Conseil Conc., 10 mai 1994, n° 94-A-16
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Jean-Guirec Le Noan, par M. Jenny, vice-président, présidant, MM. Blaise, Gicquel, Pichon, Robin, Sargos, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le 28 décembre 1993 sous le numéro A 130 par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative à une concentration dans le secteur de la restauration collective, résultant de la prise de participation de la société Financière générale de restauration dans le capital de la société Elior ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1" décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, notamment son titre V, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Financière générale de restauration et Elior ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Financière générale de restauration et Elior entendus ; Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés ;
I. - CONSTATATIONS
Le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence, le 28 décembre 1993, d'une opération de concentration relative à l'acquisition par la société Financière générale de restauration de 25 p. 100 du capital de la société Elior, laquelle détient 99,9 p. 100 du capital de la société Orly Restauration, opération qui lui a été notifiée le 8 décembre 1993.
A. - Les entreprises parties à l'opération
1° La société Financière générale de restauration est une société holding, qui possède la quasi-totalité du capital de la société Générale de restauration, sa principale filiale opérationnelle dans la restauration collective.
La société Générale de restauration, actuellement deuxième société de restauration collective en France, fut successivement filiale de Jacques Borel International, puis de Novotel et du groupe Accor. En 1991, les salariés de la société Générale de restauration se sont réunis en société civile pour opérer un rachat de l'entreprise par ses cadres dirigeants. Au jour de la notification de l'opération, la société Financière générale de restauration était détenue à hauteur de 35 p. 100 par les cadres de la société Générale de restauration, de 30 p. 100 par la Compagnie générale des eaux, de 30 p. 100 par le groupe Accor et de 5 p. 100 par des cadres de ce groupe.
En janvier 1994, le groupe Accor a cédé sa participation dans la société Générale de restauration, pour moitié, aux cadres de cette société déjà actionnaires et, pour moitié, à la Compagnie générale des eaux, de telle sorte que le capital de la société Financière générale de restauration est actuellement réparti de la façon suivante : 52,5 p. 100 détenus par des cadres dirigeants ayant participé au rachat de 1991 et 47,5 p. 100 détenus par la Compagnie générale des eaux, qui est également minoritaire en termes de droits de vote.
2° La société Elior, issue de la restructuration du groupe d'hôtellerie-restauration Elitair, est également la société holding d'un groupe d'entreprises appartenant au secteur de la restauration collective. Ce groupe s'est constitué autour de la société Orly Restauration, principale filiale opérationnelle et cinquième entreprise du secteur.
Jusqu'à l'opération de concentration, le capital de cette société était détenu pour moitié par deux sociétés du groupe Rivaud, d'une part, et par la Compagnie générale des eaux, d'autre part.
B. - L'opération de rapprochement
Le 23 septembre 1993, les actionnaires de la société Elior ont décidé une augmentation de capital, ouverte à la société Financière générale de restauration et au PDG commun de la société Elior et de la société Orly Restauration.
A la suite de cette augmentation, le capital de la société Elior est désormais réparti de la façon suivante : la Compagnie générale des eaux en détient 33,33 p. 100, les sociétés du groupe Rivaud 33,33 p. 100, la société Financière générale de restauration 25 p. 100 et le PDG de la société Elior le solde, soit 8,33 p. 100.
Selon les sociétés Financière générale de restauration et Elior, l'objectif de cette opération est notamment l'amélioration de leur productivité, grâce à la constitution de deux GIE pour l'exercice de fonctions liées à l'approvisionnement et à la gestion de l'information.
C. - Le secteur de la restauration collective
1. Données générales
a) La gestion directe et la gestion déléguée
Selon le Syndicat national de la restauration collective (SNRC), "la restauration collective recouvre toutes les activités consistant à préparer et à fournir des repas aux personnes travaillant et/ou vivant dans les collectivités telles que les entreprises, les administrations, les écoles, les hôpitaux et tous autres organismes publics ou privés, assurant, pour répondre à un besoin social, l'alimentation de leurs ressortissants".
Cette forme de restauration peut être assurée selon deux modalités :
- si la collectivité organise elle-même ce service, le cas échéant par le biais d'une entité juridique ad hoc, éventuellement avec la simple assistance d'un prestataire de service extérieur, il s'agit de restauration collective "directe" ou "autogérée" ;
- si la collectivité confie l'exécution de ses services de restauration à une entreprise extérieure spécialisée, il s'agit de restauration "concédée", "déléguée" ou "sous-traitée" et les sociétés prestataires de ce service sont regroupées sous la dénomination de "sociétés de restauration collective".
La restauration collective, dont le taux de croissance a été de l'ordre de 0,5 p. 100 par an en moyenne depuis dix ans, représentait en France, en 1992, un chiffre d'affaires hors taxes de l'ordre de 83 milliards de francs, se décomposant en 66 milliards pour la gestion directe et 17 milliards pour la restauration concédée.
La gestion directe régresse, tout en demeurant encore prédominante ; la restauration concédée connaît en revanche une croissance rapide ; elle est ainsi passée en moyenne, de 11 p. 100 de l'ensemble de la restauration collective en 1980 à environ 20 p. 100 actuellement et devrait atteindre une proportion de plus de 30 p. 100 d'ici la fin de la décennie.
Parmi les facteurs qui expliquent la progression de la délégation sur la gestion directe, on peut notamment citer :
- le souhait des entreprises, en période de crise économique, de se recentrer sur leur métier de base ; ces dernières confient à des sociétés spécialisées la restauration de leur personnel, en espérant un meilleur suivi des coûts et en définitive, la réalisation d'économies ;
- les exigences réglementaires accrues en matière d'hygiène et de normalisation des installations, ainsi que les progrès technologiques dans le domaine de la restauration collective, qui conduisent les collectivités, après constat de l'obsolescence de leurs locaux ou du manque de formation de leur personnel, à confier à des spécialistes la restauration des salariés, élèves ou malades dont ils ont la charge.
b) La segmentation de la restauration collective
La restauration collective concédée est une activité jeune, apparue en France il y a moins de trente ans. Le secteur privé a été le premier à externaliser sa restauration ; la sous-traitance est ainsi dominante sur les lieux de travail avec près de 60 p. 100 du nombre total de prestations. Ce taux devrait encore progresser d'ici la fin de la décennie pour atteindre 73 p. 100.
Le secteur public s'est ouvert plus récemment à la délégation ; les sociétés de restauration ne servent de ce fait qu'environ 20 p. 100 des repas préparés à destination des établissements scolaires et de santé. Ce faible taux devrait cependant d'ici à l'an 2000 être porté respectivement à 26 p. 100 pour la restauration scolaire et à 29 p. 100 pour celle assurée dans les établissements sanitaires et sociaux. Ces perspectives expliquent que les sociétés de restauration s'attachent désormais tout particulièrement, pour assurer leur croissance, à convaincre la clientèle potentielle des collectivités territoriales, dont les élus et responsables administratifs sont prescripteurs en restauration scolaire, sociale et bien souvent hospitalière.
Les professionnels distinguent traditionnellement trois principaux segments dans la restauration collective : le segment Travail (entreprises et administrations) qui, avec 575 millions de repas servis annuellement, représente 16 p. 100 du volume total de la restauration collective, le segment Scolaire (établissements primaires, secondaires et universitaires) qui, avec 1 200 millions de repas, représente 33 p. 100 de ce volume et le segment Santé-social (hôpitaux et cliniques, maisons de retraite) qui, avec 1 300 millions de repas, en représente 36 p. 100. Le solde concerne la restauration collective sur les segments annexes des loisirs et autres secteurs divers.
c) Les contrats
Dans le secteur privé, rares sont les cas où il y a construction d'équipements spécifiques par les sociétés de restauration elles-mêmes ; dès lors, la concurrence est vive entre l'ensemble des sociétés, petites et grandes : en l'absence de dépenses immobilières importantes, les contrats sont de courte durée, aucun savoir-faire complexe n'est susceptible de constituer un obstacle à l'entrée de concurrents sur le marché et les petites entreprises sont en mesure de faire valoir leur souplesse et leur implantation régionale pour affronter les plus importantes.
Dans le secteur public, les contrats se caractérisent souvent par leur plus grande complexité ou leur durée plus longue.
Au-delà des contrats traditionnels de prestation de services ou d'assistance technique que les sociétés de restauration collective ont passé en grand nombre avec les collectivités locales, un certain nombre de villes procèdent en effet, depuis quelques années, à la signature de contrats de concession ou d'affermage avec les sociétés les plus importantes.
Contraintes de réhabiliter ou de mettre aux normes leurs installations et peu désireuses de dégager les financements nécessaires, elles délèguent ce service pour une durée de cinq à quinze ans, voire exceptionnellement davantage, dont la fixation est liée au délai d'amortissement des cuisines centrales financées par crédit-bail.
La mise en œuvre de procédures publiques d'appel d'offres, l'adaptation de l'offre à des cahiers des charges parfois complexes, la nécessité d'une assise financière solide pour obtenir les concours financiers nécessaires à la prise en charge des immobilisations en cas de contrat de concession, sont autant de facteurs susceptibles de limiter la participation au jeu de la concurrence des petites et moyennes sociétés de restauration.
D'une ampleur encore modeste jusqu'en 1990, le ralliement des municipalités à de tels contrats est désormais plus net ; ainsi par exemple, la société Générale de restauration avait conclu une convention de ce type en 1986 et en 1987, mais trois en 1988 et en 1989, neuf en 1990, trois en 1991, neuf en 1992 et dix en 1993.
2. Les sociétés de restauration collective exerçant leur activité en France
En 1992, les 58 sociétés de restauration opérant en France avaient réalisé un chiffre d'affaires total de 16,7 milliards de francs, en progression de plus de 12 p. 100 par rapport à celui de 1991.
Cette activité de prestation de services est ainsi poursuivie par un nombre important d'entreprises, mais dont les trois premières réalisent près de 60 p. 100 de ce chiffre d'affaires global et les six premières, 77 p. 100 ; les 52 suivantes s'en répartissent moins de 30 p. 100.
EMPLACEMENT TABLEAU
Il s'agit donc d'un marché très concentré, sur lequel coexistent :
- quelques grandes entreprises dont l'assise financière et les moyens logistiques et techniques permettent de répondre à des contrats portant sur un nombre de couverts très élevé et de pénétrer le marché européen ; ces grandes sociétés développent leur activité sur tous les segments de la restauration collective et sont présentes sur l'ensemble du territoire national ;
- d'autres, plus nombreuses, de taille moyenne ou modeste, dont l'implantation géographique est souvent limitée, et qui fondent leur stratégie de développement sur la proximité de leurs dirigeants et sur l'alternative qu'elles représentent pour les clients régionaux, face aux grandes sociétés nationales.
Plusieurs petites entreprises pénètrent sur le marché ou disparaissent chaque année et d'autres se regroupent. En revanche, parmi les premières, les rangs respectifs sont quasiment inchangés depuis plus de dix ans et les parts de marché relativement stables.
3. La restauration collective concédée en Europe
Vingt-six sociétés de restauration collective dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions de francs sont présentes sur le marché européen. Les entreprises françaises et britanniques détiennent une place prépondérante : la firme anglaise Gardner Merchant (chiffre d'affaires total en Europe : 7,6 milliards de francs) occupe le premier rang, devant la société Sodexho (6 milliards) et le groupe Accor (5,7 milliards). Six sociétés françaises figurent parmi les dix premières en Europe (Sodexho et Accor, Générale de restauration, Eurest France, SHRM et Orly Restauration). Une entreprise américaine (ARA), la première à l'échelon mondial, en fait également partie.
La pénétration des sociétés de restauration étrangères sur les marchés nationaux des pays européens est très variable suivant l'existence ou non de sociétés nationales puissantes. Les marchés français et britannique sont ainsi ceux sur lesquels les firmes étrangères ont le plus de mal à s'implanter.
Les sociétés Générale de restauration et Orly Restauration sont peu présentes à l'étranger, par rapport à leurs concurrentes françaises, les sociétés Sodexho et Eurest International (groupe Accor), qui opèrent en restauration collective dans plus de six pays chacune.
La société Générale de restauration n'est représentée qu'aux Pays-Bas, où elle réalise moins de 200 millions de chiffre d'affaires, soit 5,4 p. 100 de son chiffre d'affaires global ; la société Orly Restauration a des filiales en Grande-Bretagne et en Espagne, qui lui procurent également moins de 200 millions de chiffre d'affaires, soit 14,3 p. 100 de son chiffre d'affaires global.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur la nature de l'opération soumise à examen :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante" ;
Considérant que la souscription d'actions à l'occasion d'une augmentation de capital ne peut être considérée, en soi, comme un transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise emportant concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée ;
Mais considérant, en premier lieu, que la Compagnie générale des eaux et les sociétés du groupe Rivaud, uniques actionnaires de la société Elior, qui détenaient chacun 50 p. 100 du capital, ont décidé, par trois résolutions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire de cette société tenue le 20 septembre 1993, d'une part, d'augmenter le capital de la société Elior et, d'autre part, de renoncer à une partie de leur droit préférentiel de souscription au profit exclusif d'un investisseur privé et de la société Financière générale de restauration, concurrente de la société Elior et qui réalise un chiffre d'affaires trois fois plus important que celui de cette dernière ; qu'en deuxième lieu, à la suite de l'adoption de ces résolutions, la société Financière générale de restauration, dont la Compagnie générale des eaux détenait 30 p. 100 du capital, a acquis 25 p. 100 du capital de la société Elior cependant que les participations du groupe Rivaud et de la Compagnie générale des eaux dans cette entreprise passaient à 33,33 p. 100 ; qu'en troisième lieu, postérieurement, la Compagnie générale des eaux a renforcé sa participation dans la société Financière générale de restauration, la portant à 47,5 p. 100 ; qu'ainsi la Compagnie générale des eaux qui, grâce à ses participations directes et indirectes, est devenue l'actionnaire de référence de la société Elior, est également devenue l'actionnaire de référence de la société Financière générale de restauration ; qu'elle dispose d'une influence déterminante sur ces sociétés, lesquelles ont prévu de regrouper, en constituant deux GIE, certaines fonctions liées à l'approvisionnement et à la gestion de l'information ; qu'il résulte de ce qui précède que l'opération décrite au I de la présente décision constitue une opération de concentration au sens des dispositions de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les seuils de référence :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence ne peut examiner une opération de concentration que "lorsque les entreprises parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs" ; que le chiffre d'affaires réalisé en 1992 par la société Générale de restauration s'est élevé en France à 3,5 milliards de francs ; que le chiffre d'affaires de la société Orly Restauration a atteint cette même année 1,2 milliard de francs ; que par conséquent, la condition fixée au deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance susvisée relative au montant des chiffres d'affaires n'est pas remplie ; qu'il importe dès lors de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint sur le marché de référence principalement concerné ;
Sur les marchés de référence :
Sur le marché de la restauration collective concédée :
Considérant que les parties à l'opération soutiennent que le marché pertinent à retenir est "l'ensemble du marché de la restauration collective, que la gestion soit réalisée en autogestion ou en gestion concédée" ; qu'elles fondent leur position sur le fait qu'il s'agit dans les deux cas d'une même prestation de service, rendue aux mêmes usagers avec une structure identique des coûts composant les prix des repas ;
Mais considérant, en premier lieu, que l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que pour apprécier la portée d'une concentration, il convient de déterminer le pourcentage réalisé par les entreprises concernées "des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché"; qu'il résulte de ces dispositions que seules doivent être comprises dans la définition du marché les prestations offertes à des personnes morales qui souhaitent faire assurer par un tiers des services de restauration collective ; que, comme l'ont admis tant la Commission de la concurrence dans son avis du 23 septembre 1982 relatif à la concentration entre les sociétés Sodexho et Jacques Borel International dans le secteur de la restauration collective que la Commission européenne dans sa décision du 28 avril 1992 relative à la concentration entre le groupe Accor et la Compagnie internationale des wagons-lits,l'autogestion d'une cantine par une entreprise ou une administration ne constitue pas un service offert sur le marché de la prestation de services en matière de restauration et ne représente pas une alternative pour les clients recherchant une restauration collective fournie par un tiers; que mêmes'il peut arriver que le restaurant autogéré d'une collectivité assure le service de restauration du personnel ou des membres d'une structure géographiquement proche, ce phénomène purement local ne constitue pas une offre de service générale, comparable à celle proposée par les sociétés de restauration collective;
Considérant, en second lieu, que si les services de restauration collective destinés à des salariés dans leur entreprise ou leur administration, à des écoliers dans leurs établissements publics ou privés, ou à des malades soignés dans les hôpitaux ou les cliniques imposent au prestataire de services des sujétions de nature différente, il n'en résulte pas pour autant que ces sujétions seraient telles qu'il existerait plusieurs marchés de restauration collective concédée ; qu'il est constant que beaucoup d'entreprises de restauration collective, notamment toutes les grandes, adaptent leur offre aux différents types de clients et ne sont pas spécialisées dans la fourniture de services à l'une ou l'autre des clientèles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'état actuel de l'évolution de ce secteur économique, le marché principalement concerné par le rapprochement des sociétés Financière générale de restauration et Elior est donc le marché de la restauration collective concédée, dans son ensemble ;
Considérant qu'en 1992, la société Générale de restauration a réalisé 20,95 p. 100 du chiffre d'affaires global en France des sociétés de restauration collective concédée, et la société Orly Restauration 7,21 p. 100; que les deux entreprises totalisaient donc ensemble plus de 25 p. 100 du marché ; que dès lors la condition fixée à l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est remplie ;
Sur le marché de l'approvisionnement de la restauration hors foyer :
Considérant qu'en amont de leur activité de prestation de services les entreprises de restauration collective sont clientes d'un certain nombre de fournisseurs, mais que leur approvisionnement se réalise sur un marché sur lequel elles constituent des clients parmi d'autres, les offreurs s'adressant également aux autres secteurs de la restauration hors foyer, tels que la restauration publique ou l'hôtellerie ; que c'est donc sur le marché de l'approvisionnement de la restauration hors foyer qu'il y a lieu d'examiner les effets que peut avoir le référencement des fournisseurs par un GIE commun aux sociétés Financière générale de restauration et Elior ;
Sur les effets de l'opération sur la concurrence :
Sur le marché de l'approvisionnement de la restauration hors foyer :
Considérant que les entreprises de restauration collective ne constituent pas les seuls clients de leurs fournisseurs, lesquels livrent également des marchandises à de nombreux autres groupements ou entreprises assurant des services de restauration hors foyer ; que l'opération de concentration n'a pas pour conséquence de placer ces fournisseurs en situation de dépendance vis-à-vis des sociétés Générale de restauration et Orly Restauration, même si ces dernières décident de référencer ensemble leurs fournisseurs ; qu'en effet, il résulte de l'instruction qu'aucun des fournisseurs communs aux deux entreprises ne réalise avec ces dernières plus de 10 p. 100 de son chiffre d'affaires; qu'aucun élément du dossier ne permet de regarder l'opération notifiée comme étant de nature à restreindre ou à fausser la concurrence sur le marché amont de l'approvisionnement de la restauration hors foyer.
Sur le marché de la restauration collective concédée :
Considérant, en premier lieu, que les contrats publics de concession ou d'affermage, qui sont les contrats les plus complexes et dont la durée est la plus longue, nécessitant parfois des investissements immobiliers importants, ne représentent à l'heure actuelle qu'une faible part du marché de la restauration collective concédée et que si cette part a tendance à augmenter, elle restera minoritaire dans l'avenir prévisible ; que la concentration notifiée ne modifie pas dans le court terme la structure de la concurrence pour ce type de contrats dès lors que la société Orly Restauration, filiale de la société Elior n'en détient aucun ; que pour l'obtention de ces mêmes contrats, quatre autres grandes entreprises au moins sont en mesure de concurrencer celles qui sont parties à la concentration, ainsi qu'en témoigne le fait qu'elles détiennent environ 40 p. 100 des contrats en cours; que l'avance de la société Générale de restauration sur ce type de prestation est essentiellement due au fait qu'elle s'est engagée plus tôt que les autres entreprises de restauration collective sur ce créneau ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour ce qui concerne ceux des autres contrats publics qui portent sur la fourniture d'un grand nombre de repas mais ne supposent pas d'investissements immobiliers importants, les entreprises parties à la concentration sont également confrontées à la concurrence des quatre autres grandes entreprises de restauration collective ; qu'il résulte de l'instruction que cette concurrence est réelle et que chacun de ces concurrents a remporté des marchés importants avec des collectivités publiques ;
Considérant, en troisième lieu, que la Compagnie générale des eaux, actionnaire de référence commun aux deux entreprises parties à l'opération notifiée, est le premier groupe français spécialisé dans la fourniture de services aux collectivités publiques ; que certains concurrents de ces deux entreprises ont soutenu que cette circonstance était de nature à inciter les municipalités qui souhaitent sous-traiter leur restauration à privilégier les offres présentées par les sociétés liées à cet opérateur ; que, cependant, l'existence d'un lien financier entre la Compagnie générale des eaux et les sociétés Financière générale de restauration et Elior ne résulte pas de l'opération notifiée, dès lors que la Compagnie générale des eaux détenait, avant cette opération, 50 p. 100 du capital de la société Elior et 30 p. 100 du capital de la société Financière générale de restauration ; qu'en outre, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, qui instaure de nouvelles procédures de publicité préalables à la passation des contrats de délégation de service public, s'applique aux contrats par lesquels ces collectivités délèguent leur restauration ; qu'ainsi la possibilité pour des municipalités de choisir un délégataire pour des raisons autres que le rapport qualité/prix des prestations qu'il offre, se trouve limitée ;
Considérant, en quatrième lieu, que pour ce qui concerne les autres prestations de restauration collective, et en particulier les contrats publics ou privés de faible importance, les entreprises parties à l'opération seront confrontées non seulement à la concurrence des quatre autres sociétés de taille nationale mais aussi des sociétés de taille régionale ; qu'aucune des entreprises présentes sur le marché de la restauration collective ne dispose, ou ne disposera à l'issue de l'opération de concentration, d'une situation de domination géographique ou sectorielle ;
Considérant, enfin, que le taux de marge des entreprises de restauration collective est faible ; qu'en outre, les collectivités publiques restent dans leur grande majorité attachées à la gestion directe, ce qui contraint les entreprises de restauration collective, pour obtenir de nouveaux marchés sur ce segment porteur, à présenter des offres particulièrement compétitives ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que l'opération de concentration notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'approvisionnement de la restauration hors foyer ; que, pour ce qui est du marché de la restauration concédée, les effets potentiels de l'opération sont suffisamment limités pour qu'il n'y ait pas lieu de s'opposer à cette opération ou de la soumettre à des conditions particulières,
Est d'avis :
Qu'il n'y a lieu, au regard des dispositions de l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni de faire opposition à la prise de participation par la société Financière générale de restauration de 25 p. 100 dans le capital de la société Elior, ni de soumettre cette opération à des conditions particulières.