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Décisions

CE, sect. du contentieux, 31 mai 2000, n° 211871

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Koramic-Building-Product (SA), Wienerberger-Baustoffindustrie AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Labetoulle

Commissaire du gouvernement :

M. Lamy

Rapporteur :

M. Derepas

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner.

CE n° 211871

31 mai 2000

LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 27 août et 18 octobre 1999, présentés pour la société Koramic-Building-Products SA dont le siège est situé Kapel ter Bede 86, 8500 à Courtrai (Belgique) et pour la société Wienerberger-Baustoffindustrie AG dont le siège est situé Wienerbergerstrasse 7, 1100 Vienne (Autriche) ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 1999 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relatif à l'acquisition par les sociétés Koramic et Wienerberger des sociétés Migeon SA et Bisch SNC à la société Keramic Holding AG Laufen ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'autoriser sans condition l'acquisition par les sociétés requérantes des sociétés Migeon SA et Bisch SNC ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; - Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 40 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée : "Tout projet de concentration ou toute concentration ne remontant pas à plus de trois mois peut être soumis au ministre chargé de l'économie par une entreprise concernée" ; que l'article 38 de la même ordonnance dispose : "Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence" ; que selon l'article 42 de la même ordonnance : "Le ministre chargé de l'économie et le ministre dont relève le secteur économique intéressé peuvent, à la suite de l'avis du Conseil de la concurrence, par arrêté motivé et en fixant un délai, enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence suffisante. Ils peuvent également subordonner la réalisation de l'opération à l'observation de prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Ces injonctions et prescriptions s'imposent quelles que soient les stipulations des parties" ;

Considérant, d'autre part, que l'article 29 du décret du 29 décembre 1986 susvisé dispose : "Lorsque le ministre chargé de l'économie saisit le Conseil d'un projet ou d'une opération de concentration, il en informe les parties à l'acte" ; que l'article 21 de l'ordonnance susvisée, applicable en vertu de l'article 44 de la même ordonnance à la procédure d'examen des concentrations par le Conseil de la concurrence, prévoit que le rapport du rapporteur du Conseil de la concurrence est "notifié aux parties" ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1986 susvisé : "Avant de prendre la décision prévue à l'article 42 de l'ordonnance, le ministre chargé de l'économie envoie le projet de décision accompagné de l'avis du Conseil de la concurrence aux parties intéressées et leur impartit un délai pour présenter leurs observations" ;

Considérant que sur le fondement des dispositions précitées de l'article 42 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, saisi par les sociétés Koramic-Building-Products SA et Wienerberger Baustoffindustrie AG de l'acquisition par elles des sociétés Migeon SA et Bisch SNC précédemment détenues par la société Keramik Holding AG Laufen a, par un arrêté du 29 juin 1999, enjoint aux sociétés requérantes de céder l'unité de production de briques sise à Pont d'Aspach (Alsace), ou une unité de même nature, présentant des caractéristiques équivalentes et située dans la même région ;

Considérant quel'arrêté attaqué ne pouvait légalement intervenir sans que les formalités prévues par les dispositions précitées de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 29 et 30 du décret du 29 décembre 1986 eussent été respectées ; qu'il est constant que les communications exigées par ces dispositions n'ont pas été faites à l'égard de la société Keramik Holding AG Laufen, qui était l'entreprise cédante des sociétés Migeon SA et Bisch SNC, et comme telle, partie à l'acte de cession et à l'opération de concentration; que, dès lors, l'arrêté du 29 juin 1999 est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière; que par suite, la société Koramic-Building-Products SA et la société Wienerberger Baustoffindustrie AG sont fondées à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction : - Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 dans sa rédaction résultant de la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;

Considérant que les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de les autoriser sans condition à acquérir les sociétés Migeon SA et Bisch SNC ; qu'eu égard à ses motifs, l'annulation, par la présente décision, de l'arrêté attaqué n'implique pas nécessairement une telle décision ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions ;

Décide :

Article 1er : L'arrêté du 29 juin 1999 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du secrétaire d'Etat à l'industrie est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Koramic-Building-Products SA et de la société Wienerberger Baustoffindustrie AG est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Koramic-Building-Products SA, à la société Wienerberger Baustoffindustrie AG et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.