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Décisions

Ministre de l’Économie, 4 février 2000, n° ECOC0000186Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société UBS

Ministre de l’Économie n° ECOC0000186Y

4 février 2000

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 6 décembre 1999, vous avez notifié l'acquisition par le groupe UBS BV de la société Sersé, active dans le secteur du transport de fonds.

Le groupe UBS est actif dans les services financiers au travers de quatre domaines : la gestion privée, la gestion d'actifs, la banque d'affaires et la gestion de participations industrielles. Son produit d'exploitation bancaire s'est élevé, en 1998, en France, à 1,6 milliard de francs. Il contrôle, entre autres, la société Ardial à hauteur de 66,4 % du capital, à travers la holding EuroFides (le reste étant détenu à hauteur de 16,8 % chacun par La Poste et par Servicam, regroupant 17 filiales du Crédit Agricole). Cette société de droit français réalise un chiffre d'affaires de 914 millions de francs, dans le transport de fonds et ses activités connexes.

La société Sersé est une société de droit français également active dans le secteur du transport de fonds. Antérieurement à la réalisation de l'opération de concentration, les trois principaux actionnaires de cette société étaient la Lyonnaise de banque SA, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Est et la Caisse d'épargne Rhône-Alpes. Son chiffre d'affaires s'est élevé, en 1998, à 687 millions de francs.

Au terme de l'opération, UBS, déjà actionnaire d'Ardial, le sera également à hauteur de 66,6 %, dans Sersé, à travers la holding EuroFides Investissement, le reste du capital restant détenu par les anciens actionnaires d'Ardial(1).

Cette opération n'étant pas contrôlable au regard des seuils exprimés en chiffre d'affaires visés à l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il convient de déterminer les marchés pertinents.

Dans le secteur de la sécurité des mouvements de fonds, l'opération affecte essentiellement deux marchés pertinents : le marché du transport de fonds et le marché du traitement des valeurs (tri et comptage des espèces transportées en caisse centrale avant remise à la Banque de France ainsi que gestion et approvisionnement des distributeurs automatiques de billets). En effet, si ces deux activités sont souvent assurées par le même prestataire, on peut relever que le traitement des valeurs n'est que partiellement externalisé par les banques, tandis que le transport de fonds l'est totalement. En outre, l'activité de transports de fonds obéit à une réglementation spécifique. En tout état de cause, même si l'on devait retenir un marché unique du transport de fonds et du traitement des valeurs, l'analyse concurrentielle n'en serait pas modifiée.

Si le fait d'être en mesure de proposer une offre globale, couvrant la presque totalité du territoire national, constitue un avantage pour un opérateur, notamment dans les cas où les référencements de prestataires s'effectuent au niveau des directions générales des sociétés clientes et même s'il n'est pas exclu qu'à terme ce marché acquiert une dimension nationale, compte tenu des investissements requis, de la concentration et de la rationalisation de la demande et des exigences croissantes en matière de sécurité, force est de constater qu'aujourd'hui, la dimension géographique du marché demeure locale.

En effet, les opérateurs transportent les fonds des banques vers leurs centres forts afin de traiter les espèces et de les remettre au comptoir de la Banque de France. L'exercice de cette activité est donc indissociable de la possession, au niveau local, d'un centre fort, infrastructure qui nécessite des investissements de l'ordre de plusieurs millions de francs. La clientèle (composée des établissements financiers et de la grande distribution), qui dispose pourtant d'infrastructures nationales, maintient, de ce fait, le choix du prestataire à un niveau décentralisé.

Localement, la dimension la plus pertinente est le département compte tenu de la densité d'implantation des comptoirs de la Banque de France. Toutefois, les frontières administratives ne peuvent pas toujours être retenues, notamment dans le cas de zones situées aux limites départementales et de la possibilité d'opérer dans un département à partir d'un centre fort situé dans un département voisin, si la densité et la qualité du réseau routier s'y prêtent.

En tout état de cause, même si l'on devait retenir une délimitation géographique nationale du marché, les éléments locaux demeureraient prédominants dans la mesure où des implantations locales sont requises pour assurer un maillage complet du territoire. Un opérateur qui se verrait exclu d'une région ne disposerait ainsi pas d'une offre nationale et ne pourrait donc pas concurrencer efficacement des entreprises disposant d'une telle offre.

L'opération est contrôlable car elle dépasse le seuil en valeur relative de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. En effet, les entreprises parties à l'opération ont réalisé, en France, en 1998, [30 à 40 %] des prestations de transports de fonds, le seuil de 25 % étant dépassé dans de nombreux départements.

Cette opération de concentration réunit les activités des deuxième et troisième transporteurs de fonds en France. Si l'on tient compte des positions nationales, la nouvelle entité, avec [30 à 40 %] des ventes, est encore légèrement au-dessous du niveau de la société Brinks qui réalise, quant à elle, [40 à 50 %] des ventes (ces chiffres sont respectivement, pour le traitement des valeurs, de [30 à 40 %] et de [40 à 50 %].

Les deux principaux opérateurs actifs sur le territoire français disposeront de positions fortes, compensées, il est vrai, par le pouvoir de négociation de la demande, composée principalement des banques de réseaux et de la grande distribution. Néanmoins, il n'est pas impossible que la puissance de marché traditionnellement prêtée aux banques soit diminuée du fait de l'actionnariat de la nouvelle entité, celui-ci étant largement composé par ses principaux clients bancaires et par La Poste.

L'étude des positions départementales, considérées en l'espèce comme pertinentes, révèle, par ailleurs, un risque local de position dominante au profit de la nouvelle entité. Treize départements où Ardial et Sersé possèdent chacun des centres ont été étudiés plus spécifiquement. Il est apparu que dans cinq départements, (...), les positions de la nouvelle entité sont particulièrement fortes : (80 à 90 %) en Ardèche, (70 à 80 %) dans la Drôme, (90 à 100 %) en Isère, (60 à 70 %) dans la Loire et (80 à 90 %) dans le Rhône. Dans les autres départements de la région, dans lesquels il n'y a pas d'addition de parts de marché mais qu'il convient néanmoins de prendre en compte du fait de la perméabilité des frontières départementales, la nouvelle entité disposera de positions également fortes : environ (70 à 80 %) dans l'Ain, (60 à 70 %) en Haute-Savoie et (60 à 70 %) en Savoie.

Enfin, les barrières à l'entrée, du fait du coût de construction des centres forts, réduisent très fortement les possibilités d'élargissement de l'offre. Si la tendance à l'émergence d'un marché national devait se confirmer dans les années à venir, les barrières à l'entrée, élevées aujourd'hui sur des marchés locaux, deviendraient infranchissables sur un marché national.

Il résulte de cette analyse que la nouvelle entité se trouvera, à l'issue de l'opération, en position dominante dans l'ensemble des départements de la région Rhône-Alpes, compte tenu de la densité d'implantation de ces centres forts et de la composition de son actionnariat, constitué principalement de banques elles-mêmes solidement implantées dans cette région.

Les parties ont assorti leur notification d'engagements destinés à résoudre les problèmes de concurrence identifiés dans la région Rhône-Alpes.

Elles se sont tout d'abord engagées à céder à un ou plusieurs tiers agréés par le ministre chargé de l'Economie, dans un délai (...), un centre (...), un centre et un centre (...).

Elles se sont en outre engagées à sous-traiter une partie de leur activité de transports de fonds dans l'Ain à un tiers ayant reçu l'agrément du ministre chargé de l'Economie, dans les (...) suivant la date d'autorisation de l'opération, de telle sorte que la part de marché de la nouvelle entité dans ce département s'établisse à un niveau inférieur à (... %).

La cession de ces trois centres, à partir desquels peuvent être servis (...), ainsi qu'une partie des départements limitrophes, permettra de rééquilibrer la concurrence sur ces départements. Compte tenu de la (...), ainsi que de l'engagement concernant le département de l'Ain, une concurrence effective pourra être maintenue dans l'ensemble des départements de la région Rhône-Alpes.

Les parties se sont en outre engagées à restructurer le capital des holdings EuroFides et EuroFides Investissement, ou de la holding qui résulterait de la fusion de ces deux entités, de telle sorte que le montant de la participation des actionnaires bancaires, représentés par Sofipost, Servicam et Lycace, n'excède pas (...).

Cette restructuration du capital devra intervenir dans les (...).

En tout état de cause, dans un délai de (...), Sofipost, Servicam et Lycace ne devront plus détenir, seuls ou conjointement, de minorité de blocage dans EuroFides, EuroFides Investissement ou la holding qui résulterait de la fusion de EuroFides Investissement et EuroFides.

Ces engagements permettront à la nouvelle entité d'être pleinement indépendante de ses clients, qui ne disposeront plus de la minorité de blocage et dont la participation au capital de la nouvelle entité sera suffisamment faible pour que les arbitrages commerciaux priment sur les intérêts des banques en tant qu'actionnaires. La nouvelle entité ne disposera ainsi pas d'avantage concurrentiel lié à la composition de son capital.

Enfin, les parties s'engagent à ce que les actionnaires bancaires, représentés par Sofipost, Servicam et Lycace, ne siègent plus au sein des organes d'administration et de direction de l'entité fusionnée à compter du (...). Cet engagement permet de créer une " muraille de Chine " entre la nouvelle entité et ses clients-actionnaires, qui n'auront ainsi plus un accès privilégié à l'information concernant l'un de leurs prestataires de service.

Compte tenu de ces engagements, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés, notamment par création ou renforcement d'une position dominante. Je vous informe qu'il n'est donc pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.

(1) Lire : " Sersé " au lieu de : " Ardial ".

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n°95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.