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Décisions

Ministre de l’Économie, 7 octobre 1994, n° ECOC9410207A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Ministre de l’Économie n° ECOC9410207A

7 octobre 1994

MINISTRE DE L'ECONOMIE; MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA FRANCOPHONIE

Le ministre de l'Economie et le ministre de la Culture et de la Francophonie,

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et notamment ses articles 38, 40 et 42 ; Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 fixant les conditions d'application de l'ordonnance précitée, notamment son article 30 ; Vu la notification en date du 12 avril 1994 faite par la société Média Communication, relative à l'acquisition par cette société de la totalité des actions de la société Codes Rousseau ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 22 avril 1994 ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence du 13 septembre 1994 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte le transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs entreprises une influence déterminante" ;

Considérant que l'opération analysée consiste en l'acquisition de la totalité des actions de la société Codes Rousseau, par la société Média Communication, filiale de la société Bertelsmann AG ; qu'en prenant le contrôle de la société Codes Rousseau la société Média Communication a réalisé une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance précitée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'une opération de concentration ne peut être soumise à l'avis du Conseil de la concurrence que "lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs" ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Codes Rousseau et ses filiales s'est élevé lors de l'exercice clos en 1993 à 106,7 millions de francs ; que celui réalisé par la société Ediser, filiale de Média Communication, s'est élevé à 3,2 millions de francs ; que le chiffre d'affaires consolidé des entreprises filiales de Média Communication a été de 3,29 milliards de francs ; que, toujours en 1993, le chiffre d'affaires de France-Loisirs, filiale de la société Bertelsmann AG, s'est élevé à 2,9 milliards de francs ; que le chiffre d'affaires total des entreprises parties à l'acte ou qui leur sont économiquement liées est inférieur à 7 milliards de francs ; qu'ainsi la condition de chiffre d'affaires fixée à l'article 38 de l'ordonnance susvisée n'est pas remplie ; qu'il importe donc de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint ;

Considérant que les sociétés Codes Rousseau et Ediser ont pour activité d'offrir aux 13 900 entreprises d'auto-écoles un ensemble de produits et prestations complémentaires concernant l'enseignement de la conduite qui se compose d'instruments pédagogiques destinés aux moniteurs d'auto-écoles et à leurs élèves, de documents officiels nécessaires à l'obtention du permis de conduire et de divers autres matériels utiles au fonctionnement courant des entreprises concernées : qu'ainsi les sociétés Codes Rousseau et Ediser participent à un marché de la fourniture aux entreprises d'auto-écoles d'un ensemble de produits et de prestations concernant l'enseignement de la conduite ; qu' en dehors des sociétés Codes Rousseau et Ediser seule la société Ecolauto est présente sur le marché ainsi défini ;

Considérant que, sur ce marché dont la dimension est évaluée à 118 millions de francs, le montant des chiffres d'affaires cumulés des sociétés Codes Rousseau et Ediser s'établit 99,5 millions de francs ; qu'ainsi la part de marché détenue par la société Média Communication représente 84,3 p. 100 ; que, dès lors, sur ce marché, le seuil en valeur relative fixé à l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est atteint ;

Considérant que la société Média Communication assure désormais, par le biais des sociétés Codes Rousseau et Ediser, plus de 84 p. 100 du marché de la fourniture aux entreprises d'auto-écoles d'un ensemble de produits et de prestations concernant l'enseignement de la conduite ;

Considérant que l'opération se traduit en outre par la disparition d'une entreprise indépendante ; que ce marché n'est désormais plus approvisionné que par deux opérateurs, le premier d'entre eux dépendant d'un groupe doté d'importantes ressources financières et logistiques, le second étant une entreprise familiale disposant de ressources plus limitées ; qu'ainsi, tandis que le chiffre d'affaires consolidé de Média Communication s'élève à 3,29 milliards de francs, dont près de 100 millions sur le marché considéré, le chiffre d'affaires d'Ecolauto est de 18 millions de francs ;

Considérant que, par l'acquisition de Codes Rousseau, la société Média Communication occupe une position dominante sur le marché de la fourniture aux entreprises d'auto-écoles d'un ensemble de produits et de prestations concernant l'enseignement le la conduite ; que cette position dominante fait peser un risque sur le fonctionnement de la concurrence en raison même des moyens financiers et logistiques du groupe auquel elle appartient et de la dimension modeste de son seul concurrent, la société Ecolauto ;

Considérant que l'opération apparaît comme d'autant plus préjudiciable au fonctionnement de la concurrence que l'accès au marché apparaît difficile ; qu'ainsi, hormis la société Ediser dans la période récente, aucune entreprise n'est parvenue à pénétrer sur ce marché ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'opération de concentration considérée comporte des risques d'atteinte à la concurrence ;

Considérant que la société Média Communication soutient, d'une part, que le savoir-faire de Codes Rousseau sur le marché français allié à l'expérience internationale de Bertelsmann doit "faire naître des synergies profitables à tout le marché européen de l'édition professionnelle et technique" et, d'autre part, que l'élargissement de la gamme et l'extension des domaines d'activités de Codes Rousseau auront pour le consommateur des "répercussions favorables" ;

Considérant cependant qu'aucun élément n'est apporté à l'appui des arguments invoqués ; qu'il n'est en particulier pas démontré que, par ses moyens propres, le groupe Bertelsmann, par l'intermédiaire de la société Média Communication et de la société Ediser, ne serait pas en mesure d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés ; qu'enfin, en admettant même que l'acquisition de la société Codes Rousseau par Média Communication soit susceptible de donner au nouveau groupe une plus grande capacité d'action à l'étranger, le progrès économique invoqué n'est ni de nature ni d'une portée propres à compenser les atteintes à la concurrence; qu'il convient en conséquence de prescrire des mesures propres à rétablir les conditions d'une concurrence suffisante;

Considérant que, pour rétablir une concurrence suffisante, il convient de revenir à la situation du marché telle qu'elle existait avant la concentration en cause, en garantissant la présence d'un opérateur indépendant sur ce marché ;

Considérant que, pour répondre à cet objectif, il convient que la société Ediser soit cédée à un opérateur juridiquement et financièrement indépendant de Média Communication, de sa maison mère Bertelsmann AG, ou d'une filiale de l'une ou l'autre de ces sociétés;

Considérant que la lettre d'engagement de la société Média Communication en date du 4 octobre 1994 correspond à cet objectif,

Arrêtent : Art. 1er. - L'autorisation de la concentration entre les sociétés Média Communication et Codes Rousseau est subordonnée à la cession par la société Média Communication de la société Ediser dans les conditions et suivant les modalités prévues par la lettre d'engagement du 4 octobre 1994 susvisée.

Art. 2. - La société Média Communication rendra compte au ministre chargé de l'économie, au terme du délai prévu par la lettre précitée, des mesures prises pour se conformer à son engagement.