Conseil Conc., 20 juin 1995, n° 95-A-11
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de M. Alain Dupouy, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Bon, Blaise, Marleix, Robin, Rocca, Sargos, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (formation plénière),
Vu la lettre, enregistrée le 23 mars 1995 sous le numéro A 163, par laquelle le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'une demande d'avis relative au projet d'acquisition par la société Total Raffinage Distribution de la participation détenue par le groupe Bolloré Technologies dans le capital de la société Dépôts Pétroliers de Fos (DPF) ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société Total Raffinage Distribution, la société Bolloré Technologies, par le ministre de l'industrie et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Total Raffinage Distribution et Bolloré Technologies entendus ; Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - L'opération envisagée
L'opération envisagée, telle qu'elle a été notifiée au ministre de l'Economie, concerne l'acquisition par la société Total Raffinage Distribution (TRD) ou par sa filiale à 100 p. 100 la société Les Fils Charvet de la participation détenue par des sociétés du groupe Bolloré Technologies dans le capital de la société Dépôts Pétroliers de Fos (DPF), laquelle exploite à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) un dépôt de stockage de produits pétroliers d'une capacité de 780 000 mètres cubes.
Un accord a, pour ce faire, été conclu le 25 octobre 1994 entre la société TRD et la société Scac Delmas-Vieljeux (SDV), portant engagement d'achat par TRD et engagement de vente par SDV et sa filiale Bolloré Energie de la totalité des actions de la société DPF détenues par ces deux sociétés. L'acquisition de ces actions, soit 55 827 actions qui représentent 21,46 p. 100 du capital de DPF, porterait à 31,81 p. 100 la participation du groupe Total dans DPF.
Les sociétés Soflumar Van Ommeren France et Thévenin et Ducrot, actionnaires de DPF à hauteur, respectivement, de 20,76 p. 100 et 7,80 p. 100 du capital, ont renoncé à exercer le droit de préemption dont elles disposent en vertu d'un pacte d'actionnaires conclu en 1992 avec la société SDV.
L'opération envisagée comporte en outre un projet de contrat d'échange de produits en vertu duquel les sociétés TRD et Bolloré Energie procéderaient à des mises à disposition réciproques de fioul domestique et de gazole à Fos, La Pallice et Orléans, ainsi qu'un projet de convention d'approvisionnement ferme en fioul domestique de Bolloré Energie par Total.
B. - Les entreprises parties à l'opération
1. Le groupe Total
Groupe pétrolier de dimension mondiale, Total est présent dans plus de quatre-vingts pays. Il développe son activité dans tous les secteurs de l'industrie pétrolière (exploration, production, transport, raffinage et distribution) et gazière (production, liquéfaction, transport, production d'électricité à partir de gaz), ainsi que dans plusieurs segments de l'industrie chimique (caoutchouc industriel, résines, encres, peintures et adhésifs).
En 1994, le chiffre d'affaires consolidé du groupe Total s'est élevé à 135 milliards de francs (136,6 milliards en 1992 et 135,5 milliards en 1993) pour un résultat net de 3 milliards de francs (2,9 milliards en 1993). Total est le second groupe pétrolier français après Elf-Aquitaine.
La société mère, Total SA, dont les principaux actionnaires sont l'Etat français (5,16 p. 100), la Cogéma (4,2 p. 100), le Crédit lyonnais (3,28 p. 100), les AGF (3,28 p. 100) et le GAN (1,64 p. 100), possède 315 filiales comprises dans le périmètre de consolidation. 42 p. 100 du capital est détenu hors de France.
La société Total Raffinage Distribution (TRD), filiale à 99,8 p. 100 de Total SA, regroupe les activités aval de Total dans le secteur pétrolier. Elle a réalisé en 1994 un chiffre d'affaires hors taxes de 36,3 milliards de francs (37,9 milliards en 1993), dont environ 80 p. 100 en France. TRD exploite directement neuf raffineries, dont trois situées en France (La Mède, Gonfreville et Mardyck).
Deux filiales à 100 p. 100 de TRD sont déjà actionnaires des Dépôts pétroliers de Fos. La société Les Fils Charvet, qui détient actuellement 8,14 p. 100 du capital de DPF, est un distributeur de fioul domestique et de carburants opérant dans la partie Sud-Est de la France ; en 1994, son chiffre d'affaires hors taxes s'est élevé à 1,5 milliard de francs. La société Stela, qui possède 2,21 p. 100 du capital de DPF, est spécialisée quant à elle dans la fourniture de carburants automobiles à la grande distribution et opère sur la totalité du territoire métropolitain. Son chiffre d'affaires hors taxes s'est élevé en 1994 à 2,7 milliards de francs.
2. Le groupe Bolloré Technologies
Sur les 23 milliards de francs de chiffre d'affaires réalisé en 1994 par le groupe Bolloré Technologies, 21,4 milliards de francs proviennent de l'activité de la société Scac Delmas-Vieljeux (SDV) et de ses filiales. Le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Scac Delmas-Vieljeux s'est élevé à environ 8 milliards de francs en 1994.
SDV, qui possède actuellement 20,71 p. 100 du capital de DPF, est contrôlée à plus de 50 p. 100 par plusieurs sociétés du groupe Bolloré, au premier rang desquelles la société Bolloré Technologies avec 35,8 p. 100 du capital.
Employant environ 22 000 personnes à travers le monde, le groupe SDV exerce son activité dans les secteurs du tabac, du transport international et de la distribution industrielle. Dans ce dernier secteur, la distribution de produits pétroliers est prépondérante, représentant un chiffre d'affaires de 5 milliards de francs en 1993.
La division Energie de SDV est le premier groupe français indépendant de distribution de combustibles : en 1993, elle a distribué 4 millions de mètres cubes/tonnes de produits pétroliers (fioul domestique, fiouls lourds et mariniers, soutes et carburants).
La société Bolloré Energie, qui détient 0,74 p. 100 du capital de DPF et est contrôlée à 94,6 p. 100 par des sociétés du groupe Bolloré (dont SDV, qui possède 79 p. 100 de son capital), est à la tête de la branche française de la division Energie de SDV. Avec ses filiales, elle a commercialisé 1 251 000 mètres cubes de produits pétroliers en 1993 et 1 100 000 mètres cubes en 1994 (dont environ 850 000 mètres cubes de fioul domestique). Les ventes sont réalisées à 80 p. 100 au Nord d'une ligne Bordeaux-Grenoble. En 1993, son chiffre d'affaires hors taxes s'est élevé à 2,4 milliards de francs pour un résultat net de 4,3 millions de francs.
Le résultat net total du groupe Bolloré, après amortissement des survaleurs, s'est élevé en 1994 à 101 millions de francs, contre une perte de 357 millions de francs en 1993 et de 358 millions de francs en 1992.
C. - Le secteur de la distribution des produits pétroliers
1. Données générales sur le secteur
Les vingt dernières années ont été marquées par la diminution régulière de la part du pétrole dans la consommation d'énergie primaire en France : alors que cette part atteignait 69 p. 100 en 1973, elle n'était plus que de 40,4 p. 100 en 1993. Cette diminution relative du pétrole et l'augmentation corrélative de la production nationale d'énergie nucléaire ont permis d'améliorer le taux d'indépendance énergétique de la France, qui a atteint 51,8 p. 100 en 1993.
Alors que la consommation nationale était dans les années 1970-1980 supérieure à 100 millions de tonnes par an, en 1994 les livraisons de produits pétroliers sur le marché intérieur se sont élevées à 82,2 millions de tonnes, en augmentation cependant de 0,5 p. 100 par rapport à 1993 (81,9 millions de tonnes). On constate en 1994 comme dans les dernières années une augmentation importante de la consommation des carburants sans plomb (+ 8,7 p. 100 en 1994 et 16 p. 100 en 1993), du gazole (+ 4,9 p. 100) et du carburéacteur (+ 3,7 p. 100).
Les importations de pétrole brut se sont élevées à 76,2 millions de tonnes en 1994, inférieures de 2 millions de tonnes à celles de 1993. La production française, qui avait atteint 3,3 millions de tonnes en 1988, a tendance à diminuer depuis cette date (2,7 millions de tonnes en 1994).
La production nette des raffineries françaises s'est établie à 73,6 millions de tonnes, en baisse de 2 p. 100 par rapport à 1993. Les importations de produits raffinés ont atteint 30 millions de tonnes et les exportations 18,8 millions de tonnes, avitaillement de navires inclus.
Depuis la loi du 31 décembre 1992 qui a supprimé le système des autorisations préalables d'importation prévu par la loi du 30 mars 1928, l'ensemble des opérations pétrolières réalisées sur le territoire national (importation, exportation, traitement, transport, stockage et distribution) s'effectue librement. La loi de 1992 maintient toutefois un certain nombre d'obligations visant à assurer la pérennité des approvisionnements, notamment celle de constituer et de conserver des stocks stratégiques.
L'obligation de stocks stratégiques pèse sur toute personne qui réalise une opération entraînant l'exigibilité des taxes intérieures de consommation sur un certain nombre de produits pétroliers, ou livre l'un de ces produits à l'avitaillement des aéronefs. Les produits concernés sont les essences auto et les essences avion, le gazole, le fioul domestique, le pétrole lampant, le carburéacteur et le fioul lourd. Le volume des stocks stratégiques que chaque opérateur est tenu de constituer et de conserver pendant un an est proportionnel aux quantités de produits mises à la consommation. Depuis le 1er juillet 1993, le taux est fixé à 27 p. 100 (25 p. 100 précédemment), ce qui permet à la France de disposer de stocks de sécurité correspondant à 98,5 jours de consommation. Une partie des stocks stratégiques fait l'objet d'une gestion collective assurée, pour le compte du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers, par la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS).
2. Les opérateurs
a) Les raffineurs
Les grandes compagnies pétrolières sont présentes à tous les stades de la chaîne pétrolière ("du puits à la pompe"). Depuis toujours, elles ont souhaité distribuer elles- mêmes au consommateur les produits qu'elles raffinent, en même temps qu'elles les revendent à des grossistes, de sorte que, vis-à-vis de ces derniers, elles sont à la fois en position de fournisseur et de concurrent.
Les compagnies pétrolières disposant de capacités de raffinage sur le territoire national restent celles qui, sous l'empire de la loi de 1928, étaient titulaires d'autorisations A/10 d'importation de pétrole brut : BP France, Elf France, Esso SAF, Mobil Oil française, Société des pétroles Shell, Total Raffinage Distribution.
Les raffineurs français, comme ceux des autres pays occidentaux, ont été confrontés à une profonde récession à partir de 1974 : onze raffineries sur vingt-quatre ont été fermées et la capacité globale de distillation des raffineries françaises a été réduite de moitié (de 170 millions de tonnes en 1978 à 84 millions en 1993). L'achèvement de la restructuration et le retour d'une certaine croissance économique ont permis d'améliorer la situation à partir de 1988. L'adaptation de l'industrie du raffinage doit néanmoins se poursuivre pour tenir compte de l'évolution de la demande : recul du marché du fioul lourd, forte augmentation de la consommation de gazole et de carburant sans plomb, débanalisation des produits en relation avec l'application de normes de qualité et antipollution de plus en plus strictes.
Les compagnies pétrolières sont présentes à trois stades de la distribution : elles vendent à des grossistes les produits qui sortent de leurs raffineries, elles agissent comme grossistes lorsqu'elles vendent ces produits à des détaillants, et sont enfin détaillants lorsqu'elles sont propriétaires de la station-service (carburants) ou du camion (fioul) qui délivre le produit au consommateur final. Elles se trouvent ainsi concurrencer directement les négociants et revendeurs indépendants.
Pour la distribution au détail des carburants, les compagnies pétrolières disposent de réseaux de stations-service. Chacun de ces réseaux est composé de stations qui sont la propriété des compagnies pétrolières (réseau officiel) et d'autres qui portent également la marque de la compagnie mais sont la propriété d'exploitants liés par un contrat d'approvisionnement exclusif (réseau organique).
De plus en plus, les sociétés pétrolières s'efforcent d'avoir la maîtrise de la politique commerciale des stations de leur réseau - y compris du réseau organique. Pour ce faire, elles tendent à privilégier les contrats de mandat dans lesquels le gérant vend le carburant pour le compte de la compagnie, au prix fixé par celle-ci, et est rémunéré par une commission. La liberté commerciale du gérant mandataire propriétaire de sa station se limite alors aux activités non liées à la distribution de carburants.
La recherche d'une plus grande productivité de leur réseau a aussi conduit les compagnies pétrolières à fermer de nombreuses stations depuis une quinzaine d'années : le nombre total de stations est ainsi passé de 40 400 en 1980 à 19 000 en 1994. La politique de restructuration s'accompagne d'un effort de modernisation des points de vente : amélioration de l'aspect extérieur des stations, augmentation du nombre de postes équipés d'automates, diversification des services offerts à la clientèle, etc.
b) Les négociants indépendants
Les entreprises que l'on rassemble sous cette dénomination ne constituent pas un groupe très homogène puisque l'on y trouve à la fois des importateurs-grossistes (les anciens titulaires d'autorisations A-5) qui ont souvent aussi une activité de stockiste, des grossistes et des détaillants (environ 3 000). Ces derniers, qui peuvent être clients des grossistes ou des raffineurs, sont généralement spécialisés soit dans la distribution des carburants, soit dans celle du fioul domestique.
Les véritables négociants indépendants ont vu leur nombre et leur importance diminuer considérablement au cours des dernières années en raison :
- du rachat de nombreux pétroliers indépendants par les raffineurs : notamment Blanzy-Ouest et Béthenod rachetés par Elf-France, Coineau-Brachet par Fina, Les Fils Charvet et Pétroles Chabas par Total ;
- du regroupement d'indépendants : ainsi Bolloré, après avoir acquis Rhin-Rhône, est devenu le plus important opérateur indépendant ;
- de l'importance croissante des groupes de la grande distribution dans la vente des carburants.
c) La grande distribution
L'importance de la place des sociétés de commerce de grande surface dans la distribution des carburants est une particularité du marché français par rapport aux marchés des autres pays européens. Ces sociétés ont appliqué aux carburants les mêmes méthodes que celles utilisées pour les autres produits de grande consommation : elles ont dès l'origine pratiqué des prix sensiblement inférieurs à ceux des stations traditionnelles, ce que leur permettait l'importance de leurs débits et la faiblesse de leurs frais de distribution. Elles ont profité en outre de divers phénomènes marquant l'évolution récente de la société comme l'augmentation du taux d'équipement automobile ou le développement des agglomérations urbaines.
Si, dans un premier temps, les groupes de la grande distribution ont seulement ouvert dans les centres commerciaux des points de vente de carburants, ils ont à partir du début des années 1980 constitué des centrales d'achat afin de garantir l'approvisionnement de leurs stations en s'affranchissant au moins partiellement de la dépendance à l'égard des compagnies pétrolières. Ces centrales d'achat s'approvisionnent notamment sur le marché international et doivent de ce fait disposer d'accès dans les dépôts de stockage, dans lesquels elles détiennent parfois des participations financières.
L'approvisionnement des stations des grandes surfaces est ainsi en partie assuré par les centrales d'achat (environ 40 p. 100) et en partie par les raffineurs et les négociants indépendants. Dans un contexte général de diminution du nombre des points de vente, le nombre des stations des grandes surfaces et leur part dans les ventes totales de carburants ne cessent de progresser : le nombre de ces stations est passé de 1 290 en 1981 à 4 075 en 1993 ; elles assurent désormais 50 p. 100 du total des ventes de carburants auto. En revanche, les commerces de grande surface n'interviennent que très peu dans la distribution du fioul domestique (moins de 1 p. 100).
3. Le stockage des produits pétroliers
En 1993, on dénombrait en France 356 dépôts de stockage de distribution pour les carburants, le gazole et le fioul domestique, représentant une capacité totale de 14 millions de mètres cubes. Les 32 dépôts d'une capacité de plus de 100 000 mètres cubes assurent à eux seuls 58 p. 100 de la capacité totale de stockage.
Au cours des années 1980, la capacité nationale de stockage - incluant les stockages en raffineries - a diminué régulièrement et de nombreux dépôts de faible capacité ont été fermés (100 entre 1984 et 1993). Si l'on n'observe plus de réduction des capacités depuis quelques années, le mouvement de concentration des moyens de stockage se poursuit avec de nouvelles fermetures de petits dépôts. Le seul grand dépôt ouvert ces dernières années est celui d'Ambès en Gironde : d'une capacité de 80 000 mètres cubes, il est exploité par la Société des entrepôts pétroliers de la Gironde, dont les actionnaires sont le stockiste allemand VTG, les filiales de sociétés de la grande distribution Carfuel (groupe Carrefour) et Distriservice (groupe Continent), et le pétrolier indépendant Labruyère. Il faut noter par ailleurs que les approvisionnements "en droiture" des raffineries, directement vers les stations-service et vers les petits dépôts de négociants-revendeurs, ont tendance à s'accroître et représentaient déjà, en 1992, 16 p. 100 du total des livraisons, tant pour les essences que pour le gazole et le fioul domestique.
La majeure partie des dépôts de distribution appartient aux raffineurs. Ceux-ci se regroupent souvent pour gérer en commun un ou plusieurs dépôts : ainsi, les sociétés Raffineries du Midi, Groupement pétrolier de la Côte d'Azur et Dépôts de pétrole côtiers exploitent une quinzaine de dépôts dans le Sud-Est de la France au profit des sociétés Esso, Shell, BP, Total, Mobil et Fina ; de même, l'ensemble des raffineurs est représenté directement ou indirectement dans la société Docks des pétroles d'Ambès, qui exploite à Bassens le plus important dépôt de distribution en France. Les autres catégories d'exploitants sont :
- d'une part, les négociants indépendants, comme Bolloré et Thévenin et Ducrot, et les filiales de sociétés de la grande distribution, qui prennent des participations dans le capital de certains dépôts afin de disposer d'une logistique adaptée à leurs besoins ;
- d'autre part, les stockistes professionnels, pour lesquels la création et la gestion de dépôts constituent l'activité principale ; les principaux stockistes sont : la Compagnie parisienne des asphaltes ; la Compagnie industrielle maritime (CIM), qui exploite notamment le dépôt du port du Havre ; la Société européenne de stockage (SES) qui exploite un dépôt de 200 000 mètres cubes dans le port de Strasbourg ; la société Soflumar Van Ommeren France (SVOF), filiale française d'un groupe néerlandais opérant dans les domaines du transport maritime et du stockage.
4. Les produits concernés
Les produits stockés dans les Dépôts Pétroliers de Fos et distribués à partir de cette unité de stockage sur le marché intérieur sont essentiellement des carburants plombés et sans plomb (1 274 000 mètres cubes/tonnes en 1994), du gazole (1 211 000 mètres cubes/tonnes) et du fioul domestique (360 000 mètres cubes/ tonnes). Selon le dossier de notification, "DPF représente 35 p. 100 des capacités "ouvertes" d'importation de carburants et de fioul domestique en zone Sud et y assure 58 p. 100 du trafic".
La consommation nationale de carburants pour automobiles (essences plombées et sans plomb) a été de 16,4 millions de tonnes en 1994 ; celle de gazole s'est élevée à 21,7 millions de tonnes et celle de fioul domestique à 16 millions de tonnes. Ces trois produits entrent pour 67 p. 100 dans la consommation totale de produits pétroliers.
Les ventes de carburants auto diminuent depuis quelques années - elles avaient atteint 18,5 millions de tonnes en 1987 et, depuis lors, reculent de 2 à 3 p. 100 par an - tandis que les ventes de gazole progressent régulièrement : + 3,1 p. 100 en 1992, 5,3 p. 100 en 1993 et 4,9 p. 100 en 1994. Cette évolution est liée à la fiscalité favorable à ce produit et à la diésélisation croissante du parc automobile qui en résulte. Elle a pour conséquence une dépendance de plus en plus grande à l'égard des importations, dans la mesure où une production supplémentaire de gazole par les raffineries françaises entraînerait nécessairement la production d'autres produits raffinés qui ne pourraient pas être absorbés par le marché intérieur et devraient être exportés dans des conditions probablement moins avantageuses pour les raffineurs.
La diminution globale de la consommation des carburants recouvre des situations variables : les ventes de carburants sans plomb continuent de progresser rapidement (+ 30 p. 100 en 1992, 15,7 p. 100 en 1993 et 8,7 p. 100 en 1994), atteignant désormais (avril 1995) 48 p. 100 du total des ventes de carburants auto ; quant aux ventes d'essence ordinaire, elles ont fortement diminué depuis une dizaine d'années, pour ne plus représenter que 4 000 tonnes en 1994.
En 1994, les raffineurs ont assuré 62,8 p. 100 de la distribution de gros des carburants, les centrales d'achat des grandes surfaces 29,4 p. 100 et les indépendants 7,7 p. 100. Si l'on compare ces chiffres à ceux des précédentes années, on constate que le mouvement amorcé il y a une quinzaine d'années se poursuit et même s'accélère : l'effacement progressif des indépendants dans la distribution des carburants se confirme (17,3 p. 100 en 1989, 14,2 p. 100 en 1990 et 7,9 p. 100 en 1993) et la part des commerces de grande surface sur ce marché continue à progresser (16,3 p. 100 en 1989, 17,3 p. 100 en 1990 et 25,9 p. 100 en 1993).
Une évolution comparable se constate sur le marché du gazole : en 1994, les raffineurs ont effectué 68,9 p. 100 des ventes en gros, contre 71,7 p. 100 en 1993, et les centrales d'achat des grandes surfaces 17,7 p. 100, contre 14,9 p. 100 en 1993 ; la part des pétroliers indépendants, après avoir beaucoup diminué au cours des années précédentes (22,9 p. 100 en 1989), est restée stable avec 13,3 p. 100 des ventes.
Le fioul domestique, qui a représenté pendant vingt-cinq ans (de 1963 à 1987) le premier produit pétrolier par les tonnages vendus en France (37 millions de tonnes en 1973), poursuit son mouvement de recul, mais de façon moins accentuée au cours des dernières années (17,8 millions de tonnes en 1992 et 17,2 millions en 1993). Utilisé principalement pour le chauffage domestique, il est de plus en plus concurrencé par l'électricité et le gaz.
Le marché du fioul domestique se partage essentiellement entre les raffineurs et les indépendants : en 1993, les entrepositaires agréés approvisionnaient 53 p. 100 du marché (55 p. 100 en 1992) soit par l'intermédiaire de leur réseau, soit grâce à leurs filiales ; les négociants-revendeurs approvisionnaient 46 p. 100 du marché, soit une augmentation de deux points par rapport à 1992. Les commerces de grande surface restent peu actifs sur ce marché avec moins de 1 p. 100 des ventes.
Au niveau national, Total dispose des parts de marché suivantes (ventes en acquitté-réseau et hors réseau - 1994) :
Carburants : 13,6 p. 100 ;
Gazole : 14,1 p. 100 ;
Fioul domestique : 6,3 p. 100.
Total dispose sur le territoire national du plus important réseau de stations-service (3 490 stations en 1994 pour le réseau officiel et organique, contre 1 750 pour Elf), ce qui lui permet d'occuper la première position pour la distribution au détail des carburants.
Dans la zone Méditerranée-Rhône concernée par l'opération, et si l'on retient la distinction faite par Total entre "hinterland" primaire et "hinterland" secondaire selon les modes d'expédition utilisés à partir du dépôt (camion dans le premier cas, chemin de fer ou oléoduc dans le second), les ventes de Total représentent les pourcentages suivants :
Hinterland primaire :
Carburants : 16,3 p. 100 ;
Gazole : 17,3 p. 100 ;
Fioul domestique : 7,1 p. 100.
Hinterland secondaire :
Carburants : 11,4 p. 100 ;
Gazole : 11,8 p. 100 ;
Fioul domestique : 4 p. 100.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur la nature de l'opération :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante" ;
Considérant quel'opération envisagée consiste en l'acquisition par la société Total Raffinage Distribution de la participation de 21,46 p. 100 détenue par le groupe Bolloré Technologies dans le capital de la société Dépôts Pétroliers de Fos (DPF); que la société Total Raffinage Distribution, déjà propriétaire de 10,35 p. 100 du capital de DPF par le biais de ses filiales à 100 p. 100 Les Fils Charvet et Stela, deviendrait ainsi le principal actionnaire de cette société et aurait la possibilité d'en désigner le président; qu'elle disposerait de ce fait, ainsi que cela ressort des indications du dossier de notification, de quatre sièges sur onze au conseil d'administration ; qu'en outre, Total Raffinage Distribution, qui possède une raffinerie à proximité de DPF, appartient à un groupe pétrolier puissant intervenant en amont et en aval du marché du stockage ; que, dès lors,une telle opération, qui permettrait à la société Total Raffinage Distribution d'exercer une influence déterminante sur la société DPF, constitue une concentration au sens de l'article 39 précité de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les seuils de référence :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, une opération de concentration ne peut être soumise à l'avis du Conseil de la concurrence que "lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables, ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 2 milliards de francs" ;
Considérant qu'il résulte des constatations faites au I ci-dessus que les entreprises parties à l'acte dont résulte la concentration, les sociétés Total Raffinage Distribution et Scac Delmas-Vieljeux, ont totalisé sur le marché national en 1994 un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs et que chacune d'elles a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes supérieur à 2 milliards de francs ; qu'ainsi les seuils en valeur absolue fixés par les dispositions précitées de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont atteints ;
Sur les effets de l'opération sur la concurrence :
Considérant que, compte tenu de l'importance des moyens de logistique dans la distribution des produits pétroliers, l'opération examinée, qui concerne directement le marché du stockage, est susceptible d'avoir une incidence sur les marchés aval de la distribution des carburants, du gazole et du fioul domestique ; qu'il apparaît que ces marchés sont géographiquement segmentés en raison des contraintes de transport des produits et de la concentration de l'activité de distribution des raffineurs autour des zones de localisation de leurs raffineries et de leurs moyens de stockage ; qu'il convient donc d'examiner les effets potentiels de l'opération sur la concurrence dans la zone géographique pouvant être alimentée à partir des Dépôts pétroliers de Fos et du pipeline Méditerranée-Rhône, à savoir principalement le Sud-Est de la France ;
Considérant que l'acquisition de la participation du groupe Bolloré dans DPF permettrait à Total Raffinage Distribution de renforcer ses moyens de logistique à proximité de sa raffinerie de La Mède, par un accroissement d'environ 160 000 mètres cubes de ses capacités de stockage de distribution, représentant actuellement 560 000 mètres cubes sur un total de 3,8 millions de mètres cubes dans la zone considérée ; que l'opération n'aurait pour effet, ni de faire disparaître un distributeur de produits pétroliers dans le Sud-Est de la France, Bolloré Energie étant assuré de pouvoir y poursuivre son activité de distribution de fioul domestique grâce aux accords d'échange de produits et d'approvisionnement ferme qui doivent accompagner l'opération d'acquisition des actions de DPF, ni de modifier les parts de marché de la distribution pétrolière détenues actuellement par les opérateurs dans cette zone ;
Considérant, toutefois, que l'accès dans des conditions satisfaisantes aux capacités de stockage de DPF revêt une particulière importance pour les négociants indépendants et les sociétés de commerce de grande surface compte tenu, d'une part, de la localisation des installations sur le littoral méditerranéen, qui permet l'approvisionnement en produits importés, et, d'autre part, du fait que celles-ci, reliées au pipeline Méditenanée-Rhône, offrent une voie d'accès économique au couloir rhodanien ; que cette importance, soulignée par le président de la société Distriservice dans une lettre du 17 novembre 1994 adressée au vice-président de Bolloré, est attestée par le fait qu'en 1994 les sorties vers le marché intérieur de produits stockés dans les installations de DPF ont été assurées pour 61 p. 100 par les sociétés de commerce de grande surface et pour 20,3 p. 100 par des négociants indépendants ;
Considérant que l'accroissement de la participation de Total Raffinage Distribution dans le capital de DPF entraîne une modification de la structure de l'actionnariat de cette société, en diminuant l'influence des négociants indépendants et en conférant aux raffineurs français la majorité du capital ; que les raffineurs sont sur les marchés de la distribution des produits pétroliers confrontés à la concurrence des distributeurs qui importent des produits pétroliers ou se fournissent auprès des négociants indépendants, lesquels utilisent les capacités de stockage de DPF ; que la modification structurelle de la composition du capital de DPF est de nature à mettre Total Raffinage Distribution en position de faire adopter une modification des conditions de tarification des capacités de stockage de ce dépôt et de mise à disposition de ces capacités pour les sociétés de commerce de grande surface ou les négociants indépendants, propre à réduire leurs possibilités d'importation ou à renchérir leurs coûts de stockage ; qu'en effet une telle proposition, qui aurait pu se heurter à une opposition avant l'augmentation de la participation de Total Raffinage Distribution dans DPF, compte tenu de l'influence des négociants indépendants dans la gestion de cette société, risque de recueillir un écho favorable dans la mesure où elle pourrait aller dans le sens des intérêts de l'autre raffineur Elf, également en concurrence avec les commerces de grande surface, et où désormais Total et Elf détiendront la majorité du capital de DPF ; qu'en outre, l'augmentation des coûts de stockage de DPF, même si elle est appliquée uniformément à tous les utilisateurs, pourrait avoir une incidence plus forte sur les conditions d'exploitation des utilisateurs non actionnaires dans la mesure où les actionnaires bénéficieraient, en contrepartie d'une charge de stockage plus importante, d'éventuelles remontées de profit de DPF ;
Considérant, toutefois, que les risques d'atteinte à la concurrence susmentionnés n'existent que dans la mesure où les négociants indépendants ou les distributeurs clients de DPF ne disposent pas d'une solution alternative au stockage de leurs produits importés dans les installations de DPF ; qu'il résulte de l'instruction que les autres dépôts de stockage de la zone considérée présentent l'inconvénient soit de n'être pas accessibles par mer, soit de n'être pas raccordés au pipeline Méditerranée-Rhône ; qu'en particulier le dépôt de Frontignan, qui dispose de capacités très importantes, se trouve excentré par rapport au couloir rhodanien et n'est pas relié au pipeline Méditerranée-Rhône ; qu'il ne peut ainsi être considéré comme une solution alternative équivalente pour les distributeurs souhaitant avoir accès au couloir rhodanien ; que telle est d'ailleurs la raison pour laquelle la société Distriservice a pris l'initiative, à la suite de l'annonce de la concentration projetée par Total Raffinage Distribution, d'envisager la création d'un nouveau dépôt de 120 000 mètres cubes à Fos ou à Lavera ; que s'il apparaît de l'avis même de Distriservice qu'une fois cette installation réalisée les distributeurs et les négociants ne seront plus dépendants des conditions pratiquées par DPF, il reste qu'un tel dépôt ne pourrait être mis en service dans un délai inférieur à trois ans et que sa construction suppose que soient obtenues les autorisations administratives nécessaires à la création d'un établissement classé ; qu'ainsi les risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution des produits pétroliers dans la zone considérée, et particulièrement le couloir rhodanien, risques associés à l'augmentation de la participation de Total Raffinage Distribution dans DPF, s'ils ne peuvent être ignorés, sont limités dans le temps ;
Sur la contribution au progrès économique :
Considérant qu'aux termes de l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence apprécie si le projet de concentration ou la concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le Conseil tient compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale" ;
Considérant que Total Raffinage Distribution soutient, sans apporter d'éléments vérifiables, que l'augmentation de sa prise de participation dans DPF serait moins onéreuse que les travaux qu'elle aurait eu à réaliser pour rénover le poste d'expédition de La Mède et construire de nouveaux bacs près de sa raffinerie, et lui apporterait une économie d'investissement de 35 millions de francs ; qu'elle soutient également que l'opération lui permettra d'améliorer sa logistique dans l'Ouest de la France grâce aux accords logistiques signés avec Bolloré Energie ; qu'elle ajoute que cette concentration est ainsi de nature à augmenter sa productivité et, partant, celle de l'industrie française du raffinage, et contribue au progrès économique ;
Mais considérant, en premier lieu, que Total Raffinage Distribution n'apporte aucun élément permettant de penser qu'elle ne pourrait améliorer sa logistique dans l'Ouest de la France, indépendamment de l'opération envisagée, en recourant à des échanges de produits avec d'autres intervenants, raffineurs ou négociants bien implantés dans cette zone ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer établi que l'opération de concentration soit susceptible d'améliorer la compétitivité de Total Raffinage Distribution en lui permettant d'économiser 35 millions de francs d'investissement, cet avantage ne pourrait être considéré comme une contribution au progrès économique au sens des dispositions de l'ordonnance que si, compte tenu de sa modicité reconnue par Total Raffinage Distribution et de son caractère invérifiable, il ne pouvait avoir pour contrepartie une restriction de la concurrence sur les marchés de la distribution des produits pétroliers dans la zone considérée de nature à induire des coûts significatifs pour la collectivité dans son ensemble ; que cette condition sera remplie dès lors que les grandes surfaces et les négociants disposeront de solutions alternatives équivalentes à l'utilisation des capacités de DPF ; qu'en revanche elle ne pourra être satisfaite dans les trois ans suivant la concentration que si Total Raffinage Distribution s'engage à ne susciter ou n'approuver aucune mesure susceptible de conduire, directement ou indirectement, à une restriction de la capacité d'accès des grands distributeurs et des négociants clients de DPF ou à une modification des conditions financières actuellement consenties, qui ne serait pas strictement justifiée par une augmentation des coûts d'exploitation du dépôt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'analyse des effets potentiels sur le jeu de la concurrence de la modification de la structure du capital de DPF au bénéfice de Total Raffinage Distribution, alors même que les capacités de stockage de DPF sont utilisées pour l'approvisionnement de certains de ses concurrents non actionnaires sur le marché de la distribution pétrolière, est de même nature que celle adoptée par la Commission des Communautés européennes dans sa décision en date du 4 septembre 1992 relative à l'acquisition par une filiale de la société Elf Aquitaine de la société Minol ;
Considérant que, dans cette affaire, la Commission des Communautés, qui avait estimé qu'il existait un risque que, pendant les quelques années nécessaires à la construction de nouveaux dépôts, les concurrents de Elf dans les Länder de l'ancienne Allemagne de l'Est soient dépendants pour leur approvisionnement tant des fournitures des raffineries acquises par Elf que des possibilités de stockage dans les dépôts acquis par cette société, n'avait autorisé l'opération qu'au vu des engagements de Elf de fournir à ces concurrents, pendant une période de deux ans renouvelable, un accès à ses productions et à ses dépôts dans des conditions commercialement acceptables et acceptées par ces concurrents ; que, s'il est exact que les circonstances de l'espèce n'étaient pas identiques à celles de la présente affaire dès lors, d'une part, que la filiale concernée de la société Elf acquérait la totalité du capital de Minol et, d'autre part, que les capacités de stockage acquises représentaient les deux tiers des capacités de stockage totales de l'ancienne Allemagne de l'Est, il n'en reste pas moins que l'influence déterminante acquise par Total Raffinage Distribution dans DPF ainsi que les spécificités du dépôt détenu par cette dernière et l'importance qu'il revêt pour la commercialisation dans la zone Méditerranée-Rhône de produits pétroliers par certains négociants et grands distributeurs concurrents de Total Raffinage Distribution imposent que soit écarté, grâce aux engagements que devrait prendre Total Raffinage Distribution, le risque d'un affaiblissement provisoire de la concurrence sur les marchés de la distribution des produits pétroliers, consécutif à la modification structurelle du capital de DPF qu'implique l'opération de concentration examinée,
Est d'avis :
Qu'il y a lieu d'approuver l'opération de concentration notifiée sous réserve que la société Total Raffinage Distribution prenne l'engagement, pendant un délai de trois ans, de ne susciter ou de n'approuver aucune mesure susceptible de conduire, directement ou indirectement, à une restriction de la capacité d'accès des utilisateurs de DPF ou à une modification des conditions financières actuellement consenties, qui ne serait pas strictement justifiée par une augmentation des coûts d'exploitation du dépôt.