriée par M. Pascal Morabito ne constitue ni la contrefaçon ni l'imitation illicite du signe invoqué par la société Morabito Boutique, d'adjuger à M. Pascal Morabito le bénéfice de ses précédentes écritures, de condamner la société Morabito Boutique à payer à M. Pascal Morabito la somme de 100 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou périodiques au choix de M. Pascal Morabito et aux frais de la société Morabito Boutique,

Le 4 mars 1983, Morabito Boutique devenue société Morabito prie la Cour de débouter Pascal Morabito de ses prétentions et ajoutant à ses précédentes demandes d'ordonner la radiation en application de l'article 6 bis de la Convention d'Union de 1883 de l'enregistrement international de marque n° 440.322 du 3 octobre 1978 et de condamner Pascal Morabito à lui payer la somme de 200 000 F pour concurrence déloyale.

Le 11 mars 1983, Pascal Morabito demande à la Cour de dire qu'il est en droit d'utiliser son nom patronymique dans l'exercice de toutes ses activités, de dire que la société Morabito Boutique n'est recevable à demander la réglementation de l'usage par M. Pascal Morabito du nom de Morabito que dans les secteurs et pour les objets où elle a régulièrement acquis et conservé les droits sur le nom de Morabito à titre de nom commercial ou de marque, de dire que c'est à tort que la jugement a prononcé la nullité des marques de M. Pascal Morabito n° 1.141.839, 1.059.738, 1.070.349 et 1.070.350, de dire que la société Morabito Boutique ne pourra utiliser le nom de Morabito dans les secteurs où elle n'a pas acquis de droits antérieurement, que sous une forme suffisamment différenciée, notamment en le faisant précéder du prénom de Armand, qui est celui de son dirigeant, d'adjuger à M. Pascal Morabito le bénéfice de ses précédentes conclusions devant la Cour.

Le 14 mars 1983, la société Morabito conclut à l'adjudication du bénéfice de ses précédentes écritures et au rejet des conclusions de Pascal Morabito.

Discussion

I. - Sur la validité de la marque dénominative Morabito de la société Morabito Boutique

Considérant que le tribunal a dit que cette marque déposée par Morabito Boutique le 3 juin 1966 et dont le dépôt a été renouvelé le 25 mai 1976 était valable sans revendication de droits antérieurs,

Considérant que Morabito Boutique demande la confirmation de cette décision et ne forme pas d'appel incident en ce qui concerne la revendication de droits d'usage antérieurs sur la marque, prétention que les premiers juges ont rejetée par des motifs pertinents,

Considérant que Pascal Morabito avait soutenu devant le tribunal que le dépôt de cette marque avait été effectué frauduleusement à l'égard des homonymes mais que devant la Cour il ne reprend pas cette prétention qui a été rejetée par les premiers juges par des motifs pertinents,

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la marque dénominative Morabito déposée par Morabito Boutique est valable sans revendication de droits antérieurs,

II. - Sur les droits invoqués par Morabito Boutique concernant le nom commercial Morabito

Considérant que le tribunal a dit que la société Morabito Boutique était régulièrement titulaire de tous droits privatifs sur le nom commercial Morabito,

Considérant que Pascal Morabito soutient que Morabito Boutique ne peut se prévaloir de droits privatifs sur le nom commercial Morabito que pour les activités qu'elle a effectivement exercées avant 1970, à savoir le secteur de la maroquinerie,

Considérant qu'il allègue que cette société a été constituée en 1957, 1 place Vendôme à paris sous l'appellation Paris Nouveautés, appellation modifiée en 1958 en Morabito Boutique, que d'après les inscriptions au Registre du Commerce l'activité de cette société a été limitée jusqu'en 1968 au " commerce de nouveautés et tout ce qui s'y rattache ", que le 30 novembre 1962 elle a absorbé la société Anciens Etablissements Morabito fondée le 20 avril 1955, 346 rue Saint-Honoré et qui lui a apporté son fonds de " articles de maroquinerie, voyages, tabletterie, objets en écaille ou en ivoire ", qu'ainsi Morabito Boutique ne peut avoir de droits que pour ces activités et depuis 1955, que c'est seulement le 28 mars 1968 qu'a été inscrite au registre du commerce l'extension de son activité aux " ouvrages ou objets en métaux précieux ",

Considérant que l'appelant soutient encore que l'inscription d'un objet d'activité dans les statuts ou au registre de commerce n'établit pas l'usage du nom commercial pour cette activité et que dans un écrit du 27 mars 1981 Morabito Boutique a reconnu expressément que ses activités étaient limitées au secteur de la maroquinerie et qu'elle n'avait aucune activité dans les domaines de la bijouterie et des parfums,

Mais considérant qu'il résulte des documents produits que Jean Baptiste Morabito fils aîné de Jacques Morabito avait en 1923 un magasin 338 rue Saint-Honoré et en 1926 des salons de vente au 346 de la même rue, qu'il exploitait en nom personnel sous la dénomination Morabito ; que le 1er avril 1948 il a constitué avec ses enfants Armand et Flora à la même adresse la SARL Morabito qui devait devenir ensuite Anciens Etablissements Morabito et à laquelle il faisait apport de son fonds de commerce, que Paris Nouveautés également créée par Jean-Baptiste Morabito et ses enfants et devenue Morabito Boutique ayant absorbé Anciens Etablissements Morabito il en résulte que Morabito Boutique vient aux droits de Jean-Baptiste Morabito,

Or considérant, qu'il ressort des documents versés aux débats que Jean Baptiste Morabito tenait depuis 1924 le " Registre prescrit aux fabricants et marchands d'or et d'argent ouvré et non ouvré " et qu'il possédait un " poinçon de maître de forme " depuis 1926, que la SARL Morabito a été astreinte à la formalité de tenue de ce registre en 1948 et qu'il en a été de même pour Morabito Boutique à partir de 1968,

Considérant qu'il en résulte que Jean-Baptiste Morabito à partir de 1924, puis à la SARL Morabito, puis Morabito Boutique, tout au moins à partir de 1968, ont effectivement exercé l'activité de bijoutier joaillier ; qu'est ainsi inopérante la lettre adressée le 27 mars 1981 par la société de dépôt de marque Sodema à Kim Hyung Shin Patent (Séoul-Corée) lui indiquant que l'activité principale de Morabito est le commerce de la maroquinerie " mais rien en joaillerie ",

Considérant qu'il s'ensuit que Morabito Boutique dispose d'une priorité de l'usage du nom commercial Morabito sur Pascal Morabito qui a créé un commerce de joaillerie à Paris vers 1970 sous l'enseigne " Pascal Morabito " et qui ne peut se prévaloir de droits qu'il tiendrait de son père puisque le fonds de commerce exploité par ce dernier à Nice depuis 1930 a fait l'objet d'une liquidation des biens,

Considérant que dans sa lettre susvisée du 27 mars 1981, la Sodema indique encore que Morabito Boutique n'exercerait pas d'activité dans le domaine des parfums,

Considérant que Morabito Boutique verse aux débats un extrait analytique du registre du commerce mentionnant l'existence du 15 juillet 1922 au 16 février 1951 au 346 rue Saint-Honoré à Paris de la société " Les Parfums Morabito " constituée par Armand Morabito, Flora Morabito (gérants) et Jean-Baptiste Morabito, ayant comme objet social l'achat et la vente de parfums et de produits de beauté,

Considérant cependant que Morabito Boutique n'établit pas venir aux droits de cette société dont l'existence apparaît parallèle à celle de l'exploitation personnelle de Jean-Baptiste Morabito, puis de la SARL Morabito, qu'elle ne fait pas non plus la preuve qu'elle-même ou ses auteurs auraient exercé une activité dans le domaine de la parfumerie,

Considérant en conséquence qu'elle ne démontre pas un usage effectif dans ce domaine du nom commercial Morabito,

Mais considérant que Morabito Boutique fait valoir la notoriété de ce nom commercial dont elle a le premier usage,

Considérant que Pascal Morabito conteste ce caractère notoire en alléguant que la notoriété d'une dénomination doit s'apprécier en fonction de l'importance et de l'ancienneté de l'usage de telle sorte que ce nom soit connu par une large fraction du public, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce car l'usage du nom Morabito par l'intimée est limitée aux activités d'un magasin et que même si ses produits sont de qualité cela ne permet pas à la société de bénéficier d'une notoriété française et mondiale,

Mais considérant que l'usage du nom commercial Morabito par Morabito Boutique et ses auteurs pour désigner leurs entreprises commerciales remonte pour le moins à 1923 ainsi qu'il a été dit ci-avant, que cette société exploite deux magasins rue St-Honoré et place Vendôme à paris dont la réputation est certaine par la qualité de ses produits en France et même dans le monde ; que cet usage était ainsi connu par une large fraction de la population française avant que Pascal Morabito ne créé ses propres exploitations ; qu'en conséquence Morabito Boutique est bien fondée à se prévaloir du caractère notoire de son nom commercial Morabito dont elle a eu le premier usage,

Considérant qu'il résulte de cette notoriété quel'utilisation de ce nom commercial par Pascal Morabito serait de nature à créer une confusion dans l'esprit du public qui serait amené à croire qu'il désignerait le commerce de Morabito Boutique ou d'une de ses filiales même s'il s'agissait de secteurs d'activité que cette société n'exercerait pas effectivement dans ses propres magasins,

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que Morabito Boutique est titulaire de tous droits privatifs sur le nom commercial Morabito,

III. - Sur les droits invoqués par Morabito Boutique concernant le blason de fantaisie

Considérant que le tribunal a dit que Morabito Boutique était titulaire de tous droits privatifs sur ce blason de fantaisie représentant à droite un personnage ailé jouant de la flûte, à gauche une tête de maure et dans sa partie supérieure un brai horizontal, le tout surmonté d'une couronne comtale,

Considérant que Morabito Boutique ne prétend plus être titulaire de droits de création artistique sur ce blason qui, comme l'a relevé le tribunal, appartenait à une famille noble Morabito Di Messina éteinte depuis plus d'un siècle et étrangère à la famille des parties, qu'elle revendique une priorité d'usage de ce blason depuis 1925 pour désigner son commerce et celui de ses auteurs,

Considérant que Pascal Morabito soutient que ce blason était utilisé comme blason familial non seulement concurremment mais conjointement par les deux branches de la famille, celle de Paris (Morabito Boutique) et celle de Nice (Pascal Morabito, père du concluant jusqu'à la cessation de son activité en 1972) en même temps que le nom Morabito, par exemple pour des papiers emballage communs où cet écusson figurait à côté des adresses des deux entreprises ; que Morabito Boutique ne peut donc prétendre à un droit de priorité d'usage sur ce blason sur lequel il a lui-même acquis un droit de marque par son dépôt du 29 mai 1970,

Considérant que l'appelant produit à l'appui de ses dires une attestation de son oncle Emilio Morabito datée du 26 juillet 1980 qui déclare que le blason en question a toujours été considéré comme faisant partie des traditions familiales, qu'il a été utilisé notamment par le grand-père puis par le père de Pascal Morabito conjointement avec les consorts Morabito de Paris, qu'Emilio Morabito ajoute qu'il utilise lui-même cet écusson, notamment pour la décoration intérieure de son magasin à Marseille,

Mais considérant que la famille des parties ne disposait d'aucun droit patrimonial sur ces armoiries qui ne pouvaient être utilisées que comme blason de fantaisie,

Considérant que Pascal Morabito ne peut tenir de droits sur l'usage de ce blason par son grand-père ou son père dont l'entreprise, déclarée en liquidation des biens a été dissoute, non plus que par son oncle, que l'utilisation conjointe de ce blason par ceux-ci et Morabito Boutique n'est pas en outre établie,

Considérant que, comme l'a retenu le tribunal, il résulte de l'attestation de la société Imprimerie Richard et des factures jointes ainsi que de l'attestation d'Olivier Jamet aquaforliste que les auteurs de Morabito Boutique ont commencé à utiliser le blason sur leurs cartes de visite et papiers commerciaux à partir de juillet 1951,

Or considérant qu'il résulte des document produits que ce n'est que postérieurement entre 1970 et 1974 que Morabito Boutique a autorisé Pascal Morabito à faire usage du blason sur des emballages communs alors que des accords étaient intervenus entre eux suivant lesquels l'intimée participait à la promotion et la vente des articles de bijouterie de l'appelant,

Considérant qu'il s'ensuit que Morabito Boutique dispose d'une priorité d'usage du blason litigieux comme signe désignant son exploitation commerciale accessoirement à son nom commercial Morabito ou comme enseigne pour désigner ses magasins,

Considérant que Pascal Morabito ne peut alléguer que cette antériorité d'usage ne pouvait conférer aucun droit à l'intimée en application de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ; qu'en effet Morabito Boutique ne revendique pas de droits sur le blason à titre de marque d'usage pour désigner ses produits,

Considérant que le dépôt de Pascal Morabito le 29 mai 1970 de sa marque complexe comportant le blason litigieux ne pouvait porter atteinte aux droits antérieurs acquis par Morabito Boutique sur l'usage de ce blason à titre de signe pour désigner son exploitation commerciale, que d'ailleurs ce dépôt de marque est nul comme il serait dit ci-après,

Considérant qu'il y a donc lieu de dire que Morabito Boutique est titulaire des droits privatifs sur le blason de fantaisie à titre de signe pour désigner son exploitation commerciale,

IV. - Sur les droits invoqués par Morabito Boutique concernant le dessin d'un M stylisé

Considérant que le tribunal a dit que Morabito Boutique était titulaire des droits de propriété artistique sur ce dessin représentant d'une manière particulièrement stylisée l'initiale du nom Morabito,

Considérant que Morabito Boutique produit la facture du 16 septembre 1971 du studio d'arts graphiques de Florence Petry concernant la rémunération de sa création d'un logotype et la cession des droits de reproduction de celui-ci,

Considérant que Pascal Morabito soutient que Morabito Boutique n'apporte pas la preuve de la création de l'initiale du nom de Morabito car la date et les caractéristiques de cette création ne sont pas prouvées ; qu'en outre l'intimée n'établit pas l'identité de l'auteur de cette prétendue création alors que l'auteur d'une œuvre artistique ne peut être une personne morale sauf s'il est démontré que la création constitue une œuvre collective,

Mais considérant qu'il apparaît du rapprochement de la facture du studio Florence Petry, de celle de l'entreprise E. Guerin qui a fourni et posé la lettre M en laiton sur la porte du magasin de Morabito Boutique et des photographies de cette lettre M stylisée que les caractéristiques du logotype visé dans la facture du studio Florence Petry ne pouvaient être que celles apparaissant sur les photographies,

Considérant que la date de création de ce logotype était nécessairement antérieure à celle de facture du 16 septembre 1971,

Considérant qu'il n'est pas précisé dans cette facture si le studio Florence Petry est une entreprise exploitée personnellement par Florence Petry, personne physique, ou si elle est une société, personne morale ; que le logotype doit être présumé dans le premier cas être une œuvre individuelle de cette personne physique et dans le second cas une œuvre collective en application de l'article 9 § 3 de la loi du 11 mars 1957,

Considérant qu'il s'ensuit que Morabito établit par la facture du 16 septembre 1971 être titulaire de tous droits de reproduction sur cette œuvre de l'esprit dont le caractère original ne peut être contesté,

V. - Sur les demandes de Morabito Boutique en contrefaçon de sa marque dénominative Morabito

Considérant que Morabito Boutique demande confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a dit que sa marque Morabito déposée le 3 juin 1966 et dont le dépôt a été renouvelé le 25 mai 1976 (n° d'enregistrement 956.830) était contrefaite :

1° - en sa partie dénominative par la marque complexe constituée par la dénomination Morabito et un blason déposée le 29 mai 1970 par Pascal Morabito, dont le dépôt en France a été renouvelé le 4 juillet 1980 (n° d'enregistrement 1.141.839) et qui a fait l'objet d'un enregistrement international sous le n° 440322,

2° - par la marque dénominative Morabito déposée le 3 octobre 1978 par Pascal Morabito (n° d'enregistrement 1.059.738),

3° - par la marque dénominative " M de Morabito " déposée par Pascal Morabito le 3 octobre 1978 (n° d'enregistrement 1.070.350),

Considérant que Pascal Morabito soutient que c'est à tort que le jugement a prononcé la nullité de ses marques 1.141.839, 1.059.738 et 1.070.350 comme contrefaisantes,

A) - Sur la marque complexe n° 1.141.839

Considérant que Pascal Morabito fait valoir que sa marque n° 1.141.839 n'est déposée que pour désigner les produits de la classe 3 et notamment les parfums alors que la marque Morabito déposée par la société Morabito Boutique concerne les produits des classes 14, 16, 18, 20, 21 et 25,

Considérant qu'il allègue qu'en application du principe de la spécialité des marques, la marque Morabito déposée par Morabito Boutique ne peut lui conférer aucun droit sur les parfums, que cette société en a d'ailleurs été consciente puisque le 14 juin 1979, elle a effectué le dépôt de ce nom à titre de marque pour désigner des parfums, que les premiers juges n'auraient pas dû retenir une similarité entre les " cosmétiques, savons, parfums, lotions pour les cheveux " de la marque du concluant et les " peignes et brosses ou garnitures de toilette " de la marque de Morabito Boutique, qu'en effet, l'exception que constitue la similarité des produits par rapport à la règle de la spécialité doit être interprétée restrictivement et que les parfums d'une part et les peignes et brosses de l'autre n'ont pas la même nature, ne proviennent pas d'une même industrie et ne sont offerts ensemble qu'exceptionnellement sur les mêmes points de vente,

Mais considérant que, comme l'a dit exactement le tribunal, une marque protège non seulement les produits pour lesquels elle a été déposée et les produits similaires mais encore les produits et services appartenant à un domaine similaire ou complémentaire du domaine protégé par la marque quant il peut en résulter une confusion dans l'esprit de la clientèle,

Or considérant en l'espèce que les lotions, savons et parfums appartiennent à un domaine complémentaire de celui des garnitures de toilette, peignes et brosses, que dans le commerce de haut luxe qu'exercent les parties ces produits sont souvent offerts ensemble dans les mêmes magasins ; qu'ainsi le fait de désigner ces articles sous la même dénomination Morabito est de nature à créer une confusion sur leur origine et leur provenance dans l'esprit de la clientèle,

Considérant au surplus que cette confusion risque d'autant plus de se produire que, comme il sera dit ci-après, la marque Morabito déposée par Morabito Boutique a un caractère notoire,

Considérant qu'il en résulte que la marque complexe de Pascal Morabito constitue en sa partie dénominative qui est sa caractéristique essentielle, la contrefaçon de la marque Morabito déposée antérieurement par Morabito Boutique,

Considérant qu'il y a donc lieu de déclarer nuls la marque complexe déposée en France et actuellement enregistrée sous le n° 1.141.839 et en conséquence son enregistrement international sous le n° 440.322 ; qu'il convient d'ordonner la radiation de ce dernier en application de l'article 6 bis de la Convention d'Union du 20 mars 1883, ledit enregistrement ayant été effectué le 3 octobre 1978 depuis moins de cinq ans,

B) - Sur la marque dénominative Morabito n° 1.029.738

Considérant que Pascal Morabito fait valoir que cette marque est déposée dans les classes 3, 8, 9, 11, 22, 27, 34, 35, 36 41 et 42 dont les produits et services sont étrangers à ceux protégés par la marque Morabito de Morabito Boutique, qu'il ne peut être prétendu qu'ils seraient similaires,

Mais considérant qu'il y a d'abord lieu de relever que les deux marques sont identiques comme constituées par le même mot Morabito en majuscules d'imprimerie,

Considérant qu'il convient ensuite de retenir que la marque de l'appelant concerne entre autres les produits de la classe 3 alors que ceux-ci, comme il a été dit ci-avant, sont complémentaires des garnitures de toilette, peignes et brosses protégés par la marque de l'intimée, fait qui est constitutif de contrefaçon,

Considérant enfin que Morabito Boutique est fondée à alléguer que sa marque dénominative Morabito est une marque notoire en raison de la notoriété attachée à cette dénomination connue en France par une large fraction de la population comme désignant non seulement sa maison de commerce mais encore ses produits et services,

Considérant qu'il en résulte que le dépôt et l'usage par Pascal Morabito de la marque dénominative Morabito, même pour désigner des produits et services autres que ceux visés au dépôt de la marque de Morabito Boutique sont de nature à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle qui serait amenée à croire que les produits vendus et les services dispensés sous cette marque par Pascal Morabito proviendraient de Morabito Boutique,

Considérant qu'il s'ensuit que la marque Morabito n° 1.059.738 de Pascal Morabito contrefait la marque Morabito Boutique antérieurement déposée par Morabito Boutique et doit donc être déclarée nulle,

C) - Sur la marque M de Morabito n° 1.070.350

Considérant que cette marque a été déposée par Pascal Morabito dans les classes 3 et 14,

Or considérant que les produits de la classe 3 sont complémentaires des garnitures de toilette, peignes et brosses visés par la marque Morabito déposée antérieurement par Morabito Boutique et que les produits de la classe 14 comme métaux précieux, objets en ces matières, joaillerie, pierres précieuses et horlogerie étaient concernés par cette marque de l'intimée,

Considérant que Pascal Morabito soutient que la dénomination de sa marque : M de Morabito se différencie suffisamment de la dénomination de la marque de Morabito Boutique,

Mais considérant que dans la dénomination M de Morabito l'élément essentiellement distinctif et attractif pour la clientèle est le vocable Morabito identique à la dénomination de la marque de l'intimée,

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué qui a déclaré que la marque M de Morabito de Pascal Morabito contrefaisait la marque dénominative Morabito déposée antérieurement par Morabito Boutique et en a en conséquence prononcé la nullité,

VI. - Sur la demande de Morabito Boutique en contrefaçon du dessin représentant un M stylisé

Considérant que le tribunal a dit que la marque déposée par Pascal Morabito le 6 octobre 1978 et enregistrée sous le n° 1.070.349 dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 25 et 34 constituait l'imitation illicite du dessin M stylisé créé en 1971 et appartenant à Morabito Boutique,

Considérant que dans la motivation de ses conclusions du 10 juin 1982 (page 3 § 6) Morabito Boutique soutient que la marque figurative de Pascal Morabito représentant un M majuscule stylisé constitue la contrefaçon de l'œuvre artistique lui appartenant,

Considérant que, comme il a été dit ci-avant, Morabito Boutique est titulaire des droits de reproduction sur cette œuvre artistique,

Considérant qu'il apparaît de leur comparaison que la marque figurative de Pascal Morabito a la même forme générale que l'œuvre artistique appartenant à Morabito Boutique, qu'il n'existe entre elles que des différences de détail qui ne modifient pas cette forme générale et n'empêchent pas de confondre ces deux M stylisés,

Considérant qu'il en résulte que la marque figurative n° 1.070.349 qui imite illicitement l'œuvre artistique appartenant à Morabito Boutique en constitue la contrefaçon en application de la loi du 11 mars 1957 et doit donc être déclarée nulle,

VII. - Sur la demande de Pascal Morabito en nullité comme contrefaisante de la marque complexe de Morabito Boutique

Considérant que Pascal Morabito soutient que la marque Morabito avec blason déposée le 14 juin 1979 dans la classe 3 pour Morabito Boutique et enregistrée sous le n° 1.098.117 constitue la contrefaçon de sa marque Morabito avec blason qu'il a déposée le 29 mai 1970 pour désigner les mêmes produits,

Mais considérant que la marque complexe de Pascal Morabito a été déclarée nulle comme contrefaisant en sa partie dénominative la marque dénominative Morabito déposée antérieurement par l'intimée ainsi qu'il a été dit ci-avant,

Considérant qu'il en résulte que Pascal Morabito doit être débouté de ses demandes en contrefaçon et nullité de la marque complexe n° 1.098.117,

VIII. - Sur la réglementation de l'usage du nom Morabito

Considérant que dans ses dernières écritures, Pascal Morabito soutient qu'il est en droit d'utiliser son nom patronymique dans l'exercice de toutes ses activités, que Morabito Boutique n'est recevable à demander la réglementation de l'usage par lui de ce nom Morabito que dans les secteurs et pour les objets où elle a régulièrement acquis et conservé des droits sur ce nom à titre de nom commercial ou de marque et que Morabito Boutique ne pourra elle-même utiliser le nom Morabito dans les secteurs où elle n'a pas acquis de droits antérieurement que sous une forme suffisamment différenciée notamment en le faisant précéder du prénom Armand de son dirigeant,

Mais considérant que Morabito Boutique dispose d'une priorité d'usage du nom commercial Morabito, qui a un caractère notoire pour désigner son commerce,

Considérant que cette société possède encore une antériorité d'utilisation de la dénomination Morabito à titre de marque notoire cependant que les marques déposées par Pascal Morabito et comprenant cette dénomination ont été déclarées nulles,

Considérant qu'il en résulte que Morabito Boutique titulaire de tous droits privatifs sur le nom Morabito est en droit de l'utiliser seul pour toutes ses activités,

Considérant que l'usage par Pascal Morabito de son nom patronymique seul est de nature à provoquer une confusion portant atteinte aux droits acquis par l'intimée qui est donc recevable et bien fondée à demander la réglementation de cet usage,

Considérant que pour éviter tout risque de confusion il y a donc lieu, confirmant sur ce point le jugement attaqué, de dire que Pascal Morabito ne pourra pour toutes ses activités professionnelles faire usage de son nom Morabito qu'en le faisant précéder de son prénom Pascal dans la même typographie,

IX. - Sur les demandes de Morabito Boutique en interdiction, confiscation, publication et paiement de la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation de tous produits, document commerciaux ou publicitaires en possession de Pascal Morabito portant ou reproduisant la marque Morabito, la lettre M stylisée ou le blason de fantaisie et de lui interdire sous astreinte d'utiliser à quelque titre et sous quelque forme que ce soit ce M stylisé et ce blason de fantaisie, leur utilisation portant atteinte aux droits de Morabito Boutique,

Considérant que le tribunal a condamné Pascal Morabito à payer à Morabito Boutique la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que ces contrefaçons et atteintes lui ont causé,

Considérant que Morabito Boutique demande par voie d'appel incident que le montant des dommages-intérêts soit porté à 500 000 F,

Mais considérant que le tribunal a donné acte à Pascal Morabito de ce que pour ses activités de joaillerie il n'avait utilisé le nom Morabito que sous la forme globale de " Pascal Morabito " et que l'intéressé déclare sans être démenti n'avoir pas fait usage dans ses activités du blason de fantaisie,

Considérant que, dans ces conditions, il apparaît que les premiers juges ont exactement apprécié le montant du préjudice subi par Morabito Boutique, qu'il convient donc de confirmer leur décision de ce chef,

Considérant qu'il y a lieu de substituer à la publication du dispositif du jugement celle du dispositif du présent arrêt aux frais de Pascal Morabito,

X. - Sur la demande de Morabito Boutique pour concurrence déloyale

Considérant que Morabito Boutique soutient par voie d'appel incident que Pascal Morabito a encore commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts des faits de contrefaçon en entretenant l'équivoque et la confusion entre leurs activités et demande de ce chef la condamnation à lui payer une somme supplémentaire de 200 000 F à titre de dommages-intérêts,

Considérant qu'il résulte des documents produits que Pascal Morabito a distribué des cartes publicitaires présentant divers articles de joaillerie, comportant au recto ses nom et prénom et au verso la mention " Morabito - 1 place Vendôme Paris ",

Qu'en outre, a été diffusée dans la presse une annonce " Pascal Morabito Jr - De l'or, des brillants, une nouvelle collection - Morabito 1 Place Vendôme ",

Mais considérant que, comme l'ont retenu les premiers juges des accords étaient alors intervenus entre les parties suivant lesquels Morabito Boutique participait à la promotion des ventes de Pascal Morabito ; qu'il ne peut donc être reproché à ce dernier d'avoir visé l'adresse de cette société au cours de cette période,

Considérant que Morabito Boutique n'établit pas que Pascal Morabito ait continué à utiliser l'adresse de la société après la rupture de ces accords,

Considérant que Morabito Boutique produit encore une feuille de l'annuaire téléphonique sur laquelle après la mention " Morabito Maroquinerie, bijouterie, horloger place Vendôme " figure celle " Morabito Pascal, joaillier, maroquinier - galerie Claridge. Champs Elysées, Forum des Halles, rue de Tournai " ; qu'elle allègue que Pascal Morabito n'ayant jamais exercé la profession de maroquinier, cette indication mensongère est de nature à créer une confusion entre leurs entreprises,

Mais considérant que, comme l'a relevé le tribunal, les noms et adresses des parties sont portés d'une manière suffisamment distinctes pour que l'utilisateur de l'annuaire puisse comprendre qu'il s'agit de personnes ou de sociétés distinctes,

Considérant qu'il en résulte que les confusions qui se sont produites entre les parties de la part de certaines sociétés ne peuvent être imputées à faute à Pascal Morabito,

Considérant que Morabito Boutique ne justifie pas non plus que les faits qu'elle reproche à ce dernier lui aient causé préjudice,

Considérant qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Morabito Boutique de sa demande en concurrence déloyale,

XI. - Sur les demandes de Morabito Boutique pour frais irrépétibles

Considérant que le tribunal a exactement condamné Pascal Morabito à payer à Morabito Boutique la somme de 5 000 F pour frais non taxables que cette société a dû exposer en première instance et qu'il n'était pas équitable de laisser à sa charge,

Considérant qu'il y a lieu en outre de condamner Pascal Morabito à verser à Morabito Boutique, qui a également gain de cause en appel sur l'essentiel de ses demandes, une somme complémentaire de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais non compris dans les dépens que cette société a dû exposer devant la Cour et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge,

XII. - Sur les demandes de Pascal Morabito pour action abusive et frais irrépétibles

Considérant que Morabito Boutique étant bien fondée en l'essentiel de ses demandes, Pascal Morabito ne peut prétendre que l'action qu'elle a diligentée contre lui avait un caractère abusif, qu'il doit donc être débouté de sa demande en dommages-intérêts de ce chef ainsi que de celle en publication du présent arrêt aux frais de Morabito Boutique,

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Pascal Morabito qui succombe en ses prétentions les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés tant en première instance qu'en appel, qu'il doit donc être débouté de sa demande formée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, Déboute Monsieur Pascal Morabito de son appel, Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 7 janvier 1982 en ce qu'il a : - déclaré valable la marque déposée par la société Morabito Boutique le 3 juin 1966 sous le n° 219.054/956.830 et renouvelée le 25 mai 1976 dans les classes 14, 16, 18, 20, 21 et 25 sans revendication d'usage antérieur, - dit que la société Morabito Boutique est régulièrement titulaire de tous droits privatifs - sur le nom commercial Morabito ; - sur un blason représentant un personnage ailé, une tête de maure et un bras en position horizontale , le tout surmonté d'une couronne comtale ; - sur une dessin représentant l'initiale stylisée du nom Morabito ; - dit que la marque déposée par Monsieur Pascal Morabito le 29 mai 1970 sous le n° 7485, enregistrée en France sous le n° 6795 et internationalement sous le n° 440.322 dans la classe 3, constitue la contrefaçon de la partie dénominative de la marque susvisée mais non du blason utilisé à titre distinctif par la société Morabito Boutique, - dit que la marque déposée par Monsieur Pascal Morabito le 3 octobre 1978 sous le n° 297.249, enregistrée sous le numéro 1.059.738 dans les classes 3, 8, 9, 11, 12, 27, 34, 35, 36, 41 et 42 constitue la contrefaçon de la marque susvisée, Réformant : Dit que la marque déposée par Monsieur Pascal Morabito le 6 octobre 1978 sous le n° 2.97940 enregistrée sous le n° 1.070349 dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 25 et 34 constitue la contrefaçon du dessin stylisé créé en 1971 et appartenant à la société Morabito Boutique, Confirme encore le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit que la marque déposée par Monsieur Pascal Morabito le 6 octobre 1978 sous le n° 297941, enregistrée sous le n° 1.070.350 dans les classes 3 et 14, constitue la contrefaçon de la marque dont est titulaire la société Morabito Boutique, - prononcé la nullité des quatre marques susvisées de Monsieur Pascal Morabito, - ordonné leur radiation ou en tous cas l'inscription du dispositif du jugement lorsqu'il sera passé en force de chose jugée en marque du dépôt sur le registre national des marques de l'Institut National de la Propriété Industrielle et éventuellement de l'Office Mondial de la Propriété Intellectuelle, sur réquisition du Greffier, - condamné Monsieur Pascal Morabito à payer à la société Morabito Boutique la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - lui a fait interdiction d'utiliser à quelque titre que ce soit et dans quelque activité que ce soit le dessin " M " stylisée et le blason de fantaisie susvisés sous astreinte de 3 000 F par infraction constatée passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, - ordonné la confiscation de tous produits, articles, documents commerciaux, publicitaires ou autres portant ou reproduisant sous quelque forme que ce soit, soit la marque Morabito, soit la représentation de la lettre " M " stylisée soit la représentation du blason de fantaisie susdécrit, - dit que Monsieur Pascal Morabito pourra, dans ses activités professionnelles, commerciales ou autres, faire usage de la dénomination Morabito sous la forme " Pascal Morabito " dans les caractères, teintes et dimensions de son choix, la typographie du nom et du prénom devant être la même, - débouté la société Morabito Boutique du surplus de sa demande formée sur le grief de la concurrence déloyale, - débouté Monsieur Pascal Morabito de sa demande en contrefaçon et nullité de la marque complexe Morabito déposée le 14 juin 1969 par la société Morabito Boutique et enregistrée sous le n° 1.098117 ainsi que de sa demande en concurrence déloyale et condamné Monsieur Pascal Morabito aux dépens de première instance, Y ajoutant : Ordonne la radiation en application de l'article 5 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 de l'enregistrement à l'Office National de la Propriété Industrielle de la marque n° 440.332 déposée par Monsieur Pascal Morabito le 3 octobre 1978, Condamne Monsieur Pascal Morabito à payer à la société Morabito Boutique devenue société Morabito une somme complémentaire de 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Déboute Monsieur Pascal Morabito de sa demande en réglementation de l'usage par la société Morabito Boutique du nom Morabito, Déboute Monsieur Pascal Morabito de ses demandes pour action abusive et frais irrépétibles ainsi que de sa demande en publication de l'arrêt aux frais de la société Morabito Boutique, Ordonne la publication du présent dispositif dans trois journaux ou revues au choix de la société Morabito et aux frais de Monsieur Pascal Morabito dans la limite de 18 000 F au total, Rejette toutes demandes autres plus amples ou contraires des parties, Condamne Monsieur Pascal Morabito aux dépens d'appel, Dit que Maître Parmentier, avoué, pourra recouvrer directement contre lui ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.