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Décisions

Ministre de l’Économie, 19 décembre 1994, n° ECOC9410266V

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

Défendeur :

Administrateur général de la Compagnie Luxembourgeoise de télédiffusion

Ministre de l’Économie n° ECOC9410266V

19 décembre 1994

Monsieur l'administrateur général,

Par lettre du 25 avril 1994, j'avais saisi le Conseil de la concurrence de la prise de contrôle par la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) des stations Fun Radio et M 40, cette double concentration entrant dans le champ d'application du titre V de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour ce qui concerne les activités liées à la publicité radiophonique.

Le Conseil de la concurrence a rendu le 15 novembre 1994 l'avis ci-joint, concluant que ces deux opérations sont de nature à porter atteinte à la concurrence sans présenter par ailleurs de contribution suffisante au progrès économique, et qu'en conséquence ces concentrations devraient être subordonnées à des conditions de nature à rétablir le jeu de la concurrence sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique.

Cet avis se fonde pour l'essentiel sur une pratique commerciale - l'offre de couplage First Radio - dont les conditions tarifaires seraient directement liées aux opérations en cause, ainsi que sur la forte position détenue par la CLT sur le marché concerné. Le conseil a en effet considéré que la remise tarifaire résultant de ce couplage "peut avoir pour effet de diminuer artificiellement la compétitivité des supports concurrents de ceux concernés par le couplage et est susceptible de limiter la concurrence sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique". Par ailleurs, cette remise comporterait d'autant plus de risque d'atteinte au jeu de la concurrence sur ce marché que la CLT "y occupe une position prééminente", que son support RTL enregistre la plus forte audience du média radio et que la part des recettes publicitaires de sa régie IP est la plus importante du marché.

Cette analyse appelle de ma part les observations suivantes :

La CLT occupe bien le premier rang sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique, avec plus de 35 p. 100 de ce marché. Pour autant, le Conseil n'établit pas que ce groupe puisse s'abstraire de la concurrence. En effet, le principal concurrent de la CLT détient plus du quart du marché et il est, comme la CLT, associé à un important groupe publicitaire. En outre, les autres intervenants sur ce marché, qui eux-mêmes disposent de plusieurs supports radiophoniques faisant l'objet de couplages publicitaires, occupent des positions non négligeables.

Les annonceurs peuvent également bénéficier de diverses remises auprès de régies des autres supports (remises de couplage, de volume, de part de marché, etc...). Par ailleurs, ces annonceurs ne se déterminent pas uniquement à partir de critères tarifaires mais tiennent compte de critères qualitatifs tels que l'âge des auditeurs ou la catégorie socioprofessionnelle des cibles visées.

Certes, le texte de l'article 38 de l'ordonnance offre la possibilité de démontrer qu'il existe d'autres atteintes à la concurrence que celles résultant de la création ou du renforcement d'une position dominante ; dans cette hypothèse, il est évidemment nécessaire d'établir en quoi l'opération de concentration elle-même porte alors atteinte à la concurrence.

Or il n'est pas indiqué par le Conseil que l'opération de concentration en elle-même porte atteinte au fonctionnement concurrentiel du marché.

Je conclus donc, comme le Conseil, qu'il n'y a pas lieu d'interdire les concentrations résultant de la prise de contrôle par la CLT des stations Fun Radio et M 40.

Enfin, j'observe que le dispositif préconisé par l'avis susvisé et consistant à modifier les conditions d'application de la remise forfaitaire de couplage est une mesure purement comportementale, dépourvue d'effet structurel. Conformément à la doctrine traditionnelle du contrôle des concentrations, une telle mesure, qui nécessiterait en outre un contrôle permanent du comportement des entreprises, ne répondrait pas aux objectifs du contrôle des concentrations qui concerne les structures.

Il ne me semble donc pas possible de la retenir.

Je précise cependant que cette décision ne saurait en aucun cas être comprise comme une validation de la pratique des tarifs de couplage au regard des dispositions de l'ordonnance autres que celles relatives au contrôle des concentrations. En particulier, si ultérieurement, et indépendamment de toute opération de concentration et compte tenu de la teneur de l'avis du conseil sur la présente opération, la CLT venait à détenir une position dominante, par l'effet du couplage ou pour toute autre raison, cette pratique de couplage assortie de fortes remises pourrait tomber sous le coup d'autres dispositions de l'ordonnance.

Je vous prie de croire, monsieur l'administrateur général, à l'assurance de ma considération distinguée.